Quantcast
Channel: Blog de Jean-Claude Grosse
Viewing all 631 articles
Browse latest View live

Échange sur l'éternité d'une seconde Bleu Giotto

$
0
0

L’éternité d’une seconde Bleu Giotto
de Jean-Claude Grosse

Les Cahiers de l’Égaré

note de lecture de Louise Caron sur son blog et échange avec Louise Caron

1964
Un jeune homme une jeune femme un amour une promesse…

Le temps passe, quelques trente années plus tard, les mêmes qui ont arpenté les chemins de vie, un homme, une femme, leur amour qui perdure, leur fils et la mort brutale qui s’invite au festin.

11 septembre 2001 Départ vers Cuba d’un jeune homme, un artiste prometteur en plein épanouissement. N’était-ce pas le fameux jour où le monde a basculé cul par dessus-tête, avions d'acier dans l’acier des tours, barbarie (?) contre civilisation (?) dans un monde chaotique

le Grand Monde de l’Histoire et le petit monde des gens, ceux qui quelques jours plus tard, à la croisée des chemins mal signalisés du Triangle de la mort, s’encastrent tôles acérées, dans le monde des disparus. Que reste-t-il du fils ? La voix sur un répondeur téléphonique, un corps froid dans un tiroir métallique, un cadavre dans un cercueil plombé. Mère et Père apprivoisent le chagrin. Parcours initiatique vers un futur où le fils n’est plus que ce qu’ils en conservent. Lambeaux de vie, poussières de vie. Le temps passe. Moins de dix ans, et la Mère, l’épousée, la femme de l’homme, est à son tourconviée au festin de la mort. L’homme dit au moment de l’envol : « Ta chaise t’attend pour traverser notre seize mille huit centre trente-sixième nuit d’amour. Et le temps passe, le temps a passé.

2028

Autant dire aujourd’hui la voix sur le répondeur est celle de l’Épousée. Et plus tard le train qui emmène l’homme au lac BaÏkal, à la source de l’amour, avalera le temps présent. Et tous les Riens de la vie avec un s.

Dans ce texte superbe et déstabilisant, l’auteur transmute ses souvenirs en autant de questions existentielles auxquelles il ne donne pas de réponse. C’est à nous lecteur, auditeur, spectateur de cette Éternité d’une seconde, qu’il laisse la faculté de répondre. Au moins d’y réfléchir.

NB: Dans un échange avec l'auteur est venue cette question:

qu'est-ce qui vous déstabilise dans ce récit qui est à lire comme une fiction ?

Question à laquelle j'ai tenté d'apporter une réponse que je retranscris.

Oui, la lecture de ce texte, sa construction aussi, m'ont déstabilisée, ébranlée. Pour prendre un exemple moléculaire, ce fut comme si, assistant à l'Oeuvre au noir, j'avais été le témoin d'une chose impossible, voir dans une cornue du plomb se changer en or. Eh bien, votre récit m'a ébranlée de cette façon-là. J'ai vu de mes yeux, sous vos mots, la transmutation de la mort en vie. La façon objective que vous proposez de vous (de nous) arranger avec la mort, avec vos (nos) morts, avec les morts imaginaires ou réels de l'auteur ou d'un quelconque lecteur, réussit à transformer la disparition charnelle en vie intérieure, sans aucun pathos, sous le regard du lecteur-spectateur. C'est une façon d'entrainer celui qui lit sur la voie de l'acceptation de l'inéluctable et de rendre la souffrance, non seulement acceptable, mais nourrissante. Et cela avec une poésie, un art du mot et de la composition dramatique.
Et j'en fus ébranlée.

Louise Caron

ce vécu racontée par Louise Caron m'a été offert hier chez de très vieux amis où j'ai passé un long et bon moment; conversation comme souvent d'échanges littéraires, politiques, en particulier sur Viva de Patrick Deville, Malcolm Lowry, ce qu'en dit Clément Rosset et un auteur découvert dans l'encyclopédie des nuisances, Dwight Macdonald, Une tragédie sans héros, essais critiques sur la politique, la guerre et la culture (1938-1957)
la femme amie me dit après que je leur signale que la conversation que nous avons et qui passe, nevermore, devient vraie pour l'éternité, forever, lui fait vivre ce moment comme suspendu, sensation très physique de flottement, de légèreté, de reflux de la nostalgie
ça, je suis bien sûr incapable de le prévoir ou de le savoir
je suis en tout cas content si ces mots produisent de tels effets; chez moi, j'observe cet allègement, ces rires qui montent, ce n'est pas bêtifiant, genre la gomina amour sur tout; c'est une simplicité du regard qui s'installe avec cette unité des contraires, oxymorisation du réel alors qu'on le voit duel, conflictuel.
JCG

Échange sur l'éternité d'une seconde Bleu Giotto

Dernières parutions des Cahiers de l'Égaré

$
0
0
Dernières parutions des Cahiers de l'Égaré
Dernières parutions des Cahiers de l'Égaré
Dernières parutions des Cahiers de l'Égaré

sont parus en novembre 2014

L'éternité d'une seconde Bleu Giotto

de Jean-Claude Grosse

ISBN : 978-2-35502-050-6 - 48 pages - 10 €

Là où ça prend fin

de Jean-Claude Grosse

ISBN : 978-2-35502-051-3 - 84 pages - 12 €

Où étais-tu ?

de Natalie Rafal

ISBN : 978-2-35502-052-0 - 96 pages - 12 €

La jeune garde plurielle du Président

$
0
0
La jeune garde plurielle du Président
La jeune garde plurielle du Président
La jeune garde plurielle du Président

attention humour,


notre grand chef d'aujourd'hui qui a tout compris depuis les assassinats

renouvelle sa jeune garde à l'Élysée, des trentenaires, jeunes femmes et jeunes hommes;
lisez L'Obs ; regardez les photos
il y a un "nègre" issu de la cité des 1000 vaches à Stains,
une "arabe" issue du ghetto des oeillets du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie
il les a choisis parce que sans diplômes,

ayant la haine de la France et de ses valeurs;

particulièrement débrouillards et convaincants,

un bagout du tonnerre;
il leur a confié la mission de convertir à l'esprit saint du 11 janvier,

les laissés pour compte depuis 30 ans,

les candidates au djihad, pour le repos des guerriers

celles et ceux qui n'ont jamais quitté la case départ
1% de la nation est sous le choc devant une telle promotion et proposition;
l'ENA s'est mise en grève
les 1000 héritiers se sentent lésés;

ils dénoncent la dérive égalitariste du chef suprême des armées
les 10 000 000 de déshérités sont ravis

les ravis dans le midi ce sont les simples d'esprit

ils ne sont jamais désespérés par les catastrophes
les millions de précaires dansent dans le pré carré des grands

ils chantent La Jeune Garde

Prenez garde ! Prenez garde !
Vous les sabreurs, les bourgeois, les gavés, et les curés
V’là la jeune garde ! V’là la jeune garde,
Qui descend sur le pavé.
C’est la lutte finale qui commence,
C’est la revanch’ de tous les meurt de faim
C’est la révolution qui s’avance,
Et qui sera victorieuse demain.
Prenez garde ! Prenez garde ! A
la jeune garde !

se rend-il compte de ce qu'il a fait, le président ?

JCG

Le "nègre" comme tu dis, c'est pas celui qui est assis dans le fauteuil,
avec ses grosses lunettes, l'air hautain et sûr de lui?
Putain, ces nègres, on leur donne une promotion et ils sont prêts à nous
bouffer tout crus.
Qu'on les laisse dans leurs cages à poule, à Stains, Bobigny ou Bondy.
D'ailleurs, j'en connais un à Bondy, pas piqué des vers. T'y crois pas! Le
mec y s'prend pour un écrivain, il fait même des mises en scène et il espère
qu'on va venir les voir. J'me marre. J'en connais aussi un à Nantes. Pareil!
Tu leur donnes un stylo et ils font rien qu'à nous emmerder. Tu t'rends
compte, il a fait mettre en scène par un Iranien, un Iranien, tu vois le
genre, une pièce où il a bafoué not' De Gaulle national. Il en a parlé, il a
prononcé le nom sacré, il l'a caricaturé. Blasphème! D'ailleurs c'est bien
simple black out! On n'entend plus parler de ce truc là. C'est comme l'autre
là, le Martiniquais, alors lui c'est le pompon! Tu sais le mec qui se la
jouait avec ses airs... ses airs... ses grands airs. Le mec il s'est
tellement bien démerdé qu'il a fini au Panthéon. Ah! J'vous jure. Alors là,
si on commence comme ça, c'est la fin.
Allez JC! Un dernier coup de blanc.
Alain

ah mais je les reconnais ces "nègres" que tu décriEs,
un porte un Marcel justaucorps, un parle à son perroquet Aimé et un siffle son chien Alain
ils pratiquent avec pèresévérance les rites vaudous
leur syncrétisme religieux les a amenés à mélanger diverses couches de croyances, animistes, catholiques, à inventer des candomblés
astucieuse façon d'être invisible aux détecteurs de mensonges
ce dont devrait s'inspirer l'"arabe" dénichée par le chef, à son retour de la terre ensainte
OK pour le coup de blanc, du blanc de blanc intégral SVP
avec cette vidéo où la seule qui ne dit mot est l'iranienne Golshifteh Farahani

Regardez-moi A cet instant, nu Libre de corps et d’esprit N’ayant subi de pression que de moi-même Je me livre corps et âme Vierge encore je succombe Je rentre dans le désordre Mon ADN éparpillé à jamais J’entre dans la danse Évadé de moi-même Mon art sera de jouer De vos rêves je serai la chair Je ferai vibrer les mots subtils Comme des fruits sur ma langue Je vous donne ma peau Ensanglanté, encensé, comblé De larmes et de rires Je couperai votre souffle De cris, de lumière De foule je veux me souler Votre impossible, votre inavouable Revêtiront mes traits

JCG

Ultimes réflexions / Marcel Conche

$
0
0
Ultimes réflexions / Marcel Conche
Ultimes réflexions / Marcel Conche

Ultimes réflexions

Marcel Conche

éditions HD, janvier 2015

236 pages, 22 €

présentation du livre par l'auteur lui-même :

Dans cet ouvrage, j’ai voulu avant tout mettre l’accent sur certaines distinctions sans lesquelles ma philosophie, telle que je l’ai résumée dans Présentation de ma philosophie (HDiffusion 2013), ne peut être correctement comprise : distinction entre conscience et pensée, argument et preuve, cause et raison, ensemble pensable en un et ensemble inassemblable, « être » et être vrai, infini et indéfini, monde et univers, univers et Nature, science et métaphysique, libre arbitre et liberté, etc.

Cependant, ma réflexion aborde aussi d’autres sujets : la solitude, l’amitié, l’animalité, Descartes au secours de la religion, Epicure, Socrate et les dieux, l’originalité philosophique de Montaigne, Pascal et le pari, etc.

note de lecture de Jean-Claude Grosse :

Le dernier livre de Marcel Conche comporte 50 essais de 3 à 6 pages, essais de philosophe se confrontant sur tel ou tel point à Descartes, Heidegger, Pascal. Montaigne très présent comme d'habitude est très éclairant, évident. En particulier en ce qui concerne l'homme et l'animal, au moment où la loi reconnaît que les animaux sont sensibles.

Alors que l'ambiance générale sur la planète est au réchauffement des eaux, des températures, de la calotte, des esprits religieux, souvent instrumentalisés, à la montée des eaux, à la violence des vents et des affrontements religieux, des guerres de religion même, paravents d'autres guerres plus économiques, ce livre est un plaidoyer non pour la sobriété heureuse, pour la décroissance, pour la régulation des banques, pour la laïcité mais pour la liberté de penser par soi-même, laquelle suppose que la liberté soit première en l'homme ; la nature de l'homme, le propre de l'homme est non le langage, non le rire mais la liberté ; l'homme ne vit pas que dans son monde de paysan s'il est paysan, il peut en sortir, se libérer de sa lecture et de sa pratique paysanne du monde ; il est dans l'Ouvert, pouvant accueillir en homme naturel par la contemplation, la beauté qui l'entoure, il peut user de sa raison et soumettre à son jugement ce qui se présente : pleut-il ? Il pleut dit-il parce qu'il pleut réellement. Un chat lui ne peut sortir de son monde de chat coursant souris et oiseaux. Évidemment, milieu, éducation, traditions vont tenter de limiter cette liberté libre qui va se transformer en liberté sous influence, voire en aliénation, l'aliénation religieuse étant fort répandue. 3 font 1 apprend-il, c'est le mystère de la trinité, rien à comprendre, y croire du fond du cœur qui finit par lâcher. La reconquête de sa liberté première n'est le choix que d'un petit nombre. C'est une affaire individuelle, une démarche personnelle, une démarche philosophique qui va prendre ses distances avec les préjugés, les illusions, va soumettre à la question ce qui semble aller de soi ou cherche à s'imposer plus ou moins insidieusement comme vérité, comme évidence.

Il semble aller de soi que les sociétés ne vont pas favoriser de tels cheminements personnels, elles vont bien plutôt fabriquer comme dit Chomsky, le consentement, la soumission volontaire. Les sociétés ne vont pas reconnaître la nécessité vitale de philosopher, ne vont pas salarier ni retraiter des individus faisant choix de philosopher. Il n'y a aucune utilité sociale à philosopher. Ça risque de devenir des désobéissants. Le philosophe soucieux de vérité devra donc gagner sa vie à côté de sa recherche ou fera la manche comme Socrate. Philosopher est donc risqué, ce que montre très bien le portrait de Socrate par Rabelais : Alcibiade disait que Socrate à le voir du dehors et à l’évaluer par l’aspect extérieur, vous n’en auriez pas donné une pelure d’oignon, tant il était laid de corps et d’un maintien ridicule, le nez pointu, le regard d’un taureau, le visage d’un fou, le comportement simple, les vêtements d’un paysan, de condition modeste, malheureux avec les femmes, inapte à toute fonction dans l’Etat ; et, toujours riant, trinquant avec chacun, toujours se moquant, toujours cachant son divin savoir. Mais, en ouvrant cette boîte, vous y auriez trouvé une céleste et inappréciable drogue : une intelligence plus qu’humaine, une force merveilleuse, un courage invincible, une sobriété sans égale, une égalité d’âme sans faille, une assurance parfaite, un détachement incroyable à l’égard de tout ce pour quoi les humains veillent, courent, travaillent, naviguent et bataillent. Ou pour être Socrate, fréquenter le bar du bon coin, rire avec les compères des brèves de comptoir, fermer sa gueule, la liberté d'expression c'est pour les autres, être prudent quoi, éviter d'être rejeté en faisant profil bas, ne pas partager son divin savoir. En ces temps Je suis Charlie, je ne suis pas Charlie, ne pas mettre de l'huile sur le feu.

Évidemment Marcel n'est pas Socrate, chaque philosophe l'est avec sa personnalité, son génie. Distinguons, la personnalité soit ce qui est donné, inné, le caractère et ce qui est acquis par l'éducation, puis modifié par ma liberté. Le génie soit la petite voix qui me dit de ne pas aller là, qui me détourne du chemin, me fait sortir du convenu, de l'attendu. Mon génie m'a invité à démissionner de l'armée en 1964 au retour de l'Algérie, j'aurais fini chef d'état-major des armées. Je suis devenu professeur. Quant à Marcel, vous ne le verrez pas au bar du coin, écrire des tribunes libres, faire des conférences partout dans le monde, aller à la télévision. Il a des opinions étayées sur bien des choses mais il n'en fait pas l'essentiel. Quand il exprime une opinion à des amis, il peut arriver qu'elle tranche par rapport à l'opinion dominante, liberté d'esprit là encore.

Marcel Conche, philosophant pour soi, s'est ainsi libéré de la religion catholique à partir d'un sentiment, d'une émotion insoutenable devant la souffrance des enfants, émotion liée à la lecture de Dostoïevski et non par la vue de souffrances réelles. La souffrance des enfants est devenue le mal absolu et a entraîné la dissolution philosophique, argumentée des notions de Dieu, de Monde, d'Homme, d'Ordre. Marcel Conche a rejeté toute la philosophie théologisée, Descartes, Kant, Hegel. Et devenu athée, sans le proclamer, sans chercher à convaincre quiconque, il a cherché la métaphysique qui pouvait convenir à ce qu'il appelle sa proto-expérience et qui tient en 6 évidences, pages 188-189. Ce qui est frappant, c'est la place occupée par sentiments et émotions dans ce parcours, moins des émotions personnelles, liées à sa subjectivité que des émotions impersonnelles, comme objectives, en lien direct avec ce qui se produit, ce qui se manifeste. La première évidence de cette proto-expérience est un sentiment océanique : d'abord je ne suis pas seul, mais comme au milieu d'un océan ; il y a d'autres êtres ou choses de tous côtés, devant, derrière, dessus, dessous, à perte de vue, à perte d'imagination, à perte de pensée. Ce sentiment océanique enveloppe le sentiment de l'infini – au sens d'indéfini. (pages 188-189)

Libéré de Dieu comme cause unique de toute la diversité du réel, Marcel Conche élabore une métaphysique non pour rendre compte de cette diversité mais pour chercher la vérité sur le Tout de la Réalité. Et ce Tout pour lui c'est la Nature. Ce qui nous apparaît, dans sa diversité, dans sa beauté c'est la nature, beauté d'un coucher de soleil, d'un paysage, diversité de ce qui s'offre au regard, milliers de feuilles toutes différentes d'un arbre, fleurs sauvages d'un champ, colonne de fourmis. Au-delà de la terre, c'est l'univers, étoiles, planètes. C'est la nature naturée, créée par la nature naturante, la Nature, qui se cache derrière ce qu'elle crée et donne à voir. Le hasard est ce qui œuvre à l'aveugle, sans plan préconçu, sans but, sans téléologie d'ensemble mais avec une finalité pour chaque être créé, qu'il soit bon pour la vie, fait pour vivre sa vie de chien, de fourmi, de feuille.

Pour la 1° fois, Marcel Conche emploie un mot qu'il n'a jamais employé, le principe énergie. Le principe unique et suprême de l'existence et de l'activité universelles c'est le principe énergie, un principe infini, éternel, impersonnel, il y a l'énergie, principe unique faisant apparaître, disparaître toute chose, tout « être », en nombre indéfini, soit un nombre fini qui aussi grand qu'il soit ne rejoindra jamais l'infini, nombre indéfini d' « êtres », nombre incommensurable mais jamais infini, sans origine ni fin car le temps est éternel.

Marcel Conche a de nombreuses fois montré les impasses où nous conduit l'usage du mot « être », la confusion entre « être » et « exister ». À l'Être, il substitue le Il y a. L'Être n'est pas Dieu. Il y a l'Énergie. La créativité hasardante (hasardeuse) de la Nature, créativité depuis toujours et partout, ce qui veut dire que ce qui « est », qui « existe » ne vient pas de rien et ne retourne pas au rien, au néant . Cette créativité aveugle est le fait de l'Énergie perpétuelle, de la Vie éternelle qui fait que toute chose créée est bonne, faite pour la vie, pour vivre son temps de vie fini. Les choses, les êtres créés, livrés à la vie, à la mort ne forment pas dans leur incommensurable, leur indéfinie diversité, un ensemble ordonné, cohérent, un monde. Chaque être a son monde, le monde de l'abeille, le monde de la mouche, ces mondes sont en quelque sorte inaccessibles à toute connaissance, l'abeille ne peut accéder au monde de la mouche et l'homme pas davantage. Et ces mondes sont inassemblables. Il n'y a pas l'ensemble de tous les mondes. On ne peut trouver un ordre, un sens à toutes ces créations. Seulement qu'issues de la Vie éternelle, elles sont vivantes, éphémères, changeantes, de la jeunesse à la vieillesse et à la mort. Mais à la différence des religions, la signification de la mort ne nous est pas donnée. Anaximandre, le premier philosophe, ayant intuitivement compris que le fini ne peut engendrer le fini, pense que seul l'infini peut engendrer l'indéfini des finis. La mort s'expliquant par une sorte de justice ontologique, un rendu pour un donné. On meurt parce qu'on a eu du pot d'apparaître, faisant injustice à ceux qui n'ont pas eu ce pot (un spermatozoïde accrocheur s'accrochant bien à un ovule mais SVP ne me réduisez pas à ce hasard et ne développez pas non plus la chaîne causale, spermato paternel, ovule maternel et en remontant), réparation de l'injustice première pour d'autres chances, d'autres malchances. Quand on pense que ça date de 2700 ans, que ça tient dans une phrase, remarquablement commentée par Marcel Conche dans son Anaximandre (PUF).

L'homme comme création de la Nature a comme caractéristique, que n'ont pas les autres êtres, d'être dans l'Ouvert, il l'est quand il échappe aux soucis de son monde de paysan, quand il est homme naturel qui contemple, qui pense, qui juge, qui éprouve. Cet homme peut donner à sa vie, un sens, une valeur, librement, alors que sa vie est éphémère, qu'il n'emportera rien, que tout ce qu'il aura réalisé sera oublié, disparaîtra. S'il veut le meilleur de ce qu'il est capable de créer, créateur un peu à l'image de la Nature (créer c'est ne pas savoir à l'avance ce qu'on va créer), il vivra comme un sage tragique, voulant le meilleur qui par la mort ne vaut pas plus que ce qui ne vaut rien. Cette indifférence de la Nature à la valeur est essentielle à éprouver. Le choix de nos valeurs, choix qui fonde notre éthique, notre manière de vivre nous appartient, les uns pour l'argent, les autres pour le pouvoir, d'autres pour la gloire, d'autres pour le bonheur, un peu pour la vérité. Nous pouvons aussi vivre comme les feuilles au vent d'Homère ou jouer aux dés ou à la roulette russe (chargée si possible) les moments clefs de notre vie, APBLC.

Cette sagesse tragique voulue par Marcel Conche me semble être issue de sa 1° métaphysique, celle de l'apparence absolue. Tout est voué à disparaître sauf le Tout, le Il y a. Mais on voit bien qu'il y a une inégalité, la mort est la destination de toute chose, de tout être, elle n'est pas la destination du Tout. La Vie éternelle, l'Énergie perpétuelle ne sont pas mortelles. Le Temps éternel n'est pas l'ennemi mortel de la Vie éternelle. Si dans le monde des apparences, dans la nature naturée, la guerre est père de toutes choses selon Héraclite, la guerre n'est pas le principe à l'oeuvre par et dans la Nature. Le principe Énergie (qui donne Vie) crée des êtres bons pour la vie, c'est-à-dire équipés pour vivre. Une vie saine favorisera une espérance de vie plus grande qu'un vie d'excès. On peut décliner chacun pour soi ce que suppose au quotidien, de vivre selon sa nature, sa singularité, son unicité. C'est créer en quelque sorte sa vie et non pas suivre un chemin écrit d'avance, suivre des préceptes inculqués par une éducation qui conforme. Une vraie éducation laïque, éducation à l'universel, favoriserait ce devenir ce que l'on est. Mais on peut aussi vivre APBLC, se livrer à l'aléatoire ; je crois qu'il faut une sacrée force, un sacré détachement pour vivre ainsi SDF, précaire quand c'est par choix ce qui doit être rare. Il y en a d'autres qui utilisent le détachement à des fins spirituelles mais ne pratiquant pas la méditation transcendantale, je fais silence, le propre du sage que je suis en train de devenir.

L'énergie évoquée par Marcel Conche a un statut de principe, d'évidence ; elle n'est pas définie. Je pense qu'il faut éviter de la voir comme la voit les savants (e = mc2) mais aussi comme la voit des traditions spirituelles fort anciennes.

Il me semble que la 2° métaphysique de Marcel Conche, sa métaphysique de la Nature, avec son principe Énergie peut ouvrir une autre perspective que la sagesse tragique telle que conçue, pratiquée par lui : faire ce que je peux de meilleur même si cela doit disparaître. Cette sagesse tragique se vit dans le temps rétréci, le temps des projets, le temps court de nos vies. Elle ne se soucie pas du temps infini, éternel qui est celui de la Nature et dans lequel nous sommes inscrits, comme un éclair dans la nuit éternelle dit Montaigne.

Certes, je suis mortel, je le sais et philosophe, sage plutôt, je l'accepte. Mais mon corps mort ne va pas au néant, au rien, il n'y a pas de rien ; il n'y a pas Rien puis quelque chose ; la question pourquoi quelque chose plutôt que rien n'est pas une question métaphysique ; il y a depuis toujours et partout et ce il y a qui engendre ce qu'il y a, tout ce qu'il y a, dans sa diversité indéfinie, c'est le principe énergie ; mon corps mort se dégrade en un degré inférieur de la matière, non matière vivante et pensante, mais matière inerte. Comme le mot matière me parle peu, je préfère dire que mon corps mort revient au grand brassage particulaire, revient à l'énergie. Venu des poussières d'étoiles, il retourne aux poussières d'étoiles, restitué à la Vie comme énergie pour d'autres usages au hasard.

Incidente : les sciences tentent toujours d'expliquer le supérieur par l'inférieur. En ce sens, elles dégradent les spéculations élevées en spéculations grossières mais l'homme expliqué par l'animal n'est plus l'homme, l'âme expliquée par le corps n'est plus l'âme, la pensée expliquée par le cerveau n'est plus la pensée, la vie expliquée par la matière n'est plus la vie (page 199).

Quant à ce que nous avons pensé, éprouvé, nos productions immatérielles, en même temps qu'elles passaient, nevermore, elles devenaient vérités éternelles, forever, en ce sens que rien ne peut faire que ce que j'ai dit, pensé, éprouvé à tel ou tel moment n'ait pas été dit, pensé, éprouvé. Dans la mesure où ces productions immatérielles sont en nombre indéfini, de notre naissance à notre mort, on peut dire que toute notre vie s'inscrit comme vérité éternelle dans le « monde des vérités », que notre livre d'éternité s'écrit au fur et à mesure de notre vie, enregistrant tout, fidèlement, sans falsification possible, que ce livre d'éternité n'est pas écrit d'avance, qu'il ne servira à aucun jugement dernier puisque sont enregistrées aussi bien nos bonnes pensées, nos bonnes actions que les mauvaises.

Ma métaphore du livre d'éternité de chacun est à prendre avec des pincettes. Ce livre enregistre-t-il au fur et à mesure dans un ordre chronologique ? Ce livre est-il une suite aléatoire de feuillets sans queue ni tête à notre image , suite même pas reliée mais feuillets volants livrés aux vents des univers ? Il faudrait un vrai nouveau Cyrano de Bergerac pour imaginer ça.

Évidemment, j'ignore si le temps utilisé dans ce livre relié ou délié est le temps qui se compte en secondes Bleu Giotto, temps linéaire. Est-ce un temps circulaire, celui des cycles menstruels pour les dames ou celui du rythme priapique saccadé pour les messieurs, celui des saisons ? Il y a là un petit problème que je laisse aux génies.

J'ignore où se situe ce « monde des vérités », cette bibliothèques des idées dont Marcel Conche dit qu'elles sont éternelles, indépendamment de la langue, mortelle, dans laquelle elles sont formulées (page 46). J'ignore dans quel espace-temps nos productions immatérielles retournent, sont enregistrées pour l'éternité, un peu à la manière de nos traces ineffaçables sur internet.

J'ignore si cette bibliothèque avec tous nos livres d'éternité est bien rangée, j'ignore si des usages sont faits et par quoi, par qui, de nos idées, de nos émotions, de nos sentiments mémorisées.

C'est peu probable que ce soit bien rangé dans la mesure où nos vies sont assez peu ordonnées, sensées. Nos vies sont largement gouvernées par le hasard, au petit bonheur la chance (la martingale APBLC existe en Bourse ; il a été montré qu'un Parlement travaillerait mieux si une fraction importante des représentants du peuple était tirée au sort dans la population puisque ces députés ou sénateurs aléatoires obligeraient les professionnels de la politique à oeuvrer dans l'intérêt du plus grand nombre et non pas pour leur seule clientèle).

Nos décisions, des milliards de décisions, de choix, sont rarement pensées, elles sont irrationnelles pour la plupart, hasardées comme le fait la Nature, à la différence que nous, nous choisissons ou hasardons des coups de dés à effets secondaires imprévisibles, bénéfiques ou maléfiques car nous ne décidons pas pour que ça vive, que ça favorise la vie mais pour que ça rapporte, que ça nous mette en avant. Nos milliards de coups de dés, nos milliards de coups de roulette russe (à blanc ou chargée) pour vivre au jour le jour comme nos plans de carrière, nos plans d'épargne, nos plans de retraite pour vivre rassuré, assuré, tout ça semble produire un patchwork indescriptible, un désordre généralisé, universel, du mouvement brownien indéfini, non saisissable même par les machines statistiques les plus sophistiquées, les plus puissantes. C'est le règne des processus stochastiques. On comprend que les savants préfèrent chercher et trouver des constantes universelles que les lois du chaos humain.

En tout cas, il me semble qu'on peut décliner des usages possibles dans notre vie de chaque jour de cette métaphore du livre d'éternité que nous écrivons, dans le plus grand bordel. On passe du nez dans le guidon qu'on contrôle, croit contrôler à une perspective sidérale et sidérante de schuss et de slaloms hors-piste sur poudreuse imprévisible et avalanches pressenties.

La science peut-elle nous éclairer ? Il me semble que le savoir, les connaissances scientifiques, innombrables, non connues, non maîtrisées, mal articulées par la plupart des gens ne peuvent nous servir à voir vraiment, d'autant que ce que l'on sait accroit exponentiellement ce qu'on ne sait pas.

Comment voir le ciel si on essaie de le voir comme univers avec ce que l'on sait aujourd'hui de l'univers. Cet univers des savants est un objet intelligible, difficilement intelligible d'ailleurs et cela est vrai de toutes les disciplines, comprises de quelques-uns seulement ; ce n'est pas un univers que je vois. Et toutes les animations en 3D qu'on me présente ne me font pas voir. Je vais éprouver de l'émerveillement ou de la terreur devant les chiffres proposés, les images présentées. Mais je ne vois plus le ciel sans voir pour autant l'univers.

Pareil pour le corps devenu planches anatomiques et animation des minuscules qui nous colonisent, de quoi te foutre la trouille tellement ce savoir te disperse quand toi tu te vois un.

Le savoir va complexifier, peut-être même dissoudre notre vision. On perdra le regard naïf, le regard étonné qui fut celui qui inaugura la philosophie, le regard de l'homme naturel, de l'homme dans l'Ouvert. Ce savoir n'est pas propice à vivre en vérité dans la mesure où ce savoir se veut pouvoir sur la nature et sur l'homme selon le projet de Descartes (devenir maître de la nature), projet qui nous conduit dans le mur.

Jean-Claude Grosse

Poèmes d'amour pour 14 février et tous les jours de toujours/J.C.Grosse

$
0
0
Ce 14 février 2015, elle aurait eu 67 ans.

 

Dans le noir, on entend des rafales de vent, des hurlements et chants de loups

Dans le silence et le noir, on entend 

une voix de jeune fille, pure, douce, affirmée, sans hésitations :

 

Mon p'tit chat ! attends mon p'tit mot !

J'attends le transsibérien. Tu m'attends mais je ne sais rien de là où tu es, où je vais. La vie m'attend aujourd'hui, cuisses ouvertes. Si tu veux savoir où tu es dans mon corps et dans mon cœur, ouvre la chaumière de mes yeux, emprunte les chemins de mes soleils levants, affronte les cycles de mes pleines lunes. Je voudrais avoir des ailes pour t'apporter du paradis. Des ailes de mouette à tête rouge ça m'irait bien pour rejoindre ton île au Baïkal. Je transfigurerai les mots à l'image de nos futurs transports. Je te donnerai des sourires à dresser ta queue en obélisque sur mon ventre-concorde. Nos corps nus feront fondre la glace de nos vies. Avec des rameaux de bouleaux, nous fouetterons nos corps nouveaux dans des banyas de fortune. Je t'aimerai dans ta nuit la plus désespérée, dans l'embrume de tes réveils d'assommoir, dans l'écume de tes chavirements. Je courrai sur les fuseaux horaires de ta peau, vers tes pays solaire et polaire. Nous dépasserons nos horizons bornés, assoirons nos corps dans des autobus de grandes distances, irons jusqu'à des rives encore vierges. Nous nous exploserons dans des huttes de paille jaune ou des isbas de rondins blonds. J'aimerais mêler les sangs des morsures de nos lèvres, éparpiller les bulles de nos cœurs sur l'urine des nuits frisées, sous toutes les lunes de toutes les latitudes. Je m'appuierai sur ton bras pour découvrir la vie, ne jamais lâcher tes rives éblouies, arriver là où ça prend fin avec des bras remplis de rien … J'aime les cris de nos corps qui s'épuisent à vivre. Je t'ai ouvert un cahier d'amour où il n'y aura jamais de mots, jamais de chiffres. Il n'y aura que des traces de chair, des effluves de caresses et des signatures de mains tendres. Il y aura des braises dans notre ciel, des fesses dans nos réveils. À la fin du cahier, je t'aimerai toujours et nous pourrons le brûler plein de sperme et de joie.

Ton p'tit chat

P1010444-copie-1
La mouette est partie le 29 novembre 2010,
en un mois, d'un cancer foudroyant.

 

Poèmes d'amour et d'Annieversaire
pour 14 février

et tous les jours de toujours

undefined 

 

 

mon testament amoureux en textures végétales, réalisé par Aïdée Bernard, pièce unique, exposée à Champsaur, achetée par la bibliothèque Méjanes d'Aix en Provence; testamant, test-à-ment, qui dit vrai ?
mon testament amoureux en textures végétales, réalisé par Aïdée Bernard, pièce unique, exposée à Champsaur, achetée par la bibliothèque Méjanes d'Aix en Provence; testamant, test-à-ment, qui dit vrai ?
mon testament amoureux en textures végétales, réalisé par Aïdée Bernard, pièce unique, exposée à Champsaur, achetée par la bibliothèque Méjanes d'Aix en Provence; testamant, test-à-ment, qui dit vrai ?

mon testament amoureux en textures végétales, réalisé par Aïdée Bernard, pièce unique, exposée à Champsaur, achetée par la bibliothèque Méjanes d'Aix en Provence; testamant, test-à-ment, qui dit vrai ?

Dans le sillage de Baïkala (toast à l'amour !)

$
0
0

NB : la mise en page originale comme l'indique l'oeuvre réalisée par Aïdée Bernard en dentelles végétales, est faite de lignes courtes d'où une longueur insupportable pour le blog ce qui explique les pavés ici et là; la lecture à voix haute doit permettre de retrouver la fluidité du texte.
JCG

Dans le sillage de Baïkala

À l’amour jour après jour jusqu’à ce que ça fasse toujours !
À l’amour qui surgit au détour et dure moins d’u
n jour !

1 -

Je l’appelle Baïkala sirène reine du Baïkal
Je l’ai vue vivre exister 18 jours durant sur 40 kilomètres de littoral rivages de sables galets
graviers rochers
Vivre exister telle un papillon légère gracieuse élégante posant main pied regard ici puis là butinant quoi ?
J’ai aimé cette vie de virevoltes révoltes
cette présence impudente imprudente offrant ventre bras cuisses et jambes au soleil à la pluie aux vents
bargouzine kultuk sarma
Impossible après quelques jours de ne pas voir l’évidence
Une chance un bonheur s’offraient à moi
Je l’appelle Baïkala cette chance ce bonheur éphémèrement posés à côté de ma vie déposée sur le rocher
Mes yeux charmés ont regardé contemplé admiré vol pose envol
J’ai regardé Baïkala bouche bée décontenancé déboussolé
mes repères n’opéraient plus
pourquoi étais-je autant attiré ?
Amoureux d’un amour surgi au détour oui je veux bien oui et donc décider oui je veux bien oui aimer à l’ancienne l’amour qui dure moins d’un jour
Poète tu dois ne jamais connaître même le premier baiser
C’est ainsi que des hommes meurent rossignols mon amour ! (La Parole éprouvée, 2000)
Ne rien provoquer ne rien attendre ouvert offert
parfums de confidences
attirance pour l’ivresse
absence de confiance
souffrances à l’ancre
regards mauvais d’hier
mains sales d’avant hier
se raconter l’un l’autre
courtes rencontres
opacités se voulant transparences
avec prudence
en toute confiance dire le plus intime avec puis sans retenue
se dire se rêver se déconstruire reconstruire choisir les mots doux non les gestes possessifs
les prouesses verbales non les caresses sensuelles
opter pour un mélange d’amour platonique et fol’amor
Certes ce corps a déjà été joué caresses imposées sales jeux de mains
mais je le vois moi corps devant se respecter être respecté
Prends ton temps Baïkala !
Aime ce corps-là sans projet pour lui
sans projet de lui sur autrui
sans projet d’autrui sur lui
un petit instant instant suspendu avant détermination destination
Corps à ne pas toucher
En cela tu diffères du fin’amant
le corps de la domna lui est inaccessible barré par le mari
Ici c’est toi qui décides de ne pas t’en approcher
Pourquoi tout ce cinéma ? demande le Malin
Pour ce corps-là choisir le non agir
Laisser libre ce corps papillon papillonner sur tous bords de ce monde sans souci de butin Tu dis ne rien attendre interroge le Malin
Impossible défi
Que fais-tu de tes pulsions ?
Tu ne peux pas ne pas sentir ton sexe s’habiter de vie à donner de plaisir à prendre de jouissance à provoquer ?
Mais oui Malin au petit matin j’érige et quoi ? ce sexe têtu l’est moins que ma décision de sublimation
Oui Malin j’opte pour les mots doux
nous livrant l’un à l’autre nous délivrant de nos démons
Dire en mots doux ce que je m’interdis est cadeau à cette peau si lisse
que tu crois qu’elle t’attend qu’elle est faite pour tes doigts
il y a eu les caresses imposées des sales jeux de mains
Mes mots doux dureront plus longtemps que toute caresse
Mes mots doux de poète pour tenter de bien dire les finesses de la fin’amor ajouteront à la beauté du monde seront mots doux par d’autres lèvres pour d’autres corps d’autres bords
Tu vois bien que tu n’es pas sans projet pour Baïkala
tu veux du pouvoir sur elle l’influencer par tes mots doux siffle le Malin
Oui tu as raison je veux l’influencer nous sommes tous sous influences
je veux la mienne bénéfique gratuite comme elle est don gratuit
par sa présence son existence
Ah ! le sillage de Baïkala !
Quels mots doux utiliser dernière chance premier bonheur de ce matin ?
Je suis à 20 centimètres de tes lèvres
Y poser les miennes sans crier gare
acte manqué Non !
Je me vois poser un doigt sur ta lèvre supérieure pas l’index trop attendu le petit doigt plus délicat
Il dessine le contour s’attarde sur le duvet s’humecte de ta salive glisse sur ta lèvre inférieure n’essaie pas d’ouvrir ta bouche de se glisser en elle
ai-je franchi la limite du respect à l’irrespect de l’hommage à l’outrage ?
C’est de la tentation ! tu veux être son troubadour elle te résistera !
Je suis à 30 centimètres de ses seins ne rien saisir
Donnera-t-elle un jour le sein au bébé tant attendu patiemment conçu ?
ardemment je regarde ardemment je désire ce don
Baïkala donnera le sein
Là tu fais fort !
anticiper le désir d’être mère pour attirer tes mains sur elle
T’es malin !
Je suis à 40 centimètres de son ventre
Des ventres m’ont fait désirer des bains de ventre-mer des ventres qui me rappelaient au paradis fœtal le temps sans demandes le temps sans attentes
Ah ! ces ventres de fosses lacustres pour éclosion de sirènes sibériennes de glace et de feu ah ! ces ventres-lac où s’immerger enchantement jusqu’à enfantement
Ton ventre n’est pas ventre-lac ventre-mer
Il sera ventre-mère
Avec toi la terre cesse d’être ronde redevient plate
Je me vois deux doigts index majeur rampant à plat ventre sur ton ventre
étonné par le nombril côté pile par les fesses côté face
Ai-je franchi la limite de la décence à l’indécence ?
Tu fais de plus en plus fort ! Baïkala méfie-toi de ce poète-là !
Je suis à 1 mètre de tes bras
Baïkala n’est pas fille à consoler
Baïkala trace son sillage avec détermination égarements aussi
Qui voudrait que nos sillages de vie soient tout tracés gravés dans le marbre
sillages de rectitude de certitude de servitude ?
Ils ne laissent trace s’effacent
Égare-toi Baïkala
trouve en toi comment changer en boussole ce qui te déboussole
l’alcool amer qui te fiche par terre
Sois plus forte que la vodka assassine toi ta chance
toi chance unique car il n’y a pas d’autre toi que toi
Baïkala

2 -

Un rêve rêvé à Corsavy s’est réalisé à Baklany au Baïkal
Revenir dans La Forêt 10 ans après L’Insolite Traversée
Brefs échanges sûreté des jugements ça c’est Baïkala
le propre de Baïkala
rare
Affinités électives partages tragiques se sont mis à jouer leur jeu
Ouvrir la voie de quelques-unes de nos grandes voix
La connexion a dû se faire ainsi
Elle pour Lui
Quelque chose en elle favorisait ce déplacement
Lui pour Elle
amour pour la littérature
pratique de la lecture par immersion
goût pour l’ivresse ses audaces ses risques
l’alcool qui fait éprouver plus fort
goût pour cigares et cigarettes
volutes des Havanes
transformées en rêves
goût pour les corps qui s’abandonnent
promesse ivresse détresse détresse ivresse promesse
fureur de vivre dans la proximité de la chute
fascination pour la mort qui fait disparaître ceux qui nous sont les plus chers
En venant au Baïkal à Baklany pour les 10 ans de la venue du fils
le père l’a retrouvé
Baïkala comme Baïkala aimée du fils Elle pour Elle et Lui
Oh ! chaîne des sonorités déchaînées !
Qui donc est-ce que j’aime ?
À Baklany lieu sacré au bord du Baïkal où est édifié le mémorial consacré au fils
la nuit du 13 au 14 août 2010 fut émouvante éprouvante
Après le cérémonial au mémorial
après les allers retours banya Baïkal banya
après les omouls grillés les toasts à la vodka
Baïkala écouta des chansons russes voix rocailleuse venue des tripes
j’écoutai voyant le fils ivre mais si créateur
la fille ivre-morte mais si vivante
Je me couchai à 3 heures du matin
Baïkala se coucha à 6 heures dans le dortoir à 10 places
je me levai me promenai m’assis contemplai le lever du jour
illumination
le début et la fin d’un texte dramatique
sur la disparition du fils
l’impossible deuil
l’invitation à la vie
inachevé depuis 8 ans
s’offrirent à moi
Je rendis hommage à Мать-моржиха
plongeai nu dans le lac glacé sans un cri de saisissement comme le fils l’avait fait 10 ans auparavant
Baïkala plongea peu après moi avec un cri de ravissement
je ne l’avais pas vue arriver
Le lac agité finit par s’apaiser
Qui donc est-ce que j’aime ?

3 -

Baïkala
je ne suis pas pour toi
tu n’es pas pour moi
nous ne sommes pas destinés l’un à l’autre
moi je me suis destiné depuis longtemps déjà 46 ans
toi tu es un à venir
Amor amicitiae est le meilleur de nous que nous puissions offrir
ce sera don de paroles justes au gré des envies au temps des nécessités
Les mots doux c’est déjà fini on est entré dans le vif de la vie on est sorti du goût exclusif pour le jeu des mots
je saurai tenir cet engagement-là comme je tiens l’engagement au jour le jour depuis 46 ans avec l’épousée de chaque jour jusqu’à ce que ça fasse toujours avec l’aimée de chaque jour que je veux aimer au dernier jour comme au premier jour celle à qui je me suis donné parce qu’elle pensait à moi autrement qu’à un professeur dès lors j’ai cessé de me penser comme un professeur
Le 28 août 2010 l’épouse et moi avons renouvelé sans témoin main dans la main au sortir du bain nus dans l’eau glacée du trou d’eau de notre torrent pyrénéen notre pacte d’amour ce fut avec des mots simples ceux de l’amour que nous tentons de faire rimer avec toujours Te dire un rêve
Ton pays et toi Baïkala êtes malades de la vodka assassine
Tu peux devenir la voix de cette maladie la voie de sa guérison pour que ta Sibérie et toi trouviez un autre chemin de vie que ce chemin de croix
Plongée nue dans l’eau glacée du Baïkal je te vois devenir philosophe de la vodka assassinée
Laisse monter en toi ce dessein Baïkala enivrée enivrante
Funambule de la vérité d’ombre somnambule de l’obscure profonde origine du monde rencontre la sagesse tragique des métaphysiques d’avant Socrate
tu sembles en avoir saisi l’évidence fondamentale dans ton ivresse hébétée
âgée de 20 ans qui ce matin titube et pue de la gueule

4 -

Baïkala n’est pas une folle du cul a déclaré le Malin ce matin
L’autre Belle oui celle que tu as aimée il y a 22 ans à l’âge du démon de midi mon démon préféré pour hébéter les corps
Maintenant tu n’as plus rien à te prouver surtout pas ton éternité à travers gonimon séparé apokrisis éjecté ekkrisis de l’infini indéterminé l’apeiron
Que peuvent faire à l’épousée de chaque jour deux amours déclarés non consommés au cours d’une alliance de déjà 46 ans quand il y a tant de ressemblances ? dissemblances ?
Les tours du Malin sont là aussi pour hébéter la raison
Hébéter les corps ne me suffit pas
Tu es aimé dans le Nord autrement qu’un professeur par une de tes élèves âgée de 16 ans qui devient l’épousée pour toujours jour après jour
C’est seulement ainsi qu’amour rime avec toujours
24 ans après tu aimes dans le Sud autrement qu’un professeur une de tes élèves même âge même classe mêmes initiales amour surgi au détour pour moins d’un jour devenu amor amicitiae à vie légère à vivre après un silence de granit corse
De la lourdeur de l’amour de possession à la légèreté de l’amour en toute déprise
Bonheur d’épure voilà ce que t’a appris l’adolescente âgée de 16 ans éducation à l’amour sur les bords de la Méditerranée
22 ans après tu proposes à l’Est sur les bords du Baïkal à Baïkala sirène reine de 20 ans ton amor amicitiae dès ta déclaration d’amour
L’écart d’âge est passé de 32 à 50 ans
Ton éducation à l’amour semble achevée vieux !
Baïkala première fraîcheur dernier bonheur de ce matin je porte un toast à l’amour à l’ancienne courtois comme autrefois discret dévoué retenu sérieux profond enjoué rimé

Même si j’ai franchi parfois la limite de la pudeur à l’impudeur j’espère avoir eu la main légère pour la mise en bouche des mots de la fin’amor car pour t’aimer d’amor amicitiae

Baïkala je n’ai pas besoin d’un sourire d’un regard d’un bouquet d’une écharpe d’un ruban d’un baiser
Il suffit qu’un baiser soit interdit pour toujours au poète et désir délire dérive plaisir souffrance sont faits œuvre par la parole éprouvée
Ta seule existence me suffit même pas ta présence t’accompagner en esprit belle absente te parler au cœur absente rebelle
Donc Reçois le Baïkal comme le veut ton poème quand tu prendras nue loin de mes regards ton dernier bain de l’été félicité dans l’eau glacée du lac dans un puits
Je ne serai pas de retour en tes parages sur tes rivages dans 10 ans
Vivre une fois le retour à Baklany doit pouvoir me suffire à aller au bout de mes jours et de mes nuits
Au trou d’eau de notre torrent pyrénéen j’irai en milieu d’après-midi avec l’épousée de chaque jour jusqu’à ce que ça fasse toujours
Nous nous épouserons sur le rocher avant d’entrer nus dans l’eau glacée du Riuferrer
Tu viens de plonger depuis le rocher où ma vie était déposée
Nage en eaux profondes origine du monde source de vies à l’infini
je bois ta voix d’eau
ton corps d’eau m’enlace
oui je dis
oui je veux bien Oui

ou au choix selon vot'bon coeur m'sieursdames

d'autres boiront ta voix d'eau voie d'eau

ton corps d'eau cordeau en enlacera d'autres

non je ne dirai pas

oui je veux bien Oui

Jean-Claude Grosse

Les Enfants du Baïkal - Les Cahiers de l'Égaré (2010), épuisé

subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG
subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG

subway dress, jupe de correspondance, dans le sillage : oeuvres réalisées par Aïdée Bernard; Baïkala, Alla, Vitya pour Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat fin août 2011 où invité par Jacqueline Dussol, j'ai présenté de grandes voix russes: Essenine, Blok, Pasternak, Mandestam, Akhmatova, Maïakovski, Klebnikov, Pouchkine le métis, Tsvetaeva, ...; ABG et JCG

Marilyn après tout (avril 2012 - mars 2015)

$
0
0

Projet Marilyn Monroe

lancé en avril 2011

réalisé en mai 2012

Le livre Marilyn après tout

est paru aux Cahiers de l'Égaré

 

Réalisations :

2015 : 10 mars à 19 H au Théâtre Denis à Hyères, cabaret Marilyn, 36° manifestation comme les 36 ans de Marilyn

exposition de la subway dress d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles dans la Sarthe, du 4 février au 31 mai 2015

exposition-lectures de la subway dress au Bateau-Lavoir à Paris du 18 au 25 octobre 2015

2014 :

exposition de la Subway Dress d'Aïdée Bernard à la salle des Jacobins de Saintes du 11 mars au 11 avril 2014

2013 :

lecture-dédicace le 31 janvier 2013 à l'espace Simone de Beauvoir à Nantes

lecture de quelques textes salle Vasse à Nantes le 18 février 2013 à 18 H 30

lecture-exposition de la subway-dress d'Aïdée Bernard à Octon le 8 mars 2013

lectures à la cinémathèque de la Sorbonne Nouvelle, le 21 mars 2013

lectures-dédicace à la Librairie La Fontaine à Lille, le 23 mars 2013 à 16 H

avril-mai-juin 2013 exposition de la subway-dress d'Aïdée Bernard à la médiathèque d'Albi

9 mai 2013 Casablanca chez la directrice de la librairie La Porte d'Hanfa

26 mai 2013 Marrakech chez un couple d'artistes-peintres, la Chems-Gallery

1° juin 2013, anniversaire de Marilyn,

et pour les 25 ans des Cahiers de l'Égaré à La Seyne sur Mer

 

 

 

court montage que j'ai réalisé avec des images et 3 voix de Marilyn (la voix est ce qui disparaît le plus vite alors que les images restent)

 

 

 

exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles
exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles

exposition des papiers de mots d'Aïdée Bernard à Carnuta, Juquilles

Marilyn, la peine d'aimer/10 mars/Théâtre Denis/Hyères

$
0
0
sommaire du livre Marilyn après tout

sommaire du livre Marilyn après tout

Marilyn, la peine d'aimer

10 mars 2015 - 19 H

Théâtre Denis - Hyères

La 36° manifestation organisée à partir des 36 textes (18 F, 18 H) écrits par des écrivains de théâtre pour les 36 ans de Marilyn Monroe au moment de sa disparition (5 août 1962) aura lieu au Théâtre Denis à Hyères, le 10 mars 2015 à partir de 19 H.

Cette soirée est organisée par la Compagnie de l'Écho en partenariat avec Les Écrivains associés du théâtre (filiale Méditerranée), Les 4 Saisons d'ailleurs, Les Cahiers de l'Égaré, les affaires culturelles de la ville d'Hyères et la médiathèque.

Lecteurs et lectrices : Dolly West, Peggy Mahieu, Sophia Johnson, Jacques Maury, René Escudié, Xavier Hérédia.

Auteurs lus : Aïdée Bernard, Gilles Cailleau, François Carrassan, René Escudié, Moni Grego, Bernadette Plageman, Shein B, Yoland Simon, Diana Vivarelli.

Le vendredi 13 mars à 16 H 15, projection à l'auditorium de la médiathèque d'un des films de Marilyn Monroe, Le Prince et la danseuse, avec Laurence Olivier.

affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn
affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn

affiches de la soirée du 10 mars; couverture du livre; photos variées de Marilyn


Le Revest : histoire d'un échec collectif

$
0
0
Je fais remonter cet article de novembre 2009, à l'approche des municipales de 2014. Une liste a réussi à se constituer pour faire face au maire sortant. Je suis content de voir que le travail collectif réalisé en 2008 ne s'est pas perdu dans les sables. Il y urgence à changer de politique au Revest où l'urbanisation outrancière saccage le présent et le futur du village, où les problèmes de circulation et de stationnement dans le village vont devenir aigus. Souhaitons que la liste Pour Le Revest, une alternative de démocratie,  rencontre la plus large audience, afin que des élus d'opposition fassent un travail d'inventaire, de contrôle ayant échappé aux citoyens depuis 2001.
La liste Pour Le Revest, une alternative de démocratie a fait 28%.
Comme souvent, on croit qu'on va entraîner les gens derrière soi ou avec soi et les résultats sont en-dessous des attentes
par rapport à 2008, cette liste double le pourcentage, de 14 à 28 %
d'autant que la liste est apparue assez tard dans la campagne (j'ai cru en janvier qu'il n'y aurait qu'une liste) et n'a pu faire de travail de terrain s'appuyant sur des associations, des rencontres, des réunions de voisinage ...
mais on a vu en 2008 qu'en faisant intensivement ce travail ça ne paye pas nécessairement car les autres se bougent aussi
Musso certes monte mais moins que cette liste, lui de 7%, l'opposition de 14%
(en 2008, j'ai dit qu'il est là pour 6 mandats sauf si les conditions nationales et internationales se dégradent fortement)
pour une liste classée DVG par Le Monde, le score est bon par rapport à Toulon (10%), La Valette (17%) et le taux d'abstentions est moindre qu'autour de nous
sans FN en lice, on peut penser que les voix FN se sont portées sur la liste Musso (on fait plus de 20% de FN au Revest quand même)
3 élus au conseil, ce n'est pas rien et c'est la première fois depuis 60 ans au moins, sans doute plus encore, qu'il y a une autre parole au conseil municipal du Revest
comme quoi, le mode de scrutin est décisif,
en cantonnant le suffrage avec panachage aux communes de moins de 1000 habitants contre 3500 ou 4000, il y a peu encore, Le Revest a enfin droit à une représentation plus conforme à la réalité
mais il y aurait beaucoup à dire sur les usages de la loi électorale par les gens au pouvoir, en général au service de leurs intérêts mais pas de la démocratie, trop peu participative et assez peu représentative ce qui supposerait une meilleure proportionnalité

Ayant fait 2 mandats (1983-1995),  m'étant présenté en 1995 et en 2008, sans oublier la législative de 1997, je me permets de dire ceci
1- il faut présenter la candidature de Marie-Claude Rocchi, lors de l'élection du maire
2- les commissions où il faut être : finances, urbanisme et à mon avis, culture, fêtes et animations (en ce domaine, il y a des choses à proposer comme réutiliser la tour qui est devenue monovalente, patrimoniale exclusivement et c'est dommage; idem pour l'amphithéâtre sous la crèche);
rien n'empêche d'être dans 2 commissions
(environnement si le projet de ferme solaire remonte à la surface)
(écoles mais ce n'est pas là que ça se joue surtout sans appui sur une association de parents d'élèves)
3- il faut demander une place dans le bulletin municipal et pédagogiquement, poser des questions obligeant Musso à donner des réponses et précisions,
par exemple pourquoi fixer 4500 habitants comme plafond, pour les mettre où, comment ?
vous avez déjà réussi à lui faire dire que la privatisation du ramassage c'est pour qu'il n'y ait pas de blessés chez les employés municipaux; idem pour le terrain vendu (il a donné le chiffre) ...
vous aurez la possibilité de mettre en évidence l'opacité, la faiblesse des arguments, l'absence de projet pour le village
4- obtenir un bureau, l'accès gratuit aux salles de réunion (afin de réunir votre équipe mais aussi les habitants qui ont envie d'être informés, de participer, ce qui n'est pas possible en assistant aux conseils municipaux, préparés d'avance)
Le site de votre liste doit être actif et vous devez être présent sur celui de la mairie aussi
Il faut suivre certaines choses: la restauration du tableau L'école du Revest de Giaccobazzi, où est passé le tableau de Nicole Budonaro, acheté pour l'accueil des Comoni et le sort du cabinet des monnaies, patrimoine de 300000 F des années 1985-1987
Jean-Claude Grosse
 
 
Pour une histoire vraie du Revest 
Hypothèse :
l’histoire d’un échec collectif
 
 

Qu’est devenu le cabinet des monnaies ?

 

Voilà un patrimoine municipal de 12000 pièces dont une collection unique de monnaies de nécessité, d’ouvrages de numismatique, qui a été acheté par la municipalité de Charles Vidal dans les années 80, qui a été exposé au cabinet des monnaies dans la Maison des Comoni de 1990 à 2005 et qui a disparu. Les ouvrages ont été jetés dans la poubelle des Comoni (témoignage d’Armand Lacroix, conservateur de ce cabinet et collectionneur auquel on doit ce patrimoine). Quant aux vitrines, aux pièces, personne ne peut plus les voir. Où sont-elles ?

Certes, malgré des efforts de communication, le cabinet des monnaies n’attirait pas énormément de monde mais du temps des 4 Saisons du Revest, cabinet des monnaies et salle d’exposition étaient ouverts au public qui ainsi pouvait découvrir, apprécier les expositions thématiques mises en place régulièrement.

Les Revestois sont en droit de demander des comptes sur cette disparition et d’exiger la restauration du cabinet des monnaies, patrimoine communal qui avait coûté à la commune quelques dizaines de milliers de francs.

L’espace dédié au cabinet des monnaies est devenu le bureau de l’équipe marseillaise gérant le pôle jeune public. Les 4 Saisons du Revest gérait la Maison des Comoni depuis un bureau installé dans l’ancienne mairie, rue Foch.

 
Un commentaire :
Certains autres facteurs ont pu jouer aussi, défavorables au Revest:
- le fait que ce soit un cul de sac: on ne passe pas par le Revest, on y va . Quelles raisons d'y aller? Pour Collioure, c'est différent: c'est sur une voie de passage entre Espagne et France d'une part et d'autre part, le site favorise une autarcie réelle dans les terres avec ouverture sur la mer et donc commerce possible.
- Le Revest est lié à l'histoire de Toulon, donc à un espace touché de plein fouet par la crise industrielle depuis plus de 30 ans, cela a fait partir des gens; cet espace toulonnais est aussi lié à un tourisme balnéaire basique, pensé surtout comme source de profit facile et rapide, pendant longtemps, cela n'est jamais favorable à l'arrière pays, ni à des politiques d'aménagement du territoire.
- Le Revest a souffert sans doute aussi du statut spécial de Toulon, port militaire donc administré en partie directement par l'Etat, mal intégré à un ensemble régional: la ville a eu du mal à s'imposer comme métropole locale organisant naturellement l'espace de l'agglomération ; il n'y a qu'à voir les communes avoisinantes qui se sont longtemps imaginées comme des républiques à elles seules, imaginant pouvoir se développer sans Toulon, voire sans les autres collectivités territoriales. C'est peut être jouable, à condition de posséder des atouts immenses , mis en valeur par un volontarisme politique...
 
Gilles
 
en 1962, 1478 habitants
en 1962   1968    1975    1982    1990    1999    2005   
    1 478  1 659   1 688   2 055   2 704   3 441  3 664 habitants

                                en  1999    2005
Nombre d'habitants         3 440    3 664   

Pourcentage d'hommes    49.6%    49.2%    -0.4%
Pourcentage de femmes    50.4%    50.8%    +0.4%
Population masculine agée de 0 à 19 ans    30.2%    28.7%    -1.5%   
Population masculine agée de 20 à 39 ans    23.4%    20.7%    -2.7%
Population masculine agée de 40 à 59 ans    31.3%    33.7%    +2.4%
Population masculine agée de plus de 59 ans    15.1%    16.9%    +1.8%
Population féminine agée de 0 à 19 ans    24.9%    25.1%    +0.2%   
Population féminine agée de 20 à 39 ans    26.2%    21.6%    -4.6%
Population féminine agée de 40 à 59 ans    32.0%    35.4%    +3.4%
Population féminine agée de plus de 59 ans    16.8%    17.9%    +1.1%

Actifs    1 552    1 720    +168 entre 1999 et 2005
Actifs occupés    40.0%    42.6%    +2.6%
Chômeurs    5.1%    4.3%    -0.8%
Inactifs    1 888    1 944    +56
Retraités et pré-retraités    14.4%    16.7%    +2.3%
Elèves, étudiants et stagiaires    8.8%    8.5%    -0.3%
Autres inactifs    31.7%    27.8%    -3.9%
Population active (15-64ans)    1 547    1 711    +164
Population active occupée (15-64ans)    1 371    1 553    +182
Chômeurs (15-64ans)    176    158    -18
Taux d'activité (15-64ans)    66.2%    68.4%    +2.2%
Taux de chômage (15-64ans)    11.4%    9.2%    -2.2%

Nombre de logements    1 379    1 484    +105
Nombre de logements vacants    74    70    -4
Résidences principales    1 229    1 346    +117
Résidences secondaires    76    68    -8
Résidences principales en %    89.1%    90.7%    +1.6%
Résidences principales - 1 pièce    1.9%    1.8%    -0.1%
Résidences principales - 2 pièces    7.4%    5.7%    -1.7%
Résidences principales - 3 pièces    20.3%    14.5%    -5.8%
Résidences principales - 4 pièces ou plus    70.4%    78.0%    +7.6%
Nombre moyen de pièces par résidences principales    4.1    4.1   
Maisons    77.8%    86.8%    +9.0%
Nombre moyen de pièces par maison    4.4    4.7   
Appartements    21.0%    12.6%    -8.4%
Nombre moyen de pièces par appartement    3.4    3.1   
Propriétaires    75.2%    78.0%    +2.8%
Locataires    19.9%    18.2%    -1.7%
Emménagement de moins de 5 ans    25.2%
Emménagement de 5 ans à 9 ans    23.1%
Emménagement de 10 ans ou plus    51.7%
Ancienneté moyenne d'emménagement    14 ans

 
1° février 2010
8R0015793.jpg
pour une gestion municipale au ras des pâquerettes
au plus près de tout ce qui reste à bâtir pour atteindre 4500 habitants
on se demande ce que signifie cet objectif 2014
 
Ange Musso, maire du Revest, s'est plié à l'exercice de l'interview de début d'année. Il évoque les aménagements programmés, les finances communales, la perspective des élections régionales et livre une petite révolution au village : l'installation de dix caméras de vidéosurveillance, dès cette année.
Quels seront les principaux aménagements en 2010 ?
Le permis de construire pour la maison des associations sera déposé début février. Les travaux doivent débuter en octobre, livraison au premier semestre 2011. Elle sera ouverte aux écoliers durant le temps scolaire, servira pour le périscolaire et pour le centre de loisirs. Le reste du temps, les clubs pourront y pratiquer le judo, karaté, le yoga... On va reconstruire une cantine à la maternelle de Dardennes, tout en conservant le préfabriqué actuel au cas où les travaux ne seraient pas finis en septembre.
Vous semblez avoir franchi le pas pour l'installation de caméras de surveillance...
J'ai longtemps hésité au regard de la liberté individuelle. Mais des élus me sollicitent depuis des années. J'ai été rassuré par la technologie : personne ne sera rivé derrière un écran. Les images ne seront consultables que par moi ou un officier de police judiciaire. Les enregistrements sont effacés automatiquement après 30 jours. Nous veillerons à ne pas filmer la sortie de l'école et la caméra qui surveille le Circuit rustique d'activités physiques aménagées (Crapa) sera inopérante durant le temps scolaire.
Quels sont les actes de délinquance qui vous ont décidé ?
Des voitures sont ouvertes gratuitement sur le parking Jean-Moulin. Des vitres brisées pour un butin minime. Ce sont des petits soucis qui vous gâchent la vie et deviennent difficilement supportables au fil du temps. J'espère que les dix caméras ne serviront pas. Quand vous êtes maire d'un village, si vous ne faites rien, on vous le reproche très vite. L'installation des caméras a un coût de 30 000 E, ouvert aux subventions d'État. Les frais de maintenance sont de 2000 E par an. La mise en service est prévue cet été. On réfléchit à une extension du réseau au hameau de Dardennes, mais ça nécessite de disposer d'un local.
Les autres projets ?
Nous remplaçons le véhicule du Comité communal des feux de forêt, vieux de 30 ans. Ces bénévoles font un travail formidable, ils auront un 4x4 avec autopompe et citerne cet été. On débute l'embellissement des entrées du village et du hameau de Dardennes. L'objectif est de décrocher une 2e fleur, voire une 3e en fin de mandat (2014). On travaille avec le conseil général pour créer un rond-point à Malvallon, sécuriser l'accès de l'école.
À l'avenir, on voudrait reconstruire un moulin municipal pour avoir une huile du Revest. Le projet de réfection du centre du village est arrêté par l'enfouissement de la ligne haute tension. L'objectif sera de briser la vitesse et de créer une zone piétonne devant la boulangerie et le bar du Vieux-Château.
Aucun nouvel emprunt ne sera souscrit en 2010. La dette sera de 145 e par habitant à la fin de l'année, j'espère qu'elle sera résorbée en 2014.
Quel est le projet de maison de retraite dont les travaux doivent débuter fin 2010 ?
C'est le fruit d'une réflexion de quatre ans. Nous avons opté pour une réalisation privée parce que la gestion d'une maison de retraite publique est très compliquée pour une petite commune. Il y aura 77 lits dont 14 dans une unité Alzheimer. La mixité étant importante, à tous les âges, 25 lits seront « sociaux conventionnés » car le département a le pouvoir de modérer les prix.
Le ramassage des ordures par un délégataire privé est-il une réussite ?
L'année d'essai s'est si bien passée qu'on a signé le marché avec Veolia sur cinq ans. Nous avions des difficultés à remplacer le personnel, ou alors c'était un autre service à la population qui en pâtissait (Le Revest compte cinquante employés communaux, Ndlr). Il n'était pas possible de recruter davantage pour le ramassage des ordures.
Le Revest doit-il se doter d'un gymnase ?
On n'en a pas les moyens : un gymnase représente trois points d'impôts en plus. Les Revestois, comme les enfants du centre de loisirs, ont accès aux équipements sportifs de Toulon. Ils profiteront aussi du complexe aquatique prévu à Toulon ou La Valette pour le nord-ouest de l'agglo.
Regardez les Comoni : la salle est au Revest, c'est fabuleux. Mais c'est ingérable sans TPM : 350 000 e de fonctionnement et 250 000 e de subvention au Pôle jeune public Massalia pour accueillir 35000 spectateurs par an.
Quel candidat soutenez-vous pour les élections régionales ?
Je soutiens Hubert Falco parce qu'on travaille très bien à TPM. Même si je suis non encarté - après être passé par l'UDF - j'assume mes idées libérales et conservatrices. J'ai été élu sans étiquette et ma liste comprend des gens de gauche et de droite.
En défendant ses arguments, seule l'opposition rend le débat enrichissant.
Où en est la ferme solaire ?
« Après deux réunions avec la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), nous approfondissons les études par rapport aux aires de chasse de l'aigle de Bonelli. Suez a eu la concession pour deux centrales de 12 mégawatts chacune, pouvant approvisionner 6 000 foyers. Le site de 30 ha d'emprise dont 15 à 20 ha couverts (panneaux photovoltaïques), est situé à côté de la carrière, sous les lignes à haute tension auxquelles se relier à moindre coût. Les panneaux solaires seront visibles du Faron et du mont Caume, mais pas du village. Soit on débute les travaux à la fin 2010, soit on abandonne le projet. L'enquête publique est prévue dans le courant de l'année. »
Propos Recueillis Par Sylvain Mouhot - smouhot@varmatin.com
 
4X4.jpeg

Tania's Paradise/Journal de voyages en Israël

$
0
0

Le livre est en 3 langues, français, anglais, hébreu.

 

Tania’s Paradise

Solo pour contorsionniste de proximité

 

Une écriture de pavés et de poupées

 

J’ai vu ce nouveau spectacle de la compagnie Attention Fragile les 15 et 16 décembre 2012 à La Valette, dans le Parc des Troènes, accueilli par le service culturel de la ville. Tout frais, le spectacle, une dizaine de représentations.

J’avais assisté à la première ébauche du travail en avril 2009 au collège de la Marquisane à Toulon. Je rêvais de faire installer la compagnie pour plusieurs semaines au Lycée du Golf-Hôtel à Hyères. Cela n’eut pas lieu.
Le spectacle se déroule sous une yourte kirghize, jauge 50 à 70 personnes, en rond, sur 3 niveaux, très près de la piste ronde où se raconte l’artiste Tania Sheflan. Je dis artiste car elle a de nombreuses cordes à son arc : contorsionniste, comédienne de l’intime, danseuse classique sur pointes, manipulatrice d’accessoires, musicienne harpiste, hôtesse accueillante …

Et j’ai vu que ce spectacle variait un peu d’un jour à l’autre, la rondeur de la piste permettant ces variations.

Pour ce spectacle écrit et mis en scène par Gilles Cailleau, Tania s’est racontée à Gilles et après 3 ans de maturation racontée dans un  journal de voyage   lisible sur le site de la compagnie, nous sommes interpellés par cette jeune femme de 32 ans, mère d’une petite fille, qui a appris son métier de contorsionniste en quelques années à son arrivée en France après son service militaire en Israël. Nous recevons ces confidences comme si nous étions ses ami(e)s. Et le temps passant (1 H 15), nous le devenons. Elle s’adresse à nous avec une belle franchise, une simplicité sans impudeur, avec drôlerie ; quand ça fait mouche, le public l’exprime par des rires légers.

 

IMGP6223.JPG

J’ai aimé cette légèreté : rien d’appuyé, un naturel dans l’interprétation qui fonctionne à merveille.
Ce naturel des confidences est obtenu alors même que Tania manipule sans cesse des accessoires : chaises d’enfants, poupées, pavés, seau, harpe, planche. Elle n’arrête pas de construire, démolir. L’espace scénique est le lieu de transformations incessantes et sur ces constructions de pavés, modèles réduits de ce qui se passe en Israël, pays de constructions et de démolitions (nous le comprenons progressivement, ça nous imprègne doucement), notre confidente contorsionniste exécute des numéros dont certains sont osés.

J’ignore le risque pris par Tania mais nous l’éprouvons. Nous retrouvons de vieilles peurs pour l’artiste se mettant en danger, risques calculés.

Évidemment, des confidences dites dans des déplacements périlleux, des contorsions exigeantes physiquement, ne sont pas reçues comme des confidences au creux de l’oreiller. Elles sont plus inquiètes et inquiétantes. Et quand Tania respire un grand coup après un exercice, avec elle nous reprenons notre souffle. C’est bon que le souffle soit ainsi sollicité. Êtres de souffle, nous en prenons conscience après l’avoir suspendu.

Deux accessoires dominent, les pavés et les poupées. C’est une véritable écriture de pierres qu’inscrit Tania sur la piste pour nous parler, dans les décors qu’elle construit avec dextérité  et reprises, de son quotidien en Israël, pays des alertes et des attentats, des constructions et démolitions.

Ce qui n’empêche pas de s’aimer, de se blesser, d’avoir peur, de rechercher des souvenirs. De se heurter à l’Histoire (en 1948, l’année de la Nakba - la catastrophe - pour les palestiniens, il n’y avait rien, a-t-elle appris et elle découvre un jour que ce n’est pas vrai). De se poser des questions (et si ma fille vient m’annoncer un jour qu’elle va faire son service militaire comment jugerai-je mon éducation).

Ne voulant pas révéler ce qui se passe sur la piste, je ne mets l’accent que sur cette écriture de pavés qui construit et démolit, sur cette écriture de poupées qui humanise ces habitats. Les poupées permettent manipulations sans ménagement, avec violence ou avec délicatesse.

Les poupées comme les pavés nous proposent un univers miniature donc distancié, avec une forte charge symbolique. Les contorsions deviennent elles-mêmes symboliques tout en étant ressenties physiquement.

Sous nos yeux, nos contorsions sans cas de conscience, liées à nos contradictions, irresponsabilités, lâchetés, tricheries.

Paradoxe, cette visualisation ne nous culpabilise pas. Car ce que le corps de Tania montre, propage,  c’est à la fois de l’aisance, de l’effort, de la légèreté, de la fragilité, de la gaieté (ah l’ambiguïté de son rire dans le masque à gaz !)

Pas de manifestation de force, de puissance. Pas de manifestation de souffrance.

Une vie s’expose, s’accepte et s’offre comme elle est vécue, avec ses équilibres et déséquilibres.

L’art de la contorsion tient dans ce sens de l’équilibre dans le déséquilibre, l’art de se rattraper d’une maladresse.

C’est le message de ce spectacle : au milieu des dangers de toutes sortes menaçant ton intégrité, tente d’avoir le sens de l’équilibre. Exerce-toi !

C’est la notion de juste milieu, de prudence d’Aristote rendue physique par l’attachante Tania dans un monde de convulsions.

J’ai pensé au comportement de Marcel Conche quand réfractaire et se déplaçant pour échapper à tout embrigadement (ou STO ou Résistance dans les rangs de l’AS, des FFI ou des FTP), il se retrouve avec d’autres à devoir traverser une clairière où bivouaquent des Allemands. Les officiers sont au mess, les soldats déjeunent. Les réfractaires passent naturellement. Peu de temps après, Marcel Conche apprend que ce sont les SS de la division Das Reich, celle qui a pendu à des crochets de boucher, 99 habitants de Tulle, le 9 juin 1944 (il apprend que c’est la veille de son passage) et qui, le 10 juin 1944, rasera Oradour-sur-Glane brûlant 642 personnes dont 247 enfants. Nous racontant cette scène, il y a une dizaine de jours, il nous dira : les Allemands ne peuvent pas faire deux choses en même temps ; ou ils tuent, ou ils mangent. Ils avaient tué, ils mangeaient. On a pu traverser. Et entré dans le bois, il se sépara de ses compagnons pour avoir plus de chances de s’en sortir seul.

Si je rapporte cette histoire à propos du spectacle, c’est que la vie en Israël est sur le fil, le cul entre deux chaises. Parce que ce pays est cerné comme Tania, cernée par nous. Parce que ce pays est un pays d’occupants et un pays d’assiégés. Parce que ce pays subit la pression démographique palestinienne interne et finira peut-être par perdre son identité juive.

Le mur de pavés avec ses deux petits drapeaux israéliens dit la fragilité de ce pays, contraint à s’encercler, à s’enfermer ou le faisant volontairement. Le mur connaîtra nécessairement un jour l’effet domino, comme tous les murs. D’où viendra le coup de pied qui l’effondrera ? Pour le meilleur, pour le pire ou un mélange des deux ?

 

blog-1681-copie-1.JPG

 

Tania’s Paradise est un spectacle fabriqué avec de l’intime, porté à l’incandescence politique par le travail de contorsionniste de Tania avec ses pavés et ses poupées.

Spectacle se révélant profondément politique sans délivrer aucun message pro ou anti-israélien. Donnant à sentir une situation indécidable, en équilibre instable, pouvant à tout moment basculer. Comme Tania enlevant un pavé de son dernier édifice.

Va-t-il s’écrouler ?

Noir.

Ce spectacle a été créé en hébreu en Israël. Il se joue et se jouera en français, chez nous. Une version anglaise est en préparation. C’est dire l’attente de la compagnie et de la production In8Circle.

 

blog-1694_redimensionner.JPG

Ce spectacle connaîtra peut-être le sort du Tour complet du cœur, 547 représentations et ce n’est pas fini, 3 éditions du livre. Ou de Gilles et Bérénice, déjà 140 représentations et 1 édition.

La compagnie Attention fragile vient de s’installer à La Valette, accueillie par la ville et le Conseil général du Var.

Cette compagnie foraine qui apporte ses spectacles là où le théâtre ne va pas, avec ses 5 chapiteaux,  est atypique dans le paysage théâtral français. Elle prouve qu’on peut inventer, innover, tisser des liens durables en circulant dans les territoires, en allant vers les autres dans la proximité.

Je suis fier d’avoir été le premier à accueillir Le Tour complet du cœur dans le Var, au Revest. Et d’être l’éditeur de cet auteur subtil qu’est Gilles Cailleau, saltimbanque de l’étrangeté de l’âme ordinaire.

 

Jean-Claude Grosse, le 19 décembre 2012

 

Commentaire

Bonjour Jean Claude,

Très intéressant ton article sur ce spectacle, j'aimerais bien le voir si c'est possible lorsque je serai en France. L'idée de ces chapiteaux est très intelligente et importante. Gilles revient au théâtre comme il était pratiqué il y pas si longtemps, les saltimbanques passant de ville en ville.
Quant à Israël c'est bien compliqué. Je suis en train de préparer un texte qui va s'appeler "The Massada complexe" qui parle justement de la destruction d'Israël. Je pense en effet qu'il y aura une nouvelle diaspora d'ici... peut-être même de mon vivant. Pas uniquement du fait des palestiniens et de leur démographie galopante, mais peut-être surtout de la démographie tout aussi galopante des juifs orthodoxes, et crois-moi le Hamas à côté ce sont des enfants de choeur. A moyen terme, ce pays qui est déjà par sa nature un pays fasciste (ce n'est pas moi qui le dis, mais l'historien américain Robert Paxton dans son livre The Anatomy of Fascism), deviendra ultra-fasciste... Le risque c'est que les Israëlliens modérés se cassent. Exactement comme mon beau-frère qui voudrait envoyer en avant-garde ses deux fils 14 et 12 ans vivre en France, parce qu'il n'a pas envie de les voir se faire tuer pour défendre les intérêts de colons qui pour une bonne part sont des orthodoxes. On serre les fesses à l'idée que les Iraniens puissent avoir la bombe. Moi je serre les fesses à l'idée que les juifs orthodoxes prennent le pouvoir d'un état qui l'a déjà.

Sur ce bonne journée à toi,

Marc

 

bonne-annee.jpg

 

photo prise à Jérusalem pendant un mariage religieux

 

Tania's Paradise/Journal de voyages en Israël

Mon Bosphore à moi/Izzedine Çalislar

$
0
0

Mon Bosphore à moi

Izzeddin Çalislar

Les Cahiers de l'Égaré 2014

Cette pièce consacrée à Michel Pacha, le réalisateur de la corniche Tamaris à La Seyne-sur-mer a été écrite par Izzedin Çalislar en résidence d'écriture à la Bibliothèque Armand Gatti entre mi-mars et début mai 2014.

Il a fallu 3 jours seulement pour que le livre soit imprimé en Turquie. Partie en PDF et par internet le 5 mai, la pièce est revenue sous forme de livres dans 13 cartons, le 13 mai. C'est un bel objet bilingue qu'on retourne pour le lire en français ou en turc. La traduction du turc au français a été faite par Sedef Ecer, avec la collaboration de l'auteur et de Georges Perpes.

C'est sur proposition de Georges Perpes et suite à notre collaboration depuis plusieurs années que j'ai accepté d'éditer la pièce sans avoir eu la possibilité de la lire car les compères ont travaillé jusqu'au 6 mai via internet sur le texte.

Présentée dans le cadre du Festival Istanbul qui s'est déroulé en divers lieux de l'aire toulonnaise entre le 13 et le 17 mai, Mon Bosphore à moi a été lue le 17 mai à 17 H à la villa Tamaris Pacha à La Seyne-sur-mer.

J'ai pris la navette maritime de 16 H 15 au port de Toulon. Avec tous les autres auditeurs, nous avons parcouru le domaine de Michel Pacha, vu quelques-unes des 60 villas construites, le grand hôtel, la poste et sommes arrivés à la villa Tamaris Pacha, devenue centre d'art. Une centaine de personnes se sont retrouvées dans une salle insuffisante pour ce public.

Lecteurs Philip Segura, Philippe Pasquini, Georges Perpes.

Fiction basée sur des documents historiques, Hususi Boğaziçi / Mon Bosphore à moi est une comédie burlesque franco-turque à cinq personnages. L'action se situe dans la première décennie du XXème siècle, non loin du Bosphore... Outre les Français Marius Pacha, Napoléon III et sa femme l'impératrice Eugénie, on pourra y découvrir deux personnages du théâtre traditionnel turc (Orta Oyunu), les populaires et farceurs duettistes Kavouklou et Pishékar.

La pièce est inspirée de la vie d'un officier de la marine française et homme d'entreprise qui fit fortune en Turquie, Blaise Jean Marius Michel (1819, Sanary - 1907, La Seyne-sur-Mer).
Appuyé par Napoléon III, Michel est nommé, en 1855, directeur des phares et balises par le sultan Abdul-Medjid : il dirige la construction de cent onze phares sur les côtes de l'Empire ottoman, de la mer Noire à la Méditerranée. En échange, il obtient du sultan un pourcentage sur les droits de navigation dans ces eaux. En 1879, il obtient une nouvelle concession, celle des quais des ports d’Istanbul. Revenu en France riche et avec le titre de Pacha, séduit par la ressemblance du site avec le Bosphore, il achète à la Seyne-sur-Mer soixante hectares de terrain et crée à Tamaris un des premiers lieux de villégiature de la Côte d'Azur. Il y fait bâtir un grand hôtel, des casinos, des dizaines de villas, un bureau des postes, une chapelle… Il lance une compagnie maritime assurant le transport entre Toulon et La Seyne. Deux de ses bateaux à vapeur ont pour nom Istanbul et Bosphore...

Mon Bosphore à moi est une pièce à plusieurs niveaux de lecture et à plusieurs registres. Ce qui fonctionne d'entrée de jeu c'est la farce avec deux personnages inspirés du théâtre traditionnel et populaire turc. On rit sans gêne.

Mais la farce n'empêche pas la pièce d'être une pièce politique et sociale. D'un côté, un puissant voulant agir sur le monde et sur les hommes, voulant les changer en créant un paradis sur terre, Tamaris, en les éduquant (les 10 mots turcs à apprendre) avec le programme Mon Bosphore à moi. De subtiles notations politiques sur comment gouverner, le décor, essentiel, que des effets de surface, la politique comme théâtre. De l'autre, les gens d'en bas, réticents à ce forçage, se révoltant, tournant en ridicule. Une lutte des classes où ceux d'en bas sont conservateurs, où celui d'en haut est bâtisseur. Marxisme à l'envers. Marxisme ou tourisme dit le texte à un moment. C'est donc aussi le thème de l'utopie qui est traité ainsi ; qui ne rêve d'un paradis sur terre, d'un Bosphore à soi. Déjà l'individualisme hédoniste, jouisseur.

Un autre registre, plus complexe est celui de l'identité, abordé avec les 3 dernières scènes. Qui sont ces personnages ? Michel Pacha, Jean Blaise Marius Michel honoré Pacha ou un fou de l'hôpital psychiatrique La Paix, construit par Napoléon III pour soigner la sultane Djamila, la soeur du sultan, à Istanbul, Marius Louis, marin, homme de confiance de Michel Pacha, blessé gravement en mer et devenu schizophrène, se prenant pour son protecteur, le docteur Kastro (jouant Napoléon III) tentant en vain de le traiter en s'immisçant dans son monde imaginaire ? L'allusion à Louis Page est ambiguë. Paul Page fut l'architecte de Michel Pacha, il construisit même l'hôpital psychiatrique de Pierrefeu. Marius Louis le nomme Louis Page. Entre Marius, Louis, Michel, Paul, prénoms et noms, ce n'est pas simple ; ça glisse comme dit et fait l'inconscient. Ce renversement oblige à une relecture de la pièce. L'utopie réalisée à La Seyne par un programme économique, éducatif et architectural est-elle réelle ou imaginaire ? Ces décors et costumes, simulacres de médecin ou réalité seynoise ? Avons-nous été bernés 20 scènes durant ? La mise en abyme est stimulante pour la pensée.

Je pense que Mon Bosphore à moi est une pièce actuelle, pas du tout circonstancielle, anecdotique. C'est une pièce abordant des sujets importants de façon accessible, populaire, farcesque. Il est clair qu'aujourd'hui, beaucoup de gens sont clivés, fendus en deux, schizophrènes. Les identités ne sont plus assurées parce que le monde change, parce que l'utopie a foutu le camp, parce que les forces conservatrices incapables d'autre chose se crispent sur leur avoir, parce que les forces progressistes sont incapables d'ouvrir des voies, de susciter l'enthousiasme, l'espoir en acte. La pièce s'achève sur un coup d'état en Turquie qui a renversé le sultan, initié par le mouvement Union et Progrès. Si au début du XX° siècle on pouvait croire à ces deux mots, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Union cache désunion, division. Progrès cache régression, no futur.

Je pense que de nouvelles lectures doivent avoir lieu dans l'aire toulonnaise et ailleurs. Le public a beaucoup apprécié la lecture, les applaudissements chaleureux ont récompensé la performance des lecteurs, très crédibles, convaincants. 20 livres ont été vendus.

Si ces nouvelles lectures donnaient la possibilité d'une création, ce serait la plus belle suite de cette aventure réussie d'écriture où un Turc parle d'un Français, où des allers-retours France-Turquie-France ont permis l'édition de la pièce. Je vais communiquer la pièce à Dominique Dolmieu à la MEO, à Paris. Je la présenterai au Grand prix de littérature dramatique en 2015.

Jean-Claude Grosse

l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi
l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi
l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi

l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi

revue de presse du Festival Istanbul

Vers la sobriété heureuse/Pierre Rabhi

$
0
0
Vers la sobriété heureuse/Pierre Rabhi

Vers la sobriété heureuse

Pierre Rabhi

Actes-Sud

De Pierre Rabhi, je n'avais lu que le petit mais significatif La part du colibri. Contre l'incendie tropical, non découragé par l'énormité voire l'impossibilité de la tâche, le colibri fait sa part, quelques gouttes d'eau dans son bec jetées dans les flammes, sans se soucier des moqueries de ceux qui baissent les bras.

De Pierre Rabhi, j'avais lu des interviews, vu des vidéos. L'itinéraire de cet activiste serein est stimulant. Je dis activiste serein parce que les nombreuses initiatives qu'il a suscitées ont essaimé, sont devenus pérennes, visibles, que ce partage d'expériences, cette transmission de savoirs et savoirs-faire en agro-écologie, permaculture et autres domaines dont l'école d'inspiration Montessori, rendent les gens autonomes. C'est une véritable politique et économie de type rhizome qu'il a initié et qui se répand sur les continents. En aucun cas, un gourou.

Comme lui, je pars de mon récent vécu.

En 2008 quand j'ai été tête de liste au Revest de la liste Avec vous maintenant, c'est bien un projet de village éco-citoyen que nous avons élaboré et porté. À relire notre projet, il aurait dû être plus concret (projet sur la Tourravelle, sur la Ripelle en s'inspirant de ce qui se passe au domaine de Tourris, culture du safran, de la truffe, oliviers ; au domaine du Marlet, il y avait eu de la vigne) et partant plus attractif mais ça n'aurait pas changer grand-chose. La crise des subprimes (prononcez à la française, ça fait supprime) de 2008 est arrivée après et a été surmontée avec la planche à billets et l'austérité. Nous n'avons eu aucun élu malgré 15% des voix.

En 2014, une bonne partie de la liste de 2008 s'est à nouveau rassemblée sous l'appellation alternative de démocratie au Revest et a obtenu 3 élus avec 28% des voix. À ce rythme, encourageant mais insuffisant, le village sera complètement défiguré par l'habitat pavillonnaire, l'urbanisation galopante, le trop plein des piscines à débord, asphyxié par une circulation excessive de particules fines et des difficultés insurmontables de stationnement.

Cette politique stupide d'urbanisation outrancière constitue ce que j'appelle l'échec collectif du Revest, elle est le fait des élus certes mais c'est une politique qui répond aux demandes des vendeurs de terrains comme aux demandes des acheteurs de parcelles de 400 m2 et moins. Les gens voyant le monde au travers de la lunette « profit pour moi de vendre ou d'acheter », il est évident que tant que le mur ne leur écrasera pas le nez (car bizarrement le mur se déplace pendant que les gens font du sur-place), ils ne changeront pas de lunette, on restera dans le paradigme du progrès, du confort, de la piscine personnelle, de l'isolement sécurisé avec alarme bruyante, de la consommation trépidante...

Il est évident en conséquence que ce n'est pas par les élections (pièges à cons, a-t-on dit en 1968, je crois que c'est de plus en plus juste !) et la soi-disant démocratie (il y a beaucoup à dire sur ce sujet, représentative, participative ...) que le changement nécessaire (mais combien croit que ce changement est nécessaire) de paradigme se fera.

Pour Pierre Rabhi, le changement doit se faire d'abord en soi. C'est ce lien entre changement personnel et changement de monde qui me semble être un des apports de sa pensée et de son oeuvre comme de bien d'autres parce qu'on est revenu d'un certain nombre d'idéologies subordonnant l'individu au collectif (patriotisme et nationalisme, nazisme et stalinisme) mais les vieilles religions reprennent le relais avec leurs intégristes alors qu'on pouvait penser que l'homme moderne s'était émancipé de l'aliénation religieuse. La laïcité est une spécificité française, non universelle et aujourd'hui elle se porte mal, les religieux battant le pavé, faisant du lobbying, manifestant, exigeant, ce qui rend problématique la séparation vie publique, vie privée, la religion relevant du domaine privé. Les religieux veulent se manifester au grand jour. Le livre récent d'Yvon Quiniou : Critique de la religion, une imposture morale, intellectuelle et politique est à mettre entre toutes les mains.

Depuis le 25 janvier 2015, un groupe Colibris s'est constitué au Revest qui se réunira une fois par mois pour des activités concrètes et des réflexions à partir de lectures préalables comme Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi, La cause humaine de Patrick Viveret, La voie d'Edgar Morin.
Parmi les activités concrètes, le groupe s'oriente vers la création d'incroyables comestibles au village avec participation des enfants des écoles, soutien des élus.

On voit, ce n'est pas encore fait mais l'idée est bien dans l'air, que du changement dans la proximité est à portée d'envies et de mains. Point besoin de centraliser pour prendre le pouvoir sans quoi on ne pourrait soi-disant rien faire. Nous avons le pouvoir de décider de faire ceci, cela, de nous réunir, de discuter, d'agir, d'élargir, de partager. C'est ce pouvoir d'initiatives concernant les besoins fondamentaux humains, cultiver, se nourrir sainement, habiter léger et économe, se vêtir sobrement, éduquer, s'éduquer, s'humaniser que Pierre Rabhi tente de susciter. En tenant à l'écart les désirs superflus qui créent la séparation, la distinction sociale.
Il part de son expérience personnelle, de ce qu'il a vécu, les transformations d'une société ancienne, ancrée dans le respect de la terre nourricière, société où l'on était pauvre mais heureux (la vie avait du sens, la solidarité de proximité existait), société désorganisée par l'exode rural, l'urbanisation et l'attrait des villes, engendrant la misère, la désespérance, l'atomisation des individus, l'aliénation par le travail, toute cette désorganisation, destruction se transformant en globalisation, mondialisation, soumission à la finance, pillage des ressources, épuisement de la planète, pollutions, empoisonnements par les pesticides, changement climatique. Il montre très bien le rôle malsain de l'humanitaire dans un monde de spoliations, l'humanitaire servant d'alibis aux prédateurs, les états et puissants s'en remettant à l'humanitaire pour ne pas être remis en question par des explosions massives, À peine des mouvements d'indignés avec en face toujours plus de flics casqués, armés, surarmés, racistes, contrôlant au faciès... J'arrête le tableau du progrès technique. Le mur est là devant nous qui avance sur nous, nous sidérés. On lira avec plaisir le livre de Patrick Ourednik pour se réconcilier avec le progrès : Europeana, une brève histoire du XX° siècle. Une exposition un peu désordonnée de faits, une accumulation d'horreurs présentées avec humour et décalage. À raison d'1 mètre 72 par cadavre, si on avait mis tous les soldats morts de toutes les nationalités ensemble pieds contre tête, de la guerre de 14-18, ils auraient mesuré 15 508 kilomètres.

Les titres des chapitres sont clairs, ils en disent autant que mes commentaires très libres : Le déclin du monde paysan, la modernité une imposture, la subordination au lucre, la sobriété une sagesse ancestrale, le lien avec le caractère sacré de la vie, la pauvreté en tant que valeur de bien-être, l'autolimitation volontaire...

Notre seule chance éventuelle est la sobriété heureuse. L'expression a remplacé une autre expression : décroissance soutenable qui n'était pas supportable par les gens. À tel point que l'on a préconisé le développement durable, ça semble moins ringard, moins recul à l'âge de Silex City.

On comprend que le choix de la sobriété heureuse est un choix personnel, éthique (pas moral car la morale universelle des droits de l'homme s'impose à tout homme raisonnable alors que l'éthique du bonheur par la sobriété n'est qu'un des choix possibles faits par les hommes). En conséquence, ce choix personnel, cette éthique n'est pas imposable, ce choix relève de la liberté de chacun. Et il ne me semble pas qu'il faille en appeler au sens de la responsabilité de chacun pour tenter d'infléchir des choix qui ne seraient pas porteur d'avenir pour l'espèce par la sobriété. Je pense que pendant encore longtemps, seule une minorité fera le choix de la sobriété heureuse.

À ce propos, Pierre Rabhi note son évolution dans son Ardèche méridionale. Pendant 15 ans, ce fut quand même la galère, sans eau, sans électricité. Et il est bien content que ces progrès soient arrivés jusqu'au hameau des buis à Lablachère. Donc un peu de progrès autrement (Marcel Conche s'est arrêté à certaines propositions, faisant du sur-place avec son téléphone mais pas internet, laissant le progrès poursuivre son galop fou), l'électricité autrement, les cultures sur terre sèche... De nombreux reportages et documentaires montrent que ça bouge, que ça invente. Un million de révolutions tranquilles, c'est le titre d'un livre.

On le comprend, la notion de sobriété heureuse est élastique. Elle est déclinable dans de multiples comportements au quotidien, économiser l'eau, faire du compost de ses déchets végétaux, installer une ruche sur son terrain, planter des semences kokopelli...

J'émettrai quelques bémols.

  • Pierre Rabhi qui dénonce à juste titre le rôle prédateur de la finance internationale ne propose rien contre les banques ou à côté des banques. Or il y a urgence à obtenir par exemple la séparation entre banques de dépôts et banques d'affaires, à débarrasser les dettes publiques de toute la part de prêts toxiques qu'elles comportent, à lutter efficacement contre la fraude fiscale, l'optimisation fiscale par les multinationales... C'est un chantier énorme qui peut, si de plus en plus de gens quittent les banques classiques pour des banques alternatives, solidaires, se résoudre sans trop de dégâts pour les particuliers parce que les banques seront menacées. Il faut comprendre que l'état ne lâchera jamais les banques, qu'il les renflouera en cas de faillite, que donc nos épargnes seront confisquées sans état d'âme par l'état comme il est capable de réduire les salaires, les retraites. Les pays qui subissent les lois de l'austérité s'en rendent compte. Déserter les banques qui depuis des décennies nous manipulent est donc une nécessité. Il faut mettre son argent ailleurs, en faire autres usages.

  • La nostalgie de la vie rurale d'hier vaut pour l'auteur, elle ne doit pas nous envahir, nous qui n'avons pas connu le travail des champs, le travail artisanal. Le monde d'hier n'était pas si idyllique que ça, à mon humble avis.

  • La notion de sacré est toujours à prendre avec des pincettes. La vie comme puissance sacrée, ça peut avoir un côté religieux dont on peut se passer. Se vivre comme vivant, être vivant parmi d'autres êtres vivants, d'espèces différentes, parfois en conflit, parfois en harmonie, doit pouvoir suffire à ce qui importe, respecter la vie, développer un sentiment de gratitude envers ce qui nous est offert parfois à l'excès, trop de pluie, trop de soleil, trop de vent, sentiment de gratitude envers ce que nous obtenons par notre travail et par chance aussi (peut-être surtout par chance mais ce n'est pas ainsi que se voit l'homme qui se croit possesseur et maître de la nature, pauvre con !) et que nous partageons avec nos proches.

  • Je pense que le naturalisme de Marcel Conche pourrait enrichir la pensée philosophique assez peu manifeste de Pierre Rabhi. Mais je ne vais pas m'essayer à hybrider l'un par l'autre.

  • La référence à la notion d'humanisme, non défini dans le livre, me gêne en ce sens que l'humanisme comme idéologie morale soi-disant universelle a été un des vecteurs de la destruction de nombreuses cultures au nom de la civilisation universelle qu'on colportait.

  • Je terminerai par l'évocation de la parole d'Anaximandre, vieille de 2700 ans qui tente de dire le pourquoi de la mort, réparation de l'injustice faite aux non-nés du fait de naître. Donc en mourant, nous laissons place à d'autres chances, la nôtre ayant fait son temps. Ça me plaît beaucoup plus que toutes les immortalités ou réincarnations. Et ça met un terme à trop d'amour de la vie qui ne vaut rien sans acceptation et même amour de la mort de chacun, des civilisations, de l'espèce, du soleil … pour d'autres vies, d'autres chances. Et Ça c'est la Vie.

La Parole d'Anaximandre qui subsiste (3 formulations trouvées):

1- D'où les choses ont leur naissance, vers là aussi elles doivent sombrer en perdition, selon la nécessité; car elles doivent expier et être jugées pour leur injustice, selon l'ordre du temps ou selon la nécessité ; car ils se paient les uns aux autres châtiment et pénitence pour leur injustice

2- Les choses retournent d'où elles viennent par nécessité, car elles se rendent mutuellement justice et réparent leurs injustices selon l'ordre du temps

3- Toutes choses ont racines l'une dans l'autre et périssent l'une dans l'autre, selon la nécessité. Elles se rendent justice l'une dans l'autre, et se récompensent pour l'injustice, conformément à l'ordre du temps.

"Trois évènements sans lesquels aucun être n’existe – venir au jour, séjourner, périr – trois évènements qui n’en font qu’un, puisqu’il s’agit des trois moments de cet évènement qu’est l’être lui-même (le fait même d’être) pour ce qui est. [...] Genesis, ousia et phtora désignent un seul évènement qui se continue – se continue jusqu’à son terme. Si donc, la genesis, l’ousia et la phtora sont temporellement déterminées, elles ne le sont pas à part l’une de l’autre : il s’agit de trois déterminations qui n’en font qu’une. Genesis, ousia, phtora, sont l’évènement génération-existence-destruction, ou des feuilles, ou des hommes, ou des cités, ou des nuages, ou des vagues de la mer.", un des commentaires de Marcel Conche, dans son remarquable Anaximandre aux PUF.

Jean-Claude Grosse

Liens :

http://les4saisons.over-blog.com/article-le-revest-histoire-d-un-echec-collectif-44182253.html

http://avecvousmaintenant.free.fr/spip.php?breve5

http://www.scoop.it/t/alternativerevest

http://www.dailymotion.com/video/x2d3sgj_les-grands-lecteurs-andre-wilms-lit-patrik-ourednik_creation

http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4869710

http://appli6.hec.fr/amo/Public/Files/Docs/139_fr.pdf

http://agoradurevest.over-blog.com/article-pierre-rabhi-40808288.html

http://agoradurevest.over-blog.com/2014/07/du-bon-usage-de-la-fin-d-un-monde.html

http://les4saisons.over-blog.com/2014/06/le-rev-resistance-experimentation-vision-patrick-viveret.html

http://www.jacquescheminade.fr/En-finir-avec-les-emprunts-toxiques

http://www.jacquescheminade.fr/De-quoi-la-dette-grecque-est-le-nom

http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20150205.OBS1751/lobbying-consanguinite-complaisance-le-livre-noir-des-banques.html

http://terre-humanisme.org/

http://www.colibris-lemouvement.org/

http://www.la-ferme-des-enfants.com/

http://www.passerelleco.info/rubrique.php?id_rubrique=83

http://www.incredible-edible.info/?p=2051

http://les4saisons.over-blog.com/page-4418836.html

L'insurrection poétique des corps/J.C.Grosse

$
0
0
au Yémen en novembre 1994 pour le colloque : être absolument moderne à la Maison Rimbaud à Aden, aventure qui a duré 3 ans; la maison Rimbaud a été fermée le 30 juin 1997 et transformée en hôtel Rambow.; au parc du Mugel à La Ciotat en août 2011 avec Baïkala pour une découverte de la poésie russe; un livre sillage réalisé par Aïdée Bernard à partir de mon testament amoureux
au Yémen en novembre 1994 pour le colloque : être absolument moderne à la Maison Rimbaud à Aden, aventure qui a duré 3 ans; la maison Rimbaud a été fermée le 30 juin 1997 et transformée en hôtel Rambow.; au parc du Mugel à La Ciotat en août 2011 avec Baïkala pour une découverte de la poésie russe; un livre sillage réalisé par Aïdée Bernard à partir de mon testament amoureux
au Yémen en novembre 1994 pour le colloque : être absolument moderne à la Maison Rimbaud à Aden, aventure qui a duré 3 ans; la maison Rimbaud a été fermée le 30 juin 1997 et transformée en hôtel Rambow.; au parc du Mugel à La Ciotat en août 2011 avec Baïkala pour une découverte de la poésie russe; un livre sillage réalisé par Aïdée Bernard à partir de mon testament amoureux
au Yémen en novembre 1994 pour le colloque : être absolument moderne à la Maison Rimbaud à Aden, aventure qui a duré 3 ans; la maison Rimbaud a été fermée le 30 juin 1997 et transformée en hôtel Rambow.; au parc du Mugel à La Ciotat en août 2011 avec Baïkala pour une découverte de la poésie russe; un livre sillage réalisé par Aïdée Bernard à partir de mon testament amoureux
au Yémen en novembre 1994 pour le colloque : être absolument moderne à la Maison Rimbaud à Aden, aventure qui a duré 3 ans; la maison Rimbaud a été fermée le 30 juin 1997 et transformée en hôtel Rambow.; au parc du Mugel à La Ciotat en août 2011 avec Baïkala pour une découverte de la poésie russe; un livre sillage réalisé par Aïdée Bernard à partir de mon testament amoureux
au Yémen en novembre 1994 pour le colloque : être absolument moderne à la Maison Rimbaud à Aden, aventure qui a duré 3 ans; la maison Rimbaud a été fermée le 30 juin 1997 et transformée en hôtel Rambow.; au parc du Mugel à La Ciotat en août 2011 avec Baïkala pour une découverte de la poésie russe; un livre sillage réalisé par Aïdée Bernard à partir de mon testament amoureux

au Yémen en novembre 1994 pour le colloque : être absolument moderne à la Maison Rimbaud à Aden, aventure qui a duré 3 ans; la maison Rimbaud a été fermée le 30 juin 1997 et transformée en hôtel Rambow.; au parc du Mugel à La Ciotat en août 2011 avec Baïkala pour une découverte de la poésie russe; un livre sillage réalisé par Aïdée Bernard à partir de mon testament amoureux

Le 1° temps de mon insurrection poétique pour ce Printemps des poètes 2015 traite de l'insurrection poétique des corps.

Le 2° temps, dans une semaine, traitera de l'insurrection poétique des consciences.

L'insurrection poétique des corps

L'affiche de ce 17° Printemps évoquant Vladimir Maïakovski, je ne peux m'empêcher de citer ces lignes d'une fiction d'un auteur classé XXX :

***************************************************************************************************************

EMMANUELLE, NOUS ET MOI
OU
DU PLAISIR DE CROISER DES ÉCRITURES

(entre l'auteur XXX et l'éditeur J.Cl.G)

C'est le 4 juin 1968 que j'ai osé aborder Emmanuelle.
68. Paris. Quartier latin. L'imagination au pouvoir.
Retrouvée la force des mots-tocsin. Du vent, semble-t-il, des pétales tombés sous les talons d'une danse mais l'homme pourtant, avec toute son âme, ses lèvres, sa carcasse...
Rejoint par nous de 68, Vladimir Maïakovski, le poète des mots-tocsin: Désembourbez l'avenir nous crie-t-il depuis 1925 et à moi: Calcule, réfléchis, vise bien et avance -ne serait-ce que dans le détail- chez toi, à table, dans tes rapports, tes moeurs pour atteindre la taille de la puissante vie à venir.
Et nous de 68 de lui répondre sur les murs où s'écrit la parole en archipel par la salve d'avenir de René Char: Vivre devient la conquête des pouvoirs extraordinaires dont nous nous sentons profusément traversés mais que nous n'exprimons qu'incomplètement faute de loyauté, de discernement cruel et de persévérance. La bêtise aime à gouverner. Arrachons lui ses chances.

Et moi avec les feuillets d'Hypnos: Obéissez à vos porcs qui existent. Je ne plaisante pas avec les porcs. Je me révolte et me soumets à mes dieux qui n'existent pas. Poésie, la vie future à l'intérieur de l'homme requalifié.

(- Mon héros, je l'imagine poète. C'est pourquoi il mythifie 68. L'auteur, XXX.)

(- La poésie du héros est fascinée par l'absence, ce qui n'est pas; elle est plaintive à l'égard de ce qui est. À cette poésie de la nostalgie, de l'utopie, j'oppose la poésie de la présence, poésie de l'acceptation, de l'acquiescement à ce qui est. Alors le séjour de l'homme est séjour du divin selon Héraclite. Note de l'éditeur: J.Cl.G, directeur de la revue APORIE où ce texte est paru, qui a souhaité croiser son écriture avec celle de l'auteur, XXX.)

Beaucoup de monde. Prenant plaisir à parler, écouter, échanger, partager. Audace des idées, chaleur des sentiments, force des émotions, subtilité des sensations. Fête de l'esprit et des corps. Impossible de ne pas rencontrer celle qui veut changer l'amour au milieu de ceux et celles qui veulent changer la vie. Je suis de ceux-là. Je la rencontrerai donc. J'ai beaucoup entendu parler d'elle. En bien. En mal. Elle a des partisans, des détracteurs. Les ambivalents. Les sceptiques. Les imbéciles: Que va-t-on faire de notre liberté puisque l'érotisme est libérateur? Allons-nous passer nos jours à rien d'autre qu'à faire l'amour en imaginant des positions nouvelles, des combinaisons inédites? Les hommes auront-ils assez de sperme pour tant d'orgasmes? Les femmes ne vont-elles pas avoir leurs orifices irrités? A-t-on trouvé d'autres adoucissants que le beurre?

(- Le Sida et le Stob - il s'agit d'une maladie nouvelle, encore inconnue du grand public, aux effets similaires à ceux du Sida; elle s'attrape quand on fait l'amour sans amour; elle a été mise au point par des virus préoccupés de vertus - n'ayant pas encore été découverts à l'époque, en 68, il est facile à l'auteur, XXX, de faire de l'ironie et de ridiculiser les imbéciles en leur faisant poser des questions saugrenues. Aujourd'hui, les mêmes imbéciles posent des questions pleines de bon sens, dans le vif du sujet. Note de J.Cl.G.)

(- J.Cl.G. fait de l'ironie pour me ridiculiser mais je lui fais remarquer 1° que les expressions qu'il emploie: saugrenues et dans le vif du sujet sont déplacées, 2° que le pape fait des prouesses en refusant d'utiliser les préservatifs des imbéciles. L'auteur, XXX.)

Et d'autres, snobs: l'érotisme sadien, c'est quand même autre chose, Histoire d'O, bien mieux écrit. Chacun a son mieux: Sexus, c'est bandant un max! Lolita, pervers comme tout, c'est chou!

***************************************************************************************************************

Je mets en ligne ces poèmes tirés de La Parole éprouvée, publiée aux Cahiers de l'Égaré le 14 février 2000, encore disponible pour 20 € chez l'éditeur,

Les Cahiers de l'Égaré, 669 route du Colombier, 83200 Le Revest.

Ils évoquent une insurrection des corps à laquelle j'adhère encore.

Il va de soi que je m'intéresse de très loin à ces Printemps des poètes, déjà 17, qui comme pour tout ce qui se fait aujourd'hui et pour ceux qui y participent n'ont d'écho que si c'est médiatisé donc médiatique.

Le succès en poésie (comme en théâtre, en musique, en installations ...) va au succès, la lumière à la lumière.

Pas question que la lumière fouille l'ombre, qu'elle se découvre et découvre.

La légende des siècles aura raison de ces phalènes printanières sachant s'adapter à leur environnement.

Je participe à peu d'événements, Poésie sous l'arbre au Parc du Mugel à La Ciotat (2 fois en 6 ans) ou à Oppède-le-Vieux (1 fois).

J'ai aussi participé au colloque : Il faut être absolument moderne, à la Maison Rimbaud à Aden au Yémen en novembre 1994. La Maison Rimbaud inaugurée en 1993, repeinte en bleu rimbaud en 1994, a été fermée le 30 juin 1997 et est devenue l'hôtel Rambow.

Je lis pour quelques marcheurs au repos, des poèmes de grands poètes (mais avec le temps d'une petite vie, j'observe combien s'évanouit ma passion pour pas mal de grands poètes qui me lassent; ils finissent par me paraître faux!), quand j'organise des sentiers des 4 saisons, printemps, été, automne, hiver (il y en eut 4; je reprendrai peut-être avec le jeu L'invitation à la vie).

Je constate que mes poèmes d'amour pour chaque jour de toujours sont chaque jour en tête des pages lues. J'ignore qui lit, qui copie. C'est fait pour circuler. Ça circule. Et j'en suis chaviré.

Jean-Claude Grosse

Les ailes du désir

Faux les papiers d’identité

Entre mes désirs et mes réalisations

un abîme

Échapper à cette arithmétique de comptable

à ces budgets

ces bilans

qui figent les élans

stérilisent les projets

Plaquer des échos morts au fond de nos lobes frontaux

tel est le but avoué des gouverne-mentaux

Faire taire en moi la mécanique répressive

Déranger par un grand rire sonore les pièges de la névrose

Loin de l’éclat de l’or et du dollar

les sous-développés sèchent au soleil

Miracles de la technique

nous sommes dépossédés de nos pouvoirs de création

Je veux retrouver

mon corps

et toutes les postures

mon esprit

et son étoile polaire

mon cœur

et son exubérance tropicale

mon âme

sans ses impostures

Oh ! terrible le réveil à gueule de bois

paralysie des audaces gargantuesques

inventer 101 torche-culs

Dispersion 1

entouré de limites

je tourne en rond

champ miné

pulvérisé par leur minable savoir

j’essaie de me trouver

mais

on me sonde

on me triture

à l’ultra-son

à l’infra-rouge

à l’électro-choc

à l’insuline

je me répands sur des lamelles de verre

dans des éprouvettes

des cornues des ballons

je deviens rouge de chiffres et d’hypothèses

sur l’autel des théories on m’immole

je suis fixé au stade sadico-anal

car je me gratte le cul avec plaisir

j’ai sucé jusqu’au sang le sein maternel

je suis donc jouisseur en sus

j’ai pissé dans mes langes et j’étais aux anges

alors je rêve de paradis perdu

j’ai chié dans le pot et à côté du pot pour les faire chier

ça ils ne l’ont jamais supporté

je me suis masturbé et je ne suis pas devenu sourd

qu’ils sont lourds !

que de progressions

de régressions

que de fixations

de transgressions

j’ai bien du mal à me construire

ils m’ont dispersé

aux quatre petits coins de leur grand pouvoir

Dilatation

Que se dilate

l’espace exigu de mon corps

où fouille l’inévitable mort !

Voici un estomac vorace

où tout ce qui passe

est réduit en bouillie

sans souci de poésie

Voici un intestin

long serpentin

qui réduit mon destin

aux spasmes de l’instinct

Voici un sexe

champ de complexes

où s’agitent les poisons

de mes futures trahisons

Je hais cette vie limitée

dans mon corps délimité

Je cherche ma liberté

hors de ce modèle contrefait

Intestins

Secrets glissants dans mes boyaux lisses

secrets en mouvement dans mes intestins gros et grêle

tous les jours se tisse un lien nouveau

avec le royaume fermenté de la décomposition

vrai festin des restes digérés et malodorants

d’où naissent des énergies renouvelées et surprenantes

Dans l’univers fécal fument mes rêves d’hier

et s’élabore par une alchimie explosive

mon humeur d’aujourd’hui exécrable

Ébauche

Je suis une débauche

de gestes coincés

de mots empesés

de billevesées

de sentiments pesants

une débauche

d’agitations

d’excitations

de soumissions

de démissions

une débauche

qui empile dans le passé

tout ce que je n’ai pas fait

qui enfourne l’avenir

et tout ce qui est appelé à mourir

une vraie débâcle du présent

une fuite éperdue de l’instant

Portrait (rat) uré

Ça parle

lente progression à travers une somme de régressions

brusque réalisation d’une série de différances

clarté éphémère au terme d’un cheminement obscur

frayage surprenant qui défraie la chronique

Je fonctionne à la lacan

Dispersion 2

Des milliards d’impressions sur ma peau

des milliards de réactions dans mon cerveau

des milliards d’excitations venues du dehors

pénétrant mes dedans par les yeux les doigts les narines les oreilles

les milliards de neurones de mes pauvres nerfs mis à vif

des milliards de stimuli

des milliards de réflexes

des milliards d’informations

reçues au fond des cellules

expédiées du fond des cellules

tout cela me dépasse

je ne suis pas à la bonne échelle

je ne suis pas responsable

de cette organisation proliférante de l’infime

de ces cellules qui se divisent

de ces molécules qui se combinent

de ces électrons rebelles

de ces radicaux libres

de ces particules étranges

je ne suis pas responsable

de ces milliards d’automatismes de l’intime

à logique primaire binaire

je me désolidarise de moi-même

je vais m’organiser autrement

je ne serai pas reproductible par clonage

Jean-Claude Grosse (Printemps des Poètes 2015)

L'insurrection poétique des consciences/J.C.Grosse

$
0
0
le poète transparent, de jour comme de nuit; qui veut le lire, l'écouter, le rencontrer ?
le poète transparent, de jour comme de nuit; qui veut le lire, l'écouter, le rencontrer ?
le poète transparent, de jour comme de nuit; qui veut le lire, l'écouter, le rencontrer ?

le poète transparent, de jour comme de nuit; qui veut le lire, l'écouter, le rencontrer ?

L'insurrection poétique des consciences

Réquisitoire


Amères sont les mères
Me désespèrent les pères

Mère
cesse au nom de tes peurs de tirer à mots portants sur mes désirs sans nom
de baliser mon entrée dans la vie avec les feux verts et rouges
de ton conformisme
je ne veux plus de ton amour terre à terre : pipi caca dodo
annonciateur de l’enfer au jour le jour : boulot métro dodo
plus de tes sollicitudes hérissées
de tes injonctions paradoxales
cesse de mettre entre moi et le monde
le filet de tes paroles convenues
de me gaver de tes mièvreries et jérémiades
de m’habiller avec les chiffons de tes mensonges
Mère
tu n’es pas la mère que tout enfant mérite d’avoir
parce qu’il ne suffit pas de m’avoir pour être ma mère
Enfants, nos vraies mères sont à inventer !


Père
sévère d’hier
cesse de te mettre en travers de mes traversées de miroir
(Raclée)


Père d’aujourd’hui
qui n’a de père que le nom
qui n’a rien à me proposer à quoi m’opposer ou m’identifier
qui m’imite en tout
père démissionnaire, je suis sans repères
père soumis volontaire, je suis sans imaginaire
(Rien)
Père
tu n’es pas le père que tout enfant mérite d’avoir
parce qu’il ne suffit pas de m’avoir pour être mon père
Adolescents, nos pères ont été phagocytés avec leur consentement par nos mères, travesties d’hommes et de minettes
Jeunes gens, il est trop tard pour inventer nos vrais pères !

Nos parents nous élèvent
comme on élève dindes et poulets
comme on gave canards et oies
volatiles de leur bestiaire d’histoires édifiantes
Ils se trompent de sens
Nous ne sommes pas nés pour l’élevage
mais pour l’élévation

Appel à résurrection / insurrection

Où êtes-vous

vieux camarades

des vieilles mascarades

que nous n’avons pas connues

nus parmi tous les nus de la terre nue

Dans les fosses communes réintégrez-vous le chaos initial

nuages incertains des particules premières

gigantesque désordre du sauve-qui-peut stellaire

Dans les volcaniques sous-sols préparez-vous le bouquet final

par éruption et coulée de laves en fusion

Êtes-vous les couturiers des ultimes productions d’ordre

au hasard de distributions et de rencontres dans le désordre

Avez-vous trouvé l’harmonie des mondes

si rassurante

décrite par les découvreurs somnambules

ou êtes-vous entrés dans l’infernale ronde

si angoissante du désordre cosmologique

de la catastrophe thermique

décrite par les chercheurs funambules

Revenez vieux frères

Aux frontières du cauchemar

il n’y a pas de repos éternel

ni de réincarnations spectaculaires

pas de conservation de la matière

ni de passage solennel de barrière

pas de paradis plein de promesses

ni d’enfer aux flammes vengeresses

Aux frontières du cauchemar

il n’y a que l’impossible mariage du hasard et de la nécessité

la tragique rencontre du chaos et de la régularité

il n’y a que turbulences et déviances

dérèglement et instabilité

poursuivant on ne sait quelle finalité

Aux frontières inconnues

il n’y a rien que des hommes nus

que des hommes volés

des hommes morts pour rien

des hommes de rien morts comme des chiens

de pauvres hommes volés par les hommes de biens

Revenez vieux camarades

des classes enragées des classes dangereuses

revenez prendre place dans les bousculades

qui font chanceler les chancelleries

revenez riches du bouillonnement des galaxies

pour ébranler les pyramides du respect

revenez prendre place sur les barricades

vous les expulsés les exilés

vous les enragés sans voix ni droits

vous les errants interdits de stationnement

citoyens de nulle part parce que citoyens à part nulle

revenez prendre votre revanche

sur les hommes des sarcophages des aéropages

revenez riches des convulsions sidérales

pour renouer avec toutes les hérésies toutes les frénésies

et substituer au rougeoiement des bûchers de toutes les Inquisitions

le flamboiement des feux de joie de la Révolution

Les dits d’Octobre

Je suis né 23 ans après la révolution d’Octobre

avec au sexe un élan de cathédrale

dans les yeux l’éternité de l’étoile polaire

dans les mains la ferveur de la pierre d’angle

et mon cœur connaissait déjà toutes les impostures

Je suis né 23 ans après la révolution d’Octobre

avec au ventre le désir d’engrossements patients

dans le sang l’éphémère exubérance des tropiques

dans les pieds la légèreté nomade

et mon corps s’essayait déjà à toutes les danses

Je suis né 23 ans après la révolution d’Octobre

et je me suis adressé à vous mes semblables :

Premier couplet en 1967 devant La LibertŽé guidant le peuple de Delacroix

La révolution d’Octobre a 50 ans

je suis debout, plein de fougue

abattons le monde fou !

Deuxième couplet en 1977 devant Le Triomphe de la Mort de Breughel

La révolution d’Octobre a 60 ans

je suis toujours debout

mais aussi le monde fou

qu’attendons-nous ?

Troisième couplet en 1987 devant Le Radeau de la Méduse de Géricault

La révolution d’Octobre a 70 ans

elle va bientôt se retrouver au trou

la Révolution trahie

Quatrième couplet en 1997 devant Le Jardin des DéŽlices de Bosch

Plus rien ne résiste à l’argent fou

Cinquième couplet en 2017 devant les ruines du Parthénon

????????????????????????????????????????????????

Conjugaison

Je te terrorise

tu me terrorises

nous vous terrorisons

vous nous terrorisez

ils finirent par s’entretuer

ce fut la fin de la guerre

entre frères ennemis

ou et

je me terrorise

tu te terrorises

nous nous terrorisons

vous vous terrorisez

ils finirent par se suicider

ce fut la fin de la haine

de chacun contre lui-même

Relevé topographique

Ma carte

je suis le seul à l’avoir dressée

il s’agit d’un territoire très sous-développé

il y a quand même une capitale

MOI

et des villes satellites

TOI LES AMIS

il y a beaucoup de déserts

les autres

Agneau de Dieu

J’ai attendu longtemps

de passer sous l’arc de triomphe du monde

Je suis passé

roulé par la boue du monde

Me voici enfin

agneau si doux

attendant le moment de folie collective

pour redevenir loup

Mésallier les mots

Poète je suis le sel de la terre

une condensation actuelle de désirs restant à l’état de désir

et qui sur le papier se pulvérisent

au contact glaçant des mots hostiles

aux rencontres incongrues

aux évidences profondes

Poète je suis le décodeur des hasards de l’univers

mes poèmes sont des rapts réalisés avec des sueurs proportionnelles

à l’éclat des chevelures de comètes à fixer pour la postérité

mes poèmes sont des pièges à emploi souple

capables de se plier aux exigences cachées des particules charmées

Poète je suis l’homme qu’il vous faut

mon programme réclame pour chacun

la libre disposition des choses

la possibilité de jouir de leur séduction

de se méfier de leur érosion

la libre disposition de soi-même

la possibilité de développer son étrangeté légitime

d’aller jusqu’au bout de ses pentes quotidiennes

d’être aussi fou que son voisin et plus fou que le divin

dont la soif de création s’est arrêtée à l’incréé

mon programme réclame pour chacun

une réduction des horaires de banalité

une augmentation raisonnée des horaires de folie douce

Poète je suis un écran pour moi-même

un miroir magique pour les autres

je suis l’homme des amertumes et des bonheurs

l’homme des régressions et des expansions

l’homme des mutismes et des confessions

Comme le mercure sous la pression d’un doigt

je me multiplie en sphères solaires avides de beauté

au lever et au coucher

je suis l’homme de la détente et de la danse

l’homme de la transe

l’homme qui s’accroupit pour mieux sauter par-dessus

les cordes du quotidien

l’homme dont le cul se refuse à l’hygiène du langage

je ne veux pas tisser des phrases grammaticalement correctes

avec les mots d’argot de nos sexualités de bordel

j’aime marier les mots sous la pression d’un rire inextinguible

coupant comme une lame d’acier

pour trancher à vif dans ces phrases

qui ne conduisent à aucun belvédère

où prendre l’air et avoir vue sur la mer

j’aime marier ces mots qui ne se rencontrent jamais

Ces mésalliances sont la préfiguration noir sur blanc

des unions entre les hommes à venir

Poète

je tire des boulettes noircies d’encre

sur les mots bien élevés

qui se lèvent à l’entrée d’un supérieur

s’assoient sur ordre

se mettent en rang

et font du pas cadencé sur la page

Jean-Claude Grosse

La Parole éprouvée (Les Cahiers de l'Égaré, 2000)

Alexis, une tragédie grecque

$
0
0

Alexis, une tragédie grecque

 

j'ai vu ce spectacle au Théâtre Liberté à Toulon, le mardi 11 octobre 2011.

voilà un spectacle de théâtre-documentaire mais pas seulement, partant de l'assassinat d'un adolescent grec de 15 ans, Alexandro Grigoropoulos, par un policier grec, Epaminondas Korkoneas, 39 ans, dans le quartier athénien d'Exarchia, le 6 décembre 2008. Cet assassinat avait provoqué des émeutes violentes en Grèce de la part de la jeunesse, violences urbaines qui avaient commencé à faire tache d'huile dans certains pays européens. Le policier a été condamné à la prison à vie en octobre 2010.

Alexis.jpg

Depuis, la Grèce est au centre d'une crise dite de la dette. L'austérité y est plus que jamais à l'ordre du jour. Des grèves et manifestations mobilisent toujours les Grecs, tous âges, toutes professions. Il y a moins de violences dans ces grèves et manifestations. Dans le même temps, on a vu se développer en 2011, des révolutions pacifiques, à base de manifestations, d'occupations pacifiques de lieux symboliques qui ont abouti à la chute de régimes autoritaires en Tunisie, Égypte. Cela suivra en Syrie, au Yémen mais chaque pays est différent et les voies de la libération seront différentes (violente en Lybie, en Angleterre récemment, dans nos quartiers à l'automne 2005 et peut-être demain... ). Les mouvements pacifiques ont gagné l'Europe, les États-Unis : c'est le mouvement des indignés, c'est le mouvement : le monde contre wall street. Les mouvements violents ne sont pas en reste.

Si je décris sommairement ce qui s'est passé et se passe depuis 2008, c'est pour révéler la fragilité du théâtre-documentaire car la vie va plus vite que le théâtre. Je veux signaler par là que les interviews, images des violences de 2008 ne sont plus porteuses ; les gens ont depuis expérimenté d'autres formes de contestation, très symboliques, pointant les vrais responsables du sacrifice de la jeunesse et des autres couches de la population et je n'en doute pas, ces formes seront efficaces. Par exemple, un mouvement comme Copwatch qui surveille la police s'avèrera peut-être à terme efficace contre une police discriminatoire et peut-être plus, prête comme en Grèce ou ailleurs au coup de feu, de gaz et de je ne sais quoi (on a déjà vu de tels exemples, à Anduze, il y a quelque temps). De même, les Anonymous, WikiLeaks ont contribué et contribuent à faire bouger les lignes. Internet est de ce point de vue, un outil fort utile dans ce qui s'apparente à une guerre secrète et ouverte, entre États et citoyens.

Donc, ce n'est pas parce que la comédienne réussit à faire monter sur la scène une quarantaine de jeunes, mimant le geste de jeter un pavé, que ces jeunes vont devenir demain des révoltés violents, des indignés pacifiques et que l'histoire se mettra en marche grâce à cette pédagogie. Monter sur la scène et descendre dans la rue ne participent pas de la même rationalité ou irrationalité ou les deux mêlées.

Conséquemment, les interventions contextuelles, les questionnements des comédiens sur leur place à la fois dans le théâtre, sur le plateau, entre eux et dans la vie, la cité, que faire ? faire ! dernier mot me semble-t-il, avant l'appel à la salle, me semblent dérisoires. Je ne pense pas que le monde attende des acteurs, une telle mise à nu existentielle.

Cela dit, je préfère ce théâtre-documentaire qui essaie d'être en prise avec la réalité sociale au théâtre de divertissement qui m'en éloigne et flatte le peu ragoûtant en moi.

Donc merci à la compagnie italienne Motus pour ce travail dont je retiens un grand moment, les effets d'une balle en pleine poitrine.

 

 

 

 

Jean-Claude Grosse

 

PS: 

 

Un poème manuscrit, Nous voulons un monde meilleur, distribué lors de l’enterrement d’Alexis Grigoropoulos à Athènes, révèle l’état de révolte et de désespoir de la jeunesse envers la génération qui l’a précédée :  

 

Nous voulons un monde meilleur

 

Souvenez-vous,

Vous aussi avez été jeune

Maintenant vous courez derrière l’argent

Vous ne vous souciez que des belles vitrines

Vous êtes devenu gros

(…)

Vous avez oublié !

Nous attendions votre soutien

On espérait que cela vous aurez intéressé

Que vous auriez été capable de nous redonner notre fierté

(…)

En vain !

Vous vivez de fausses vies

Vous baissez la tête

Vous avez baissé le pantalon

Et vous attendez le jour de votre mort

(…)

Où sont les parents ?

Où sont les artistes ?

Pourquoi n’êtes vous pas venu nous protéger ?

 

Post Scriptum :

 

Ne nous lancez pas de gaz lacrymogène, on pleure tout seul.

 

 

 

JC,

pour ton article sur Alexis, je ne partage pas tout à fait tes points de vue:
> pour les événements : tout ce que que tu dis sur l'actualité qui ne l'est bientôt plus est juste, mais
> d'une part le théâtre documentaire n'a pas pour objectif d'inscrire des oeuvres pour la postérité;
> d'autre part, en ce qui concerne la Grèce, l'actualité de 2008 et celle de 2011 sont très proches,
> du moins pour ce que les artistes voulaient nous dire.
> Or, au-delà du cas de ce jeune-homme tué, je me suis trouvé singulièrement interpelé par la
> crise grecque et la nôtre, à un moment clé où je n'avais qu'à penser à cela, la réprésentation
> théâtrale, puisque l'on me permettait, dans le noir, de poser conscience et sentiments sur cette question
> grecque et par-delà toutes ces autres questions qui s'invitent dans notre vie, peu à peu, et dont on n'ose
> encore qu'à peine parler, par peur, par manque de temps, par manque d'habitude: la violence politique,
> la révolte, l'affrontement politique direct, la révolution, la rupture totale avec la vie menée jusqu'alors,
> le basculement dans l'Histoire, la tragédie en fait.
>
> Que le cadre de cette réflexion et que le lieu de la tragédie actuelle s'appellent la Grèce a de quoi m'interloquer
> également, et je trouve vraiment intéressant de nous faire voir au théâtre ce qui dans l'actualité nous ramène
> aux origines mythiques, politiques et artistiques de notre Europe, comme s'il fallait à nouveau passer par la Grèce
> pour refonder et repenser le monde, après les Romains, après les Occidentaux aux temps de l'amour des ruines
> et des massacres de Chio.
>
> Que le spectacle ait choisi de jouer en écho avec Antigone, renouvelant la force de ces mythes, loin de paraître convenu,
> loin de nous donner l'image de l'ado intransigeant(e) et finalement buté (e), renforçait, il me semble, le questionnement
> sur la légitimité de la radicalité aujourd'hui, en même temps qu'il révélait la fragilité de la raison face à des situations
> où surgit la violence. Extraordinaires images de cet homme qui tombe sous les balles, de ce tyran qui surplombe sa cité
> en feu, ou de cette femme qui se plie en deux pour, pour...
>
> Quant au fait de faire monter le public sur scène, je n'y ai pas vu une naïveté, ou une tentative de donner bonne conscience,
> un soir, à un peuple assis qui n'a pas l'intention de descendre dans la rue. je ne crois pas les artistes aussi candides que
> cela. Ce moment m'a plu car il a fallu bien du temps et des efforts et de la patience pour voir 40 spectateurs bouger leur derrière;
> et les autres ? Observateurs bien entendu; et puis ne surtout pas bouger du siège, à chacun sa place, et puis la timidité, la peur
> de ne pas y arriver, d'être vu, de sortir du noir pour aller dans l'arène publique, etc.... Quelle extraordinaire tableau de nos
> lâcheté, de nos peurs, de notre conformisme,de notre embourgeoisement, de nos préjugés etc... Je n'étais pas très fier, à la fin,
> d'avoir été totalement passif, de m'être convaincu que ma place était ss doute sur la scène mais que... C'était une belle image
> pour se rappeler qu'il n'y a jamais plus de 2 ou 3% de résistants en cas de coup dur...

> Voilà, et pour moi, avec ces moyens simples, déjà utilisés dans le passé, on fait un théâtre politique sacrément actuel et intelligent.

Gilles D.

 

dossier sur un film grec: ne vivons plus comme des esclaves

 

 

alexandros grigoropoulos et son meurtrier le policier epaminondas korkoneas
alexandros grigoropoulos et son meurtrier le policier epaminondas korkoneas

alexandros grigoropoulos et son meurtrier le policier epaminondas korkoneas


Tombé hors du temps/David Grossman

$
0
0

Tombé hors du temps

récit pour voix

David Grossman

Points Seuil fin 2013

une longue note sur Tombé hors du temps de David Grossman qui me permet de me poser la question, la mort est-elle justifiable ?


« Un homme quitte soudain la table du dîner, fait ses adieux à sa femme, après avoir gardé pendant cinq ans le silence sur « cette nuit-là ». Il se met en route pour « là-bas », à la recherche de son fils mort. De jour en jour, sa marche autour de la ville se fait plus obstinée. D’autres parents qui ont aussi perdu un enfant le suivent. Parmi eux, un cordonnier, une sage-femme, un centaure-écrivain tentent d’accepter l’intolérable, de matérialiser l’absence radicale de ceux qu’ils pleurent. Un chroniqueur commente leurs faits et gestes. Ainsi par la force et la grâce de la poésie, les personnages de ce récit polyphonique envoûtant parviennent un bref instant à rejoindre leurs disparus et à rompre la solitude que le deuil impose aux vivants. »

« Avec ce récit pour voix, David Grossman entre pleinement dans le monde du théâtre et de la poésie. Toute la pièce est tendue vers cet instant qui ne restera qu’un instant où tous se rejoignent, vivants et disparus. J’ai choisi de faire entendre sur le plateau toutes les voix et tous les personnages, ou presque, de cette œuvre polyphonique, que David Grossman ne nomme ni pièce, ni scénario radiophonique ni livret d’opéra, mais « créature ».

Son texte est écrit comme une fugue et il est incroyablement musical. Les personnages attirés par une sorte d’onde magnétique se rassemblent autour de l’homme qui marche et qui avance tel le joueur de flûte de Hamelin. Ils marchent avec lui, nouvel Orphée, qui les guide, les précède. Les acteurs portent la langue de David Grossman, cette langue qui pour lui est une manière de rendre le monde plus « nuancé ». Cette pièce est une expérience humaine et artistique, pour ceux qui l’interprètent comme pour ceux qui l’écoutent, où la parole est toujours à la limite du chant. C’est la tentative selon David Grossman, de « séparer la mémoire de la douleur ». » - Blandine Masson

J'ai lu ce récit pour voix et je l'ai aussi écouté dans l'enregistrement de France-Culture du 13 juillet 2013 dans la cour du Musée Calvet. Ce n'est pas la même expérience. 110 minutes pour entendre une lecture à voix haute forte, inspirée. Je pense que des frissons ont dû circuler, lier les auditeurs. La lecture du livre m'a demandé 3 jours, par interruptions, pour respirer, assimiler, comparer le récit de Grossman et ce que j'ai pu tenter d'écrire depuis la disparition du fils il y a 12 ans et celle de la mère il y a 3 ans, les deux disparitions me semblant liées.
Grossman convoque pas mal de personnes, un cordonnier, sa femme, sage-femme, un écrivain en panne, un vieux professeur de mathématiques, une ravaudeuse de filets de pêche, l'homme qui part là-bas, sa femme qui reste là, ici et monte au clocher du village, le duc et son bouffon, le chroniqueur de la ville. Aucun, chacun ayant perdu un fils ou une fille, d'âges différents, dans des circonstances différentes, en des lieux différents, ne vit le deuil de la même manière. Les sans noms (faudra bien en inventer un pour désigner les parents perdant leur enfant alors qu'il existe veuf, veuve, orphelin, orpheline) s'expriment par eux-mêmes mais aussi à travers ce qu'en rapporte le chroniqueur de la ville auquel le duc a interdit de penser, de parler de son propre drame. Récit en deux parties, la première étant le parcours singulier de chacun, la seconde, le parcours de tous vers l'enfant. Ce récit propose des formules, des questions d'une force étonnante. Je ne vais pas les énumérer (sépare la mémoire et la douleur, tu ne pourras plus jamais dire JE, approximativement) mais elles valent pour tous et pas seulement pour les sans noms car devant la disparition d'êtres chers, nous sommes douleur, révolte, colère, chagrin qui s'apaise, apaisement, acquiescement, acceptation, espoir aussi pour certains. Les différents protagonistes de cette marche vers LÀ-BAS, vers le disparu, vers la mort, celle de l'autre mais aussi la sienne propre semblent au bout de leur chemin particulier, dans leur marche funèbre finale, capables de dire tous ensemble que vie et mort sont deux faces, deux moments d'une même réalité.

En ce qui me concerne, j'ai un cheminement centré exclusivement sur mes pertes. Ce qui m'importe, ce n'est pas la catharsis possible permise peut-être avec mes mots, c'est la tentative de tirer un universel possible de ce que nous vivons tous : nous sommes mortels, certains nous précèdent, des enfants partent plus tôt que prévu, des épousées encore jeunes s'en vont, foudroyées. Peu importe les circonstances, âges. Est-ce acceptable autrement qu'en croyant à une vie après la mort ou en acceptant le retour aux poussières d'étoiles que nous sommes ? Est-ce justifiable, la mort ?

Une approche métaphysique et non un cheminement personnel plus ou moins psychologique me semble possible. Il s'agit d'aller vers une vérité pour tous et non vers une consolation personnelle même si bien sûr, la recherche d'une consolation est tout à fait légitime et pratiquée par le plus grand nombre.

Quelle peut être cette vérité universelle ? Naître n'est-ce pas faire injustice à notre insu à ceux qui ne naissent pas ? Je suis le résultat de la rencontre entre un spermatozoïde plus vigoureux qui en élimine des milliards dans la course à l'ovule fécondable. N'est-ce pas la dette initiale de tout vivant ? La mort serait la réparation de cette injustice première, elle serait retour aux choses, retour à l'indéterminé quand la naissance est détermination. Par la naissance, la phusis, la nature infinie, éternelle, indéterminée, créatrice de mondes mortels, inédits, donne la vie. Par la mort, elle retire exactement ce qu’elle a donné. C’est la justice de la Nature, la diké, justice cosmologique. Ainsi est justifiée la mort qui cesse d'être un scandale mais une nécessité cosmologique, j'insiste, non une nécessité morale car la naissance d’un monde réel fait injustice aux mondes virtuels qui ne sont pas nés à la place de celui qui a été engendré. La mort est donc réparation de l’injustice initiale, cosmologique, amorale. L’homme, par son hybris, sa démesure veut séparer sans succès naissance et mort, vivre et mourir, il rêve vainement, faussement, injustement d’immortalité. Dit ainsi, c'est abrupt mais ça me semble ce que Grossman (et beaucoup d'autres) cherche sans réussir à le trouver et à le dire. C'est quoi la mort, TA MORT, mon chéri, ma chérie, MA MORT ? C'est un moment du temps infini, c'est le retour au temps éternel de ce temps fini que fut ta vie, ma vie, une éloïse, un éclair dans le cours de la nuit éternelle, dit Montaigne. Avec une telle métaphysique, le titre Tombé hors du temps, tombe à côté de l'essentiel car créant du non-temps et du non-être là où il n'y a pas à séparer. Je dirai pour finir que cette pensée, forte, difficilement acceptable car nous sommes convaincus de notre nécessité ou au moins de notre unicité, de notre singularité, est une pensée fortifiante, apaisante, réconciliatrice parce que nous reliant au TOUT, à la NATURE. C'est de plus la pensée du premier philosophe, Anaximandre, dont il ne nous reste qu'une Parole. Il est assez peu compréhensible qu'une telle métaphysique de l'infini et de l'infinité des mondes finis ne soit pas plus investie. Comme si on avait perdu 2700 ans. Évidemment, le récit de Grossman est plus stimulant que le film Au-delà de Clint Eastwood ou même que The Tree of life de Terrence Malick. C'est bien quand même que des films tentent aussi de se coltiner avec ça. Rester sur sa faim est sain.

Carlo Rovelli, un de nos grands cosmologistes, a consacré à notre philosophe trop peu étudié, un livre Anaximandre ou la naissance de la science, chez Dunod, 2009.

On tirera le plus grand profit du livre Anaximandre, Fragments et témoignages, lumineusement présenté, traduit et commenté par Marcel Conche, aux PUF, 1991.

La Parole qui subsiste :

D'où les choses ont leur naissance, vers là aussi elles doivent sombrer en perdition, selon la nécessité; car elles doivent expier et être jugées pour leur injustice, selon l'ordre du temps ou selon la nécessité ; car ils se paient les uns aux autres châtiment et pénitence pour leur injustice

Les choses retournent d'où elles viennent par nécessité, car elles se rendent mutuellement justice et réparent leurs injustices selon l'ordre du temps

Toutes choses ont racines l'une dans l'autre et périssent l'une dans l'autre, selon la nécessité.
Elles se rendent justice l'une dans l'autre, et se récompensent pour l'injustice, conformément à l'ordre du temp
s.

"Trois évènements sans lesquels aucun être n’existe – venir au jour, séjourner, périr – trois évènements qui n’en font qu’un, puisqu’il s’agit des trois moments de cet évènement qu’est l’être lui-même (le fait même d’être) pour ce qui est. [...] Genesis, ousia et phtora désignent un seul évènement qui se continue – se continue jusqu’à son terme. Si donc, la genesis, l’ousia et la phtora sont temporellement déterminées, elles ne le sont pas à part l’une de l’autre : il s’agit de trois déterminations qui n’en font qu’une. Genesis, ousia, phtora, sont l’évènement génération-existence-destruction, ou des feuilles, ou des hommes, ou des cités, ou des nuages, ou des vagues de la mer.", un des commentaires de Marcel Conche.

APEIRON et PRAGMATA : l'illimité et les choses

A l'aube de la pensée occidentale résonne la phrase d'ANAXIMANDRE : "'Ce dont naîssent toutes choses est aussi ce vers quoi procède la corruption selon le nécessaire : toutes choses se paient les unes aux autres la peine et la réparation de leur injustice suivant l'ordre du temps". Enonciation énigmatique s'il en est, et d'une originalité absolue. Ce dont procèdent toutes choses (ta panta) c'est l'Apeiron, l 'Illimité, ou l'Infini. Mais illimité est plus juste, en ce que le grec dit bien "a-peiron", le non-limité, ce qui s'oppose à "peras", la limite. Ce terme d'Apeiron n'est pas un concept au sens strict puisqu'il ne désigne rien d'assignable, rien de définissable, rien qui puisse s'opposer à quelque autre réalité. L'Apeiron c'est le Tout qui englobe tout, toutes les choses particulières et finies (ta panta : toutes choses). Fondement inconditionné, inengendré et impérissable. Les choses naissent, se développent et meurent, toutes les choses, mais l'apeiron ne naît ni ne meurt, non qu'il soit séparé et transcendant (erreur des métaphysiques de type dualiste) , mais en ce qu'il contient toutes choses, est présent en toutes choses, fonde et fait disparaître toutes choses dans un éternel et inconcevable recommencement. Il est source absolue, fleuve portant, océan immense, englobant, nullement saisissable en aucun des éléments qui pourtant le constituent mais n'en épuisent pas la nature. Ne nous précipitons pas vers quelque théodicée : les dieux eux-mêmes sont soumis au destin, les dieux eux-mêmes sont apparus en un temps incertain, et s'ils ne meurent pas, ils ne sauraient pour autant s'égaler à ce qui les dépasse et les contient. Hommes et dieux, deux espèces parallèles, inégales certes, mais nées de la même mère (Pindare). En somme, l'eau primitive isolée par Thalès dans ses premières spéculations sur la Physis, et la terre, et le ciel, et l'éther, et les planètes, et le soleil, et les plantes et les animaux et les hommes et les dieux : toutes choses particulières, finies, toutes régies par l'insondable et éternel Apeiron!

Ce qui est remarquable, ici, c'est qu'Anaximandre dépasse d'un vol, haut vol, toutes les spéculations sur les éléments (eau, terre, feu, air ou éther), toutes les mythologies qui narraient les origines de l'univers et des dieux (Hésiode) pour dégager cette intuition extraordinaire du fond absolu, indéfinissable, irréductible à rien d'étranger à soi, complet, total et autosuffisant. C'est ainsi que les Grecs se rendent d'emblée à l'évidence du Tout, sans se perdre dans le détail des "choses", leur laborieuse nomenclature, leurs rapports incertains et aléatoires. Le regard s'élève d'un coup vers l'Immense, qui comprend autant les choses d'en bas (Tatare, Hadès) que les choses médianes (Terre, Océan, vent et marées) et les choses d'en haut (Olympe, Soleil et astres innombrables). Le Tout c'est l'Illimité, et dès lors n'est-il pas évident que les univers soient eux aussi innombrables dans l'immensité ?

Mais l'essentiel, et le plus difficile pour nous, est de bien saisir que cette vision de l'Apeiron ne saurait s'accoquiner d'aucune confusion avec les religions transcendantes. Aucune séparation entre l'Apeiron et les choses. Les choses en naissent, selon notre citation, et y retournent. Mais c'est là piège du langage. Elles ne cessent jamais d'en émaner, ni d'y retourner "selon l'ordre du temps". Mais tous ces mouvements sont contemporains, jamais distincts si ce n'est sous l'angle du temps, mais que signifie le temps dans une vision de l'éternité? Elles naissent et meurent éternellement, même si pour un regard particulier elles naissent à tel moment du temps (la fleur au printemps) et qu'elles meurent à tel autre (la fleur en automne). C'est là une donnée empirique. Elle n'est pas fausse, sous l'angle précis d'une observation temporelle, comme chose parmi les choses, ou chose pour une autre chose. Mais dans le mouvement éternel des choses comment distinguer un point de départ d'un point d'arrivée? Les choses sont à la fois soumises au mouvement temporel, en tant que choses mortelles et finies, et strictement intemporelles comme manifestations de l'Apeiron. On peut dire : dans le Tout infini des choses finies, qui se rendent mutuellement "peine et réparation", c'est à dire qui luttent entre elles pour "expier" à la fin l'"injustice " de leur existence et de leur combat. Mais on peut dire aussi : le Tout n'est en rien séparable des choses, les choses dans leur mouvement incessant ne sont pas séparées ni distinctes de l'Apeiron qui est à la fois les choses, leur fondement, leur somme, et leur mouvement.

L'Apeiron c'est les choses, sans être les choses

Les choses sont l'Apeiron sans être l'Apeiron.

On le voit : ce n'est pas un concept. C'est une intuition, c'est à dire un "voir" (Intueri : voir en latin, d'où intellectus, vision de l'esprit).

D'où le paradoxe entre la vision métaphysique et la démarche éthique. La métaphysique c'est la saisie intuitive du Tout. "Je parlerai du Tout" disait Démocrite. Epicure pense le Tout comme l'infini des atomes et l'infini du vide. Spinoza dira que la Substance c'est le Tout. Le Tout ne s'oppose à rien, car il ne serait plus le Tout. Donc il contient tout, il est tout, sans origine et sans fin. Cela l'esprit peut le penser, encore qu'il y faille un effort spéculatif qui n'est pas ordinaire. C'est la jouissance propre de la contemplation, qui peut nous élever au delà de bien des misères. Mais dans l'existence concrète, dans la démarche éthique, une stricte démarcation s'impose : l'Apeiron est inaccessible, inconnaissable, sans profit pour quiconque, grâce et gratitude divines, sans aucun rapport avec notre désir. De cela nous sommes à jamais dépossédés, et ce serait délire (mania) que de s'en réclamer à titre privé pour une action quelconque dans le monde. Ce serait office de gourou, et officine du tyran. L'éthique tombe sous le couperet de la PERAS, limite impérative, règle d'or et de plomb, nécessité vitale, ordre et désordre politique : les choses, ta panta, ou pour parler pyrrhonien : ta pragmata, les affaires, les processus, les phénomènes, "ce qui nous apparaît" et dont la nature intrinsèque nous est à jamais inaccessible.

Nous nous débattons dans la sphère des pragmata. Affaire, souci, nécessité vitale, désir et obstacle, volonté et passion, projet et déjet. De cela nous ne sortons pas. Les dieux eux-mêmes, ces sublimes et terrifiantes forces de la nature que nous avons personnalisées et idolâtrées, ne nous seront de nul secours. L'éthique vraie, la sincère, la toute innocente et toute gracieuse commence dans ce non-savoir qui s'assume sous la clarté du ciel.

GUY KARL

et ma propre page sur Anaximandre

http://les4saisons.over-blog.com/page-4418836.html

JCG

Tombé hors du temps/David Grossman

Jouer avec le temps / François Carrassan

$
0
0

Vient de paraître aux Cahiers de l'Égaré

Jouer avec le temps

(1995-2008)

de François Carrassan

Ce petit livre au format 12X17, de 72 pages, raconte les 12 années de François Carrassan comme adjoint à la culture de la ville d'Hyères, le maire étant Léopold Ritondale.

Le livre est composé de fragments de trois sortes, anecdotes et réalisations culturelles de cette période, réflexions philosophiques sur la nature du pouvoir politique en général, considérations sur les rapports entre politique et culture. On sort de cette lecture convaincu que quand ça marche entre politique et culture, c'est un fait rare, dû à une rencontre, des opportunités, une chance. Convaincu aussi que le pouvoir des maires est le plus souvent exorbitant, que rares sont ceux qui ont la sagesse et le recul pour ne pas se laisser manger par le clientélisme, le populisme, l'électoralisme.

Un petit livre, utile à tout le monde, gens de culture, artistes, gens de pouvoir, gogos.

JCG, éditeur des Cahiers de l'Égaré

Jouer avec le temps / François Carrassan
Jouer avec le temps / François Carrassan

L'été de la vie / J.M. Coetzee

$
0
0

L'été de la vie

John Maxwell Coetzee

Points Seuil

Déambulant en feu l'an 2013 dans la bibliothèque Vaclav Havel, nouvellement inaugurée dans le 18° arrondissement de Paris, installée dans une halle de la gare Pajol remarquablement réaménagée, esplanade Nathalie Sarraute où se trouvent aussi une fort accueillante auberge de jeunesse, un restaurant Les petites gouttes que j'ai pratiqué, je suis tombé sur L'été de la vie et d'autres livres de Coetzee. L'été de la vie m'a intrigué par la 4° de couverture : « le célèbre écrivain J.M. Coetzee est mort. En recueillant le témoignage de proches, un jeune universitaire établit sa biographie posthume...»

J'ai trouvé le thème gonflé et j'ai donc lu cette biographie posthume. J'avais déjà lu Disgrâce, Le Maître de Pétersbourg. Autres auteurs sud-africains lus : André Brink, Breyten Breytenbach, Nelson Mandela.

Hypothèse de départ: le prix Nobel 2003 est décédé après avoir laissé derrière lui divers fragments qu’il projetait d’utiliser dans le cadre de Mémoires consacrés aux années 1970. Le livre commence et s’achève avec ces bribes posthumes, qui encadrent cinq entretiens menés par un jeune universitaire, M. Vincent, désireux de brosser un portrait de Coetzee à cette époque. S’expriment tour à tour une ancienne amante Julia, une cousine affectueuse Margot, la mère d’une élève à laquelle il enseignait l’anglais qui le repoussa sans aménité Adriana, un collègue et universitaire de ses amis Martin, une collègue française avec qui il entretint brièvement une liaison Sophie. L'ensemble m'a donné l'impression d'un écrivain maîtrisant les techniques d'écriture qu'on enseigne aujourd'hui sous la houlette d 'écrivains comme Paul Auster avec lequel il a échangé (paru fin 2013), Alessandro Baricco. C'est brillant. Les carnets sont sous forme de fragments inachevés, une note précisant ce qui est à développer ou posant une question, ce qui fait du fragment une entité vivante, qu'on peut poursuivre (par exemple le fragment sur l'éducation page 296). Les entretiens sont de nature différente. Entretiens avec Julia, Adriana, Martin, Sophie. Les deux premiers tentent de cerner l'homme Coetzee dans ses rapports aux femmes. Le portrait qui s'en dégage n'est pas flatteur surtout vu par Adriana, une danseuse brésilienne qui voit cet homme comme une mécanique en bois, ne sachant pas bouger, empêtré dans un idéalisme, une sublimation de la femme qui l'en l'éloigne. Ça m'a fait penser au film The Ugly Truth. Avec Margot, l'entretien est différent puisque Vincent vient lui lire le récit qu'il a rédigé à partir des entretiens qu'il a eu avec elle et cela entraîne des réactions parfois vives de Margot ne se reconnaissant pas dans le récit. Les deux derniers entretiens évoquent l'enseignant à l'université du Cap. Plus courts que les autres, ce sont ceux que j'ai préféré parce qu'il y est question de politique, de l'Afrique du Sud et de l'apartheid dans les années 70, de l'engagement ou non. « Aux yeux de Coetzee, nous ne renoncerons jamais à la politique parce qu'elle est trop commode comme théâtre où nous pouvons mettre en scène nos émotions les plus viles : la haine et la rancoeur, le dépit et la jalousie, les instincts sanguinaires. En d'autres termes, la politique est un symptôme de notre condition déchue et elle exprime notre déchéance. » On ne peut plus fortement exprimer le pessimisme radical de l'outsider, le mal intégré Coetzee, résistant à sa façon.

En conclusion, L'été de la vie me semble une réflexion et un travail sur le genre et le geste biographique et autobiographique, une interrogation sur la part de fiction au sein de chaque existence, dès lors qu’on la raconte, même en se fondant sur un pacte de vérité. À la fin du livre, nous avons de Coetzee une image plutôt floue et l'on se dit que lire l'auteur (il y a de beaux moments de jubilation tant la langue, sans lyrisme, au scalpel, va droit au but) est plus gratifiant que découvrir l'homme d'autant que sur son travail d'écrivain, sur les rapports homme-oeuvre, vie-oeuvre, Coetzee reste discret. J'ai toutefois remarqué pour le récit de Margot l'abondance des mots afrikaans ce qui renvoie à la discussion sur dialecte et langue vers la fin du livre (page 275).

Jean-Claude Grosse

L'été de la vie / J.M. Coetzee
L'été de la vie / J.M. Coetzee

Mon expérience face of Book

$
0
0

Mon expérience face of Book

(figure du Livre)

Résidant à Paris et n'ayant aucune obligation d'écriture n'étant aidé par aucune aide publique ou privée, disposant comme je l'entends de mon temps, m'accordant le droit à la paresse, je décide un matin de m'investir sur face of book pour une quinzaine. Au moment où je m'attelle à l'élargissement de mon réseau d'amis, j'en ai 28. Dix jours après, 148. Je n'ai demandé à faire ami-ami qu'à des gens que j'ai connus, perdu de vue. Je suis content. Quelle diversité d'intérêts, d'expériences. Chaque page est avec ses creux, une vie, des romans ou des poèmes à écrire. Mais assez vite, je déchante. Je reçois des notifications à tout va, tout ce que chacun propose s'affiche dans le fil d'actualité, j'apprends qui devient ami avec qui. Je fais usage des paramètres pour arrêter quand je veux ce flux, le relancer quand je veux. Beaucoup d'amis font les frais de ma censure. Ras le bol dès quelques jours de tous ces messages sur les Turcs, les Grecs, les Brésiliens, les Syriens, les Roms, les fachos, les Lejaby, les Amina, les Femen. Messages qui ne sont que des liens, reprises d'articles de presse. Parfois une présentation personnelle, le plus souvent rien. Absence criante de pensée. Une exception sur une photo d'un homme immobile place Taksim.

Les manifestants turcs ont trouvé une nouvelle forme de contestation, l'homme à l'arrêt...

Un homme se tient debout sur la place Taksim d'Istanbul. Muet, le regard fixe, il n'a pas bougé depuis des heures.
Son action pacifique, sur une place interdite au rassemblement par les autorités turques, intrigue et fascine les centaines de personnes qui l'observent, lui, et la police. Il est arrivé lundi soir à la nuit tombée et s'est planté au milieu de la place, à quelques dizaines de mètres du parc Gezi. Le parc, berceau de la contestation du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, est solidement gardé par des dizaines de policiers. Cinq heures plus tard, l'homme est toujours là, les mains dans les poches, un sac et des bouteilles d'eau à ses pieds. Il fixe l'immense portrait du fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.
Des centaines de personnes ont afflué. L'auteur de cette action inédite à Istanbul, qui vise à contourner l'interdiction de manifester tout en occupant la place Taksim après le coup dur porté par l'évacuation du parc Gezi, s'appelle Erdem Gunduz. Ce chorégraphe stambouliote est aidé par ses amis qui empêchent les centaines de personnes présentes de s'approcher de lu
i et le ravitaillent en eau.

Le moment de la pensée : Pour une contemplation subversive

Le contemplateur contemple, le corps immobilisé dans l’agitation sociale, sous le regard de ceux qui ne contemplent pas et continuent de s’agiter. Il ne fait aucun profit. C’est un être rendu au monde, à une matérialité retrouvée, parfois brutalement et jusqu’à la mélancolie.
La contemplation en appelle à la volonté de l’être à trouver sa place dans le monde. Empêcher, ou modifier la contemplation du citoyen est un premier stade mis en œuvre par l’État démocratique. Le second stade est d’empêcher la réflexion : et c’est l’État totalitaire. Dans les deux cas l’État - démocratique comme totalitaire - y trou
ve son compte. Christophe Pellet.

Et mon commentaire : enfin de la pensée sur ce mur trop politique comme s'il suffisait de manifester, faire grève, pétitionner, récupérer des morts et des martyrs, dire à bas; toute ma vie, j'ai dit À bas ! Halte ! Stop ! Et rien n'a été abattu, rien ne s'est arrêté, les coups ont continué à pleuvoir ; ça m'a lentement dégradé, je me suis rongé les sangs, j'ai stressé, j'ai eu mal au dos, j'ai développé un cancer du foie guéri puis un de l'anus en voie de guérison depuis que je me suis dit je m'en fous ; j'en ai tellement assez au bout de quinze jours que je ne partage que des liens en lien avec les actions proposant de changer mode de production agricole et de consommation, vivre dans la sobriété heureuse, un peu aussi comme le sage de Lao-Tseu et donc je vais être dans le non-agir.

Ma courte expérience de face of book m'a montré aussi que si je pouvais agir sur les paramètres non pour censurer l'expression de chacun mais empêcher cette expression de m'atteindre, l'inverse était également vrai. Ainsi d'une femme qui met sur facebook une photo d'elle et de sa fille de 7-8 ans avec en commentaire Et la voilà qui passe le bac demain ...102 personnes aiment ça.

C'est dimanche soir. Demain c'est le bac et l'ouverture du procès de Mathieu Moulinas, le violeur de Salomé F. et l'assassin d'Agnès M. Je pense aux grands-parents que je connais, à leur deuil impossible, à leur révolte. J'écris donc sur le mur de cette femme, en lien avec une citation d'elle :

L'amour est-ce autre chose, que partager le désir et la peur, le plaisir et l'effroi, corps troublés, mots tremblants, croire ensemble à l'ogre qui va nous manger et à la fée qui va nous sauver ?

- bonheur et petite peur pour vous et pour elle demain à Paris ; malheur, douleur, deuil impossible, révolte pour eux, demain, là-bas, au Puy en Velay, parents, grands-parents, grand-frère d'Agnès, massacrée par Mathieu

La femme a supprimé mon commentaire, m'a rayé de sa liste d'amis.


Regardant les murs de mes nouveaux amis, réels et virtuels, j'y vois divers comportements, je me contente de deux catégories ; ceux que le monde agite, Héraklès inlassables, ceux qui se mettent en valeur, Narcisses en transe. Chaque mur, c'est 4% de matière lumineuse, le reste en énergie noire. 7 milliards de murs sur face of Book, 7 milliards de visages troués, de visages évidés composant le Livre, illisible par quiconque mais déchiffrable sans lecture ni lecteur : du vide sidéral.

Aujourd'hui 21 juin 2013, 5 H 04, jour du changement de saison, j'ai noté mes chiffres :

sur mon blog 328000 visiteurs pour 732000 pages vues

http://les4saisons.over-blog.com

sur le blog des agoras d'ailleurs 95500 visiteurs pour 192000 pages vues

http://agoradurevest.over-blog.com

sur celui des Cahiers de l'Égaré 118500 visiteurs pour 244000 pages vues

http://cahiersegare.over-blog.com

sur mon espace vidéos dailymotion 125500 visites pour 244 vidéos

dailymotion/jean-claude grosse

sur you tube 124000 visites pour 172 vidéos

you tube/jean-claude grosse

Impossible de connaître la fréquentation de ma page facebook qui présente un avantage par rapport aux mails : pas de spams.

Quant aux blogs, ils sont le lieu d'élaboration de ce que je veux partager. Ce que je constate c'est que j'ai un nombre réduit d'abonnés aux articles, une soixantaine pour les 3 blogs, que j'ai un certain nombre de commentaires, entre 200 et 250 pour un total de plus de 600 à 650 articles. Certains articles ou certaines pages sont en tête des visites chaque jour depuis des mois ou années (poèmes d'amour, Gabrielle Russier) et d'autres sont ignorés jusqu'à ce qu'un buzz les remette en lumière (passage à la télé d'un auteur, jour anniversaire d'un événement : sabordage de la flotte, Rosenberg). Les blogs sont pour moi la richesse, le réseau social peut seulement aider à diffuser cette richesse, pas suffisamment exploitée.

Jean-Claude Grosse

un article récent pose la question des fantômes de facebook, ces amis dont on ne reçoit plus les messages: j'ai effectivement observé cette tendance, indépendamment de ma décision de vouloir ou non que les messages s'affichent ou pas dans le fil d'actualité

Mon expérience face of Book

Pulvérisés et autres pièces/Alexandra Badea

$
0
0

Pulvérisés et autres pièces / Alexandra Badea

L'Arche Éditeur

Pulvérisés m'a accroché. Évidemment, de moi-même, je n'irais pas vers ces écritures du réel. Je ne connais pas les conditions de travail des centaines de millions de gens dont je dépends. Je sais par quelques reportages, quelques lectures (dont certaines déjà anciennes mais qu'on oublie) qu'elles sont déshumanisantes, que ces gens sont les esclaves modernes, quelle que soit leur place dans la hiérarchie des multinationales, qui produisent et vendent ce que nous consommateurs (eux aussi le sont), nous utilisons dans notre vie quotidienne. Salariés et consommateurs, c'est la chaîne qui nous entrave.

Lisant quasiment en même temps Le cauchemar de Don Quichotte de Matthieu Amiech et Julien Mattern chez Climats (2004), je vois et éprouve fortement la connexion, l'intrication entre consommation et production.

Ayant voulu me connecter à internet, on m'a installé une box, j'ai choisi un opérateur, un forfait et je suis ainsi un des centaines de millions de responsables des conditions de travail et de vie des centaines de millions de gens produisant des box. (On lira La fabrique du diable de Hervé René Martin). Je suis responsable pour un certain pourcentage de ce qu'ils vivent. Tiens, on n'a pas encore quantifié ma responsabilité ni évalué ma culpabilité.

Je peux décliner en une longue énumération toutes mes responsabilités irresponsables, mes contradictions assumées, mes clivages (j'ai évoqué cela dans Pour une école du gai savoir, 2004). Je sens tout cela, en suis conscient plutôt plus que moins mais ne vois pas comment en sortir. J'ai beau limiter mes besoins, faire attention à consommer équitable, durable, évaluer mon empreinte carbone pour la réduire, cultiver mon jardin, acheter proximité, fuir les mégalopoles et leur pollution, ne plus voyager en avion, laisser ma bagnole au garage pour aller acheter mon pain à pied au village, je reste un prédateur, un destructeur de la planète, un exploiteur des esclaves modernes. Comment en est-on arrivé là, à ce que décrit Pulvérisés de manière clinique, avec les mots des novlangues de ces univers carcéraux. L'auteur utilise le « tu ». Comme si les réifiés (2 H, 2 F) dans 4 villes du monde (Lyon, Shanghai, Bucarest, Dakar) par une sorte de distanciation pronominale tentaient de se saisir, de se réunifier dans leur réification, leur pulvérisation, vision scopique, voir par le « tu » ce qui n'est pas possible, assumable par le « je ». Ce « tu » est non seulement le pronom qui fait parler les 4 « je », incapables semble-t-il de s'identifier, de s'assumer comme personne, il est aussi le « tu » de l'auteur, tentant l'impossible identification à l'autre, quelle que soit notre bonne volonté car l'autre est irréductible.

De toute évidence, l'auteur s'est bien documenté mais elle n'a pas cherché à faire du théâtre documentaire. Ce n'est pas un texte froid, seulement clinique à glacer les os, à paralyser le cerveau. Il y a de l'empathie dans cette description mais à mon avis limitée. Je veux dire que les effets des conditions de travail sur l'intime des réifiés, des pulvérisés sont vus de façon noire, pessimiste, parcellaire. Les rêves, désirs, espoirs, résistances, insoumissions peut-être sont trop réduits. Angedelanuit 05 est la soupape de l'homme de Lyon qui tout en déclarant son amour à sa femme se branle en matant les seins que lui montre la webcam. Le joli cul d'Adiouma Diandy ne laisse pas indifférent l'homme de Dakar. Mais je suis persuadé que ces mutilés peuvent nous réserver des surprises, en pire et en meilleur. La jeune fille de Shanghai est le témoin de la défenestration suicidaire de celui qu'elle aime dans sa tête. Et elle finit par l'oublier. Mini-histoire de tête et de coeur sans lendemain, mouvements émotionnels de faible amplitude et résonance. Le respect de la ligne jaune sensitive dans l'usine à Shanghai est la règle, la norme. Soit.

La lecture par exemple de L'abîme se repeuple de Jaime Semprun (1997) t'avait déjà alerté sur ces parcs industriels dans une île au large de Singapour, véritables bagnes où des jeunes filles de 20 ans fabriquent nos télécommandes et perdent la vue en 2-3 ans. Ou sur ces travailleuses de même pas 14 ans non payées jusqu'à l'âge de leur mariage, moment où on leur donne leur dot (mais beaucoup ne sont plus mariables parce que accidentées, mutilées et donc non payées).

Parce que tu cherches les informations sans t'y noyer, tu as eu connaissance de mouvements de grève en Chine, chez le sous-traitant d'Apple par exemple (tiens j'ai un Mac, Steve Jobs fut un génie et un tyran, vais-je renoncer à mon Mac pour un PC de Bill Gates ?)

Ce que je vis comme une liberté nouvelle, la possibilité d'accès instantané au monde grâce à internet et qui m'entraîne dans une spirale de consommation, l'ordi puis l'iphone puis l'ipad puis … je ne peux plus ne pas en voir les conséquences : toujours plus de domination, de violence, de souffrance, moins de démocratie, toujours plus de dégradation, d'abstraction. Paradoxe : l'autonomisation de l'économie qui contribue à me faciliter la vie se fait au détriment de mon autonomie, je suis de plus en plus dépendant ; je n'écris plus à la main. « Je me suis rendu compte, il y a très peu de temps, qu'écrire sur le clavier de mon ordinateur m'était néfaste. En effet, j'écris constamment en recherche d'équilibre main gauche main droite, le corps bien droit, bien face à l'écran. J'écris propre. L'émotion est chassée comme la saleté disparaît sous le détergent. Alors qu'écrire à la main, ma tête se penche, mon corps se tord parfois dans tous les sens, mes pieds se croisent, mes reins se creusent, ma main s'impatiente. Il m'arrive de sucer le crayon, le stylo... au clavier je ne suce rien, mes lèvres se crispent, mes yeux ne demandent qu'à être rassurés. Ecrire à la main, c'est un peu écrire au début des mots. Je vous dis tout ça, parce que... » Marc-Michel Georges.

La cannibalisation capitaliste ne passe pas comme une lettre à la poste ou un mail sur internet. Certes suicides, mutilations, accidents du travail sont légions, anonymes comme sont anonymes les luttes, les éruptions, les révoltes matées par l'appareil de répression patronal ou étatique. L'homme a prouvé sa capacité à vivre, survivre dans les conditions les plus inhumaines, les camps de la mort nazis.

Primo Lévi avec Si c'est un homme a décrit comme un scientifique de l'horreur les 3 types de comportement qui s'y pratiquaient. Germaine Tillon parle très bien du comportement le plus rare mais réel, la solidarité dans son Opéra à Ravensbrück.

Me reviennent en mémoire plein de livres et d'auteurs, de penseurs : Expérience de la vie d'usine et La condition ouvrière ou Réflexion sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale de Simone Weil (1937), Encyclopédie des nuisances animée par Jaime Semprun entre 1982 et 1992, et récemment Le salaire de la vie de Ghislaine Tormos (éditions don quichotte), André Gorz (Adieux au prolétariat), Jacques Ellul, Hannah Arendt (Condition de l'homme moderne), Herbert Marcuse (L'Homme unidimensionnel), Georges Orwell, Guy Debord (La société du spectacle)...

Les critiques du capitalisme industriel et technologique, de la bureaucratisation, de l'expertisation du monde, de la marchandisation, de la mondialisation, de la financiarisation ne sont pas d'aujourd'hui mais nous sommes amnésiques. On n'a pas pris garde aux mises en garde. Et nous voilà pulvérisés.

Chaque jour, nous prenons, chacun d'entre nous, des milliers de décisions et accomplissons des milliers de gestes en toute méconnaissance des effets dans un monde réseauté. On en a une petite idée, une certaine image avec ce qui se passe sur les marchés financiers avec les milliards d'ordres donnés en milli-secondes par des algorithmes. Il faudrait des ordinateurs hexaflopiques pour tenter ce que nous tentons avec les galaxies, trouver un peu d'ordre dans ce qui est désordre, contradictoire (salarié, je revendique ça et ça ; consommateur, çi et çi et ça fait boum quand ça se multiplie par 7 milliards). Le règne de la quantité, du nombre, du chiffre nous dévore. La science d'Aristote était qualitative, elle est devenue avec Galilée quantitative, mathématique, géométrique. Heidegger a bien vu le lien entre la métaphysique grecque et la technologie, l'arraisonnement du monde, la mise à la raison du monde. Ce qui nous dévore, menace est sans doute mortel. Mais quelles que soient les modalités, l'humanité est mortelle et elle ne veut pas le savoir.

Je crains fort qu'aucun écrivain ne puisse donner la mesure, dresser le tableau de ce gigantesque chaos (2H, 2F dans leur enfer ça ne me permet pas d'évaluer les 7 milliards en enfer). Même les quelques décideurs mondiaux n'ont aucune maîtrise. La barge mystérieuse de Google qui se déplace pour se mettre à l'abri des lois ne doit pas nous impressionner, elle ne sait pas où elle va si ce n'est dans l'abîme avec nous. (On devrait se demander quel messianisme explicite ou pas, les grandes boîtes comme Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft véhiculent, l'analyser, le soumettre à la critique. C'est ce messianisme qui induit les comportements, le secret dans ces boîtes, idem d'ailleurs au FMI et dans nombre d'institutions; ça s'apparente à des comportements de sectes et de clans, persuadés d'avoir raison et refusant toute pollution mentale, idéologique extérieure).

Donc même si le cheminement vers l'abîme ne se fera pas sans réactions, il semble peu probable qu'un projet alternatif, un autre mode de vie puisse se substituer à ce qui s'est imposé à nous avec l'aide de nos illusions ou croyances, la croyance au Progrès qui nous facilite la vie.

En attendant le déluge (ce qui est un peu différent du 100 % irresponsable, de celui qui dit après moi le déluge), je choisis tout de même d'être un peu moins irresponsable, plus autonome, de préférer mes voisins et amis réels à mes amis virtuels, de me soucier de ce qui me paraît l'essentiel : comment vivre sous l'horizon de la mort ?

Soyons clair, j'introduis quelques légères variantes dans un mode de vie de plus en plus formaté impliquant contrôle, participation, domination, violence, démocratie très abâtardie, contestation toujours récupérée. Pour les dizaines de milliers participant au travail de la NSA, un Edward Snowden qui prend le risque de bouleverser sa vie, pour les dizaines de milliers travaillant pour le Pentagone, un Bradley Manning, aujourd'hui Chelsea Elizabeth Manning, qui a pris le risque de la prison.

Et si je peux introduire quelques variantes (la part du colibri de Pierre Rabhi) c'est que je suis classe moyenne moyenne, professeur de philosophie en retraite, que je vis dans ma maison dans un village du sud de la France en Europe (il me faudrait définir tous ces mots comme fait l'auteur pour certains car l'Europe, la France ne sont pas des évidences), que mes conditions de vie sont bonnes et que je peux ne pas avoir envie d'oublier, de me vider la tête avec des divertissements volontairement abêtissants, de me vider les couilles (à mon âge, il n'y a plus trop d'urgence, ça parle pas mal de baiser dans Pulvérisés, êtres humains réduits à des besoins élémentaires).

Pour conclure sur Pulvérisés, ma conscience aigüe de la question sociale (l'importance de réduire les inégalités avec par exemple l'adoption à l'échelle du monde du revenu universel de base mais cette mesure a à être discutée ; Le cauchemar de Don Quichotte montre très bien les effets doubles, contradictoires et pervers de pas mal de positions et propositions ; je pourrais très bien en faire la démonstration avec ce que réclament les gens de culture menacés par le MEDEF et l'État) et mes variantes petites-bourgeoises ne me donnent pas de prise plus grande pour changer cet état de pulvérisation du plus grand nombre. Peut-être que je contribue par mes comportements en partie responsables à ralentir d'une seconde la fin de l'espèce.

Et au risque de choquer, les choix consuméristes du plus grand nombre de consommateurs (vivre mieux, voyager, s'éclater …) ne m'intéressent pas. J'ai un peu plus de respect pour ce que veulent les producteurs, les salariés.

Je pense qu'il faut penser la vie en se sachant mortel, sans doute la plus grande des peurs, celle qui relativise toutes les autres, peur superficielle, peur cutanée, peur respiratoire, peur digestive, peur inflammatoire, peur rénale, peur sanguine, peur asthmatique, peur fiévreuse, peur infectieuse, peur contagieuse, peur hémorragique, peur hypertensive, peur hypotensive, peur cardiaque (la mienne), peur épileptique, peur hallucinatoire, peur schizoïde, peur chronique (séquence 1 de Mode d'emploi. Ou séquence 18 de Mode d'emploi : On a tous peur.)

Que philosopher c'est apprendre à mourir (Montaigne).

Les 3 autres pièces d'Alexandra Badea, rassemblées dans le même volume, présente un point commun avec Pulvérisés. Elles traitent d'un aspect de notre monde avec une précision documentaire frappante. C'est une écriture qui varie d'un texte à l'autre et qui présente aussi des répétitions de procédures, énumérations et circularité de séquences. Cela donne du rythme, de la force au propos.

Contrôle d'identité à travers 30 séquences évoque le cas d'Erol Karaca. Il y a une dramatisation puisque la séquence 29 est sans doute celle du suicide d'Erol avant l'annulation du jugement du tribunal rejetant sa demande de régularisation de séjour. On peut s'étonner du tour pris par certaines séquences, par exemple la séquence 15 où 9 verbes sont conjugués à toutes les personnes de l'indicatif, façon d'exprimer que ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre et pour tous, dans la diversité des situations singulières et plurielles, masculines ou féminines. La séquence 13 sur les murs de briques et les murs invisibles est très parlante. On a des séquences très réelles comme la 18, dialogue où celui qui veut aider se voit acculer par celui qui ne veut pas de n'importe quelle aide, une certaine façon de revendiquer sa dignité. Je ne peux pas te dire ma date de naissance sans savoir la tienne.

Mode d'emploi présente à travers 36 séquences différents modes d'emploi genre Bagages mode d'emploi, Le préservatif féminin mode d'emploi. C'est La vie Mode d'emploi, déclinée dans des situations très concrètes : Titre de séjour mode d'emploi, Le couple mode d'emploi … Ce kaléidoscope ou ce patchwork de modes d'emploi fait sentir combien nous sommes enserrés par les modes d'emploi, comme nous nous y adaptons sauf à avoir un jour, on ne sait pourquoi, l'envie de se mettre par terre.

Cette pièce met en avant pas mal de situations roumaines, pays d'origine de l'auteur. Il y a du vécu personnel revisité par l'écriture très incisive de l'auteur, les situations de contrôle où le fonctionnaire mâle abuse de son pouvoir : Déshabille-toi. Enlève tout. J'ai dit tout. Tout. Travailleur étranger mode d'emploi avec la liste des métiers, définition de métier, énumération des compétences. L'auteur, comédienne, metteur en scène, reconnue en Roumanie est venue s'installer en France. Pas simple. Pas de problème d'insertion mais des problèmes de repères. Par exemple la séquence 28 : La sécu paye. La sécu paye pour moi … La France paye. La France me paye. Avec cette fin dans une lettre à maman : Mon nom est sur beaucoup de papiers...et ça me rend heureuse. Mon nom existe. J'existe. Dans les papiers. Dans les papiers des autres. Efficace.

Burnout est une pièce à deux personnages, l'évaluateur et l'évaluée. Là aussi pièce bien documentée avec le langage des évaluations. L'évaluée et ses objectifs, travailler plus, ses objectifs sur post-it collés de partout, les verbes des objectifs mais surtout pas le verbe oublier, les primes, les définitions de performance, efficience, efficacité. L'évaluateur lui ne veut pas avoir honte de vouloir une vie plus facile pour sa famille. Il veut plein de bonnes choses, bonne voiture, bonne femme, bonnes vacances … horizon très borné sur des objectifs de conditions de vie ne garantissant nullement que c'est la vie, de la vie, de la vie vraie, avec du sens, des valeurs car ça, le sens, les valeurs c'est un autre travail que le boulot, la performance. Si tout finit par la mort, quel sens a la vie ? Peut-on lui en donner un et cela suppose quoi comme condition ou cause ou raison.

Allez je vends la mèche, si je ne pose pas que je suis un être libre, capacité à dire NON avant de dire de petits ou grands oui, alors pas de sens à donner, par exemple développer et partager le meilleur de soi-même, ce qui est différent de rechercher la fortune, le bonheur, le pouvoir, les femmes, la belle vie, toutes éthiques possibles et sur lesquelles je n'ai pas à me prononcer puisque choix de chacun mais je peux dire ça ce n'est pas mon choix. Encore faut-il que je me vivre libre pour choisir, sinon on choisit pour moi.

L'évaluateur est mis en face d'une de ses erreurs d'évaluation. Un évalué lui dit j'ai envie de m'évader de mon corps et lui le psy lui répond suicidez-vous, comme ça, ça ira mieux et deux jours plus tard l'évadé se pend. L'évaluée meurt par burnout, sous-nutrition, surmenage. L'évaluateur remet en cause sa fonction, ses objectifs : je ne veux pas une bonne vie, je ne veux pas une bonne mort. Ceci n'est pas un suicide causé par le burnout.

Libre, il a dit NON.

Est-ce cette liberté de dire NON qui partagée par le plus grand nombre suffirait à mettre à bas le système décrit et dénoncé en creux par Alexandra Badea, grand prix de littérature dramatique 2013 ?

Jean-Claude Grosse

Viewing all 631 articles
Browse latest View live