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Mon Bosphore à moi/Izzedine Çalislar

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Mon Bosphore à moi

Izzeddin Çalislar

Les Cahiers de l'Égaré 2014

Cette pièce consacrée à Michel Pacha, le réalisateur de la corniche Tamaris à La Seyne-sur-mer a été écrite par Izzedin Çalislar en résidence d'écriture à la Bibliothèque Armand Gatti entre mi-mars et début mai 2014.

Il a fallu 3 jours seulement pour que le livre soit imprimé en Turquie. Partie en PDF et par internet le 5 mai, la pièce est revenue sous forme de livres dans 13 cartons, le 13 mai. C'est un bel objet bilingue qu'on retourne pour le lire en français ou en turc. La traduction du turc au français a été faite par Sedef Ecer, avec la collaboration de l'auteur et de Georges Perpes.

C'est sur proposition de Georges Perpes et suite à notre collaboration depuis plusieurs années que j'ai accepté d'éditer la pièce sans avoir eu la possibilité de la lire car les compères ont travaillé jusqu'au 6 mai via internet sur le texte.

Présentée dans le cadre du Festival Istanbul qui s'est déroulé en divers lieux de l'aire toulonnaise entre le 13 et le 17 mai, Mon Bosphore à moi a été lue le 17 mai à 17 H à la villa Tamaris Pacha à La Seyne-sur-mer.

J'ai pris la navette maritime de 16 H 15 au port de Toulon. Avec tous les autres auditeurs, nous avons parcouru le domaine de Michel Pacha, vu quelques-unes des 60 villas construites, le grand hôtel, la poste et sommes arrivés à la villa Tamaris Pacha, devenue centre d'art. Une centaine de personnes se sont retrouvées dans une salle insuffisante pour ce public.

Lecteurs Philip Segura, Philippe Pasquini, Georges Perpes.

Fiction basée sur des documents historiques, Hususi Boğaziçi / Mon Bosphore à moi est une comédie burlesque franco-turque à cinq personnages. L'action se situe dans la première décennie du XXème siècle, non loin du Bosphore... Outre les Français Marius Pacha, Napoléon III et sa femme l'impératrice Eugénie, on pourra y découvrir deux personnages du théâtre traditionnel turc (Orta Oyunu), les populaires et farceurs duettistes Kavouklou et Pishékar.

La pièce est inspirée de la vie d'un officier de la marine française et homme d'entreprise qui fit fortune en Turquie, Blaise Jean Marius Michel (1819, Sanary - 1907, La Seyne-sur-Mer).
Appuyé par Napoléon III, Michel est nommé, en 1855, directeur des phares et balises par le sultan Abdul-Medjid : il dirige la construction de cent onze phares sur les côtes de l'Empire ottoman, de la mer Noire à la Méditerranée. En échange, il obtient du sultan un pourcentage sur les droits de navigation dans ces eaux. En 1879, il obtient une nouvelle concession, celle des quais des ports d’Istanbul. Revenu en France riche et avec le titre de Pacha, séduit par la ressemblance du site avec le Bosphore, il achète à la Seyne-sur-Mer soixante hectares de terrain et crée à Tamaris un des premiers lieux de villégiature de la Côte d'Azur. Il y fait bâtir un grand hôtel, des casinos, des dizaines de villas, un bureau des postes, une chapelle… Il lance une compagnie maritime assurant le transport entre Toulon et La Seyne. Deux de ses bateaux à vapeur ont pour nom Istanbul et Bosphore...

Mon Bosphore à moi est une pièce à plusieurs niveaux de lecture et à plusieurs registres. Ce qui fonctionne d'entrée de jeu c'est la farce avec deux personnages inspirés du théâtre traditionnel et populaire turc. On rit sans gêne.

Mais la farce n'empêche pas la pièce d'être une pièce politique et sociale. D'un côté, un puissant voulant agir sur le monde et sur les hommes, voulant les changer en créant un paradis sur terre, Tamaris, en les éduquant (les 10 mots turcs à apprendre) avec le programme Mon Bosphore à moi. De subtiles notations politiques sur comment gouverner, le décor, essentiel, que des effets de surface, la politique comme théâtre. De l'autre, les gens d'en bas, réticents à ce forçage, se révoltant, tournant en ridicule. Une lutte des classes où ceux d'en bas sont conservateurs, où celui d'en haut est bâtisseur. Marxisme à l'envers. Marxisme ou tourisme dit le texte à un moment. C'est donc aussi le thème de l'utopie qui est traité ainsi ; qui ne rêve d'un paradis sur terre, d'un Bosphore à soi. Déjà l'individualisme hédoniste, jouisseur.

Un autre registre, plus complexe est celui de l'identité, abordé avec les 3 dernières scènes. Qui sont ces personnages ? Michel Pacha, Jean Blaise Marius Michel honoré Pacha ou un fou de l'hôpital psychiatrique La Paix, construit par Napoléon III pour soigner la sultane Djamila, la soeur du sultan, à Istanbul, Marius Louis, marin, homme de confiance de Michel Pacha, blessé gravement en mer et devenu schizophrène, se prenant pour son protecteur, le docteur Kastro (jouant Napoléon III) tentant en vain de le traiter en s'immisçant dans son monde imaginaire ? L'allusion à Louis Page est ambiguë. Paul Page fut l'architecte de Michel Pacha, il construisit même l'hôpital psychiatrique de Pierrefeu. Marius Louis le nomme Louis Page. Entre Marius, Louis, Michel, Paul, prénoms et noms, ce n'est pas simple ; ça glisse comme dit et fait l'inconscient. Ce renversement oblige à une relecture de la pièce. L'utopie réalisée à La Seyne par un programme économique, éducatif et architectural est-elle réelle ou imaginaire ? Ces décors et costumes, simulacres de médecin ou réalité seynoise ? Avons-nous été bernés 20 scènes durant ? La mise en abyme est stimulante pour la pensée.

Je pense que Mon Bosphore à moi est une pièce actuelle, pas du tout circonstancielle, anecdotique. C'est une pièce abordant des sujets importants de façon accessible, populaire, farcesque. Il est clair qu'aujourd'hui, beaucoup de gens sont clivés, fendus en deux, schizophrènes. Les identités ne sont plus assurées parce que le monde change, parce que l'utopie a foutu le camp, parce que les forces conservatrices incapables d'autre chose se crispent sur leur avoir, parce que les forces progressistes sont incapables d'ouvrir des voies, de susciter l'enthousiasme, l'espoir en acte. La pièce s'achève sur un coup d'état en Turquie qui a renversé le sultan, initié par le mouvement Union et Progrès. Si au début du XX° siècle on pouvait croire à ces deux mots, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Union cache désunion, division. Progrès cache régression, no futur.

Je pense que de nouvelles lectures doivent avoir lieu dans l'aire toulonnaise et ailleurs. Le public a beaucoup apprécié la lecture, les applaudissements chaleureux ont récompensé la performance des lecteurs, très crédibles, convaincants. 20 livres ont été vendus.

Si ces nouvelles lectures donnaient la possibilité d'une création, ce serait la plus belle suite de cette aventure réussie d'écriture où un Turc parle d'un Français, où des allers-retours France-Turquie-France ont permis l'édition de la pièce. Je vais communiquer la pièce à Dominique Dolmieu à la MEO, à Paris. Je la présenterai au Grand prix de littérature dramatique en 2015.

Jean-Claude Grosse

l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi
l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi
l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi

l'éditeur dans la navette vers Tamaris pour la lecture de Mon Bosphore à moi

revue de presse du Festival Istanbul


Le REV (résistance, expérimentation, vision) / Patrick Viveret

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Deux démarches opposées

celle, stérile, des critiques du catastrophisme

celle, créatrice, des partisans du REV

Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable

René Reisel

Jaime Semprun

Éditions de l'Encyclopédie des nuisances

2008

Après Le cauchemar de Don Quichotte, la lecture de Catastrophisme constitue dès le titre, un avertissement.
Le catastrophisme est une production idéologique. Il s'agit de créer un climat de peur devant les catastrophes annoncées avec pour effet un sentiment d'impuissance. On va dans le mur et on ne peut rien faire.
Administration du désastre pour ralentir les catastrophes. Puisqu'on ne peut les éviter, autant les ralentir, les administrer, développer des comportements rationnels.
Cela suppose des mesures à l'échelle planétaire. Plus le catastrophisme sera intégré dans les comportements, plus les mesures contraignantes proposées seront acceptées. La soumission sera durable pour un développement durable.

On a affaire à un projet politique et économique cohérent où il s'agit de forcer le consentement, la soumission à des règles mondiales conformes aux intérêts des puissances qui nous ont conduit aux catastrophes et qui se proposent d'administrer leur désastre avec des mesures autoritaires justifiées rationnellement par les experts fournissant les arguments indubitables propres à être acceptés. Il va de soi que la démocratie fait les frais de cette urgence à administrer.

De même que les ordres de Bourse sont le fait d'ordinateurs si rapides que rien ne peut les réguler, surtout pas la démocratie, trop lente, de même les administrateurs du désastre doivent se passer de procédures démocratiques.

Nous voici donc alertés, avertis. J'ai cherché si les auteurs proposaient des pistes de sortie de cette impuissance du plus grand nombre pour le profit d'une oligarchie technocratique, bureaucratique. Point de pistes. Le salut ne peut être collectif. Chacun se sauve comme il peut.

En économie, oser la démocratie

Patrick Viveret

Heureusement, d'autres penseurs se situent sur un terrain d'analyses et de solutions « optimistes », allient l'optimisme de la volonté au pessimisme de l'intelligence (Gramsci).

Patrick Viveret a été invité à Hyères par la MAIF pour une causerie : Économie, oser la démocratie. C'était le 4 juin 2014. Un public nombreux, intéressé pour un exposé d'une grande clarté.

L'analyse est claire. Diverses insoutenabilités rendent ce monde invivable, écologique, sociale, financière, démocratique. C'est à la fin d'un monde qu'on assiste d'où peut sortir le pire, la barbarie, ou le meilleur, un autre monde. Ce monde en crise est animé par deux sentiments, euphorie et panique, sentiments qui habitent les traders, soumis à des stress énormes qu'ils compensent à l'héroïne, au sexe.

D'autres sentiments existent, en particulier la joie, la joie créatrice. De très nombreuses initiatives prouvent sur la base de la recherche du bien-être, du bien vivre que des solutions existent pour vivre autrement, plus sobrement, privilégiant la qualité plus que la quantité, la mesure plutôt que la démesure. Il y a ceux qui résistent de toutes sortes de façons, résistances créatrices, R. Il y a ceux qui expérimentent, essaient, anticipent, E. Il y a ceux qui inventent, proposent une vision nouvelle, transformatrice, V. Le REV, le trépied sur lequel s'appuyer pour sortir du capitalisme de la démesure et de la prédation.

Il va de soi que l'on sort d'une telle causerie, armé pour redevenir acteur, citoyen. Les combats menés par les tenants d'une économie sociale et solidaire nourrissent le débat. Par exemple, le combat pour prendre en compte les richesses réelles dans le calcul du PIB. Quand on pense que Bruxelles va intégrer les revenus de la prostitution, de la drogue et des trafics en tout genre dans ce calcul, on comprend que ce n'est pas un mince combat : qu'est-ce qui doit compter ? Qu'est-ce qui doit être compté ? Que doit-on considérer comme bénéfices ? C'est-à-dire ce qui profite au bien vivre, ce qui est bénéfique. Les batailles sémantiques sont de vraies batailles de valeurs.

On lira de Patrick Viveret, La cause humaine, Pourquoi ça ne va pas plus mal ? Vivre à la bonne heure. Et de Bénédicte Manier, Un million de révolutions tranquilles.

Jean-Claude Grosse

Provence août 1944, L'autre débarquement

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Provence août 1944, L'autre débarquement

J'ai vu ce documentaire de 52 minutes en avant-première au Théâtre Liberté, le jeudi 12 juin à 20 H 30.

Documentaire réalisé par Christian Philibert (Les 4 saisons d'Espigoule, qui aurait pu être tourné aux 4 saisons du Revest), sur un scénario de Laurent Moënard.
Texte dit par Charles Berling.

En début de séance, petit discours du président de TPM. Le Préfet, allez savoir pourquoi, était absent.

Salle pleine. Très bon accueil du film. Quelques acteurs de l'événement comme l’Amiral Jean-Paul Turc (qui sur le croiseur Georges Leygues vécut le débarquement du 6 juin à Omaha Beach, la sanglante, et le débarquement du 15 août du côté de la plage de la Nartelle), Jean-Pierre Sorensen et une résistante de Marseille particulièrement savoureuse ont pris la parole en fin de projection, très applaudis. Jean-Marie Guillon, historien apprécié, très présent dans le film a apporté des compléments d'analyse en cours de discussion.

Le documentaire sera diffusé sur France 3 Méditerranée le 14 juin à 15 H 20 et sur France 3 National le 15 août en soirée. Je note au passage que la production de ce film ne semble pas avoir bénéficié d'une aide de Toulon, de TPM, du Conseil Général du Var. Le Conseil Régional a participé.

«Provence 1944, l’autre débarquement»

à voir France 3 Provence-Alpes & Côte d’Azur

  • samedi 14 juin à 15h25
  • lundi 16 juin à 8h50
  • mardi 24 juin à 8h50

Il sera également diffusé dans le cadre de l'émission spéciale le 14 août à 23h25 consacrée aux commémorations du 70ème anniversaire du débarquement en Provence

  • vendredi 15 août vers 00h30 sur l’antenne nationale de France 3.


En 52 minutes, on a une reconstitution d'un débarquement oublié ou négligé alors qu'il fut conçu en même temps que celui de Normandie, devant être déclenché en même temps pour que les deux débarquements combinés permettent de refermer un verrou sur les Allemands du côté de Dijon, les armées venues de l'ouest et celles venues du sud faisant leur jonction dans cette région. Le débarquement en Provence fut retardé de quelques semaines, ce qui coûta cher aux résistants, en particulier dans le Vercors, les nazis et leurs auxiliaires français (milice et autres sinistres mouvements, que sont devenus ces "Français" dont certains doivent bien vivre quelque part ?), leur faisant la chasse, sachant les dégâts qu'ils commettraient sur gares, ponts, axes routiers pour affaiblir l'occupant. Ce débarquement bien pensé, bien préparé fut une réussite et très vite Port de Bouc permit de recevoir un énorme matériel d'approvisionnement des alliés.

Quelques remarques de Jean-Pierre Sorensen m'ont permis de comprendre qu'on avait affaire à une reconstruction conforme à la vision « officielle » de voir la Libérarion, à savoir la vision « gaulliste ». Or souligna Jean-Pierre Sorensen, l'armée d'Afrique fut équipée, entrainée par les Américains après un accord avec le général Giraud et non avec de Gaulle, les Américains ayant d'abord parié sur Giraud puis sur Darlan jusqu'à son assassinat le 24 décembre 1942 et encore sur Giraud. La compétition entre Giraud et de Gaulle fut complexe, de Gaulle, le politique machiavélique finissant par évincer Giraud, le militaire, homme de compromis et de circonstances (entre octobre 1942 et avril 1943).

Impossible aussi d'évaluer avec ce documentaire les effets du sabordage de la flotte, le 27 novembre 1942, présenté comme un sabordage pour empêcher la flotte de tomber entre les mains allemandes. C'est vrai mais il faut mettre des bémols. L'amiral de Laborde était un collaborateur convaincu et c'est parce qu'il s'est senti trompé par les Allemands qu'il a ordonné in extremis le sabordage.

À la flotte ! deux courtes pièces sur le sabordage. Une version soft, une version hard.

En tout cas, documentaire à voir, emporté par un souffle avec des témoignages vivants variés, certains drôles, d'autres émouvants. Je retiens en particulier l'hommage aux goumiers, aux spahis, aux tabors, aux tirailleurs sénégalais dont la présence fut décisive.

Jean-Claude Grosse

Lady Chatterley/Pascale Ferran/Marcel Conche/Christian Girier

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Lady Chatterley/Pascale Ferran

Marcel Conche/Christian Girier

J'ai vu Lady Chatterley d'abord en 2 parties sur Arte et la 2° fois sur une autre chaîne. En salle, ça a dû être autrement sublime.

Je trouve ce film particulièrement réussi.

Deux êtres que pas mal de choses séparent, différences de classes, différences de sensibilité vont s'apprivoiser, se révéler, se transformer, se métamorphoser. Ils vont apprendre au cœur d'une nature magnifique, vivante, changeante au gré des saisons et des jours, à se trouver une langue commune, à partager, à se faire confiance, à s'abandonner, à donner. Passage, évolution de la distance à la proximité et à l'amour. Proximité des corps, sexualité vécue en évolution, d'abord stéréotypée puis inventive (la floraison des corps, splendide naïveté qu'ils s'autorisent sans crainte du regard, du jugement de l'autre), de la passivité initiale de Connie-Constance à ses audaces (danser, courir nue sous la pluie avec lui), de la position mâle de Parkin chevauchant la femme sans ahannements au contrôle difficile des émois sous le toucher délicat des caresses. Les six scènes de sexe montrent au présent comment l'amour se construit entre ces deux êtres, par le respect, l'écoute, le désir et la pensée, l'émerveillement devant la beauté (de la nature, toujours différente, de la femme, d'une fraîcheur qui hypnotise, de l'homme, brute, pas brutale). Les 3 premières scènes sont en temps réel pour qu'on ressente bien que cela se passe au présent, sans calcul, à tâtons car un rien peut faire rater ce qui s'invente, deux libertés, joyeuses. J'ai apprécié cette lenteur du film suivant l'évolution de la relation. Les 3 autres scènes mettent l'accent sur ce qui est essentiel à ce moment. Elles sont donc plus elliptiques. C'est la beauté qui ouvre la porte à l'amour. Et c'est Connie qui est la plus sensible à cette beauté qu'elle savoure à chaque fugue du château vers la cabane. Parkin n'est pas fruste. Dans le magnifique dialogue final, tous deux légèrement vêtus en blanc, il reconnaît et accepte sa sensibilité féminine, Connie lui disant que s'il garde un cœur doux, elle n'aura aucun doute sur son attachement (il faut m'aimer, cela sera comme c'est déjà, pas figé). Le film s'achève sur un OUI dont je ne connais qu'un équivalent, celui de Molly Bloom à la fin d'Ulysse de James Joyce. Ce film est un film sur la libération de deux êtres par l'amour, tous deux gagnant contre le système, gagnant par la jouissance (nous avons joui à deux que j'ai entendu nous avons joué à deux) la possibilité de changer leur vie, de s'inventer leur vie, à deux et séparément, sans possession, sans esprit de possession et de domination. On est aux antipodes de la vision sulfureuse de l'aristocrate se vautrant avec son garde-chasse. On est dans un hymne à la liberté qui se conquiert contre l'ordre social, au contact de la nature, en vivant le présent du corps, du désir, du ressenti avec l'autre, expérimentant, essayant, au risque de rater. Ce n'est pas le cas. Un tel film nous change des ratages innombrables qu'on nous donne à voir, à lire. Je mets ce film au compte des entreprises joyeuses.

Lady Chatterley a été en partie tourné en Corrèze, le pays natal de Marcel Conche. Le documentaire de Christian Girier, Marcel Conche, la nature d'un philosophe, qui vient de sortir chez Arsenal Productions, montre comment le philosophe a échappé à l'enracinement dans le terroir, dès 6 ans en cherchant à vérifier si le monde finissait après le tournant de la route. Le documentaire restitue bien et simplement la philosophie naturaliste de Marcel Conche. La nature qu'on voit, la nature naturée n'est pas la Nature, la nature naturante. La Nature est infinie, éternelle, omni-englobante, créatrice aveugle d'êtres et de mondes nouveaux. La contemplation de la nature qui s'offre à nos sens, changeante comme l'eau de la Dordogne, comme les cieux d'Altillac ne nous fait appréhender qu'un aspect du réel, ce qui est fini, ce qui passe, ce qui vit, ce qui meurt, ce qui se renouvelle. La pensée naturelle, à la Montaigne, venant de soi, de convictions vécues, nous fait éprouver les sentiments d'infini et d'éternité qui caractérisent la Nature. Le philosophe n'est pas sans attaches ni attachements, à sa mère, à Émilie. Mais son monde intègre aussi les anciens Grecs, les premiers philosophes, ceux qui regardaient avec un regard naïf, qui inventaient des philosophies premières, faites d'évidences, pas des philosophies fabriquées avec des concepts. Sa philosophie est éminemment expressive de ce qu'il est, de sa personnalité et de son attachement à la vérité. Il ne cherche pas le bonheur comme fin , seulement comme condition d'une sérénité rendant mieux apte à chercher la vérité sur le Tout du Réel, recherche métaphysique donc, sans preuve mais argumentée. On ne se baigne jamais deux fois dans la même Dordogne, dit Héraclite. Tout passe, tout s'écoule, tout change dit le même. Il faut ajouter sauf le Tout. La Nature. Nature, Phusis, et Temps, Chronos, sont antagoniques. Ce qui se vit au présent, qui est réel, passe, devient passé, n'est plus, devient irréel sauf la vérité de ce qui a eu lieu, éternelle. Rude affaire. Quel usage faire de la vérité éternelle sur un événement devenu irréel. La prise de la Bastille a eu lieu. Il sera toujours vrai que la prise de la Bastille a eu lieu. Mais il y a aussi toujours le présent. Le présent éternel. Il ne nous fait jamais défaut tant que nous vivons et après nous, il ne fait pas défaut aux autres. On devine ce que pourrait apporter à Lady Chatterley la fréquentation de Marcel Conche. Il serait ravi de l'accompagner en promenade sans arrière-pensée érotique, pour le plaisir de l'échange. C'est ce qui se passe dans ce qu'il appelle le pur amour. Pour ma part, je trouve que Constance et Parkin nous offrent une manière d'aimer tâtonnante mais avec un sacré instinct d'arriver là où ils ne savent pas qu'ils vont, devenir eux-mêmes, causa sui, cause d'eux-mêmes.

Jean-Claude Grosse

Le DVD du film Marcel Conche est disponible par correspondance, au prix de 15,00 € TTC, frais de port compris.

Envoyer un chèque de règlement à l'ordre d'Arsenal Productions, à l'adresse suivante

Arsenal Productions 8, rue de la Folie Méricourt 75011 PARIS

Le DVD sera livré par courrier postal dans les 48 h suivant la réception du règlement.

Lady Chatterley/Pascale Ferran/Marcel Conche/Christian Girier
Lady Chatterley/Pascale Ferran/Marcel Conche/Christian Girier

Film Marcel Conche, la nature d'un philosophe

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Je fais remonter cet article car le film annoncé a été réalisé. Il a pour titre Marcel Conche, la nature d'un philosophe, produit par Arsenal Productions, commercialisé en DVD pour 15 €, un film réalisé par Christian Girier, d'une durée de 67'.

Le film sera projeté le 22 janvier 2015 au Théâtre Denis à Hyères, à 19 H. François Carrassan et moi-même animeront un débat à l'issue de la projection qui se fera en présence du réalisateur.

D'ici là, nous aurons rendu visite à Marcel Conche, fin août 2014. Nous discuterons avec lui du temps, du never more qui devient for ever. Nous espérons ramener un livre : Les entretiens d'Altillac.
Jean-Claude Grosse.

 

Rencontre avec Marcel Conche

en vue d’un film

dont le titre (provisoire) pourrait être

Un Infini bonheur

 

Marcel Conche

photo François carrassan

 

Mardi 4 octobre 2011, gare de St Denis-Près-Martel. Il est 11h 12. Un seul voyageur descend du TER en provenance de Brive, une seule personne attend sur l’autre quai sous son chapeau crème. Dans cette petite gare ensoleillée par l’été tardif, Marcel Conche me serre la main avec un sourire qui pourrait être celui d’un ami. On ne s’est jamais vus, à peine échangé quelques phrases au téléphone la semaine précédente.

Cette rencontre, c’est Jean-Claude Grosse qui l’a rendue possible en transmettant quelques mois plus tôt à M. Conche mon désir d’un film autour de sa réflexion sur la nature. Le drame de Fukushima venait d’avoir lieu, rappelant violemment la posture de l’homme face à la nature : sa soumission (le tsunami) en même temps que ses tentatives effrénées de domination (maîtriser l’atome). Qu’un philosophe pense la nature me semblait être un fait assez rare pour rendre nécessaire un film en sa compagnie.

 

Nous n’avions pas rejoint sa voiture que les échanges avaient déjà commencé, qui ne cesseront que peu avant 20h quand il me faudra le quitter. Toute la journée nous abordons la multitude des sujets qui occupent ses pensées : l’enfance, la guerre, la liberté, les femmes (avec insistance lorsqu’il s’agit d’Émilie), mai 68, Épicure, Montaigne, la chasse, la décroissance, etc, etc, etc.

Pris sous le charme de cet homme affable, drôle, attentif, clair et passionnant, j’ai souvent oublié la raison qui m’amenait chez lui. Comme il l’écrit à la fin du Tao Te King, il m’apparaissait être « Le Sage (…) que, sans raison particulière, et bien qu’il soit “sans qualité”, l’on souhaite tout simplement rencontrer. »

 

Lorsque mon projet est revenu un peu plus longuement dans la conversation M. Conche a d’emblée proposé quelques situations pour le film qui lui permettraient de développer sa pensée.

Ainsi avons-nous cheminé tout le jour, cahin-caha, à travers la nature sensible (les araignées et les moustiques, les arbres et les champs, la Dordogne et les étoiles) et la Nature métaphysique, omni-englobante, chère à l’ancien Grec qu’il est.

Marcel Conche est un passeur, il a la passion de transmettre (il a aimé enseigner la philosophie). Après les cours donnés, les livres écrits, les entretiens radiophoniques accordés, il s’agit aujourd’hui de lui proposer, par un film, que sa pensée se réfléchisse vers un autre public, sans doute moins érudit, pour l’attention qu’elle porte à la nature et l’Infini bonheur qu’elle procure.

Maintenant que Marcel Conche veut bien m’accompagner dans ce projet c’est sans délai que je vais m’y consacrer.

 

Christian Girier, écrivain et réalisateur

 

05102011375.jpgphoto Christian Girier

Alexandra Badéa et Marina Damestoy/Avignon 15 juillet

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Rencontres avec A.Badea et M.Damestoy en Avignon, le 15 juillet 2014
Rencontres initiées par les eat Méditerranée

Entrée libre


Deux rencontres :

Le matin, à Présence Pasteur, de 10 à 12 H
Marina Damestoy lit Antigone alias Safia dans son réquisitoire lors de son procès (A.Collision), May-day et le début d'A la rue, O-Bloque qui parle de l'action militante Génération-Précaire et jeudi noir ; Pénélope Perdureau interviendra de façon impromptue.
Alexandra Badea fera une lecture-traversée de ses textes de théâtre et de son premier roman Zone d'amour prioritaire, pour révéler les endroits où le politique interfère dans l'intime, pour saisir les derniers territoires de résistance, pour questionner notre complicité à l'intérieur d'un système dans lequel on ne se reconnaît pourtant plus.


L'après-midi à la Maison Jean Vilar de 15 à 17h, la calade
Rencontre avec Alexandra Badea, grand prix de littérature dramatique 2013 pour sa pièce Pulvérisés, auteure de Burnout, Mode d'emploi, Contrôle d'identité, Zone d'amour prioritaire, textes édités chez L'Arche
et Marina Damestoy, artiviste engagée auprès des gens de la rue et des précaires, auteure de A.M.O., À la rue, O-bloque, Mange-moi, textes édités chez Les Xérographes.


Rencontre animée par Jean-Claude Grosse et Moni Grego
Il s'agit de présenter leurs parcours, leurs oeuvres, de cerner leurs enjeux d'écritures, leurs questionnements citoyens, voire militants, leurs positionnements au niveau sociétal, politique, leurs certitudes et doutes sur la mise en mots de notre monde mis en pièces et aux pièces en se soumettant par la technologie la totalité de la vie (y compris intime) des individus, des groupes, des sociétés; y a-t-il encore place pour des résistances, des libérations, des utopies ? pour des écritures fracassantes d'urgence ?


Alexandra Badéa et Marina Damestoy/Avignon 15 juillet
Alexandra Badéa et Marina Damestoy/Avignon 15 juillet

Clepsydre au Revest, juillet 1984

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Le Revest, Clepsydre, il y a 30 ans, juillet 1984

Il y a 30 ans, le 10 juillet 1984, c'était la création de Clepsydre au Revest, spectacle commençant à 20 h sur la place de la mairie, puis itinérant dans les ruelles et sur les placettes du village jusqu'à la tour. À minuit deux bus emmenaient les spectateurs au château de Dardennes, un lieu privé mis à notre disposition par la famille Valentin, où se déroulaient le repas et la scène finale. Remontée en bus vers 2 h du matin. Ce spectacle fut joué 7 fois par 70 participants, 20 professionnels, 50 amateurs sans compter les bénévoles de l'organisation car il fallait que personne ne s'égare,

les mardi 10 juillet, jeudi 12 juillet, lundi 16 juillet, mercredi 18 juillet, vendredi 20 juillet, mardi 24 juillet et vendredi 27 juillet 1984.

Le bulletin L'Information Communale N°6 de septembre 1984 en rend compte.

Clepsydre est le spectacle inaugural de l'aventure théâtrale au Revest, aventure d'été sous forme d'un festival de juillet 1984 à août 1991, aventure saisonnière (septembre d'une année à juin de l'année suivante) à partir de juillet 1990 dans la Maison des Comoni, inaugurée avec un spectacle de Marcel Maréchal.

Aventure dirigée par Les 4 Saisons du Revest de juillet 1984 à décembre 2004, jusqu'à l'éviction sans explications des 4 Saisons du Revest.

La Maison des Comoni est devenu équipement structurant de l'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée en décembre 2003. Les 4 Saisons du Revest eurent affaire de septembre 2003 à décembre 2004 à la tutelle de Toulon-Provence-Méditerranée.

Depuis 2005, la Maison des Comoni est devenue Pôle Jeune Public de TPM, et depuis la saison 2012-2013 et pour 3 ans, scène conventionnée pour l'enfance et la jeunesse par le Ministère de la Culture.

L'interview qui suit est tirée du livre De l'impasse à la traverse, un parcours artistique vivant, les 20 ans des 4 Saisons du Revest, publié en 2003 par Les Cahiers de l'Égaré, la maison d'édition associée aux 4 Saisons du Revest, installée au Revest depuis 1988, qui a publié 150 livres et qui fait suite à la revue Aporie (13 Numéros entre 1982 et 1990).

Un autre livre avait été publié par Les Cahiers de l'Égaré pour les 10 ans, Donjon Soleil, avec de remarquables photos d'Élian Bacchini.

Les archives des 4 Saisons du Revest comprennent un patrimoine photographique d'Élian Bacchini exceptionnel puisque il fut le photographe de presque tous les spectacles entre 1984 et 2004, des lettres d'Odysseus Elytis (Nobel de littérature), Samuel Beckett, Lawrence Durrell, J.M.G. Le Clézio (Nobel de littérature), Salah Stétié... et bien d'autres raretés ou curiosités dont une correspondance de 17 ans avec Emmanuelle Arsan, l'auteur d'Emmanuelle (j'ai été interviewé pour le N° de LUI de février 2014 et un film lui a été consacré dont j'ai reçu le DVD, il y a quelques jours : le réalisateur Emmanuel Le Ber m'avait interrogé et filmé) sans oublier ma relation privilégiée avec Marcel Conche, le philosophe français le plus important d'après moi (j'ai contribué à ce qu'un film lui soit consacré, réalisé par Christian Girier, Marcel Conche la nature d'un philosophe, et qui sera projeté au Théâtre Denis à Hyères le 22 janvier 2015 à 19 H).

Les archives de Toulon, en charge des archives de l'agglomération, m'ont demandé de les leur confier. Je ne crois pas y répondre favorablement. Je les cèderai à l'IMEC à Caen.

Peut-être que Les amis du Vieux Revest penseront après avoir commémoré deux guerres destructrices, 14-18 et 39-45, à évoquer une aventure constructive qui a changé le village ne serait-ce qu'avec l'édification d'un lieu, un théâtre vivant, une Maison, la Maison des Comoni, une réussite architecturale portant le nom d'une tribu ligure, ayant vécu dans la région et au Revest avant sa colonisation par Auguste (trophée de La Turbie, les Camunni).

Juillet 2015, ce seront les 25 ans de la Maison des Comoni : TPM et la municipalité mettront peut-être à l'honneur Les 4 Saisons du Revest et le Pôle Jeune Public.

Jean-Claude Grosse

conseiller municipal de 1983 à 1995 avec Charles Vidal

tête de la liste Avec vous, maintenant, liste citoyenne pour une démocratie active, en 2008

directeur des 4 Saisons du Revest de 1983 à 2005

président des 4 Saisons d'Ailleurs depuis 2005

directeur des Cahiers de l'Égaré depuis 1988

membre du CA national des Écrivains associés du Théâtre (élu le 25 juin 2014)

président de la filiale Méditerranée des EAT (PACA, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes Sud) depuis novembre 2010

Interview datant de 2003 avec deux courts compléments

M. : Comment est née l’idée des 4 Saisons du Revest ?

J.-C. G. : Le point de départ est politique, il n’est pas culturel. J’ai été contacté pour faire partie d’une liste au moment des municipales de 1983. J’ai posé un certain nombre de questions au maire sortant, Charles Vidal, qui constituait sa liste avec des anciens membres et des nouveaux, sur son bilan, sur son projet. Il avait un bilan sur le plan social qui était intéressant, par exemple le portage des repas à domicile.

M. : Pourquoi trouviez-vous cela intéressant ?

J.-C. G. : Je trouvais que c’était bien de garder les gens, qu’ils soient malades, handicapés, chômeurs, chez eux plutôt que d’avoir une politique d’exclusion par inaction. Il y avait un bilan sur le plan social qui me semblait plutôt positif, il n’y avait rien sur le plan culturel, à part la biennale de peinture. Je lui ai dit que j’étais d’accord pour faire partie de sa liste, à condition qu’on puisse développer une politique culturelle. Mais on n’est pas allé au-delà. C’est-à-dire que quand il a présenté la liste, en 1983, il n’a pas, me semble-t-il, je n’en ai pas vraiment le souvenir, affirmé la mise en place d’une politique culturelle forte au Revest.

M. : Donc il a fallu à peu près dix ans jusqu’à la création de la Maison des Comoni ?

J.-C. G. : Non. En fait la ligne politique culturelle n’a pas été annoncée avant les élections, mais après les élections. Cinq jours après, je demandais la création d’une commission culturelle. C’est à partir de là que nous avons défini une politique culturelle, et comme je crois être un garçon plein d’idées, dynamique, efficace, tout s’est mis en place assez rapidement. On a décidé de poursuivre ce qui existait : autrement dit la biennale de peinture et de la muscler un peu. La commission s’appelait « Commission Culture, Fêtes, Cérémonies et Transports ».

M. : Transports aussi !

J.-C. G. : Et même Sports ! Culture, Sports, Fêtes, Cérémonies et Transports !

M. : C’était un panier garni !

J.-C. G. : Elle est devenue progressivement et presque exclusivement Culture, Sports, Fêtes et Cérémonies. Transports, il n’y avait pas grand chose à faire. Donc, cette commission s’occupait effectivement de toutes les manifestations festives, c’était le comité des fêtes en même temps. On avait décidé de garder ce qui existait déjà : la biennale de peinture et d’avoir une politique d’exposition à l’année, on a fait des expositions, à mon avis très intéressantes, je pense à Nicole Budonaro, entre autres, mais je pense aussi à d’autres peintres : Valérie Anton, Giacobazzi. Nous lui avons acheté une œuvre sur l’école du Revest et à Budonaro, nous lui avons acheté le grand tableau qui est dans l’entrée des Comoni. On a eu une politique d’exposition, une politique d’acquisition, sur le plan des arts plastiques qui ont été assez offensives. On a essayé de faire qu’il n’y ait pas qu’un événement tous les deux ans seulement, mais une politique à l’année et en tirant vers le haut, c’est-à-dire en n’exposant pas que les peintres Revestois, paysagistes, portraitistes, mais en défendant des jeunes issus des Beaux-Arts. J’ai fait exposer trois fois Michel Bories, au Revest. C’étaient des expositions plutôt remarquées. J’ai fait la connaissance quelques temps après d’une compagnie de théâtre qui était installée en bas,

M. : En bas ?

J.-C. G. : En bas du barrage, il y a une petite zone artisanale, il y avait une compagnie de théâtre dans un hangar qui s’appelait Le Théâtre à Suivre, qui avait une école de théâtre. J’ai fait leur connaissance, mes enfants sont rentrés dans leur atelier-théâtre. Leur travail étant vraiment de grande qualité, j’ai obtenu que la municipalité leur donne une subvention à l’année, pour ces ateliers, de façon à baisser le coût de la participation des parents. J’ai fait en sorte que le travail des enfants et des adolescents soit présenté au public. Ça a été présenté, par exemple sur la place Meiffret, à la Tour, et l’idée m’est venue, en relation avec mon manifeste Culture et Vie quotidienne du 16 mars 1983, de leur commander un spectacle à partir d’une écriture puisque Sylvie di Roma, non seulement était comédienne, metteur en scène mais en même temps auteur. Et c’est comme ça qu’est né le projet Clepsydre, dès mai 1983. C’est-à-dire que j’ai été élu en mars 1983, le projet a été posé en mai 1983 pour être réalisé en juillet 1984 avec 7 représentations. On a mis un peu plus d’un an pour réaliser le projet. Il y a eu très vite des articles dans la presse locale et même un dans Le Monde. C’est vrai que ce projet apparaissait complètement fou, puisque c’était un projet de Théâtre-Parcours. Il s’agissait d’investir Le Revest et Dardennes, d’associer des professionnels, des amateurs avec une écriture originale, et pour un spectacle parlant de façon un peu distanciée mais s’appuyant sur l’histoire du Revest. Il y a eu tout un travail de recherche, on s’est appuyé sur un historien local : Trofimoff, on a interviewé monsieur Durand, un vieux monsieur qui nous a raconté l’origine du nom Comoni.

M. : Donc un désir de partir de l’histoire locale ?

J.-C. G. : Oui, mais c’était déjà différent de ce que j’avais proposé dans mon manifeste, à savoir s’appuyer sur les associations existantes, parce qu’effectivement on peut dire qu’il y a des manifestations culturelles au Revest : la chasse est une forme de culture, la cueillette des olives, le pressoir à huile, c’est aussi de la culture, la taille des pierres, c’est de la culture, la pétanque et le pastis, c’est de la culture. Je n’ai pas de mépris pour toutes ces formes-là, mais il y avait une faiblesse dans ce manifeste. Si on s’appuie sur les associations locales, on aura peut-être des manifestations de type culturel mais elles seront de type associatif, elles seront de type festif, et il n’y aura pas suffisamment d’exigence ni de qualité artistique. Donc autrement dit, il n’y avait pas de place dans mon manifeste, même si j’évoquais à un moment donné la présence, la participation d’écrivains, de comédiens, il n’y avait pas de place là-dedans pour des exigences professionnelles et de la qualité artistique exportable. Voilà. La rencontre avec Le Théâtre à Suivre a été déterminante, c’est elle qui m’a fait chercher à rassembler dans une opération ce qui était dispersé, c’est le projet qui m’a permis de croire que j’allais mettre de la cohérence dans un ensemble de propositions disparates, à travers une commande d’écriture et de mise en scène. C’est ça qui est déterminant. L’histoire des 4 Saisons remonte vraiment à cette rencontre avec Le Théâtre à Suivre, avec ce qui s’en est suivi, des gens pas faciles à vivre, mais une bonne entente et on est allé au bout de ce projet, il a vu effectivement le jour. Ça a laissé des traces dans le village, des traces physiques, il y a encore des traces de peinture, place de la Mairie. Il y a encore un rond et le rectangle d’où naissait un nouvel homme. Il y avait un chœur de femmes qui expulsait à un moment donné un danseur, c’était une très belle scène, sur une musique que j’avais trouvée, Freedom now suite de Max Roach et Abbey Lincoln. C’est comme ça qu’est né le Théâtre au Revest, comme tentative de mettre de l’ordre dans un ensemble disparate de propositions.

M. : Je voudrais vous demander quel rapport vous avez eu avec les Revestois ?

J.-C. G. : Il y a eu 70 participants, 20 professionnels et 50 amateurs, et pas mal de gens du Revest pour l’organisation, une trentaine pour les costumes, maquillages, gestion des déambulations. Mais tout un tas de choses qui avaient été programmées n’ont pas eu lieu par manque de temps et de moyens et puis il y avait sans doute une grande méfiance au niveau d’un certain nombre de gens du village, malgré le soutien public apporté par le maire du Revest, Charles Vidal.

M. : Il y a eu quand même de la curiosité puisqu’il y a eu cinquante personnes !

J.-C. G. : Oui, il y a eu une vraie curiosité, mais cinquante ce n’est jamais que cinquante. Peut-être qu’à travers les familles ça faisait deux cents. Mais cela ne suffit pas pour faire l’unanimité. Depuis j’ai compris que ce n’est pas la peine de chercher l’unanimité, qu’il faut faire ce qu’on pense devoir faire : chaque spectacle trouve son public. Dès Clepsydre, on a été aidé par l’état et par le département, par la mairie aussi bien sûr. En gros, c’est un projet qui s’est fait, je ne crois pas me tromper, avec 240 000 francs, la mairie a mis 80 000 francs, l’état et le département 80 000 francs chacun, et on a fait un spectacle qui s’est joué 7 fois, avec en moyenne 120 à 130 personnes. On avait deux bus, à chaque fois, pour emmener les gens du Revest jusqu’au Château de Dardennes et pour les ramener. On commençait à huit heures du soir, on finissait à deux heures du matin, et il y avait un repas vers minuit.

M. : Donc vous vouliez garder un coté festif avec ce dîner à la campagne ?

J.-C. G. : Oui. Ça se passait dans le parc du Château de Dardennes, et c’était vraiment festif entre minuit et une heure. Après il y avait la scène finale, dans le jardin des orangers du château, entre une heure et deux heures du matin. Après quatre heures de déambulation entre huit heures et minuit. On avait construit un labyrinthe avec sept boxes pour vingt, vingt-cinq spectateurs, on pouvait mettre en gros cent cinquante, cent quatre-vingt personnes et pour construire ce labyrinthe on a cloué deux kilomètres et demi de planches qui nous ont été données par les chantiers de La Seyne en cours de liquidation.

M. : C’était un vrai labyrinthe ?

J.-C. G. : Oui ! Les gens rentraient dans ce labyrinthe et tombaient dans des boxes, il y avait sept petits spectacles pour vingt-cinq spectateurs et personne ne voyait le même spectacle, c’étaient les enfants qui jouaient. C’était d’une poésie ! On s’est rendu compte en créant Clepsydre, qu’on a eu un an d’avance sur Le Printemps, créé à Châteauvallon par Denis Guénoun, et qui a demandé deux ans de préparation et auquel j’ai participé ainsi que mes enfants. C’était le même esprit, mais aucune comparaison au niveau des moyens. Le budget à Châteauvallon était un budget de 7 millions de francs et pour nous de 240 000 francs. C’est à cette occasion que j’ai lié amitié avec Denis Guénoun et que j’ai organisé pour lui à Châteauvallon des séminaires sur la Renaissance. J’ai fait venir des penseurs importants : Kostas Axelos, Henri Atlan, Cornélius Castoriadis, Bernard d’Espagnat, Jacques Le Goff…

M. : Est-ce que vous avez tenu cette politique de création après le début des 4 Saisons ?

J.-C. G. : On a commencé sur une commande d’écriture et de mise en scène, c’est-à-dire une création intégrale. Je préfère dire demande plutôt que commande. Je formule des envies, mais qui ne sont pas que des envies personnelles, elles sont pensées, il y a une réflexion sur qu’est-ce qui serait nécessaire par rapport au village, c’est pour cela que j’avais demandé qu’on s’appuie sur l’histoire du Revest. Ce qui a été intéressant, après Clepsydre, j’ai fait une autre commande, demande, à Philippe Vincenot, que j’ai rencontré sur Le Printemps, qui y était comédien, c’était un conteur extraordinaire. Je l’ai invité un soir chez moi, le soir a duré jusqu’à quatre heures du matin, et lui ayant pas mal bu, moi aussi, il racontait des histoires, ça n’arrêtait pas, alors je lui ai dit à la fin qu’il avait un vrai talent de conteur et qu’il devrait passer à l’écriture, je lui ai proposé d’écrire quelque chose sur l’histoire du Revest, c’est-à-dire de prolonger Clepsydre car les gens avaient trouvé que c’était trop loin de l’histoire du Revest, parce que Sylvie di Roma avait peut-être trop symbolisé, universalisé, donc je me suis dit : on recommence la chose avec un plus petit nombre de gens, de soixante-dix on est passé à deux, Philippe Vincenot a écrit Histoires du Revest, où il y a des scènes vraiment inspirées de l’histoire du Revest. Par exemple la vente des sources d’eau à la ville de Toulon, cette vente a permis la construction du barrage, et aujourd’hui on achète l’eau à Toulon parce que nos anciens ont vendu les sources. Ce spectacle a fait un tabac. Il a été créé au Revest. Il s’est joué trois semaines et après il est passé en Suisse, en Allemagne. L’année d’après, il a été joué sur la place du Mourillon, en face du Comédia. Il a donné naissance à un autre spectacle car il y a des logiques qui se mettent en place, je me suis demandé de quoi on pouvait parler qui s’enracine à la fois dans Le Revest et qui ait une valeur universelle, et je me suis dit qu’il fallait parler du feu. Parce que les incendies ici dans le Midi, c’est omniprésent : c’est le soleil et le feu, la crainte du feu. Pour être encore plus clair, je dirai que ma réflexion essayait d’articuler le local (Le Revest) et le global (le monde). Réussir cette articulation, c’est pouvoir intéresser les Revestois mais aussi les autres qui peuvent se reconnaître dans des problèmes, des situations, des comportements, des propos, des conflits qui ne sont qu’en apparence revestois car ils sont en réalité universels. Inversement, quantité de spectacles ont été présentés au Revest qui apparemment parlent de gens d’ailleurs mais qui peuvent parler aussi aux Revestois parce qu’ils ont les mêmes problèmes. Après le feu, l’eau. Tout le monde connaît le film Manon des Sources, un film sur l’eau ou l’absence d’eau, la difficulté de trouver de l’eau en Provence. Nous on s’appelle Le Revest-les-Eaux. J’avais ainsi mis en place tout un enchaînement : on aurait fait un spectacle sur le Feu, sur l’Eau, sur l’Olivier, la Pierre. Il n’y en a qu’un qui a vu le jour, après Histoires du Revest, c’est Feu, un spectacle mythique pour ceux qui l’ont vu au Stade. Philippe Vincenot et Laurent Vercelletto ont pris le thème du feu, et ils ont traité à la fois les incendies, la guerre, le feu entre les hommes. Ce spectacle a tourné deux ans, comme Histoires du Revest qui a tourné sous le nom de Patience. Feu a tourné sous le même nom. Ça a été aussi le premier livre que j’ai édité. Michel Bories qui avait fait une installation plastique sous tente pour le spectacle a réalisé un livre d’art à un seul exemplaire présenté dans beaucoup d’expositions.

M. : Donc Les Cahiers de l’Égaré sont nés à partir de ce moment ?

J.-C. G. : Les Cahiers de l’Égaré sont nés en même temps que le spectacle s’est créé. Il y a eu une première édition à 500 exemplaires et un deuxième tirage encore à 500. Donc il y a quand même eu 1000 exemplaires de vendus et le spectacle a tourné deux ans. C’est avec de tels spectacles que le théâtre au Revest s’est fait connaître très loin du village. Puisque nos créations s’exportaient, partaient ailleurs. Quant aux Cahiers de l'Égaré, ils existent toujours, 150 titres ont été publiés par une maison d'édition installée au Revest.

(Les 25 ans des Cahiers de l'Égaré ont été fêtés à La Seyne sur Mer, le 1° juin 2013, sur la place Martel Esprit, par la Bibliothèque Armand Gatti avec le soutien de la municipalité de La Seyne, en présence du maire et de l'adjointe à la culture. Le dernier Cahier de l'Égaré est sorti en mai 2014, écrit par Izzeddin Çalislar, auteur turc en résidence d'écriture à la BAG et consacré à Michel Pacha, livre bilingue, turc et français, Mon Bosphore à moi, une lecture a eu lieu le 17 mai à la Villa Tamaris Pacha, une autre aura lieu le 26 septembre à 18 H 30 au Comédia à Toulon)

M. : en dehors de la Maison des Comoni et des Cahiers de l'Égaré, qu'y a t-il eu de marquant ?

J.-C.G. : les ateliers de théâtre pour les enfants et adolescents avec Sylvie di Roma jusqu'en 2000. De ce travail est née une compagnie amateur L'Insolite traversée des siècles qui crée Un Roméo et Juliette d'après Shakespeare en 1986 à la Tour, compagnie qui se forme à l'école de la Comédie de Saint-Étienne (Cyril Grosse, Frédéric Andrau, Valérie Marinèse …), change de nom, L'Insolite Traversée, et devient professionnelle en 1992 avec la création de Madelaine Musique. Cette compagnie est conventionnée en 2000 par le Ministère de la Culture ; c'est la seule compagnie varoise à avoir été conventionnée par l'État. La compagnie est dissoute fin 2002, après la mort accidentelle à Cuba de Cyril Grosse le 19 septembre 2001.

(Sa sœur, Katia Ponomareva, a pris le relais, en 2004, de comédienne dès le début de l'aventure à metteur en scène avec sa compagnie L'Ensemble à nouveau présente en juillet 2013 au Théâtre du Chêne Noir en Avignon avec son 4° spectacle Nous serons vieux aussi.)

Extrait de l'éditorial du Maire dans le N° 6 de L'Information Communale de septembre 1984 :

« Le grand événement de l'été, celui que chacun attendait avec impatience, inquiétude ou espoir, avec ou sans idée préconçue, ce fut bien entendu les nuits de juillet de Clepsydre. Critique de théâtre ? J'en laisse le soin aux spécialistes tandis que quelques photos dans les pages suivantes résumeront quelques-unes des principales scènes.

Pour ma pat, je n'ignore pas combien le déroulement de ces soirées rapprochées, au travers des rues et des places du village, n'a pas manqué d'apporter à ses habitants une gêne que la plupart ont acceptté facilement et quelques-uns avec un peu plus de difficultés. En fin de compte, cependant, chacun a bien voulu faire preuve de patience et compréhension au point, pour certains, d'aider à la bonne marche des étapes du spectacle lorsqu'elles se déroulaient devant chez eux. J'ai eu l'occasion de m'en apercevoir au cours de la représentation à laquelle j'ai assisté avec beaucoup de plaisir, je dois le dire. À tous, j'exprime mes bien vifs remerciements. Qu'on ait aimé ou pas Clepsydre, bien qu'il m'apparaisse difficile de rejeter entièrement un tel spectacle, nous ne pouvons qu'apprécier la somme de travail fournie par les comédiens et les volontaires qui les ont aidés pour préparer les lieux, penser, créeér et monter eux-mêmes les décors, les accessoires ou les habits tout en assurant la présentation de l'action et tout cela bénévolement. Il fallait avoir la foi et le courage pour le faire.Ils ont eu l'une et l'autre. Les spectateurs sont venus, certains même d'assez loin mais si le prêt des projecteurs n'eût pas été consenti pour une durée impérativement limitée, il est certain qu'une soirée par semaine pendant deux mois aurait permis à la critique favorable qui fut celle de la Presse pour Clepsydre d'avoir le temps et la possibilité de toucher un public plus nombreux amené ou ramené dans le var par les différentes périodes des vacances. Les organisaters l'ont bien compris qui ont dû le dernier soir refusé des entrées. Ce n'est la faute de personne mais seulement des obligations matérielles qui entourent tout spectacle de qualité. » Charles Vidal, maire du Revest

les deux pages centrales de L'Information Communale N°6 de septembre 1984; le personnage au 1° plan de la bulle humoristique, ce doit être moi; la photo emblématique réalisée par Elian Bacchini du Malade imaginé d'après Molière par Cartoun Sadines Théâtre, créé au Revest en mai 1991 et qui a fait la notoriété nationale et internationale de cette compagnie
les deux pages centrales de L'Information Communale N°6 de septembre 1984; le personnage au 1° plan de la bulle humoristique, ce doit être moi; la photo emblématique réalisée par Elian Bacchini du Malade imaginé d'après Molière par Cartoun Sadines Théâtre, créé au Revest en mai 1991 et qui a fait la notoriété nationale et internationale de cette compagnie

les deux pages centrales de L'Information Communale N°6 de septembre 1984; le personnage au 1° plan de la bulle humoristique, ce doit être moi; la photo emblématique réalisée par Elian Bacchini du Malade imaginé d'après Molière par Cartoun Sadines Théâtre, créé au Revest en mai 1991 et qui a fait la notoriété nationale et internationale de cette compagnie

vidéo réalisée en juin 2010 pour évoquer le parcours de Cyril Grosse (1971-2001), écrivain, metteur en scène, comédien, directeur de L'Insolite Traversée, seule compagnie varoise à avoir été conventionnée par le Ministère de la Culture en 2000

Marilyn après tout (avril 2012 - mars 2015)

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Projet Marilyn Monroe

lancé en avril 2011

réalisé en mai 2012

Le livre Marilyn après tout

est paru aux Cahiers de l'Égaré

 

Réalisations :

2015 : 10 mars à 19 H au Théâtre Denis à Hyères, cabaret Marilyn, 36° manifestation comme les 36 ans de Marilyn

2014 :

exposition de la Subway Dress d'Aïdée Bernard à la salle des Jacobins de Saintes du 11 mars au 11 avril 2014

2013 :

lecture-dédicace le 31 janvier 2013 à l'espace Simone de Beauvoir à Nantes

lecture de quelques textes salle Vasse à Nantes le 18 février 2013 à 18 H 30

lecture-exposition de la subway-dress d'Aïdée Bernard à Octon le 8 mars 2013

lectures à la cinémathèque de la Sorbonne Nouvelle, le 21 mars 2013

lectures-dédicace à la Librairie La Fontaine à Lille, le 23 mars 2013 à 16 H

avril-mai-juin 2013 exposition de la subway-dress d'Aïdée Bernard à la médiathèque d'Albi

9 mai 2013 Casablanca chez la directrice de la librairie La Porte d'Hanfa

26 mai 2013 Marrakech chez un couple d'artistes-peintres, la Chems-Gallery

1° juin 2013, anniversaire de Marilyn,

et pour les 25 ans des Cahiers de l'Égaré à La Seyne sur Mer

 

 

 

court montage que j'ai réalisé avec des images et 3 voix de Marilyn (la voix est ce qui disparaît le plus vite alors que les images restent)

 

 

 

Marilyn après tout (avril 2012 - mars 2015)

Rencontre avec Alexandra Badéa et Marina Damestoy

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Rencontre avec Alexandra Badea

et Marina Damestoy

15 juillet 2014 de 15 H à 16 H 30, salle voûtée de la maison Jean Vilar

rencontre initiée par les EAT Méditerranée

animée par Jean-Claude Grosse et Moni Grego

(on notait la présence du directeur du théâtre Antoine Vitez d'Ivry, de l'ex-directeur du théâtre de Cavaillon, d'une rédactrice remarquée du Sénat, du traducteur roumain d'Alexandra Badéa, d'une auteur du Nord et de quelques auteurs EAT MED et l'absence de responsables nationaux des EAT (l'absence se voit aussi, elle fait sens) ;

le compte-rendu est signé Baptiste Moussette, défenseur convaincu des Cahiers de l'Égaré. JCG)

Alexandra Badea, grand prix de littérature dramatique 2013 pour sa pièce Pulvérisés, auteure de Burnout, Mode d'emploi, Contrôle d'identité, Zone d'amour prioritaire, textes édités chez L'Arche.

Marina Damestoy, « artiviste » engagée auprès des gens de la rue et des précaires, auteure de A.M.O., À la rue, O-bloque, Mange-moi, textes édités chez Les Xérographes.

En Avignon, le 15 juillet 2014, au sein de la Maison Jean Vilar, une rencontre initiée par les eat Méditerranée. Deux auteures bien vivantes et combatives, sous nos yeux entrent en dialogue, pendant que les micros institutionnels, à l’extérieur, se pomponnent.

Est-ce toujours la même histoire ? La résistance commence dans les caves, la résistance se terre, faute de mieux, et au moins avons-nous la satisfaction de ne pas mourir de chaud. Mais ne nous délions pas trop vite de nous-mêmes, de notre propre complicité, car c’est bien ce chemin que parcourt et questionne Alexandra Badea. Elle qui abordait avant l’écriture et le théâtre par une critique frontale, surement délicieusement violente, c’est nos complicités et les points de résistances possibles qu’elle recherche aujourd’hui au sein du chaos.

Et des points de résistances, nous pouvons justement en retrouver dans « l’artivisme » de Marina Damestoy, qui provoque la puissance d’un théâtre populaire. Et le théâtre populaire, ce n’est pas un théâtre où l’on ne se prendrait pas la tête, comme le désire si bien un directeur de théâtre. Ce n’est pas non plus un théâtre où l’on se prendrait complètement la tête, car des têtes, il nous en faut encore, pour l’après théâtre. Non, le théâtre populaire tel que l’entend Marina Damestoy, c’est tout simplement un théâtre qui se produit lui-même par la rencontre, par la mise en commun, par le geste théâtral, par le fait finalement, de ne pas savoir au départ ce que tout cela va donner. Il y a quelque chose de l’indétermination, et l’indétermination permet l’invitation. Parfois même, indétermination de savoir si c’est bien du théâtre ou pas, car nous parlons mieux, nous parlons plus aisément, nous nous dévoilons avec plus de spontanéité et de présence, quand la forme n’a pas encore avalé les quelques gestes hésitants que nous voulions peut-être faire pour aller à la rencontre de […].

Aller à la rencontre de l’écriture et de la parole de Marina Damestoy et d’Alexandra Badea c’est faire l’expérience de deux femmes qui savent dire « non ». Ce n’est pas facile de savoir dire « non » à la prescription culturelle, aux micros qui pérorent le « Pater noster » du théâtre. Tout du moins, ce qui n’est pas facile, c’est d’en dégager quelque chose qui dépasse véritablement la simple rébellion égocentrée et capricieuse. Et c’est bien pour cela que Marina et Alexandra, nous sont d’une grande aide, car du refus, elles nous en transmettent la possibilité de l’arme. «Je lance une balle et le public s’en saisit, on n’a pas encore trouvé l’arme pour les intermittents », s’exprime ainsi Alexandra Badea. Juste avant, la comédienne Pénélope Perdereau venait bel et bien d’en tirer une de balle avec le texte O.Bloque de Marina Damestoy, l'histoire d'une Ophélie contemporaine, jolie jeune fille éduquée, issue d'une famille aisée, qui glisse irréversiblement sur les pentes d'une société absurde, jusqu'à en partager la folie. Cette jeune femme déchue, tombée à la rue comme en désuétude, trace ses pensées au fond d'un cahier. Elle jalonne son errance par ses mots, dernière rambarde pour ne pas disparaître tout à fait.

Et c’est bien parce qu’il y a l’arme et la balle que la responsabilité prête à conséquence. Au théâtre, bien entendu, le temps est une arme. Le fait de prendre au public son temps, le fait de le retenir, cette dimension temporelle qu’exprime intensément Alexandra Badea se noue avec la conscience que l’on ne peut pas faire n’importe quoi avec le spectateur, on se doit de lui transmettre quelque chose, on ne peut pas l’accaparer, il y a de la responsabilité.

Le n’importe quoi c’est bien évidemment ce qui se trouve, ce qui se voit, le plus facilement. C’est ce qui n’a rien à transmettre si ce n’est la jouissance directe du spectacle, c’est ce qui attire le regard et non ce qui le questionne et le pose en partage. Mais le n’importe quoi cela peut être aussi, ce qui ne correspond pas à notre manière de percevoir. Et en ce sens, l’intervention de Moni Grégo, soulignant la pluralité des regards, permet aussi de relativiser et de questionner les limites : « du moment où l’on se met sur scène on s’expose, il y a des visions du monde ». Oui, il y a bien des visions du monde, devons-nous les écraser ou essayer d’accorder une place au sein de notre propre vision ? Et quelle place accorder ? Et elles-mêmes, nous accordent-elles une place ? Peut-on penser un commun avec elles ? Ou encore, devons-nous ne pas nous en préoccuper et les laisser parler là à nos côtés ? Surement est-ce là des questions essentielles.

Quant à la politique et non au politique, ici il est vrai, la question ne fut que très peu résolue. Il y a un cadre, il y a des politiques publiques, et cela nous est nécessaire, effectivement. Mais, entre la figure de l’artiste empereur et celle du gestionnaire cravaté, laquelle des deux est la plus à même d’écouter ? L’une comme l’autre peuvent faire des choses atroces, ou au contraire, intéressantes, mais enfin voilà, on a rien dit en disant tout, ce qui arrive par moment.

La stricte politique fut heureusement dépassée par Jean-Claude Grosse, qui lui opposa la sagesse de l’ontologie. Effectivement : « encore faut-il que le « Kairos, l’occasion opportune, passe au bon moment, car l’obsolescence va très vite, on nous pulvérise ». Et au « Kairos » nous pouvons même surement ajouter la « Mètis », ce qui permettrait de contraindre un peu la fugacité du « Kairos » par une intelligence de la ruse et de l’adaptabilité.

Oui le temps. Marina Damestoy et Alexandra Badea, deux auteures qui ont le vent en poupe, elles ont le Kairos pour elles, mais vivantes, le seront-elles longtemps ? Nous l’espérons, tout comme nous espérons aussi, qu’elles ne garderont aucune amertume à ne plus l’être, car surement est-ce là en définitive la plus importante liberté à conquérir de toute lutte : « Amères, nos lèvres de vivants ne le furent-elles jamais ». Saint-John Perse.

Baptiste Moussette

complément de grossel :

en tant que président des EAT Med, je suis arrivé en Avignon, le 13 juillet vers 16 H après être intervenu dans un bus Biélorusse avec 70 étudiantes et enseignantes en langue française dont Olga, retrouvée après 5 ans, vice-présidente de la faculté de lettres étrangères de Minsk ; j'ai parlé de Diderot, lu 2 textes, distribué des livres à ces étudiantes et enseignantes en demande (Diderot et Marilyn); je vois le 2° groupe de 70, le 26 juillet à Grasse, on prévoit une forme cabaret, le soir; redistribution de livres; c'est toujours agréable de voir ce que de tels dons engendrent

à 21 H, la soirée Diderot à l'espace Alya fut réussie : beau tandem complice entre Moni Grego, la cosmologue Ada Lovelace et moi, le philosophe Marceau Farge plus les autres lecteurs, Michèle Albo, Yves Ferry, Anne-Pascale Patris, Alain Lamotte ; n'ont pu être lus Dominique Chryssoulis, Sandrine Charlemagne, Bertrand-Marie Flourez, par manque de temps (durée 1 H)

le 14 juillet au matin à Présence Pasteur, lecture de Tourmente à Cuba après Alain Gras, Sur le quai ; lecture très sensible d'Anne-Pascale Patris, Alain Lamotte, Brigitte Buchy et moi-même; très peu de monde; lecture devant le vide, quelle merveilleuse illustration de ce qui nous attend. Heureusement, parfois, certains savent et vivent l'éternité de tous les moments ou de quelques moments, l'éternité d'une seconde bleu Giotto

je partage le repas d'Anne-Pascale, discute longuement avec Dominique Chryssoulis, assiste à une partie de la rencontre l'après-midi entre les EAT et les AEP

vais voir Silence au théâtre des Doms, participe au débat animé par Émile Lansman, compare Silence et Nous serons vieux aussi (voir le module pro en bas du lien proposé)

le 14 au soir, lecture de La Sentinelle de et par Moni Grego qui à l'improviste me propose de lire les deux pages du spectateur; je me prête au jeu; à côté de moi, Bernard Bloch (on se rappelle l'aventure de Toulon 1942), Jean-Paul Wenzel, Elizabeth Marie (on évoque La lutte des places)

le 15 au matin à Présence Pasteur, découverte de l'oeuvre d'Alexandra Badéa et Marina Damestoy avec la présence forte de la comédienne Pénélope Perdereau

je quitte Avignon le 15 vers 18 H pour un stage papier de 5 jours

pour creuser sur la reconnaissance des artistes, cet entretien de 6' avec Pierre-Michel Menger, professeur au Collège de France

la rencontre vue à travers les lunettes Google de Danielle Vioux; entre 20 et 25 personnes dans la salle voûtée pendant que dehors, BFA, Michel Didym et un acteur tonitruant du In se pomponnaient au micro
la rencontre vue à travers les lunettes Google de Danielle Vioux; entre 20 et 25 personnes dans la salle voûtée pendant que dehors, BFA, Michel Didym et un acteur tonitruant du In se pomponnaient au micro
la rencontre vue à travers les lunettes Google de Danielle Vioux; entre 20 et 25 personnes dans la salle voûtée pendant que dehors, BFA, Michel Didym et un acteur tonitruant du In se pomponnaient au micro

la rencontre vue à travers les lunettes Google de Danielle Vioux; entre 20 et 25 personnes dans la salle voûtée pendant que dehors, BFA, Michel Didym et un acteur tonitruant du In se pomponnaient au micro

Poèmes à pile ou face pour Olga et Svetlana/J.C. Grosse

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Ces deux poèmes sont à lire dans un ordre tiré au sort par le lecteur, pile ou face.

Je les ai publiés pour le 40° anniversaire des premiers pas de l'Homme sur la lune, le 20 juillet 1969, à 21 H 36, bien après que poètes et peintres aient imaginé la chose.

Je les actualise ce jour, 25 juillet 2014, après avoir revu Olga, quelques minutes, 5 ans après, dans un autobus biélorusse où j'ai présenté Diderot, le 13 juillet entre 10 H 45 et 11 H 30, sur le parking de Lançon de Provence. JCG

1 ou 2 pile ou face
Rencontre avec Svetla
na

Tu es venue du pays des 10000 lacs

Je suis arrivé de Sully sur Loire

Au pays des 10000 lacs

Ton visage de 32 ans a 10000 images

N’es-tu que mirage

Es-tu vraiment Claire

Au château de la Trémouille

J’ai fait un tabac

Avec mes poèmes

Sur Mélissa

Philomène

Ne suis-je qu’un manieur de phonèmes

A Vitebsk

Ta ville si souvent assiégée

Par le passé

Tu as fait un carton

Avec le Monument pour une ville détruite

D’Ossip Zadkine

A Rouen brûlant Jéhanne

A eu lieu

Une rencontre

Offerte par le dieu

Anonyme au milieu de 80 flammes

Je ne t’ai pas vue

Ce 16 juillet 2009

Entre 9 heures et midi

Je n’ai pas eu de flash

D’illumination

Ce ne fut pas un coup de foudre

Ce fut lente émergence

Photo sortant du polaroïd de la vie

Et moi qui vous présentais

L’art de la présence

Le don du présent

J’ai fini par ne plus voir que toi

Entre 15 et 18 heures

Tu étais tellement présente

A cette présentation

Tu me donnais ton adhésion

Dans ton regard il y avait

Le plus précieux

La compréhension intelligente

D’une démarche de vie

Le théâtre de la cruauté

Comme offrande

Ouverture aux autres

Rassemblées

Diffusion d’énergie négative

De terreur

Le théâtre de la cruauté

Comme puissance de déconstruction

Torture des autres

Coincées

Dans leurs jupes sans tourbillons

Leurs corps sages sans horizons

Ouverture de toi déjà ouverte

A des Promenades d’Amoureux

Entre ciel et terre

Selon le cœur de Marc Chagall

Joyeux carnaval de corps légers

Allégés de leur poids de Terre

Cirque céleste pour colorier

D’amour et d’espoir

La vie vouée à la mort

Toi déjà offerte à l’homme de ta vie

Toi en recherche d’un compagnon de vie

Gâtée par le dieu qui t’en a fait rencontrer deux

Désespérée d’avoir à choisir

Au risque de perdre l’un et l’autre

Poussé par l’audace de l’intuition

Je fraie une voie à une brève rencontre

Ce 17 juillet 2009

A 9 heures du matin

Je contemple ton visage

Sans fard

Je pourrais y passer ma vie

C’est l’infini là ici

Si près

Je regarde ton regard

Qui parfois faiblit

Paupières battantes

Prêtes à l'envol

J’écoute tes paroles

Elles m’entraînent

Dans les labyrinthes

Sans fil de sortie

De ta pensée

Sur la vie

Le monde

En un quart d’heure

Tu te livres

Me livre

L’intimité de ton intimité

Ta philosophie de la vie

Le dieu est peut-être Dieu

Peut-être hasard

Peut-être destin

Peut-être destination

Peut-être création libre

Ton front porte une souffrance

Qui ne se livre pas

La transparence de l’échange

Rend plus opaque ton opacité

La dualité des contraires

L’unité des contraires

Qui t’animent

Animent le monde

Dans l’après-midi du 17 juillet

Tu as été MM rencontrant JFK

Pour une montée au 7° ciel du désir

De la sensualité déchaînée

Exprimée par ta voix d’eau calme

Sans prendre dans ton regard

L’auditoire

J’étais au premier rang

Après la prise de photos

J’ai traîné dans le hall

Souhaitant que le dieu nous réserve

La possibilité de prendre à droite

Sur la carte

Ce chemin qui se découvrait

Vers le pays des 10000 lacs

Vers le midi des Tournesols de Vincent

Car il existe n’est-ce pas

Des halls qui sont des ports

Des instants-navires

Pour partir

Repartir

Changer d’enveloppe terrestre

De carte d’identité

Au largage d’amarres j’étais prêt

Tu es partie pour une destination

Secrète

Secrètement

Dans l’après-midi

Sans traverser le hall

A 19 heures 03

Ce 17 juillet 2009

J’ai quitté Rouen brûlant Jéhanne

Les 10000 lacs de ton pays

Les 10000 images de ton visage

Les 10000 mirages à tournis

A 20 heures 49

Je débarquais à Paris Bercy

Jean-Claude Grosse, le 18 juillet 2009

2 ou 1 face ou pile
Rencontre avec Ol
ga

Tu es venue du pays des 10000 lacs

Je suis arrivé de Chailles Loir-et-Cher

Au pays des 10000 lacs

Ton visage de 34 ans offre

L’image de la douceur

Au château des Brosses

J’ai fait un tabac

Avec Moi l’élu

De Say Salé

Auteur burkinabé

A Minsk

Ta ville convoitée

Ayant changé si souvent de maîtres

Par le passé

Ta Ville Héroïque

Tu as fait un carton

En accueillant

Rue Internationale

Le futur assassin

Commis d'office

De JFK

Après avoir accueilli

Dans la Maison en bois

De la Ville haute

Le 1° congrès du POSDR

A Orléans acclamant Jéhanne

A eu lieu

Une rencontre

Offerte par le dieu

Reconnue au milieu de 80 femmes

Je t’ai vue

Ce 16 juillet 2009

Entre 9 heures et midi

Attentive

Appliquée

Souriante

Et moi qui vous présentais

L’art de la présence

Le don du présent

J’ai trouvé en toi

L’appui

Pour aller plus loin

Au cœur des corps

En attente d’expression personnelle

Tu étais tellement présente

A cette présentation

Dans ton regard il y avait

Le plus précieux

La compréhension intelligente

D’une démarche de vie

Le corps qui parle

Comme offrande

Ouverture aux autres

Rassemblées

Diffusion d’énergie positive

D’enthousiasme

Le corps qui parle

Comme puissance de reconstruction

Ouverture des autres

Coincées

Dans leurs jupes sans tourbillons

Leurs corps sages sans horizons

Ouverture de toi déjà fermée

A une histoire d’amour terminée

Toujours ouverte à l’éducation du garçon

Né de vos ébats

Toi sensible à l’exemple aventureux de ta mère

Toi avouant sans complexe ton bonheur de vivre

Poussé par l’audace de l’intuition

Je fraie une voie à une brève rencontre

Ce 17 juillet 2009

A 3 heures de l’après-midi

Je contemple ton visage

Maquillé pour la circonstance

Incarner MM

Je pourrais y passer ma vie

C’est l’infini là ici

Si près

Sur ces lèvres pulpeuses

Je regarde ton regard

Qui ne faiblit pas

Par fierté

Et c’est bon

Ce face à face

Yeux dans les yeux

J’écoute tes paroles

Elles m’entraînent

A L’Île des Larmes

Au Parc Loshysta

Au bord de la Svislotch

Pour des balades sous la pluie

Sous parapluie

En un quart d’heure

Tu te livres

Me livre

Tes occupations de chaque jour

Ta philosophie de la vie

La transparence de l’échange

Rend ta transparence lisible

Dans l’après-midi du 17 juillet

Tu as été MM se confiant

Au dictaphone

Pour Ralph Greenson

Avouant ses baises infinies

Sans orgasme

Comprenant enfin

Que l’orgasme

Se passe

Dans la tête

Pas dans le sexe

Quel plaisir de te voir assumer

Cette proposition de passeur

Avec sérénité

Sans émois particuliers

Avec ta voix d’eau calme

Prenant dans ton regard

L’auditoire

Moi au premier rang

Piquant un fard

Après la prise de photos

J’ai traîné dans le hall

Souhaitant que le dieu nous réserve

La possibilité de prendre à droite

Sur la carte

Ce chemin qui se découvrait

Vers le pays des 10000 lacs

Vers le midi des Soleils noirs

Car il existe n’est-ce pas

Des halls qui sont des ports

Des instants-navires

Pour partir

Repartir

Changer d’enveloppe terrestre

De carte d’identité

Mais au largage d’amarres je n'étais pas prêt

Dans l'imaginaire peut-être

Pas dans la réalité

A 18 heures 30

Tu es venue

Me remercier

Je t’ai remerciée

Une amitié est née

A 19 heures 03

Ce 17 juillet 2009

J’ai quitté Orléans acclamant Jéhanne

Les 10000 lacs de ton pays

L’image de ton visage heureux

Le sourire de tes yeux

A 20 heures 49

Je débarquais à Paris Bercy

Jean-Claude Grosse, le 19 juillet 2009

qui est entre de bonnes mains ? qui est Olga ? qui est Svetlana ? à pille ou face ! les poèmes disent peut-être une préférence pour une géographie  (Minsk, Sully sur Loire) ou pour une autre (Vitebsk, Chailles)
qui est entre de bonnes mains ? qui est Olga ? qui est Svetlana ? à pille ou face ! les poèmes disent peut-être une préférence pour une géographie  (Minsk, Sully sur Loire) ou pour une autre (Vitebsk, Chailles)
qui est entre de bonnes mains ? qui est Olga ? qui est Svetlana ? à pille ou face ! les poèmes disent peut-être une préférence pour une géographie  (Minsk, Sully sur Loire) ou pour une autre (Vitebsk, Chailles)

qui est entre de bonnes mains ? qui est Olga ? qui est Svetlana ? à pille ou face ! les poèmes disent peut-être une préférence pour une géographie (Minsk, Sully sur Loire) ou pour une autre (Vitebsk, Chailles)

Diderot présenté à Grasse à des Biélorusses

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Après une intervention sur Diderot dans un bus biélorusse, le 13 juillet 2014 de 10 H 45 à 11 H 30, sur le parking de Lançon de Provence (j'attends quelques photos de cet événement) où j'ai revu Olga, 5 ans après et pour quelques minutes, c'est le 26 juillet 2014 en soirée que l'opération Diderot a été renouvelée pour un autre groupe de Biélorusses accueilli au Lycée Francis de Croisset à Grasse.

Le 13 juillet, utilisant le micro du guide, j'ai évoqué Diderot, l'esprit français pendant une vingtaine de minutes et j'ai lu deux extraits du livre Diderot pour tout savoir, d'Albertine Benedetto et de Dominique Chryssoulis. 40 livres ont été offerts (Diderot pour tout savoir et Marilyn après tout). Je sais par expérience que les enseignants en feront bon usage. Textes courts, variés, faciles à mettre en bouche.

Le 26 juillet (le matin j'avais acheté une rose rouge pour Annie, partie, le 26 juillet c'est la Sainte-Anne) vers 21 H, tout le monde s'est retrouvé dans l'amphithéâtre.

J'étais arrivé vers 18 H 30, accueilli par Sanam S., disponible, efficace, avec laquelle nous nous sommes assurés que le vidéo-projecteur fonctionnerait.

Nous avons donc projeté le documentaire d'Arte, Quand l'Europe parlait français, écrit par Marc Fumaroli, remarquable documentaire permettant de comprendre comment le français de langue de pouvoir est devenue langue de culture universelle, langue de la conversation entre honnêtes gens et dont Voltaire fut le plus illustre représentant.

Heureusement pour évoquer la Russie, le nom de Diderot fut cité, Catherine la Grande ayant réussi à le faire venir.

Le documentaire évoquant miss O'Murhy dont nous avons pu admirer le si joli petit derrière, j'ai signalé le texte de Noëlle Leiris consacré à ce joli cul selon l'époque.

Après le documentaire, Robert Prosperini lut son texte, 1000 mots pour Diderot.

Andrei, un étudiant, lut en russe un texte de Dasha Kosacheva, Triptyque de femmes, tiré du livre Marilyn après tout. Il fit un tabac. J'ai tenté de me faire expliquer. Lisant un texte de femme, évoquant la psychologie de 3 types de femmes, il n'a pu se contrôler et cela fit beaucoup rire la salle, essentiellement féminine et charmée par l'étudiant.

Avec Valentina, une enseignante, nous avons lu au pied levé, le dialogue entre Ada Lovelace, cosmologue et Marceau Farge, métaphysicien naturaliste. Lecture qui a bien fonctionné en complicité parce que le texte la favorise.
Ensuite, j'ai évoqué mes deux poèmes sur deux femmes biélorusses, Olga et Svetlana, l'une de Vitebsk, l'autre de Minsk. J'ai donné quelques indications sur l'écriture, n'étant jamais allé en Biélorussie. Mais avec internet ne voyage-t-on pas ? Je me suis arrangé pour que le JE du poème soit lui aussi voyageur dans le temps et dans l'espace français. Dans les deux poèmes, j'ai fait le lien avec Jéhanne de France, Rouen, Orléans.

Vint le temps des dédicaces, 80 livres ayant été offerts dont Envies de Méditerranée puisqu'ils étaient sur les bords de la mare nostrum. À minuit, fin des libations.

Un échange avec Natacha a permis de jeter les bases d'une intervention à l'Université de Minsk, faculté des lettres françaises. Diderot pour tout savoir serait l'amorce à des pratiques d'écriture et de mise en bouche (textes de 1000 mots, monologues, construction de personnages, de situations, dialogues...) pour les étudiants et enseignants au moment du festival de la francophonie et du salon du livre français en mars.

J'aurai froid.

Jean-Claude Grosse

Diderot présenté à Grasse à des Biélorusses
Diderot présenté à Grasse à des Biélorusses
Diderot présenté à Grasse à des Biélorusses
Diderot présenté à Grasse à des Biélorusses

La mort de Tchekhov/Ich sterbe/Nathalie Sarraute

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Pour Tchekhov : "Ich sterbe" de Nathalie Sarraute (L'Usage de la parole) par Élisabeth Potier, audio mis en ligne le samedi 23 avril 2011 sur la page FB fous d'Anton Tchekhov

Ich sterbe. Qu'est-ce que c'est ? Ce sont des mots allemands. Ils signifient je meurs. Mais d'où, mais pourquoi tout à coup ? Vous allez voir, prenez patience. Ils viennent de loin, ils reviennent (comme on dit : "cela me revient") du début de ce siècle, d'une ville d'eau allemande. Mais en réalité ils viennent d'encore beaucoup plus loin... Mais ne nous hâtons pas, allons au plus près d'abord. Donc au début de ce siècle - en 1904, pour être plus exact - dans une chambre d'hôtel d'une ville d'eaux allemande s'est dressé sur son lit un homme mourant. Il était russe. Vous connaissez son nom : Tchekhov, Anton Tchekhov. C'était un écrivain de grande réputation, mais cela importe peu en l'occurrence, vous pouvez être certains qu'il n'a pas songé à nous laisser un mot célèbre de mourant. Non, pas lui, sûrement pas, ce n'était pas du tout son genre. Sa réputation n'a pas ici d'autre importance que celle d'avoir permis que ces mots ne se perdent pas, comme ils se seraient perdus s'ils avaient été prononcés par n'importe qui, un mourant quelconque. Mais à cela se borne son importance.Quelque chose d'autre aussi importe. Tchekhov, vous le savez, était médecin. Il était tuberculeux et il était venu là, dans cette ville d'eaux, pour se soigner, mais en réalité, comme il l'avait confié à des amis avec cette ironie appliquée à lui-même, cette féroce modestie, cette humilité que nous lui connaissons, pour "crever". "Je pars crever là-bas", leur avait-il dit. Donc il était médecin, et au dernier moment, ayant auprès de son lit sa femme d'un côté et de l'autre un médecin allemand, il s'est dressé, il s'est assis, et il a dit, pas en russe, pas dans sa propre langue, mais dans la langue de l'autre, la langue allemande, il a dit à voix haute et en articulant bien "Ich sterbe". et il est retombé, mort.

Et voilà que ces mots prononcés sur ce lit, dans cette chambre d'hôtel, il y a déjà trois quarts de siècle, viennent ... poussés quel vent ... se poser ici, une petite braise qui noircit, brûle la page blanche ... Ich sterbe.

Sage. Modeste. raisonnable. toujours si peu exigeant. se contentant de ce qu'on lui donne ... Et il est si démuni, privé de mots ... il n'en a pas ... ça ne ressemble à rien, ça ne rappelle rien de jamais raconté par personne, de jamais imaginé ... c'est ça sûrement dont on dit qu'il n'y a pas de mots pour le dire ... il n'y a plus de mots ici ... Mais voilà que tout près, à sa portée, prêt à servir ... avec cette trousse, ces instruments ... voilà un mot de bonne fabrication allemande, un mot dont ce médecin allemand se sert couramment pour constater un décès, pour l'annoncer aux parents, un verbe solide et fort : sterben ... merci, je le prends, je saurai moi aussi le conjuguer correctement, je saurai m'en servir comme il faut et sagement l'appliquer à moi-même : Ich sterbe.

Je vais, moi-même, opérer ... ne suis-je pas médecin aussi ? ... la mise en mots ... Une opération qui va dans ce désordre sans bornes mettre de l'ordre. L'indicible sera dit. L'impensable sera pensé. Ce qui est insensé sera ramené à la raison. ich sterbe.

Ce qui en moi flotte ... flageole ... vacille ... tremble ... palpite ... frémit ... se délite ... se défait ... se désintègre ... Non, pas cela ... rien de tout cela ... Qu'est-ce que c'est ? Ah voilà, c'est ici, ça vient se blottir ici, dans ces mots nets, étanches. Prend leur forme. Des contours bien tracés. s'immobilise. Se fige. S'assagit. S'apaise. Ich sterbe.

Entraîné, emporté, essayant de me retenir, m'accrochant, me cramponnant à ce qui là, sur le bord, ressort, cette protubérance ... pierre, plante, racine, motte de terre ... morceau de terre étrangère ... de la terre ferme : Ich sterbe.

Personne arrivé jusque là où je suis n'a pu ... mais moi, rassemblant ce qui me reste de forces, je tire ce coup de feu, j'envoie ce signal, un signe que celui qui de là-bas m'observe reconnaît aussitôt ... Ich sterbe ... Vous m'entendez ? je suis arrivé tout au bout ... Je suis tout au bord .. Ici où je suis est le point extrême... C'est ici qu'est le lieu.

Ich sterbe. Un signal. pas un appel au secours. Là où je me trouve il n'y a pas de secours possible. Plus aucun recours. Vous savez comme moi de quoi il retourne. Personne mieux que vous ne sais de quoi je parle. Voilà pourquoi je parle. Voilà pourquoi c'est à vous que je le dis : Ich sterbe.
A vous. Dans votre langue. Pas à elle qui est là aussi, près de moi, pas dans notre langue à nous.Pas avec nos mots trop doux, des mots assouplis, amollis à force de nous avoir servi, d'avoir été roulés dans les gerbes jaillissantes de nos rires quand nous nous laissions tomber sans forces ... oh arrête, oh je meurs ... des mots légers que le coeur battant de trop de vie nous laissions glisser dans nos murmures, s'exhaler dans nos soupirs ... je meurs.
Que dis-tu, mon chéri, mais tu ne sais pas ce que tu dis, il n'y a pas de "je meurs" entre nous, il n'y a que "nous mourons" ... mais ça ne peut pas nous arriver, pas à nous, pas à moi ... tu sais bien comme tu te trompes quand tu vois tout en noir, quand tu as tes moments de désespoir... et tu sais, nous savons, nous avons toujours vu, toi et moi, comme, après, tout s'arrange ... bon, bon, oui, je t'entends ... mais surtout ne te fatigue pas, ne t'excite pas comme ça, ne t'assois pas ... ce n'est pas bon pour toi... là, là, oui, je comprends, oui, tu as mal ... oui, c'est pénible... mais ça va passer, tu verras, comme toutes ces crises les autres fois... mais surtout recouche-toi, ne bouge pas, sois calme ...
Non, pas nos mots à nous, trop légers, trop mous, ils ne pourront jamais franchir ce qui maintenant entre nous s'ouvre, s'élargit ... une béance immense ... mais des mots compacts et lourds que n'a jamais parcourus aucune vague de gaieté, de volupté, que n'a jamais fait battre aucun pouls, vaciller aucun souffle ... des mots tout lisses et durs comme des pelotes basques, que je lui lance de toutes mes forces, à lui, un joueur bien entraîné qui se tient placé au bon endroit et les reçoit sans flancher juste là où ils doivent tomber, dans le fond solidement tressé de sa chistera.
Pas nos mots, mais des mots de circonstance solennels et glacés, des mots morts de langue morte.

Depuis des années, des mois, des jours, depuis toujours, c'était là, par derrière, mon envers inséparable ... et voici que d'un seul coup, juste avec ces deux mots, dans un arrachement terrible tout entier je me retourne... Vous le voyez : mon envers est devenu mon endroit. Je suis ce que je devais être. Enfin tout est rentré dans l'ordre : Ich sterbe.

Avec ces mots bien affilés, avec cette lame d'excellente fabrication, elle ne m'a jamais servi, rien ne l'a émoussée, je devance le moment et moi-même je tranche : Ich sterbe.

Prêt à coopérer, si docile et plein de bonne volonté, avant que vous ne le fassiez, je me place où vous êtes, à l'écart de moi-même, et de la même façon que vous le ferez, dans les mêmes termes que les vôtres j'établis le constat.

Je rassemble toutes mes forces, je me soulève, je me dresse, je tire à moi, j'abaisse sur moi la dalle, la lourde pierre tombale ... et pour qu'elle se place bien exactement, sous elle je m'allonge...

Mais peut-être ... quand il soulevait la dalle, quand il la tenait au-dessus de lui à bout de bras et allait l'abaisser sur lui-même ... juste avant que sous elle il ne retombe ... peut-être y a-t-il eu comme une faible palpitation, un à peine perceptible frémissement, une trace infime d'attente vivante ... Ich sterbe ... Et si celui qui l'observait, et qui seul pouvait savoir, allait s'interposer, l'empoigner fortement, le retenir ... Mais non, plus personne, aucune voix... C'est déjà le vide, le silence.


Ce ne sont là, vous le voyez, que quelques légers remous, quelques brèves ondulations captées parmi toutes celles, sans nombre, que ces mots produisent. Si certains d'entre vous trouvent ce jeu distrayant, ils peuvent - il y faut de la patience et du temps - s'amuser à en déceler d'autres. Ils pourront en tout cas être sûrs de ne pas se tromper, tout ce qu'ils apercevront est bien là, en chacun de nous : des cercles qui vont s'élargissant quand lancés de si loin et avec une telle force tombent en nous et nous ébranlent de fond en comble ces mots : Ich sterbe.

La mort de Tchekhov/Ich sterbe/Nathalie Sarraute

À Gabrielle Russier/Anne Riebel

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Ce 11 août 2014 vient de paraître un témoignage fort d'une élève de Gabrielle Russier, Anne Riebel.

Un an d'enseignement, un an dans le cercle de poésie et d'amitié de Gabrielle Russier.
Anne Riebel a gardé jusqu'à ce jour, les lettres et petits mots de Gabrielle Russier pendant cette année d'utopie qui l'a marquée à vie.
15 lettres entre le 15 juin 1968 et juin 1969, deux textes inédits de Gabrielle Russier, une carte postale, deux petits mots (des conseils écrits de sa main), voilà le trésor offert aujourd'hui par une élève devenue femme, 46 ans après la rencontre, après toi, le reste de ma vie.

Ce témoignage réussit en quelques pages à nous restituer un contexte et à mesurer la traque dont non seulement Gabrielle Russier a été victime mais aussi les jeunes qui étaient attirés par son enseignement et sa manière d'être avec eux comme jeunes et pas seulement comme élèves.

Ceux qui sont intéressés par ce livre doivent le commander aux Cahiers de l'Égaré, 669 route du Colombier, 83200 Le Revest, 14 €, frais de port compris, par chèque à l'ordre des Cahiers de l'Égaré. Le livre ne sera pas disponible en librairie.

Jean-Claude Grosse, directeur des Cahiers de l'Égaré

À Gabrielle Russier/Anne Riebel

Il y a 10 ans : Beslan

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Je fais remonter aujourd'hui, 5 septembre 2014 cet article de septembre 2007. Le slam russe a disparu de you tube, j'ignore pourquoi mais j'en ai retrouvé une autre version sur la même musique. Il me touche énormément.
JCG
 
Je mets en ligne deux contributions à la mémoire des victimes de Beslan, l'une littéraire, l'autre slamée. L'art pour se souvenir, un peu, contre l'oubli, qui finit par gagner. Se souvenir des siens, nos proches, mais aussi des lointains. Se souvenir de l'atrocité et de ses effets. Sans complaisance.

L’ange de Beslan

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La neige est entrée dans le gymnase aussi mal refermé qu’une plaie. Elle a recouvert les hurlements des enfants. Une femme s’approche en titubant. Si elle est ivre, c’est de son malheur. Elle arrive sous le panneau de basket où la bombe la plus meurtrière avait été placée. Elle s’agenouille devant le mur, désormais décoré d’une petite fleur de sang, le caresse et lui parle. Elle balance légèrement la tête et fredonne une comptine, d’une voix qui hésite entre le rauque et l’aigu. Elle lève les yeux vers cette marque sur le mur. Sous certains éclairages, cette marque devient pourpre. Elle n’est pas complètement ronde. Des morceaux semblent vouloir se détacher, comme les pétales d’une marguerite. C’est ici que sa fille de neuf ans est morte. Et cette petite fleur de sang, là, c’est tout ce qui lui reste d’elle. A ce moment, elle se souvient.
Sa petite fille avait pleuré ce matin-là. Elle était mal réveillée et ne cessait de dire qu’elle ne voulait pas aller à l’école aujourd’hui. Devant son bol de chocolat, elle avait boudé, en faisant tourner sa cuillère trop longtemps. Elle avait laissé sur la nappe une tranche de pain à peine grignotée. Pas faim, avait-elle murmuré à sa mère. Elle avait levé de grands yeux larmoyants sur sa mère, lui demandant encore une fois si elle pouvait rester à la maison, rien qu’aujourd’hui, elle y retournerait demain, promis ! Mais la mère s’était impatientée, non, elle avait du travail aujourd’hui, elle ne voulait pas l’avoir dans les jambes. Et puis, ce n’était pas des façons, elle devait aller étudier, un point c’est tout !
La femme est hagarde. Le chant s’est cassé dans sa gorge meurtrie d’avoir tellement pleuré. Elle regarde autour d’elle, épouvantée. Elle racle le mur avec ses ongles, jusqu’à ce qu’un morceau de chaux ensanglanté s’en détache. Elle l’emporte avec elle en le serrant dans son poing.
Six mois après la tragédie, Aliona marche dans Beslan, la ville où un commando tchétchène a pris une école en otage et tué les enfants, la ville où elle a grandi. On ne peut plus parler ici, les mots sont de trop, c’est fini. Même les mots les ont laissé tomber. La douleur et l’horreur ont tout tué, même la compassion. Il ne reste que la haine, terrible souveraine de ces mères sans enfants, les mères des enfants morts qui haïssent désormais les mères des enfants vivants, qui les battent, leur arrachent les cheveux, les injurient, veulent les chasser de leur sanctuaire. Les familles s’élèvent contre les enseignants qui n’ont pas su protéger leurs enfants. Les enseignants en veulent à Poutine parce qu’il n’a pas su arrêter le massacre. Le Noël orthodoxe n’est même plus fêté, personne ne veut célébrer la venue au monde d’un nouveau-né après le massacre d’une centaine d’enfants. Aliona marche dans les décombres de l’école : c’est comme si la tuerie avait eu lieu trois heures auparavant. Les mêmes livres éparpillés par terre, une paire de lunettes brisées, la douille d’une cartouche de fusil, une chaussure d’enfant, et, seul au-dessus de la fenêtre, le portrait de Léon Tolstoï. Sur les murs, on peut lire des inscriptions pleines de férocité, des injures nombreuses, des mots qui giflent et qui sentent le sang. On respire la vengeance. Elle imprègne l’air comme une mauvaise odeur.
Sur la place du marché, une vieille femme vend des étoiles de Noël. Aliona en achète une qu’elle rapportera à Berlin. Elle raconte que sa petite-fille ne dort plus, que tous les enfants de Beslan font des cauchemars, qu’il faut faire quelque chose. Ses vieilles mains ridées et osseuses s’accrochent aux épaules d’Aliona qui les détache doucement, en murmurant des mots très doux. La vieille tremble. Autour d’elle, comme un essaim d’abeilles, d’autres femmes, la tête couverte d’un foulard, tremblent elles aussi et racontent la même histoire. Elles se regroupent jusqu’à former un cercle tournant dont la jeune fille qui fait des études en Allemagne se détourne, elles psalmodient et se réchauffent aux braises de leur malheur. Beslan est devenu le lieu d’une psychose collective.
Les enseignants sont déprimés. Vingt professeurs sont morts. Les parents haïssent les rescapés parce qu’ils sont vivants et parce qu’ils n’ont pas sauvé leurs enfants. La police leur reproche d’avoir trop négocié avec les terroristes, les accuse de s’être montrés complices. Que fallait-il faire ? Ils sont là, à s’en vouloir d’être vivants.
Deux cimetières s’étendent dans un champ sans horizon. Le premier est vieux, désert, couvert de croix grises, oublié. Le second est inondé de fleurs, de couleurs qui éclatent comme des coups. Beslan possède deux cimetières : l’un pour les morts, l’autre pour les anges. Un cimetière d’enfants encore tellement vivants dans la douleur des gens. Quelle que soit l’heure, quelqu’un est là qui prie. Quelqu’un qui parle aux photographies posées dans la neige. Quelqu’un qui chante d’une voix monocorde. Quelqu’un qui pleure en levant les bras au ciel.
Beslan est un endroit où l’on ne parle plus. Sauf pour proférer des injures. La souffrance ne parvient pas à s’exprimer autrement. Une femme a exhumé le cadavre de son fils pour l’emporter avec elle. Quand on lui a pris son enfant une seconde fois pour le recoucher dans la terre, elle est devenue muette mais elle a craché au visage d’une femme qui était là et serrait son enfant contre elle. La rage est là, cette rage contre les parents des enfants vivants. La neige tombe, mais elle ne tombera jamais assez pour recouvrir le désespoir de cette ville. « Mort aux vivants » peut-on lire sur un mur souillé. Les gens passent devant, sans réagir, ils sont devenus fous.
Aliona se dit que les amis et les ennemis de Beslan auront beau s’enfuir loin d’ici, ils demeureront à jamais enfermés dans cette école. Ceux qui étaient là se reconnaissent, ils portent la terreur sur leurs visages. L’odeur de l’urine que les enfants ont bue, le sang, les hurlements, les autres ne les sentiront pas, ne les entendront pas, eux si.
Elle commence à se sentir mal à l’aise dans cette ville de son enfance. Les gens la regardent, l’œil mauvais et parfois crachent sur son passage. Avec sa petite taille et son corps mince, on la dirait à peine sortie de l’adolescence en dépit de ses vingt-trois ans. Les femmes qui ont perdu leurs enfants lui lancent des injures à la face, parce qu’elle aura, peut-être un jour, des enfants, et qu’elles ne peuvent pas le supporter. Dans la rue, tout à l’heure, elle a senti quelque chose dans son dos, un caillou. L’incrédulité l’avait empêchée de se retourner. Elle continue de marcher dans le cimetière où une foule toujours plus dense se presse. Demain, elle repartira pour Berlin. Ses parents lui ont fait comprendre qu’il ne fallait pas qu’elle reste ici, qu’on les avait menacés. C’était un crime d’avoir encore son enfant quand d’autres pleuraient les leurs. Combien de temps avant qu’elle puisse revenir ?
Elle s’arrête soudain, manque de trébucher sur une forme indistincte et ramassée. C’est une femme, déjà vieille, qui se balance d’avant en arrière devant une tombe blanche. Elle caresse le portrait photographique d’une fillette qui ne doit pas avoir plus de dix ans. Sans réfléchir, elle pose une main sur l’épaule de la femme en douleur. Celle-ci tressaute, attend, puis se retourne. Dans ses yeux, une expression de frayeur, puis son regard s’affole, s’agrandit et une longue plainte sort de sa bouche : « Sachka ! » Elle tend les mains vers Aliona qui les serre dans les siennes et se met à genoux. La femme secoue la tête. Aliona la regarde et la reconnaît, c’est la femme qu’elle a croisé au gymnase, celle qui s’est enfuie avec la petite tache de sang enfermée au creux de son poing. « Tu n’es pas Sachka, mais tu lui ressembles. Sachka aurait pu être comme toi un jour. » Aliona ne sourit pas, elle regarde la photographie, les grands yeux sombres de la fillette et l’ovale de son visage. C’est vrai, elle ressemblait un peu à Sachka lorsqu’elle était petite fille. La femme ne pleure plus, elle caresse le visage d’Aliona en murmurant : « Sachka, ma petite Sachka, mon petit ange. »

Jeudi 26 octobre 2006, Elisabeth Poulet

Née en 1970. Professeur de français dans le secondaire. Termine une thèse de littérature comparée sur l’écriture de la folie chez quatre auteurs européens. Ecrit des nouvelles.
 

Elle s'appelait Gabrielle Russier

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Gabrielle Russier s'est suicidée le 1° septembre 1969.

Une pensée pour elle en cette rentrée scolaire 2014

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Retour sur Mourir d’aimer 2

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couverture du livre publié le 1° septembre 2009 par Les Cahiers de l'Égaré

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Le téléfilm de Josée Dayan, Mourir d’aimer, librement inspiré du Mourir d’aimer d’André Cayatte (1971) et de l’histoire de Gabrielle Russier  avec Christian Rossi (octobre 1967 - 1° septembre 1969), ne m’a ni ému ni révolté. C’est pourtant ce que j’attendais, que j’avais vécu avec Annie Girardot, que je n’ai pas connu avec Muriel Robin. Pourquoi ? Dans l’adaptation de Philippe Besson, la prof et l’élève sont plutôt monolithiques. L’élève n’a pas de faiblesse : il est déterminé, sait ce qu’il veut, assume ce que le hasard de la rencontre lui propose, définit la liberté et applique cette définition, vit conformément à elle. La prof, une fois l’étonnement passé, accepte aussi ce qui s’offre à elle, ne résiste pas à l’amour, résiste plutôt bien aux pressions, on la sent forte, le suicide final est l’issue du film mais n’est pas nécessaire dans cette histoire avec de tels personnages. Disons-le, Muriel Robin par sa puissance donne une impression de femme forte sur le plan psychologique, capable de tenir tête, d’ironiser, on le voit avec la proviseure, magistralement caricaturale dans son autoritarisme, son rigorisme, avec sa collègue, avec ses élèves. Ses émotions sont réelles mais on sent qu’elle a de la ressource face à l’adversité. J’imagine qu’avec Jeanne Balibar dans le rôle, j’aurais été ému et révolté, avec un lycéen moins beau, plus inquiet, plus ambivalent ou même un tantinet cynique, façon Julien Sorel. Les leçons de Gabrielle Delorme dans sa classe sont une des forces de ce film. Stendhal-Flaubert, Rimbaud, Eluard, la Joconde, LHOOQ de Duchamp, l’irrévérence, tout cela pose avec justesse la question : quoi enseigner et comment ? c’est quoi enseigner ? L’histoire d’amour ne pose pas avec une telle justesse la question : qui aimer et comment ? c’est quoi l’amour ? c’est quoi aimer ?  Notons d’ailleurs que l’école pas plus que la maison ne sont lieux d’apprentissage des sentiments. Il y a de l’éducation sexuelle, pour savoir comment ça se fait, pour se protéger mais pas d’éducation des sentiments. Et ce n’est pas avec la littérature que ça s’apprend, même si beaucoup pensent que la médiation des œuvres est nécessaire (littéraires, poétiques, picturales, musicales). Le décalage historique, du temps de Giscard, n’a pas grand intérêt : on est dans une France toujours coincée. Sous le Mitterrand de 1981, avec l’abolition de la peine de mort, avec l’espoir (vite déçu, dès 1983), la rigidité morale des parents engagés aurait été plus fortement contradictoire. Bref
Le débat a présenté les caractéristiques insupportables des débats télé. Interventions au couteau, cadrées sur l’essentiel du point de vue de l’animateur donnant son point de vue plutôt qu’animant le débat, intervenants dans leurs rôles et non comme personnes, donneurs de leçons, énonciateurs de la loi, de ses incohérences mais de sa nécessité. Il s’agit de conforter l’ordre, la loi, l’institution jusqu’à la caricature comme Philippe Meirieu. Le débat devait poser deux questions :
   - c’est quoi enseigner quand les savoirs sont tous frappés d’imposture. S’agit-il de transmettre de tels savoirs, qui font les traders (formés aux mathémathiques financières par Polytechnique,  Dauphine, employés par Goldman Sachs, la banque d'"affaires" qui en 80 ans a provoqué 20 crises),
destructeurs de l’économie réelle sous le nom de performances financières et d’enrichissement général, qui font les entrepreneurs et commerciaux formés dans les plus prestigieuses grandes écoles et universités (dirigeants de multinationales de l'agroalimentaire, comme Cargill, Monsanto, concepteurs de gigantesques batteries de viande ignoble comme Smithfield Foods), affameurs d'une bonne partie de l'humanité et destructeurs de la planète sous les noms d’aménagement du territoire, de croissance, de progrès technique et scientifique, d’amélioration du niveau de vie. Ou s’agit-il d’apprendre à juger, à douter, à avoir sur tout l’esprit critique ?
   - c’est quoi apprendre à juger ? cela ne suppose t-il pas de se mettre en jeu comme personne qui fait ce qu’elle dit, qui vit ce qu’elle éprouve, en recherche de vérité avec sa liberté, sa raison, développant le meilleur d’elle-même pour soi et autrui. Une telle authenticité, une telle vérité de parole et de vie, une telle évidence, voilà ce qui fait exemple, voilà ce qui fait qu’un prof suscite admiration éventuelle (pouvant devenir amour non d’un corps, d’un sexe mais d’un être dans son âme), enthousiasme individuel et collectif, émulation et non compétition, solidarité, écoute et parole propre(s). Un tel prof devient un passeur de volonté pour la vérité, la beauté…
Et l’amour alors ? Il est ce qui peut nous arriver de mieux même s’il y a erreur sur la personne, même s’il est malheureux. Il est ce qui nous sort de nos certitudes, de nos conforts, il est vie, chair, peau, sexe, sentiments, projets, rêves, transgression. Dans la possible relation d’amour prof-élève - que l’initiative vienne du jeune ce qui est sans doute plus fréquent qu’on ne croit, qu’elle vienne de l’adulte, qu’elle soit coup de foudre, qu’elle prenne du temps pour s’installer, qu’elle dure et soit heureuse (et il y en a sans doute beaucoup plus qu’on ne croit mais ces histoires sans histoires n’intéressent pas), qu’elle échoue et fasse souffrir – ce qui me paraît essentiel c’est comme dans toute relation vraie entre deux adultes, entre deux personnes, le respect de l’autre. Ce respect doit être encore plus marqué dans une relation d’amour avec un jeune. La fausseté des déclarations, la perversité, les abus de pouvoir, la séduction, les rapports de force, la jalousie, les chantages, c’est cela le terrible dans une relation. En clair pour aimer inconditionnellement, il faudrait des qualités d’âme que souvent nous n’avons pas. La passion amoureuse est une maladie dont on ne meurt pas en général, dommageable seulement pour soi et l’autre, qui ne fait pas de mal au monde. L’amour ordinaire est souvent calcul, ajustement d’intérêts. Il est très répandu, dure ce qu’il dure. L’amour inconditionnel est rare, peut ne pas s’accomplir sexuellement, souvent même ne passe pas par le sexe (Socrate résiste au désir d’Alcibiade, le prof peut résister au trouble de l’élève pour mieux l’élever au sens d’élévation pas d’élevage, ce peut être aussi l’élève qui résiste, élevant le prof). Par la sexualité, « sublimée » sans doute, l'amour inconditionnel est cheminement vers l’être de l’autre qui chemine, sans jonction possible mais il s'agit de deux cheminements si proches que c’est le bonheur, bien plus que le plaisir, que c’est la délicatesse, bien plus que l’étreinte.
Dernier point que je veux aborder : qui évaluera les dégâts causés par les profs haineux de leurs élèves et réciproquement, par les profs fonctionnaires et réciproquement (représentez-vous les comme vous voulez) ? Et qui poursuivra en justice ceux qui enrôlent pour leurs sales guerres des jeunes dont on abaisse l’âge de la majorité ? Sous Napoléon, la majorité sexuelle est à 11 ans, Juliette a 13 ans. Tout cela montre que la société fixe les limites qui l’arrangent. Rien à voir avec chacun de nous.

À lire :
De l’amour de Marcel Conche, Les Cahiers de l’Égaré
Analyse de l’amour et autres sujets de Marcel Conche, PUF
Éloge de l’amour d’Alain Badiou, Flammarion

 
Jean-Claude Grosse

L'amour et l'enseignement ont en commun de relever d'un jeu de la solidité et de la fragilité. Jeu facilement dénié, durci, au nom d'un sérieux de la séparation entre elles, plus ou moins hiérarchisée. C'est que solidité et fragilité sont inséparables, figures changeantes, jamais si claires, de tout un entrelacement. Respecter ce jeu, voire en faire vivre quelque chose par l'enseignement, peut pourtant être vu comme vitalement sérieux. L'émoi amoureux, mais aussi de la "connaissance", ouvre toute solidité à la fragilité comme toute fragilité à la solidité. Tout émoi profond, avec ses ambiguïtés, fait saillir celle de la clarté du monde, comme obtention plus ou moins forcée et instrumentalisée d'un résultat.
Il ne s'agit donc pas seulement de débattre de certaines relations amoureuses entre majeurs et mineurs, mais de donner à entendre que, si une émotivité excessive peut amener des catastrophes, le modèle d'une rationalité pure, purement répressive de soi et des autres, entraîne dans nombre de domaines, y compris l'enseignement, assèchement, mensonges et redoutables retours de bâton irrationnels.
Ni chez les acteurs principaux, ni chez les participants au débat, ne fut créé l'espace physique de parole qu'il faudrait, entre fragilité et solidité, pour rendre sensible, non pas le seul amour naissant, mais l'importance de la survenue d'un fécond champ magnétique, plus ou moins intense, entre les hommes, pour qu'ils ne crèvent pas trop de complexification fonctionnelle. Les jeux ambigus, souvent durement payés, font aussi scandale parce qu'ils forment à autre chose que la forme et la force. Le problème, c'est moins la sexualité, facilement mécanique, que le sort que notre société réserve à la sensualité et à la sensibilité, à leur " formation " et à leur portée, en termes de vérité aussi.

 
Gérard Lépinois
 
"En tout cas, l'intérêt suscité par l'affaire Russier semble encore vif : le dossier de presse la concernant a été dérobé à la bibliothèque de la Fondation nationale des sciences politiques où on pouvait le consulter. De plus, dans divers centres de documentations et bibliothèques, la presse de l'époque a été, par la suite, consciencieusement découpée et subtilisée. S'agit-il de certains proches des protagonistes de l'affaire ? ou simplement d'admirateurs de Gabrielle Russier émus par sa personnalité ou les circonstances ? Le mystère reste entier."
Conclusion de l’article de Corinne Bouchoux paru en 1992
 

débat du 4 décembre 2008 à Hyères
sur l'affaire Gabrielle Russier

 
 
Quand je me suis sentie "emportée" par une histoire, ce qui est le cas de l'affaire Gabrielle Russier, je cherche toujours à aller plus loin. En l'occurrence j'ai cherché à savoir ce qu'il est advenu des protagonistes de cette histoire tragique : Christian Rossi a t'il pu "refaire sa vie" ?, ses parents se sentent-ils responsables ?, les enfants de Gabrielle, comment vivent-ils ?
J'ai trouvé dans votre blog un article du 26/11/09 qui avance que Valérie "a sombré dans la folie". Or sur le forum des "Cahiers de l'égaré" dans un article du 14/12/09, elle prend la parole pour demander les coordonnées de Raymond Jean.
Laquelle de ces deux informations avez vous retenu ?
Merci.
Anne

Les deux me semblent justes. Mais à des moments différents: aujourd'hui, Valérie a 50 ans. Au moment du suicide de sa mère, Valérie avait 10 ans.
Valérie a eu des difficultés de nature psychologique, a dû travailler sur elle-même; elle a fini par devenir psychologue scolaire après des études de psychologie tardives et après bien sûr tout un tas d'épisodes, de chutes et rechutes, mots sans doute inadéquats comme l'expression "sombrer dans la folie" que j'ai utilisée en méconnaisance des faits et des effets, "folie" dont certains peuvent revenir aujourd'hui car l'écoute, le suivi me semblent plus adaptés aux cas individuels. Je dis "en méconnaisance" car notre regard sur autrui sauf à être à l'écoute (attention flottante) est toujours à côté de la plaque.
D'après ce que je sais de 2° main, Christian qui refuse tout contact, a refait sa vie pour employer votre expression. Mais à part lui, qui peut dire les effets sur lui, d'hier à aujourd'hui. Joël, le frère de Valérie semble s'en tirer sur les plans professionnel et familial mais lui seul "sait" ce qu'il a vécu. Je ne sais rien des parents de Christian qui après le suicide ont dit que si c'était à refaire, ils recommenceraient. De 2° main, on m'a dit qu'ils s'étaient séparés puis remis ensemble.
Je ne souhaite pas que ces petites indiscrétions circulent, étant trop respectueux des choix qui me semblent avoir été faits tant par Christian que par Joël et Valérie. Aucun ne s'est exprimé lors de l'émission de France 2.
J'attends la sortie du livre de Jacques Layani car il montrera comment 40 ans après, cette affaire continue à remuer des gens dans le monde entier.
Quant aux auteurs du livre Gabrielle Russier/Antigone, ils ont privilégié leur imaginaire pour évoquer quelques protagonistes de ce drame ou tragédie. Je me suis pour ma part intéressé au personnage de Christian qui vit, revit, devenu prof, deux histoires avec deux de ses élèves à 20 ans d'intervalle, l'une à 30 ans, l'autre à 50 ans. Façon pour moi d'insister sur ce qu'on appelle "les valises" dont on hérite ou qu'on transmet, "valises" qui ne sont pas les nôtres d'où comment échapper à la répétition des vies, des destins. Mon histoire est une fiction. Pour montrer aussi que la justice ne corrige pas: elle sanctionne mais ne change rien du coeur, du ça.
Cordialement
Jean-Claude Grosse

 

Histoire du mémorial de Cyril Grosse au Baïkal

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Je mets en ligne ce jour, 19 septembre 2014, cet article du 19 septembre 2013, consacré à l'histoire du mémorial de Cyril Grosse à Baklany au Baïkal. C'est le jour du 13° anniversaire de sa disparition à Cuba avec son oncle, l'artiste-peintre Michel Bories, à 16 H, heure de là-bas, à Jaguëy-Grande.
JCG

Et voilà que le mémorial dédié à Cyril Grosse à Baklany au Baïkal devient récit, légende dans un article en russe d'août 2013 et que je reçois ce jour, 19 septembre, jour de sa disparition, il y a douze ans, à Cuba
le mémorial est déjà un point de repère pour les navigateurs grâce au mât qu'on ne voit pas sur la photo mais qu'on voit en fin de la vidéo
et les touristes s'y rendent en bateau l'été quand il n'y a pas tempête
on comprend pourquoi je préfère
ce lieu en pleine nature (ours côté terre, omouls côté lac et mouettes sur l'île à côté de Baklany qui m'a inspiré L'Île aux mouettes, 2012 Les Cahiers de l'Égaré)
au carrefour de Jaguey-Grande à Cuba appelé triangle de la mort

je me suis fait traduire tout l'article et j'ai mis en français quelques bribes à partir desquelles on peut retracer l'histoire ou conter la légende ayant conduit à l'édification de ce mémorial en 2002 ; c'est Anatoli Baskakov, metteur en scène avec lequel Cyril a travaillé, qui a fourni les éléments permettant de corriger les légendes qui circulent autour du mémorial (qui était-ce ? comment est-il mort ? pourquoi un Français ici ?)

j'étais allé à Baklany en août 2004 avec la mouette à tête rouge et j'y suis revenu en août 2010 pour les 10 ans du séjour là de Cyril G.; ce fut le Baïkal's Bocal

je reviendrai à Baklany pour un bocal sur le thème du mémorial, d'un mémorial universel et éternel, symbolique, faisant appel à des écrivains et à un artiste architecte

JCG

История одного памятника

Histoire d'un mémorial

07 августа août 2013 10:40:03

Гранитная черная плита как память об ушедшем из жизни французском режиссере Сириле Гроссе установлена прямо в скале, в труднодоступном месте Байкала, на мысе Бакланьем. С каменной плиты на вас смотрит красивый молодой человек. Подпись на памятном знаке гласит: «Сирил Гросс. Французский режиссер, друг и любимый. Здесь часть его души и наша память».


Несмотря на то, что добраться до этого места можно только вплавь, видно, что памятный знак часто посещают. В этом необычайно красивом диком уголке природы, у плиты Сирила Гросса, всегда свежие цветы, и все прибрано. Мало кто знает, кто и зачем установил этот знак. И кто такой был этот самый Сирил Гросс. За более чем 10 лет существования плиты начали складываться легенды, слухи об этом человеке. Кто-то рассказывает, что французский режиссер якобы погиб на Байкале во время работы. Другие и вовсе рассказывают небылицы, одна страшнее другой. Как выяснилось, пролить свет на эту загадочную историю может только один человек – Анатолий Баскаков. Рок, судьба, мистика, случайность - в этой истории все переплетается как в замысловатом фильме. Однако то, о чем нам поведал известный режиссер, было на самом деле.

Встреча, подготовленная судьбой (la rencontre bâtie par le destin)

-- Моя первая встреча с Сирилом Гроссом состоялась в 1998 году. Но до этого встреча наша как бы уже была подготовлена (la rencontre était prédestinée, préparée). Судьбой или роком. (par le destin ou le roc, le roc étant en russe le destin inévitable, une sorte de fatalité, le sort, c'est très fort comme sens) Потому что так получилось, что наши судьбы перекрестились задолго до нашего знакомства, – говорит Анатолий Баскаков.

Знакомство двух именитых режиссеров состоялось на престижном международном театральном фестивале во Франции в 1998 году. Но задолго до этого во Франции вышла книга известного французского писателя и журналиста, где, в том числе, немало внимания уделялось Молодежному театру. Начинающая молодая французская актриса Катя Гросс (родная сестра Сирила Гросса) решила во что бы то ни стало своими глазами увидеть уникальный театр в Сибири и приехала в Улан-Удэ. Художественный руководитель театра Анатолий Баскаков радушно принял девушку. Она посещала занятия режиссера, репетиции, принимала участие в работе над спектаклями. Понятно, что, кроме театральных занятий, девушку-иностранку нужно было провожать до дома, показывать город, помогать освоиться в незнакомом месте. Эту задачу на себя взял молодой парень Виктор, который тоже мечтал стать актером, был близким другом театра. Молодые люди полюбили друг друга, и вскоре Виктор переехал жить во Францию. Где, кстати, стал успешным актером.

В 1998 году на фестиваль «Пассаж» «Молодежку» пригласило именитое жюри, которое тщательно отбирало лучшие театры мира. К приятному удивлению Анатолия Баскакова, его театру уделили сразу четыре фестивальных дня. Среди гостей и зрителей фестиваля был и французский режиссер Сирил Гросс.

Уникальная биография (biographie unique)

Несмотря на свой возраст (27 лет) il avait 27 ans, французский режиссер уже к тому времени был известен в своей стране, имел собственную театральную компанию.

-- Мы в России понимаем под словом «театр» какое-то здание, помещение. Но в мировой театральной практике все по-другому. Театр – это не помещение, а та продукция, которую создает театр. У них это называется театральная компания. То есть группа лиц во главе с директором. Они могут находиться как в своем здании, так и арендовать помещения, гастролировать. Финансируют эти театры многочисленные специализированные фонды, - разъясняет Анатолий Баскаков.

Так вот, к тому времени театральная компания Сирила Гросса уже была сформировавшейся, известной и довольно успешной. Но еще интересней, как молодой человек пришел к своему успеху. История жизни юного режиссера поразила Анатолия Баскакова.

-- Когда Сирил еще учился в школе, он организовал свой театр. Играли в нем его друзья, ровесники (дети друзей родителей) и взрослые (друзья семьи). Уже в школе Сирил поставил несколько своих спектаклей. Завоевал детские премии за свои творческие успехи. Кто обычно создает пришкольные театры? Педагоги, актеры. А тут школьник сам его создал, сам писал сценарии, сам ставил спектакли. Так началась его большая театральная карьера, - рассказывает Баскаков.

К моменту знакомства с другим театральным лидером – Баскаковым - Сирил был уже известен во Франции, и его будущее, по мнению театральных критиков, должно было быть более чем блестящим и многообещающим.

«Это возможно» le projet (c'est possible)

Познакомившись на фестивале и подружившись, две творческие личности решили сделать что-то вместе. После дискуссий появилась идея – организовать проект, которому до этого времени не было аналога в мире. Создать зеркальный русско-французский театр.

-- Это значит, мы делаем один театр, сочетая французскую и российскую театральную культуру. Создаем французско-российскую труппу. Которая будет ставить все, что связано с авангардной Европой, и все лучшее, что впитала в себя русская классическая театральная культура. То есть мы будем работать в разных направлениях и жанрах и будем делать зеркальные спектакли. Французские и русские актеры изучают языки друг друга. Актеры смешиваются. Два худрука ставят один и тот же репертуар во Франции и в России, - объясняет Баскаков.

Идея смелая, но у окружающих она почему-то не вызвала доверия. Профессионалы, критики - словом, все высказались однозначно: «Это невозможно». (c'est impossible disaient les professionnels de faire un tel projet double, franco-russe)

-- Разный менталитет, разное понимание театров, театры различны по структурам. Красиво придумано, но это просто невозможно - так нам говорили, - вспоминает Анатолий Борисович.

Тем не менее проект решили осуществить и дали ему знаковое название «Это возможно».
До Сирила Гросса и Анатолий Баскакова такими проектами не занимался никто. Поэтому подготовка осуществлялось архисерьезно. Первую, самую главную часть работы решено было делать в Бурятии.

-- Для этого его люди приехали к нам сюда на 3 месяца (pour 3 mois). Но в городе, в республике нам бы мешали. Нам нужно было уединение. Мы должны были изолироваться и жить в каком-то отчуждении от Франции и России. Мы хотели создать свою труппу. А для этого нам надо было оказаться одним целым. И мы нашли место, где нет телефонной связи, нет посторонних, где нет даже дорог. Добраться туда можно только вплавь лодками или кораблями. Это место – мыс Бакланий, стык Прибайкальского и Кабанского районов. (cet endroit c'est Baklany, à la jonction entre deux régions, Pribaïkalski et Kabanski)

Полная изоляция (isolement absolu)

Месяц два театра жили в такой изоляции. Вместе кололи дрова, (ensemble couper du bois) вместе добывали, (ensemble chercher les provisions) гото вили еду (préparer à manger). Не было гостей или начальников. Все равны. (tous égaux) Дежурства, (tour de garde et responsable du camp, un par jour) холод, зной, дожди - все делилось поровну между французами и русскими актерами, работниками двух театров.

-- Цель была – полное единение коллектива (un seul but, la constitution d'une seule troupe). Понятно, что у каждого свои пристрастия, свой норов. Нам нужно было не просто сказать, что мы вместе, а на самом деле быть вместе. Не формально, через силу, а просто подружиться. Если надо – поругаться, потом помириться. Надо было просто жить. И делать проект.

Параллельно с притиркой людей друг к другу постоянно шли репетиции. Баскаков выбрал для постановки «Женитьбу» Гоголя.

-- А Сирил решил поставить произведение своего сочинения под названием «Все хорошо, но среди нас один лишний» (Tout va bien mais l'un de nous est en trop). Страшное название, (un titre terrible qui a eu un impact dans le réel) в конце концов воплотившееся в жизнь, - замечает Анатолий Баскаков.

В результате колоссальной работы двух театров родилось два спектакля. Состоялась премьера в Улан-Удэ, потом в Москве в Центральном доме актера. Затем во Франции. Первый в своем роде уникальный международный театральный проект наделал много шума. Во Франции впервые заговорили о Бурятии, узнавали, что такое Сибирь, Молодежный театр. Было решено, что спустя какое-то время проект будет иметь свое продолжение.

Кубинский «КамАЗ» Kamaz cubain (le camion cubain était un camion russe Kamaz)

Параллельно так случилось, что дочь Анатолия Баскакова Даша и Сирил Гросс решили создать семью. Красивая любовная история переросла в конкретные планы. Уже было куплено жилье во Франции. Назначена дата свадьбы. Во Франции событие должно было состояться осенью, в России, по желанию, Сирила – ближе к зиме. Он очень хотел увидеть настоящую русскую зиму, снег. (il voulait vivre un vrai hiver russe) Но этим планам не суждено было сбыться. (mais ces plans n'ont pas eu le temps de se réaliser)

Перед тем как поставить еще один свой новый спектакль, Сирил Гросс решил поработать вдали от всех. И вместе со своим дядей, художником, они выбрали для творческого уединения Кубу. На фоне красивой природы, вдали от всех, художник должен был рисовать картины, а Сирил – писать пьесу.

Время было распределено по дням и часам. После Кубы Сирил должен был встретиться со своей любимой в аэропорту Парижа. Затем, сразу после премьеры спектакля, должна была начаться подготовка к свадьбе. Но за день до своего отъезда из Кубы Сирил с дядей решили полюбоваться дикой природой Кубы и поехали в глубинку страны. Для путешествия был арендован автомобиль. Никто не знает, как и почему это случилось. Но спустя пару часов автомобиль был обнаружен искореженным и буквально смятым в лепешку. Водитель грузового «КамАЗа» рыдал и уверял, (le conducteur du camion pleurait, disait que ce n'était pas sa faute) что не виноват в случившемся. В машине, которой управлял Сирил, не выжил никто. Он сам, его дядя и двое попутчиков–миссионеров погибли на месте аварии мгновенно.

Знак памяти (le signe de mémoire)

Сирилу не было и 31 года. (Cyril allait sur ses 31 ans) Тем более удивительно, как много всего успел сделать за такой короткий срок этот необычный человек. Издано несколько его книг. Проделана колоссальная работа. Создан уникальный международный театр. А еще за это время он успел сродниться с Россией и нашей республикой. Где осталась частичка его души. (où est restée une partie de son âme) В память о нем (en sa mémoire) Анатолий Баскаков и друзья Сирила и установили памятный знак. Именно на том месте, где когда-то он жил, творил, любил. (à l'endroit même où il a vécu, jadis, créé, aimé)

-- Похоронен он далеко во Франции, на именном кладбище в Пиренеях. Там тишина, слышно только пение птиц – райское место. Но так как не все люди из России могут туда попасть, а любили его и знали в нашей стране многие, мы решили соорудить этот памятный знак. Чтобы в России осталась о нем память, - заключает Анатолий Баскаков.

Василиса Шишкина, «Номер один».

Vassilissa Shishkina journal N°1

Ils sont partis le 11 septembre 2001

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Ce 11 septembre 2013, je participe à la mensuelle de rentrée des EAT (Écrivains associés du Théâtre) à la Maison des Auteurs à la SACD. Je pense à eux, d'autant plus qu'est invité un des EAT, Serge Sandor, qui intervient artistiquement à Cuba depuis 1997. Il évoque son projet de festival francophone à La Havane en 2014. Je le distrais en fin de réunion pour lui parler de "notre" 11 septembre 2001 qui mêle Histoire et histoire, New York et La Havane. Le hasard me tend-il une perche ? Épitaphier prolixe de "mes" disparus, j'ai évité Cuba dans mes récits et légendes. J'ai transporté à l'est, à 10000 km de chez moi, ce qui s'est passé à 10000 km à l'ouest, transformé en accident d'apnée ce qui fut accident de bagnoles. N'a survécu qu'un texte écrit à 10000 km au sud, à Johannesburg, en 2002 et achevé en 2010. J'ai choisi le Baïkal où Cyril créa son dernier spectacle (C'est possible) ça va ou l'un de nous est en trop et où est édifié son mémorial et esquivé Cuba où il préparait Père de Strindberg. Peut-être la rencontre prochaine avec Serge Sandor me réconciliera avec Cuba qui trouvera sa place dans ces récits d'épitaphier. Ce qui est sûr, c'est que la nuit du 11 au 12 septembre 2013 fut nuit de récits multiples. J'ai écrit comme ça m'arrive parfois, poussé par une pulsion née du désir sans retenue de parler d'eux. Écriture sans mots écrits, rêvés, mais je sais que c'est là pour les jours qui viennent. Évidemment, le 11 septembre me rappelle le coup d'état de Pinochet contre Allende. C'était en 1973 et le journal L'humanité s'était illustré dans sa capacité à retourner sa veste, à dire en deux jours le contraire sur l'armée chilienne, républicaine et loyaliste puis totalement de métier si mes souvenirs sont bons. Le double 11 septembre 2001 pour moi, New York et La Havane. Ce 11 septembre 2013, je l'ai appris le soir, le départ dans son sommeil, à 7 H du matin,  de la mère du meilleur ami de Michel Bories, Gilbert D., l'inventeur du surnom Pof qui a ensuite donné le Pof Art. Je n'oublie pas non plus ce 11 septembre 2013 la chaîne humaine de 400 kms et 1.600.000 Catalans pour obtenir un référendum sur l'indépendance de la Catalogne. J'étais à Sant Joan des Abadesses en août pour la préparation de cette chaîne.
Depuis le 11 septembre 2013, j'ai écrit Tourmente à Cuba. Le texte soumis anonymement au comité de lecture des EAT a été retenu pour le répertoire des EAT. Des lectures ont été faites. Le titre est devenu L'éternité d'une seconde bleu Giotto.
JCG, le 19 septembre 2014, 13° anniversaire de leur disparition. Je suis à Corsavy pour bien penser à eux, face à leur place dans des caveaux tout blancs avec leurs textes.
 
Ils sont partis le 11 septembre 2001
 
michelcyril.jpg
 
Cyril G. et Michel B., le neveu (écrivain, metteur en scène et comédien) et l'oncle (artiste-peintre) sont partis pour Cuba le 11 septembre 2001, l'oncle pour peindre, en 7 jours, il peindra une cinquantaine de gouaches, le neveu pour se préparer à la mise en scène de Père de Strindberg avec Anne Alvaro et François Marthouret entre autres acteurs, pièce qui sera créée malgré sa disparition fin février 2002 au Gymnase à Marseille et tournera pendant deux ans.
Michel B. arriva le 10 septembre au soir à Paris, logea chez Cyril G.
Avant de quitter le casot, son atelier à Saint Jean Pla de Corts dans les Pyrénées orientales, face au Canigou, il écrivit un testament holographe, non prémonitoire mais pour être en ordre et mettre de l'ordre au cas où... léguant 1/3 de son oeuvre à sa soeur Annie, 1/3 à son fils, 1/3 réparti entre ses amis, testament que nous avons trouvé sur la table du casot le 6 octobre.
Ils passèrent la soirée du 10 septembre avec Bébé, un ami  de Cassagnes, un des collectionneurs de Michel B., dans le bistrot rouge de la rue de l'épée de bois dans le V°.
Ils quittèrent Orly vers 12 heures le 11 septembre 2001 pour Madrid.
Arrivés à Madrid, l'escale qui devait durer 3 heures se prolongea pendant 13 heures à cause des attentats du 11 septembre. Ils furent installés dans un salon VIP. La plupart des passagers, apprenant la nouvelle, rebroussèrent chemin. Eux, décidèrent de poursuivre le voyage qu'ils firent en compagnie de Nadia, une psychologue rencontrée dans le salon. 
Ils arrivèrent à La Havane le 12 septembre au matin au lieu du 11 au soir. Le logeur qui les avaient attendu à l'heure convenue n'était plus au rendez-vous. Ils s'installèrent donc dans la vieille Havane chez un logeur que connaissait Nadia.
Elle prit des photos d'eux pendant la semaine où ils restèrent à La Havane, se rendant tous les jours à la plage de Santa Maria où Michel B. réalisa sur du papier de tapisserie qu'il avait préparé avant de partir  des gouaches pétulantes de vivacité et de couleurs. Les dernières gouaches sont datées du 18 septembre 2001. Par Nadia, une chance dans le malheur, nous avons su que ce fut une semaine très vivante.
Le 19 septembre, ils prirent la route dans une voiture louée, accompagnés de Lily, une jeune femme rencontrée par Michel B., et de sa mère qu'ils devaient déposer à Sanctu Spiritu avant de poursuivre sur Trinidad où Michel B. souhaitait rencontrer la lumière de cette petite ville célèbre, patrimoine mondial de l'Unesco. 
À Jaguey Grande, un carrefour surnommé carrefour de la mort (entre deux routes perpendiculaires) fut le lieu  de leur tragique disparition. Tous les quatre périrent dans la collision entre leur minuscule voiture et l'énorme poids lourd qui les percuta par le côté gauche. C'était le 19 septembre 2001. Il était 16 heures.
Le 5 novembre, un ouragan, l'ouragan Michel, détruisait toute la signalisation du carrefour, signalisation sans doute responsable de l'accident. Les photos prises par Annie, sa mère, de cette signalisation puis de la nouvelle, n'ont toujours pas été utilisées, l'état cubain se refusant de toute évidence à reconnaître sa responsabilité d'où d'innombrables démarches depuis 7 ans, vaines mais entreprises quand même.
Nous avons attendu jusqu'au 27 septembre vers 17 heures, date de leur retour prévu, pour commencer à téléphoner chez Cyril à Paris puisque nous avions convenu qu'ils ne nous appelleraient pas pendant leur séjour de deux semaines à Cuba.
N'obtenant que le répondeur à chaque tentative, nous  nous inquiétons de ce silence qui ne sera levé que le 28 septembre à 17 heures quand le maire du Revest viendra nous apprendre la nouvelle en même temps que les gendarmes.
Malgré nos recherches et demandes d'explication, nous n'avons jamais su pourquoi l'ambassade de France et le ministère des affaires étrangères ont mis autant de temps pour nous faire prévenir alors que leur logeur apprenait la nouvelle 1/2 heure après.
Nous faisons alors en sorte que la compagne de Cyril, Dasha B. qui arrive d'Oulan Oudé en Sibérie via Moscou à 23 heures, ce 28 septembre, soit accueillie à Roissy par des amis de Cyril G.. Elle s'en souviendra dans ce qui est devenu le monologue de Dasha dans le spectacle

Mon pays c'est la vie,
(une des vidéos du spectacle sur une chanson de Cyril G.)
 

vidéo du bocal agité d'août 2010 réalisé là où en 2000 au bord du Baïkal, à Baklany, lieu du mémorial qui lui est dédié, Cyril G., l'Insolite traversée et le Molodiojny Theatr' avait créé (C'est possible) ça va ou l'un de nous est en trop

Pensée pour Michel Bories (12/12/1949 - 19/9/2001)

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aujourd'hui, 16 H, heure de là-bas, 23 H, heure d'ici, il y a treize ans


Pensée pour Michel Bories (1949 - 2001)

et quelques autres
 


Le hasard
certains disent
le hasard n’existe pas
ne tranche pas le débat
le hasard veut que
par la fenêtre
du studio loué
tu tombes
sur la tombe
d’Antonio Machado
au cimetière de Collioure
d’heureux hasards ont voulu
verbe discutable
adjectif aussi
ne tranche pas
d’heureux hasards
et la bonne volonté de quelques-uns
ont voulu que
l’exposition rétrospective
Michel Bories

intitulée Disparition
s’exhume s’expose
au Château Royal de Collioure
du 2 septembre au 11 octobre 2009
de malheureux hasards avaient voulu que
adjectif léger
ne l’alourdis pas
de malheureux hasards avaient voulu que
Michel Bories et Cyril Grosse
partis
par hasard
le 11 septembre 2001
trouvent la mort
accidentellement
au lieu dit
le triangle de la mort
le 19 septembre 2001
à Jaguey Grande Cuba
aujourd’hui
par la fenêtre
du studio loué
derrière le rideau de Matisse
tu as vu vingt Espagnols
se photographier discuter chanter se taire
devant la tombe
d’Antonio Machado
et d’Ana Ruiz
sa mère
partie trois jours après lui
au cimetière de Corsavy
Michel Bories a rejoint sa mère
partie trois ans avant
hier
aucun Espagnol n’avait manifesté
il y a
des jours sans 
des jours avec
faut se dire
c’est possible (ça va)
une leçon possible
du Poème d’un jour
« tout passe et tout demeure
mais notre affaire est de passer
de passer en traçant des chemins
des chemins sur la mer »
qui te renvoie aux Pensées d’un jour
du peintre
« sentir à un moment privilégié
la beauté des choses
les plus simples
les plus humbles
et ne plus l’oublier
pour supporter
les heures sombres »
le cyprès
devant la tombe
est moitié mort
moitié vivant
tu penses À un orme desséché
du poète des Champs de Castille
et aux Origines en bois flottés
du peintre des Horizons
morte la partie éloignée
du séjour de tout repos
peut-on savoir
vivante la partie proche
le cyprès vit meurt
don Antonio vit meurt
mort le corps depuis 70 ans
enfin peut-être semble-t-il
vivante l’âme depuis 70 ans
vivante la poésie du Castillan
morte l’Espagne meurtrière du caudillo
quoique
toujours possiblement renaissante
comme possiblement finissante
la poésie des Terres de Soria
« tout arrive et tout passe
rien d’éternel »
car les vivants
éphémères
rejoignent
un jour ou l’autre
les disparus sans laisser d’adresse
le poète et le peintre avaient peu de certitudes
ils étaient républicains sans doute
comment définis-tu cela aujourd’hui
laïques sans doute
comment conçois-tu cela aujourd’hui
humanistes et bons
comprends-tu cela
le poète était l’Espagne peut-être
l’Espagne des saisons qui changent
des paysages qui lavent le regard
l’Espagne du peuple sans grand P
émaillant son lyrisme
de peut-être
mieux amenés que les miens
de points d’interrogation
plus essentiels que les miens
pour le peintre
rien n’était jamais assuré
donnant ainsi
à chaque chose
qui apparaît
sa chance d’être perçue
primitive première
unique singulière
pour qu’on l’apprécie
comme telle
avant disparition
peut-être les lilas ont-ils fleuri
sur les bords du Douro
ou les mimosas
qui bordent le Casot
peut-être demain sera-t-il
un autre jour
moins noir
plus bleu
cerisier rose
rossignol de printemps
rouge-gorge d’hiver
rose rouge
peut-être est-ce le rouge de la vie
peut-être celui de la mort
sans doute les deux
simultanément
successivement
« du haut de mon échelle
je me sens plus près des nuages »
répond le peintre
écho au poète
« toujours
avoir de l’espoir
pour qu’il y ait
un avenir »
sur la tombe d’Antonio Machado
pour qui
« l’homme vaut d’abord comme homme »
des présents au présent
vieux de trente ans
jeunes de quelques jours
les uns gravés sur pierre
pour durer
les autres écrits sur papier
pour s’effacer
qui a raison
celui qui veut durer
celle qui sait s’effacer
Michel Bories
avait essayé
dans ses Visages et Personnages
la disparition
par effacement
par le blanc
disparaître
dans le blanc
le blanc
non le noir
pour effacer
s’effacer
une évidence
à faire pâlir
don Antonio
à Collioure
après son arrivée
à la Casa Quintana
au cimetière de Collioure
sa postérité
est peut-être authentique
pas de surcharge possible
semble-t-il
dans ce lieu d’exil
où le hasard
de la Retirada
l’a conduit
au cimetière de Collioure
il trace pour l’éternité
« rien que sillages sur la mer »
irrécupérable
par l’Espagne
qui s’est trahie
refusant de se saisir
« du ciseau et de la masse »
pour édifier
« l’Espagne de la rage et de l’idée »
fusillant odieusement
le poète dérangeant
du Romancero Gitan
seule reste peut-être
la sincérité
des hommages
anonymes
rien qui brille
rien qui clinque
que des gens
de simples gens
qui parfois 
trinquent
trinquent
« attendant
vers la lumière
et vers la vie
un autre miracle
du printemps »
écrit le poète
« tournant le dos
à une vie impossible
pour en tenter une probable »
répond le peintre


 


 

À Collioure
du 4 au 15 septembre 2009
après un vernissage sur la viniculture
arrosé au Banyuls au Maury

hasard
tu découvris
l’existence d’un apéritif
au muscat rouge de Frontignan
Le Pof
datant de la grande guerre
avec deux petits g
s’il vous plaît
or
hasard
ce hasard qui fait défait
choses et gens
ici a bien fait les choses
Pof était le surnom de Michel Bories
créateur du Pof Art
trinquons donc amis
ce 12 septembre 2009
trinquons à Pof
au Banyuls au Maury au Muscat au Pof
avant que nous ne trinquions
sous les mauvais coups du hasard
comme ce fut leur cas
Federico Garcia Lorca
Antonio Machado
Michel Bories
Cyril Grosse
Lili la Cubaine et sa mère
mais au fait
dans laquelle des six définitions du hasard
proposées par philosophes et mathématiciens
te reconnais-tu

tu liras cet article

http://leportique.revues.org/180

La métaphysique du hasard

de Marcel Conche


 


 

aux jeux des hasards
tu aurais pu évoquer
Manolo à Bourg-Madame
Soutine à Céret
Riberat à Saint Jean Pla de Corts
Terrus à Elne
Matisse à Collioure
Gauguin à Tahiti
Michel Bories
a laissé une œuvre
d’énigmes
et d’évidences
aux titres sidérants

Origines

Horizons


qui s’attarde
devant un tableau
ou une série
est ébranlé par
des émotions
travaillé par
des questions
révélant la puissance
d’évocation
d’interrogation
d’interpellation
de l’artiste


 

 

Jean-Claude Grosse  


 

Michel Bories en aborigène néo-calédonien; et dans les blés en Grèce en 1992
Michel Bories en aborigène néo-calédonien; et dans les blés en Grèce en 1992

Michel Bories en aborigène néo-calédonien; et dans les blés en Grèce en 1992

L'insolite traversée de Cyril Grosse (13/4/1971-19/9/2001)

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aujourd'hui, 16 H, heure de là-bas, 23 H, heure d'ici, il y a 13 ans
 

Cyril en lecture à la Maison des Comoni au Revest en 1992 pour Salman Rushdie  

 

 

L’insolite traversée de Cyril Grosse 
1971–2001
 

chanson écrite et interprétée par Dasha Baskakova pour Cyril G.

(C'est possible) ça va de Cyril Grosse

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(C'est possible) ça va
ou l'un de nous est en trop

est le dernier spectacle abouti de Cyril Grosse (1971-2001)
présenté ici non par nostalgie mais pour la qualité du spectacle et du film qui l'a saisi

CYRIL.JPG
créé en octobre 2000
au Molodiojny Theatr'
à Oulan-Oudé en Sibérie,
après répétitions au lac Baïkal, à Baklany,
(vidéos sur le Baïkal et le mémorial de Baklany en cliquant sur la photo))

memorial.jpg

puis présenté au Centre Vissotski à Moscou,
au Théâtre de La Passerelle à Gap,
à La Maison des Comoni au Revest,
à Gare au Théâtre à Vitry.
Réalisation franco-russe avec 12 comédiens,
2 compagnies:
L'Insolite Traversée
Le Molodiojny Theatr',
2 langues: russe et français,
ce spectacle a été filmé par un vidéaste russe, Vladislav Kostine.
Ce n'est que 6 ans après que Les 4 Saisons du Revest,
co-producteurs du spectacle,
ont pu retrouver le film,
tourné à La Maison des Comoni,
le 25 octobre 2000,
pour les 60 ans de grossel.
Merci à Ivan.


--ava.jpg
Deux versions sont mises en ligne, l'une sur ce blog, l'autre sur le blog des Cahiers de l'Égaré, éditeur de Cyril Grosse (2 romans et l'oeuvre théâtrale).
Ces deux versions filmées sous deux angles différents permettent d'apprécier ce spectacle dans toute sa légèreté, sa densité, sa nostalgie.
À voir dans l'ordre ou le désordre des vidéos.


 
(C'est possible) ça va de Cyril Grosse

aller vers Baklany en 2004

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