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Jouer avec le temps / François Carrassan

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Vient de paraître aux Cahiers de l'Égaré

Jouer avec le temps

(1995-2008)

de François Carrassan

Ce petit livre au format 12X17, de 72 pages, raconte les 12 années de François Carrassan comme adjoint à la culture de la ville d'Hyères, le maire étant Léopold Ritondale.

Le livre est composé de fragments de trois sortes, anecdotes et réalisations culturelles de cette période, réflexions philosophiques sur la nature du pouvoir politique en général, considérations sur les rapports entre politique et culture. On sort de cette lecture convaincu que quand ça marche entre politique et culture, c'est un fait rare, dû à une rencontre, des opportunités, une chance. Convaincu aussi que le pouvoir des maires est le plus souvent exorbitant, que rares sont ceux qui ont la sagesse et le recul pour ne pas se laisser manger par le clientélisme, le populisme, l'électoralisme.

Un petit livre, utile à tout le monde, gens de culture, artistes, gens de pouvoir, gogos.

JCG, éditeur des Cahiers de l'Égaré

Jouer avec le temps / François Carrassan
Jouer avec le temps / François Carrassan

Mon expérience face of Book

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Mon expérience face of Book

(figure du Livre)

Résidant à Paris et n'ayant aucune obligation d'écriture n'étant aidé par aucune aide publique ou privée, disposant comme je l'entends de mon temps, m'accordant le droit à la paresse, je décide un matin de m'investir sur face of book pour une quinzaine. Au moment où je m'attelle à l'élargissement de mon réseau d'amis, j'en ai 28. Dix jours après, 148. Je n'ai demandé à faire ami-ami qu'à des gens que j'ai connus, perdu de vue. Je suis content. Quelle diversité d'intérêts, d'expériences. Chaque page est avec ses creux, une vie, des romans ou des poèmes à écrire. Mais assez vite, je déchante. Je reçois des notifications à tout va, tout ce que chacun propose s'affiche dans le fil d'actualité, j'apprends qui devient ami avec qui. Je fais usage des paramètres pour arrêter quand je veux ce flux, le relancer quand je veux. Beaucoup d'amis font les frais de ma censure. Ras le bol dès quelques jours de tous ces messages sur les Turcs, les Grecs, les Brésiliens, les Syriens, les Roms, les fachos, les Lejaby, les Amina, les Femen. Messages qui ne sont que des liens, reprises d'articles de presse. Parfois une présentation personnelle, le plus souvent rien. Absence criante de pensée. Une exception sur une photo d'un homme immobile place Taksim.

Les manifestants turcs ont trouvé une nouvelle forme de contestation, l'homme à l'arrêt...

Un homme se tient debout sur la place Taksim d'Istanbul. Muet, le regard fixe, il n'a pas bougé depuis des heures.
Son action pacifique, sur une place interdite au rassemblement par les autorités turques, intrigue et fascine les centaines de personnes qui l'observent, lui, et la police. Il est arrivé lundi soir à la nuit tombée et s'est planté au milieu de la place, à quelques dizaines de mètres du parc Gezi. Le parc, berceau de la contestation du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, est solidement gardé par des dizaines de policiers. Cinq heures plus tard, l'homme est toujours là, les mains dans les poches, un sac et des bouteilles d'eau à ses pieds. Il fixe l'immense portrait du fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.
Des centaines de personnes ont afflué. L'auteur de cette action inédite à Istanbul, qui vise à contourner l'interdiction de manifester tout en occupant la place Taksim après le coup dur porté par l'évacuation du parc Gezi, s'appelle Erdem Gunduz. Ce chorégraphe stambouliote est aidé par ses amis qui empêchent les centaines de personnes présentes de s'approcher de lui et le
ravitaillent en eau.

Le moment de la pensée : Pour une contemplation subversive

Le contemplateur contemple, le corps immobilisé dans l’agitation sociale, sous le regard de ceux qui ne contemplent pas et continuent de s’agiter. Il ne fait aucun profit. C’est un être rendu au monde, à une matérialité retrouvée, parfois brutalement et jusqu’à la mélancolie.
La contemplation en appelle à la volonté de l’être à trouver sa place dans le monde. Empêcher, ou modifier la contemplation du citoyen est un premier stade mis en œuvre par l’État démocratique. Le second stade est d’empêcher la réflexion : et c’est l’État totalitaire. Dans les deux cas l’État - démocratique comme totalitaire - y trouve s
on compte. Christophe Pellet.

Et mon commentaire : enfin de la pensée sur ce mur trop politique comme s'il suffisait de manifester, faire grève, pétitionner, récupérer des morts et des martyrs, dire à bas; toute ma vie, j'ai dit À bas ! Halte ! Stop ! Et rien n'a été abattu, rien ne s'est arrêté, les coups ont continué à pleuvoir ; ça m'a lentement dégradé, je me suis rongé les sangs, j'ai stressé, j'ai eu mal au dos, j'ai développé un cancer du foie guéri puis un de l'anus en voie de guérison depuis que je me suis dit je m'en fous ; j'en ai tellement assez au bout de quinze jours que je ne partage que des liens en lien avec les actions proposant de changer mode de production agricole et de consommation, vivre dans la sobriété heureuse, un peu aussi comme le sage de Lao-Tseu et donc je vais être dans le non-agir.

Ma courte expérience de face of book m'a montré aussi que si je pouvais agir sur les paramètres non pour censurer l'expression de chacun mais empêcher cette expression de m'atteindre, l'inverse était également vrai. Ainsi d'une femme qui met sur facebook une photo d'elle et de sa fille de 7-8 ans avec en commentaire Et la voilà qui passe le bac demain ...102 personnes aiment ça.

C'est dimanche soir. Demain c'est le bac et l'ouverture du procès de Mathieu Moulinas, le violeur de Salomé F. et l'assassin d'Agnès M. Je pense aux grands-parents que je connais, à leur deuil impossible, à leur révolte. J'écris donc sur le mur de cette femme, en lien avec une citation d'elle :

L'amour est-ce autre chose, que partager le désir et la peur, le plaisir et l'effroi, corps troublés, mots tremblants, croire ensemble à l'ogre qui va nous manger et à la fée qui va nous sauver ?

- bonheur et petite peur pour vous et pour elle demain à Paris ; malheur, douleur, deuil impossible, révolte pour eux, demain, là-bas, au Puy en Velay, parents, grands-parents, grand-frère d'Agnès, massacrée par Mathieu

La femme a supprimé mon commentaire, m'a rayé de sa liste d'amis.


Regardant les murs de mes nouveaux amis, réels et virtuels, j'y vois divers comportements, je me contente de deux catégories ; ceux que le monde agite, Héraklès inlassables, ceux qui se mettent en valeur, Narcisses en transe. Chaque mur, c'est 4% de matière lumineuse, le reste en énergie noire. 7 milliards de murs sur face of Book, 7 milliards de visages troués, de visages évidés composant le Livre, illisible par quiconque mais déchiffrable sans lecture ni lecteur : du vide sidéral.

Aujourd'hui 21 juin 2013, 5 H 04, jour du changement de saison, j'ai noté mes chiffres :

sur mon blog 328000 visiteurs pour 732000 pages vues

http://les4saisons.over-blog.com

sur le blog des agoras d'ailleurs 95500 visiteurs pour 192000 pages vues

http://agoradurevest.over-blog.com

sur celui des Cahiers de l'Égaré 118500 visiteurs pour 244000 pages vues

http://cahiersegare.over-blog.com

sur mon espace vidéos dailymotion 125500 visites pour 244 vidéos

dailymotion/jean-claude grosse

sur you tube 124000 visites pour 172 vidéos

you tube/jean-claude grosse

Impossible de connaître la fréquentation de ma page facebook qui présente un avantage par rapport aux mails : pas de spams.

Quant aux blogs, ils sont le lieu d'élaboration de ce que je veux partager. Ce que je constate c'est que j'ai un nombre réduit d'abonnés aux articles, une soixantaine pour les 3 blogs, que j'ai un certain nombre de commentaires, entre 200 et 250 pour un total de plus de 600 à 650 articles. Certains articles ou certaines pages sont en tête des visites chaque jour depuis des mois ou années (poèmes d'amour, Gabrielle Russier) et d'autres sont ignorés jusqu'à ce qu'un buzz les remette en lumière (passage à la télé d'un auteur, jour anniversaire d'un événement : sabordage de la flotte, Rosenberg). Les blogs sont pour moi la richesse, le réseau social peut seulement aider à diffuser cette richesse, pas suffisamment exploitée.

Jean-Claude Grosse

Mon expérience face of Book

Diderot à Lille et à Paris

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chers amis diderotiens,

le 7 décembre dans la magnifique cave voûtée sous la librairie Dialogues Théâtre, rue de la Clef à Lille, la lecture initiée par la filiale Nord-Pas-de-Calais des EAT (Écrivains associés du Théâtre) à partir du livre Diderot pour tout savoir fut chaleureuse, drôle, avec de bons lecteurs comédiens: Saverio Maligno, Laurent Benoit, Janine Pillot, René Pillot, et un violoncelliste de talent Timothée Couteau
Françoise Thyrion, annoncée, n'a pu venir mais son abécédaire a été lu ainsi qu'un passage de son adaptation théâtrale de l'Entretien d’un philosophe avec la maréchale de ***, de Diderot ce qui permit une mise en valeur du Nouvel entretien très indiscret d'un philosophe avec la Maréchale de *** de Caroline de Kergariou
quelques perles de Grégoire Aubert nous ont aidé à respirer
on a entendu aussi le texte de Moni Grego et celui de René Pillot
1 livre a été vendu pour une vingtaine d'auditeurs dont deux jeunes venus d'Arras par une annonce sur internet, un spécialiste de Diderot, auteur d'un article sur le Chevalier aux mille articles
le pot de l'amitié avec pour moi du vin blanc de Savoie m'a égayé et j'ai tonitrué dans les rues du centre de Lille, noires de monde, avec Rosalie, allant de manège en manège, moi de vin chaud en vin chaud avant un repas Aux Moules, incontournable;
j'ai quand même fait un tour aux 8° escales hivernales à la CCI de Lille, où peu de monde déambulait, où on a acheté un livre illustré pour la demoiselle Les princesses casse-pieds (mort du livre ?)
un article est paru dans La Voix du Nord


le 9 décembre, à la Maison des auteurs de la SACD, à Paris, fut une soirée dédiée, sans esprit de récupération, à Nelson Mandela et Dulcie September (sur intervention de Moni Grego, belle pensée), représentante de l'ANC en France, assassinée le 29 mars 1988, 28 rue des Petites Écuries dans le X°
une salle pleine,
une mise en espace préparée par Moni Grego, chacun y allant de son écot, Marc Israël-Le Pelletier pour le diaporama Suite de Diderot sur une musique de Pergolèse, un néon bleu et une musique de salut choisis par Moni qui a apporté aussi porto et whisky, moi, 3 roses rouges et les autres leur talent: Jean-Michel Baudoin, Henri Gruvman, Docteur Duchmoll servi par Benoît Rivillon et son bonnet rouge, Caroline de Kergariou, René Escudié, René Pillot, Yves Ferry, Noëlle Leiris, Moni Grego
Dominique Paquet a présenté la soirée et l'invité Jean-Michel Besnier, professeur à La Sorbonne
j'ai été bref
j'ai passé la parole à Madame la déloyale de la soirée qui a demandé la suspension des insupportables et des applaudissements, réservés pour la fin
l'agencement a été satisfaisant, le hasard étant intervenu qui nous a fait déplacer le texte de Moni, devenu texte de fin s'achevant sur la mort de Denis Diderot, étouffé par un noyau de cerise ou d'abricot; faudra un jour savoir
j'ai connu une grande frayeur quand j'ai cru mon heure venue de dire en bonnet rouge les 26 tweets du docteur Duchmoll; heureusement Benoît Rivillon est arrivé à temps
j'ai savouré l'irruption intempestive et brève d'une marseillaise, effet d'une régie capricieuse sans doute, sur le texte avec Christine B. (avec son Origine du Monde) de l'ami René Escudié
j'ai apprécié les retours de Jean-Michel Besnier (le philosophe de la Sorbonne invité par Dominique Paquet) qui a fait avec perspicacité le lien entre les textes et Diderot: son naturalisme, son non-volontarisme, son érotisme modéré, la saveur du monde, le continuum nature-culture et non leur opposition, le continuum concomitant matière-sensibilité ...
j'ai eu un beau moment d'émotion en retrouvant Anna Prucnal et Jean Mailland, accueillis aux Comoni au Revest vers 2000 et aussi en voyant plus succinctement Houdard-Heuclin, eux-mêmes accueillis en ce même lieu
j'ai annoncé l'initiative de Marc Israël Le Pelletier, la semaine du 18 au 25 octobre 2015 (le 25 octobre 2015, j'aurai alors peut-être 75 ans): l'exposition de la Suite Diderot dans la salle d'exposition du Bateau Lavoir avec soirée de mise en valeur des 4 projets pluriels des EAT MED avec tous les EAT (Envies de Méditerranée, Marilyn après tout, Diderot pour tout savoir, Cervantes-Shakespeare, hasardantes coïncidences)
dommage que Françoise Thyrion n'ait pu être des nôtres puisqu'il était prévu une alternance de voix sur tweets et abécédaire; je suis sûr que ça aurait très bien fonctionné
le pot de l'amitié fut animé
21 livres ont été vendus
Baptiste Moussette qui était à la caisse sera sans doute le prochain directeur des Cahiers de l'Égaré car il faut bien passer le relais
en tout cas, je me dis que ce serait bien qu'une autre soirée soit organisée avec les auteurs parisiens et franciliens que je n'avais pas choisis pour le 9 décembre et ils sont nombreux;
proposition est donc faite au bureau des EAT

amitiés vives de JCG qui sait que vous êtes par là, perdus dans les immensités livrées au hasard et dans des activités frénétiques dont il ne restera rien mais c'est notre chance

retour de René Escudié sur cette soirée :

Bonjour à toutes et tous,

Quelques réflexions après la soirée de lundi et les compte-rendus et un doux voyage où la voiture semblait descendre seule vers la Méditerranée (non, je ne bois pas quand je conduis) :

- Soirée excellente par la qualité, la diversité des textes et le talent des lectrices et lecteurs.

- Soirée passionnante par les interventions du philosophe. Interventions discutées mais où serait la philosophie sans la discussion ?

- Soirée très émouvante pour moi : lire en compagnie de mes vieux amis Ferry et Pillot est un plaisir rare ; lire en imaginant Moni dans le corps de Christine B. elle-même dans le corps de l'Origine du monde de Courbet est un délice de vieux pervers en mon genre (merci Moni de ta voix et de ta belle proposition d'associer Dulcie September à notre hommage) ; lire devant mes amis Elie Presssmann et Alain Bellet et être congratulé et embrassé par Anna Prucnal que j'admire tant depuis une rencontre lors du Festival d'Avignon 1974 et d'un repas fort arrosé en compagnie d'Alvin Ailey m'a fait monter les larmes aux yeux.

- La Marseillaise incongrue ne m'a pas déstabilisé mais ce n'est que sur la route du retour que j'ai trouvé comment j'aurais pu improviser.

- La photo n'est pas bonne, hélas ! Je ne suis pas dans le cadre...

- Un grand merci à toutes et tous et spécialement à toi, Jean-Claude.

Bonne journée.

René Escudié

retour de Moni Grego

Moi je l'ai trouvé très humain, brillant, chaleureux.
le philosophe, sachant tirer de chaque texte des
ouvertures riches, vivantes...

Au total c'était très disparate, mais cela témoignait bien
de où nous en sommes...

Chacun a apporté le plus de beauté et de pertinence
qu'il a pu, la couleur était annoncée. C'est tout de même
ce qui caractérise notre association, qui n'est pas basée
sur des critères de qualité artistique mais sur des critères
de professionnalisme et de combativité (si j'ai bien tout
compris...) ce qui entraîne forcément des hauts et des bas...

Merci à Jean-Claude qui privilégie toujours le dialogue,
et parvient à fédérer quoi qu'il arrive.

Quand aux débats leur nature nous échappe forcément
quelque précaution qu'on aurait pu prendre.

Les retours que j'ai eus ici et là étaient plutôt très
satisfaisants.
Amitié à toutes et tous.
Moni.

et deux articles sur le livre :

sur le blog de Jacques-Émile Miriel
Pour le tricentenaire de sa naissance (5 octobre 1713), on ne s'est pas pressé pour parler de Diderot. Bien sûr, quelques colloques ont été organisés, mais à l'abri du public, réservés aux universitaires. Quelques livres aussi sont parus, mais rares et de diffusion restreinte. Comme si la lumière que nous diffusait ce grand esprit des Lumières n'était plus faite pour nous. Il se trouve en réalité que Diderot est l'un de nos classiques les plus stimulants, celui dont la lecture ne cesse de nous apporter du neuf. Diderot nous inspire, nous motive, nous communique sa joie de vivre et de penser. Ainsi, je voudrais attirer votre attention sur un ouvrage collectif tout à fait original, Diderot, pour tout savoir, sorti pour l'occasion aux éditions Les Cahiers de l'Egaré. Une trentaine d'écrivains, auteurs de fiction ou de théâtre, essayistes, artistes divers, ont été réunis pour lui rendre hommage à travers de courts textes, dans lesquels ils laissent libre cours à leur imagination la plus débridée. Le résultat est très divertissant, très vivant surtout. Comme par un réflexe naturel, sans nulle peur des anachronismes, les auteurs transposent à l'époque moderne les personnages ou situations des romans et dialogues de Diderot. Lui-même apparaît parfois, et ne se prive pas de prendre la parole. Cela va de soi. On aurait presque envie, après cette lecture, d'aller refaire un tour au Palais-Royal, histoire de se répéter à soi-même, comme pour se venger du temps perdu : "Mes pensées, ce sont mes catins !"

Diderot, pour tout savoir aux éditions :

Les Cahiers de l'Égaré (http://cahiersegare.over-blog.com).

et ici

http://lecturescritiques.fr/diderot-pour-tout-savoir/

C’est d’un livre assez singulier dont je vous parle aujourd’hui, un livre qui vient de sortir et qui est édité par la maison d’édition, Les Cahiers de l’Égaré. Je dis « livre », mais c’est en fait un véritable projet que vous avez là. Un projet collectif, littéraire et philosophique, qui met en réflexion et qui met en jeu, la figure emblématique de ce philosophe des lumières, Diderot, pour le tricentenaire de sa naissance, (il est né à Langres, le 5 octobre 1713).

Comme une grande partie des ouvrages publiés par les Cahiers de l’Égaré, Diderot, pour tout savoir n’échappe pas à la règle. Il exprime des écritures, certes ici variées, car l’œuvre est collective, mais qui se canalisent et se focalisent toujours en vue de lectures qui soient dynamiques, et de (re)prises vivantes et vives qui soient matière à la création d’autres choses. Autrement dit, il ne s’agit pas simplement d’écrire et de lire, mais encore faut-il que l’écriture se porte en véritable enjeu à venir nourrir tout un travail de création.

Bien entendu, vous pouvez tout naturellement lire religieusement votre exemplaire de Diderot, pour tout savoir. Vous y trouverez plaisir, humour et intérêt, que je vous conseille d’ailleurs d’accompagner d’un bon verre de vin rouge et de quelques cigarettes, si tout du moins, vous fumez. Mais ce que je cherche à signifier, c’est cette dynamique vivante de la lecture, de la reprise, de la transformation, qui se retrouve en ce livre et très souvent au sein de la maison d’édition, les Cahiers de l’Égaré. Il faut que l’écriture appelle une appréhension vivante, et cette remarque apparaît totalement logique et normal, quand on pense au fait que les Cahiers de l’Égaré sont spécialisés en théâtre, et que bon nombre des auteurs du livre font partie des Écrivains associés du théâtre (EAT).

Énonciation éditoriale du projet Diderot, pour tout savoir

« Trente-six écrivains, penseurs, artistes, se confrontent à la diversité et modernité des écritures de Diderot avec des textes de 1000 mots maxi soit 34000 mots pour les 300 ans de cet homme des Lumières, dont on se demandera en quoi il éclaire ou peut éclairer notre monde, notre temps, nos mœurs, nos aigreurs, nos peurs, nos récentes percées scientifiques, nos vieilles spéculations métaphysiques. Comme lui ou contre lui ou toute autre attitude, posture en rapport avec lui, ils s’essaient à des voies nouvelles. Ils font commentaire, diversion, digression, mettent en abyme, réfutent, confrontent, se démarquent, se mettent en jeu. »

Cette énonciation éditoriale, très claire, est autant la présentation du livre au lecteur que la mise en place de la règle du jeu à destination des écrivains. J’emploie le terme de « jeu », mais ne voyez pas là une référence à l’Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo), car Diderot, pour tout savoir n’est tout simplement pas un ouvrage oulipien, bien que certains écrits peuvent s’en approcher, comme celui très amusant et absurde du Docteur Valentin G.Duchmoll qui résume l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert en 26 tweets alphabétiques pour les jeunes et les malentendants.

Fondamentalement non, Diderot, pour tout savoir, n’est pas un ouvrage oulipien. C’est un ensemble de trente-six textes (176 pages en totalité) qui dessine un visage contemporain à notre illustre penseur, tout en y interrogeant concrètement, sous des tonalités variées, sa philosophie.

Par moment autobiographique, comme le dialogue de Michel Azama délicieusement intitulé, « Denis, Grand fou », qui met à nu la vie de notre intellectuel :

« Il a appris comme vous à parler latin, ce qui, sans vous vexer madame, est une étude qui remplit d’aise, à peu de frais, bien des sots, et aussi le grec tout comme vous, madame, et le jeu de quille tout comme moi. Il a aimé l’apparence d’égalité que donne le collège où le futur artisan tutoie, pour un temps, le futur archevêque – et cela lui donna quelques idées, à vrai dire peu orthodoxe, sur notre contrat social et fit fumer ses méninges […] »

Par moment véritablement philosophique, comme l’écrit de Francois Carrassan qui s’empare de la question des droits de l’homme au temps de Diderot, pour en montrer les limites aujourd’hui :

« Les droits de l’homme n’avaient pas encore été déclarés. Leur notion naissante restait imprécise. On la trouve chez Diderot notamment dans l’Histoire des deux Indes, au chapitre 1 cité plus haut et au chapitre 4 – Sur les nations sauvages – où il écrit que, face à l’oppresseur, « l’homme qui revendiquerait les droits de l’homme, périrait dans l’abandon ou dans l’infamie ».

Par moment poétisé et politisé, comme l’écrit de Gérard Lépinois intitulé, « Sentir- Penser » qui réveille un regard à Diderot pour le faire parler dans l’observation de nos déambulations et de nos flux contemporains :

« Flots de voitures, de gens, de boutiques de fanfreluches se côtoient, se traversent dans l’ignorance les uns des autres. Effets de surface et surtout de transparence, mais flou, bruits, rumeurs et non conversations. Extrême solitude dans la masse, joie aigre ou bête, retour à une espèce d’animalité fiduciaire du troisième type, appareillage divers, notamment pour photographier ce vide ».

Et puis, Diderot, pour tout savoir, se revendique aussi de l’humour potache et malicieux, notamment avec cet écrit magnifique de René Escudié, qui invente la rencontre entre Diderot et Madame Christine B. (Christine Boutin). Rencontre totalement surréaliste puisque Madame Christine B. se réveille de son évanouissement pour se voir, à sa grande surprise, repeinte en « Origine du monde » (tableau de Gustave Courbet) :

Nous, Lecteurs, il faut bien l’avouer, nous n’avons pas l’habitude de retrouver en un même livre, des écrits tant diversifiés. Nous n’en n’avons pas l’habitude tout simplement parce que dans nos sociétés contemporaines, il existe un règne, celui du roman et de son auteur. Il existe donc peu de place de nos jours pour des œuvres différentes. Et il peut parfois apparaître difficile, pour nous Lecteurs, d’oser la lecture d’un ouvrage tel que ce Diderot, pour tout savoir.

Alors mon propos ici est de nous dire : « Osons ! » Oui osons la lecture de ce livre. Pour lui-même, puisqu’il s’agit d’un bon livre, et qu’il arrive aisément à produire une cohérence d’ensemble au-delà de la diversité des écrits. Mais aussi pour nous, en le prenant comme l’opportunité de lire quelque chose que nous croisons peu souvent, quelque chose de différent.

Baptiste Moussette

Diderot, pour tout savoir

ISBN : 978-2-35502-042-1

176 pages / 18 euros

Site de l’éditeur : http://cahiersegare.over-blog.com/

Dulcie September à laquelle fut dédiée la soirée Diderot du 9 décembre 2013 à la maison des auteurs de la SACD plus photo du salut final, couverture du livre etflyer du 7 décembre à Lille
Dulcie September à laquelle fut dédiée la soirée Diderot du 9 décembre 2013 à la maison des auteurs de la SACD plus photo du salut final, couverture du livre etflyer du 7 décembre à Lille
Dulcie September à laquelle fut dédiée la soirée Diderot du 9 décembre 2013 à la maison des auteurs de la SACD plus photo du salut final, couverture du livre etflyer du 7 décembre à Lille
Dulcie September à laquelle fut dédiée la soirée Diderot du 9 décembre 2013 à la maison des auteurs de la SACD plus photo du salut final, couverture du livre etflyer du 7 décembre à Lille

Dulcie September à laquelle fut dédiée la soirée Diderot du 9 décembre 2013 à la maison des auteurs de la SACD plus photo du salut final, couverture du livre etflyer du 7 décembre à Lille

La Prose du Transsibérien a 100 ans

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pour finir 2013, ce poème qui a 100 ans

La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France

de Blaise (pour dire les braises de la création poétique)

Cendrars (pour dire les cendres après l'éclat-l'écart)

par Vicky Messica (1980)


et un lien qui permet de voir le poème simultané réalisé avec Sonia Delaunay

je vous souhaite une bonne fin 2013 dont je puis dire pour moi et pour Les Cahiers de l'Égaré : bonne année
pour 2014, attendons qu'elle soit là puis attendons le 29 décembre 2014 pour dire ou pas : bonne année
je trouve ça tellement plus excitant, l'attente et le présent, que parier sur ce qui n'est pas encore présent, ici et maintenant

amitiés vives de JCG qui sait que vous êtes par là, perdus dans les immensités livrées au hasard et dans des activités frénétiques dont il ne restera rien mais c'est notre chance

en 2009-2011, l'auteur et metteur en scène Philippe Rousseau a mis ses pas dans le vent dans un voyage en transsibérien: Mes pas captent le vent (vidéo)

Entre récit et carnet de voyage, Mes pas captent le vent présente le périple initiatique d’un homme en Russie. De Moscou au lac Baïkal, la découverte du monde conduit le personnage à la re-connaissance de lui-même.
L’invitation au voyage mêle la densité du récit et la vivacité du carnet pour devenir poème scénique.

Le personnage de Mes pas... se définit comme un être en mouvement. En avion, en train, en bus, dans le métro ou à pied, il est toujours en marche et il avance. Aucune indication explicite ne renseigne sur la finalité du voyage, ni objectif ni élément à propos d’une quête, et la fin ouverte laisse penser que le protagoniste part vers une nouvelle étape.

Mes pas… se lit comme un métadrame, un « drame sur un autre drame » ou « drame au second degré ». La marche prend la forme d’un acte de survie, avec ses doutes, ses hésitations et sa tentation de la mort. La citation de Blaise Cendrars « la vie que j’ai mené m’a empêché de me suicider », mise au présent dans le texte prend valeur d’adage pour le personnage. Pourtant, à l’inverse des héros de Maeterlinck ou de Beckett, condamnés à survivre en attendant la mort, contraints à l’impuissance tragique, il reste un espoir pour le protagoniste qui choisit la vie à la fin de cette séquence. L’impuissance tragique est supplantée par la pulsion de vie.

Conséquence de cet état, le personnage n’existe qu’au présent, dans les rencontres et les expériences qu’il vit. Sans analogie ni opposition avec son pays d’origine, il reçoit le monde extérieur sans jugement de valeur. Les phrases concises, réduites à un sujet et à un verbe d’action permettent de dire l’essentiel sans l’expliciter. Il se met au rythme du pays.

Être en voyage c’est être de passage, dans un pays, une région, dans la vie de l’autre, dans le présent du spectateur. Le mouvement de l’œuvre prend la forme d’une traversée qui bouscule la manière du personnage d’être au monde et interroge le regard du spectateur.

en août 2010, j'organisais un bocal agité au Baïkal (vidéo) pour les 10 ans du séjour de Cyril Grosse (1971-2001) (vidéo) qui y créa

C'est possible, ça va ou l'un de nous est en trop

(C'est possible) ça va
ou l'un de nous est en trop
est le dernier spectacle de Cyril Grosse (1971-2001)
créé en octobre 2000
au Molodiojny Theatr'
à Oulan-Oudé en Sibérie,
après répétitions au lac Baïkal, à Baklany,
puis présenté au Centre Vissotski à Moscou,
au Théâtre de La Passerelle à Gap,
à La Maison des Comoni au Revest,
à Gare au Théâtre à Vitry.
Réalisation franco-russe avec 12 comédiens,
2 compagnies:
L'Insolite Traversée
Le Molodiojny Theatr',
2 langues: russe et français,
ce spectacle a été filmé par un vidéaste russe, Vladimir Kostine.
Ce n'est que 6 ans après en 2006, que Les 4 Saisons du Revest,
co-producteurs du spectacle,
ont pu retrouver le film,
tourné à La Maison des Comoni,
le 25 octobre 2000,
pour mes 60 ans.
Merci à Ivan.

Un livre Baïkal's Bocal a été édité

La Prose du Transsibérien a 100 ans
La Prose du Transsibérien a 100 ans

18' fabuleuses de c'est possible ça va de Cyril Grosse (créé en 2000) où musique, danses, traditions occupent l'espace et le temps

La Prose du Transsibérien a 100 ans
La Prose du Transsibérien a 100 ans

L'été de la vie / J.M. Coetzee

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L'été de la vie

John Maxwell Coetzee

Points Seuil

Déambulant en feu l'an 2013 dans la bibliothèque Vaclav Havel, nouvellement inaugurée dans le 18° arrondissement de Paris, installée dans une halle de la gare Pajol remarquablement réaménagée, esplanade Nathalie Sarraute où se trouvent aussi une fort accueillante auberge de jeunesse, un restaurant Les petites gouttes que j'ai pratiqué, je suis tombé sur L'été de la vie et d'autres livres de Coetzee. L'été de la vie m'a intrigué par la 4° de couverture : « le célèbre écrivain J.M. Coetzee est mort. En recueillant le témoignage de proches, un jeune universitaire établit sa biographie posthume...»

J'ai trouvé le thème gonflé et j'ai donc lu cette biographie posthume. J'avais déjà lu Disgrâce, Le Maître de Pétersbourg. Autres auteurs sud-africains lus : André Brink, Breyten Breytenbach, Nelson Mandela.

Hypothèse de départ: le prix Nobel 2003 est décédé après avoir laissé derrière lui divers fragments qu’il projetait d’utiliser dans le cadre de Mémoires consacrés aux années 1970. Le livre commence et s’achève avec ces bribes posthumes, qui encadrent cinq entretiens menés par un jeune universitaire, M. Vincent, désireux de brosser un portrait de Coetzee à cette époque. S’expriment tour à tour une ancienne amante Julia, une cousine affectueuse Margot, la mère d’une élève à laquelle il enseignait l’anglais qui le repoussa sans aménité Adriana, un collègue et universitaire de ses amis Martin, une collègue française avec qui il entretint brièvement une liaison Sophie. L'ensemble m'a donné l'impression d'un écrivain maîtrisant les techniques d'écriture qu'on enseigne aujourd'hui sous la houlette d 'écrivains comme Paul Auster avec lequel il a échangé (paru fin 2013), Alessandro Baricco. C'est brillant. Les carnets sont sous forme de fragments inachevés, une note précisant ce qui est à développer ou posant une question, ce qui fait du fragment une entité vivante, qu'on peut poursuivre (par exemple le fragment sur l'éducation page 296). Les entretiens sont de nature différente. Entretiens avec Julia, Adriana, Martin, Sophie. Les deux premiers tentent de cerner l'homme Coetzee dans ses rapports aux femmes. Le portrait qui s'en dégage n'est pas flatteur surtout vu par Adriana, une danseuse brésilienne qui voit cet homme comme une mécanique en bois, ne sachant pas bouger, empêtré dans un idéalisme, une sublimation de la femme qui l'en l'éloigne. Ça m'a fait penser au film The Ugly Truth. Avec Margot, l'entretien est différent puisque Vincent vient lui lire le récit qu'il a rédigé à partir des entretiens qu'il a eu avec elle et cela entraîne des réactions parfois vives de Margot ne se reconnaissant pas dans le récit. Les deux derniers entretiens évoquent l'enseignant à l'université du Cap. Plus courts que les autres, ce sont ceux que j'ai préféré parce qu'il y est question de politique, de l'Afrique du Sud et de l'apartheid dans les années 70, de l'engagement ou non. « Aux yeux de Coetzee, nous ne renoncerons jamais à la politique parce qu'elle est trop commode comme théâtre où nous pouvons mettre en scène nos émotions les plus viles : la haine et la rancoeur, le dépit et la jalousie, les instincts sanguinaires. En d'autres termes, la politique est un symptôme de notre condition déchue et elle exprime notre déchéance. » On ne peut plus fortement exprimer le pessimisme radical de l'outsider, le mal intégré Coetzee, résistant à sa façon.

En conclusion, L'été de la vie me semble une réflexion et un travail sur le genre et le geste biographique et autobiographique, une interrogation sur la part de fiction au sein de chaque existence, dès lors qu’on la raconte, même en se fondant sur un pacte de vérité. À la fin du livre, nous avons de Coetzee une image plutôt floue et l'on se dit que lire l'auteur (il y a de beaux moments de jubilation tant la langue, sans lyrisme, au scalpel, va droit au but) est plus gratifiant que découvrir l'homme d'autant que sur son travail d'écrivain, sur les rapports homme-oeuvre, vie-oeuvre, Coetzee reste discret. J'ai toutefois remarqué pour le récit de Margot l'abondance des mots afrikaans ce qui renvoie à la discussion sur dialecte et langue vers la fin du livre (page 275).

Jean-Claude Grosse

L'été de la vie / J.M. Coetzee
L'été de la vie / J.M. Coetzee

Cervantes-Shakespeare / écritures 2014

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23 H, 17 F, de Méditerranée, Atlantique, Aquitaine, Ile de France, Normandie, Bourgogne dont 20 nouveaux se sont inscrits en 15 jours pour le projet

Cervantes-Shakespeare : hasardantes coïncidences


je ne suis pas intervenu donc hasard ou pas ? les statistiques pourraient-elles prédire cela ?
le projet Cervantes-Shakespeare est maintenant sur les chemins vagabonds

je souhaite aux auteurs de grimper haut avec l'échelle de leurs rêves JCG

Cervantes-Shakespeare

une « pétrifiante » coïncidence

morts tous les deux le 23 avril 1616

un projet ludique mais pas seulement

pour le 399° anniversaire de cette coïncidence

(pas le 400°; nombres et lettres, « jeux » créatifs, répétitifs de l'inconscient, du ÇA)

le 23 avril 2015

à laquelle il faut ajouter l'autre « pétrifiante » coïncidence

Shakespeare naît et meurt un 23 avril (1564-1616)

La coïncidence de la date de leur mort est partiellement fabriquée (on se reportera aux notes 1 et 2 des articles de Wikipedia sur ces deux auteurs).

http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Shakespeare

http://www.inlibroveritas.net/auteur360-oeuvres.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_de_Cervantes

http://www.inlibroveritas.net/auteur4390.html

On passera outre la fausseté de la stupéfiante coïncidence pour s'inscrire dans la légende qui fait que chaque 23 avril est la journée mondiale du livre (en Espagne les femmes offrent un livre aux hommes qui ne lisent pas, les hommes des roses rouges aux femmes qui ne les aiment pas) et que le Falstaffday se fête dans les pubs anglais, œuvres en mains, chaque 23 avril depuis 1717 (comme il y a un Bloomday qui se fête dans les pubs de Dublin, œuvre en mains, chaque 16 juin depuis 1954, 50 ans après la journée du roman).

Par contre la coïncidence entre date de naissance et date de mort de Shakespeare n'est pas fabriquée.

Ces « pétrifiantes » coïncidences comme les appelaient les réalistes sûrs (genre : l'improbable rencontre sur une table de dissection d'un parapluie féminin et d'une machine à coudre masculine ?!?) posent la question du hasard que beaucoup récusent pour dire c'est le destin, c'était écrit.

Un premier enjeu se joue entre une métaphysique théologisée (Dieu créateur et ses créatures, métaphysique pour paresseux préférant obéir et peu penser puisque une seule cause initiale suffit à expliquer l'infinité des conséquences aussi variables et contradictoires soient-elles) et une métaphysique du hasard (faire du hasard le moteur, le créateur aveugle de tout ce qui apparaît, disparaît, se transforme, est une entreprise difficile à penser surtout quand pensant l'homme, on le pense comme liberté et volonté ou comme multiples déterminations et déterminismes). Lire l'article en lien : La métaphysique du hasard de Marcel Conche. http://leportique.revues.org/180

Si on choisit une métaphysique du hasard, des calculs se mettent en place pour le prévoir, des jeux s'inventent pour le déjouer, le mettre de son côté. Y a-t-il de l'impossible ? Tout est-il possible ? Quelles probabilités pour tel possible ? Y a-t-il de l'improbable ? C'est quoi la chance ? La malchance ? Le kairos ? Un mauvais concours de circonstances ? Place aux nombres et aux calculs, de plus en plus puissants avec les calculateurs Ada et Turing, ou avec Gaia. Les chercheurs auront bientôt la capacité de calculs exaflopiques. Ils pourront alors définir les caractéristiques de ce qui leur résiste aujourd'hui, matière et énergie noires, avant de les déceler. Les écrivains feront place à des situations, des lieux réels, imaginaires, des personnages de leur choix ou qui leur échoient dans leurs rêves, en introduisant le plus d'aléatoire possible (on lira L'aléatoire de Marcel Conche). Et pour vivre sa vie, on valsera-hésitera entre croire la maîtriser, la livrer au hasard (coup de dés, pile ou face, roulette russe avec arme à blanc ou chargée mais jamais, un coup de dés…), inventer chaque jour ses « impossibilités de vivre » en alternant souffrance et résilience, tirer trigrammes et hexagrammes du Yi Jing avec 3 pièces et tous autres bricolages, poser des questions à Siri, un 31/12 (quel est le sens de la vie ? 3 réponses : 1- 42 ; 2- qui suis-je, où vais-je et dans quelle étagère ? 3- j'ai arrêté de me poser ce genre de questions) ou ayant dit blablabla, j'ai obtenu : avez-vous pensé à devenir orateur, Jean-Claude ?

http://www.lolagassin.com/serge3.htm

http://www.chinastral.com/chinastral/yi-king/yi-king.html

Une anecdotique question subsidiaire en découle : y a-t-il immortalité des œuvres « immortelles » qui ont eu beaucoup de chances d'arriver jusqu'à nous dans des versions multiples sans qu'on puisse décider laquelle est la vraie ou la plus vraisemblable et dont les supports sont périssables ?

Un paradoxe prend forme : ce qui a eu lieu a eu lieu pour toujours, rien ne peut l'effacer, rien ne peut effacer ce qui a été dit, pensé, ressenti, éprouvé, fait, été. Nous oublions ou commémorons, réécrivons : c'est sans importance ou incidence par rapport au fait que c'est inscrit dans le temps infini ou éternel. Mais où passe donc le passé ? Où ça se stocke tout ça si ça se stocke et qui est incommensurable ? Y a-t-il un lieu de mémoire ou est-ce dans l'Immémorial, l'Utopie ? Ça reste en l'état, ça se disperse ou ça se réduit en éléments irréductibles pour d'autres combinaisons (analogie : codes génétiques, génomes) ? Le périssable du corps, de l'esprit sans doute, se conjugue avec l'impérissable éternité de ce qui a eu lieu, de ce qui est passé. Comme avec la madeleine de Marcel Proust, exemple ne valant que pour un vivant et pour la question que se posait Bergson à propos du retour des souvenirs oubliés dans Matière et mémoire, comment ça revient si ça revient, sous quelles formes et autres questions possibles aujourd'hui grâce aux avancées scientifiques mais voulant des écritures de poètes, d'épitaphiers et des pensées de métaphysiciens du hasard ?

Le projet

23 avril 2015 : 399e anniversaire de la mort de Shakespeare et Cervantes, œuvres accomplies.

L'un, l'Anglais, a fait le tour complet du cœur selon le titre du spectacle mis en scène et joué seul par Gilles Cailleau 542 fois depuis le 2 juillet 2002, pour 28000 spectateurs sous chapiteau pour 35 spectateurs.

L'autre, l'Espagnol, a réussi l'exploit de ridiculiser et de tuer le genre dominant que constituait le roman de chevalerie dont les méfaits sur les cœurs et les esprits étaient notoires.

Flaubert a tenté quelque chose contre la bêtise (la connerie = la commerie) avec Bouvard et Pécuchet. A-t'il réussi ?

Shakespeare ou les passions humaines et les passions politiques.

Cervantes ou l’espoir, l’utopie, la résistance.

Le 2° livre du Don Quichotte fut publié en janvier 1615 soit 400 ans dans un an ; le 1° l'avait été en 1605. Don Quichotte, un redresseur de torts à travers.

Il y en a qui continuent aujourd'hui, genre Les enfants de Don Quichotte, Jeudi Noir, Génération Précaire, Le Grand Don, Germinal, La manif de droite, À la rue O-bloque et autres artivistes tentant de renouveler formes et contenus de la militance comme de l'art en lien avec notre société de précaires fabriqués par les puissants de la finance et rejetés par les réactionnaires de tous bords.

Ils ont eu des précurseurs car il y en a toujours et nous serons les précurseurs de nos suiveurs et suivants survivants. Shakespeare et sa troupe ont construit, enthousiasme et nécessité aidant, le Globe Theatre, dans la nuit du 28 décembre 1598, dit-on. Regardons comment nous gérons nos lieux et carrières. Jeux de pouvoir et de coulisses, tout cela pour une durée de 10 ans, 20 ans pour les plus chanceux.

On lira cet essai de portrait quantique de l'homme Shakespeare et de son œuvre et celui sur le SPL qui peut-être inspirera l'un d'entre les auteurs à venir :

http://les4saisons.over-blog.com/shakespeare-antibiographie/bill-bryson

http://fr.wikipedia.org/wiki/Shakespeare_Programming_Language

et ceux-ci sur Cervantes et Don Quichotte

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/cervantes_l_homme_des_masques_et_des_secrets.asp

http://fr.wikipedia.org/wiki/Don_Quichotte#Influences_de_Don_Quichotte

http://donquijotedelamancha.free.fr/fiches.html

Appel à textes : 30 auteurs français, 5 anglo-saxons, 5 hispanisants.

Pas de sélection mais l'éditeur fera en sorte que le nombre de participants ne dépasse pas 40, que la parité F/H soit à peu près respectée, qu'un renouvellement des contributeurs s'effectue.

L'éditeur sollicitera quelques auteurs de son choix. Il invite à participer Bernd Lafrenz, qui en Allemagne joue avec humour depuis le 23 avril 1983, pièce après pièce, l'oeuvre de Shakespeare. Déjà 9 pièces en solo à son actif, plus de 4000 représentations, 800000 spectateurs en live et 200000 téléspectateurs, 1,5 million de kilomètres parcourus.

Texte de 2000 mots pour les textes confrontant, mêlant (et toute autre sauce) Shakespeare et Cervantes. Ou deux textes de 1000 mots si on les traite séparément. Le souhait est de voir traiter les deux, ensemble ou séparément. Ou un texte de 1000 mots, si on ne traite qu'un des deux géants.

On tentera de privilégier dialogues et formes théâtrales. Mais les formes restent libres, à inventer ou à imiter avec intelligence. Si un rêve de rencontre prend une forme graphique, pourquoi pas ! On s'essayera à provoquer des coïncidences arbitraires, déroutantes (décidées par jeux de hasard ou tirage du Yi Jing), des rencontres stupéfiantes à probabilités quasi-nulles (à indiquer après calcul) à partir de Cervantes et de Shakespeare : vies, œuvres, thèmes, lieux, milieux, époques, personnages, rêves et songes (le royaume où tout est possible dit Borges, le travail nocturne de Fellini dans Le livre de mes rêves, un fabuleux déclencheur).

Skakespeare et Cervantes parlent de l'arbitraire des hommes (et non pas du libre arbitre). Le projet consiste en un appel à la responsabilité, impossiblement pure, des auteurs quant à leur arbitraire à chacun. L'arbitraire du pouvoir, du devoir, de l'art, de l'amour, comme version humainement vivable du hasard ? Jeux entre sens, non-sens, avec « nonsense », absurde.

Tout texte dépassant les limites sera refusé par l'éditeur.

Appel à texte sur 15 jours, début janvier 2014.

Livraison des textes, fin décembre 2014.

Édition par Les Cahiers de l'Égaré, fin mars 2015.

Tirage fonction de l'écho envisagé et des manifestations suscitées, 500 ou 1000.

Exploitation jusqu'au 400° anniversaire soit fin 2016.

Une étape de mi-parcours est prévue en Avignon à Présence Pasteur en juillet 2014. Des textes ou des planches de dessins N et B en l'état, achevés ou non, seront lus et discutés avec le public.

Semaine du 18 au 25 octobre 2015 (pour mes 75 ans, si...), exposition et lectures au Bateau Lavoir à Paris avec mise en valeur des 4 projets pluriels initiés par les EAT Méditerranée avec l'ensemble des EAT (Envies de Méditerranée, Marilyn après tout, Diderot pour tout savoir, Cervantes-Shakespeare : hasardantes coïncidences).

Ayant déjà l'expérience de l'investissement et du talent des participants à trois projets aboutis, je ne doute pas que ce 4° et dernier projet que je porte avec mes collègues sera de la plus grande qualité dans la diversité.

Amitiés vives dans le partage d'écritures vivantes.

Le 16 janvier 2014

Chers amis,

voilà, le projet Cervantes-Shakespeare est sur les chemins vagabonds ; vous en êtes : merci

les aventures seront fortement perturbées par les vents violents

mais une première coïncidence est observable dans le ciel

aujourd'hui 16 janvier 2014, c'est la 1° du nouveau solo de l'ami Bernd Lafrenz (il est dans notre roulotte) à Wolfburg, Les joyeuses commères de Windsor, événement qui entrera en déphase disjonctive avec le tournage en un jour de désastre de Quichotte par Terry Gillian le 16 juillet 2014

hier ce fut sur la Place de la Liberté à Toulon, la 1° sous yourte kirghize de Tania's Paradise mis en scène par Gilles Cailleau (lui aussi dans notre roulotte qu'il pratique depuis des années)

pas de coïncidence, le livre publié par Les Cahiers de l'Égaré aurait dû être prêt pour ce 15 janvier; eh bien non; ce sera plus tard; comme quoi, on ne peut jurer de rien

http://cahiersegare.over-blog.com/article-tania-s-paradise-113634145.html

déjà dans les rangs dérangés du groupe on s'amuse avec

chat qui expire sert vent d'est

ou Dan qui chante pour faire la manche et Sang-froid qui pense rencontrent dans un bistro de Calais, Gilden et Rosen partis à la recherche de leur cousin

ou signé Dona Manuela de la Letra, arrière-arrière.... petite-fille de Cervantès par la branche maternelle et arrière-arrière... de William Shakespeare par un côté très tangent au paternel

je vous renvoie l'appel à texte, à prendre au pied de l'Esprit qui ne manquera pas de souffler sous l'éteignoir

je voudrais préciser quelques points

- il s'agit d'être hasardant tant dans l'écriture que sur le fond: rien n'est acquis, on n'est sûr de rien, il y a peu de probabilités mais c'est possible

pour favoriser ce processus, j'ai demandé à Gérard Lépinois d'animer un atelier de procédures hasardantes une fois par mois de février à juin pour ceux qui peuvent fréquenter la Maison des auteurs de la SACD; le travail de cet atelier sur Sha-Cer sera intégré au livre; je vous communiquerai lieu et dates plus tard

- je pense à l'invention d'un ou deux personnages qui comme Padox pourrait être repris, développé, un don du groupe à l'humanité espérante-désespérée

Padox, c'est vous, c'est moi, c'est Guignol, Tintin, le Gros Dégueulasse, Bidochon et Gaston. Il a été inventé et écrit par Gérard Lépinois, créé par Alain Roussel, mis en cris et chuchotements par Jeanne Heuclin, Padox, le personnage unique d'un spectacle de théâtre noir, marionnette pour représenter les hommes, l'homme d'aujourd'hui et qui a fait le tour du monde

- je pense, parce que nos deux hommes C/S en partie s'opposent, à un affrontement idéologique entre le personnage (à inventer) du Manifeste (à écrire) des cyniques, des nipotes (en italien = népotisme), des oligarques, des ploutocrates et celui (à inventer) du Manifeste (à écrire) des Riens, moins que rien; je vous indique quelques liens sur les maîtres du monde et vous communique deux manifestes du Sous-Comité décentralisé des gardes-barrières en alternance ; je pense que la théâtralisation courte de cet affrontement serait efficace littérairement et peu probable politiquement ; évidemment Noam Chomsky est à prendre en compte

http://r-eveillez-vous.fr/wp-content/uploads/2011/03/manifeste.pdf

http://www.diogene.ch/IMG/pdf/second-manifeste-diogene.pdf

je vous souhaite de grimper haut avec l'échelle de vos rêves

amitiés vives JCG

sur les maîtres du monde, attention à ne pas prendre au pied de la lettre mais avec esprit critique

http://www.syti.net/Targets.html

http://www.syti.net/Organisations.html

http://www.syti.net/MeilleurDesMondes.html

http://youtu.be/x2Mi5r4njo4

http://youtu.be/jE6wppWhOx0

http://www.desobeir.net/

Déclaration attribuée à Thomas Jefferson Troisième président des Etats-Unis de 1801 à 1809

citation qui est peut-être un faux :

Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l'inflation (?), ensuite par la récession (?), jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis.

aparté :

La lecture du mardi midi 14 janvier au Théâtre 13 Seine fut truculente

nous ne sommes pas restés sur notre faim avec Une famille aimante mérite de faire un vrai repas, de Julie Aminthe

la discussion fut très révélatrice sur cette comédie de l'impuissance, des faux semblants, des micro-mouvements au sein d'une famille lambda (la fuir, y rester, quel combat, tout cela métaphores possibles du néo-cannibalisme et de ses tuyauteries : absorber, déjecter...)

on avait envie d'un bon manifeste digeste genre celui du Sous-Comité décentralisé des gardes-barrières en alternance

la discussion courte mais dense a mis en avant l'influence de la télévision sur le façonnage, le formatage des esprits mais cela suppose qu'on regarde la télé qui absorbe 3 H 25 de la vie des gens chaque jour soit notre temps libre, possiblement créateur

sur l'impossibilité pour certains jeunes de s'évoquer, se représenter, s'identifier sans référence à des émissions mais cela suppose le renoncement à son temps libre, à son pouvoir créateur

la discussion a porté aussi sur le clivage dont nous sommes constitués : conscients qu'on est manipulé et soumis à cela

ou travaillés subconsciemment, inconsciemment par des modèles dominants sans même nous en apercevoir

mais Huxley, Orwell, d'autres ont bien décrit il y a déjà quelque temps vers quoi nous allons; Huxley me semble plus pertinent qu'Orwell

d'autres nous alertent depuis longtemps: Chomsky par exemple en décrivant les mécanismes de manipulation

comment se fait-il qu'on découvre au détour d'une discussion des évidences assez mal admises

ce n'est plus le temps des héros ai-je entendu

bien sûr, on nous a convaincus que victimes, nous étions aussi des bourreaux

que nous étions tous des salauds en puissance et en actes, micro-actes dans ma cuisine, au lit ... le confessionnal n'est plus loin et pire

qu'exploités, aliénés, nous étions surtout des soumis volontaires

je préférerais un temps de héros; je me réfugie donc dans des films où un balèze tout seul ou une femme toute seule aussi ... vous voyez le genre ; ça me dispense d'agir, de susciter mon enthousiasme et celui des autres, d'aiguiser mon désir, de me coltiner à certains de mes rêves; les Américains sont très forts dans ces films à héros solitaires qui s'en prennent aux puissants qui ne respectent pas règles, films de "droite" permettant l'identification; que seraient des films de "gauche" où ce serait des groupes invisibles qui agiraient sur des cibles elles-mêmes invisibles ?

au théâtre, y a t-il encore des héros ? il me semble que non, peut-être sur les scènes privées

dans la vie, il y en a beaucoup, on ne les voit pas JCG

Cervantes-Shakespeare / écritures 2014
Cervantes-Shakespeare / écritures 2014

Emmanuelle Arsan/Sylvia Kristel/Emmanuelle, nous et moi (nos émois)

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Le N° de LUI de février 2014 comporte un article intitulé Emmanuelle était un homme. Le journaliste Clovis Goux m'a rencontré mi-novembre 2013 et je me retrouve donc cité dans cet article qui me présente comme un grand-père chaleureux.

Je trouve cet article de Clovis Goux pas mal, bien documenté me semble-t-il sur ce qui reste malgré le titre, un mystère, article ouvrant peut-être un peu vite la fermeture éclair de la braguette des jeans unisexes de l'époque de la pré-libération sexuelle (un peu avant 68 et après)
En tout cas, ce que je dis ne ferme pas la porte au mystère : (à combien de mains ont été écrits les livres d'Emmanuelle Arsan; la réponse me semble indécidable et en conséquence, nous sommes renvoyés au "fonctionnement" d'un couple "hors normes", ce qui est bien plus excitant que la vérité et sans doute plus excitant que le récit de Théo Lesoualc'h ...)
Les infos de fin sur la maladie et la mort sont de moi sans doute vérifiées par le journaliste ou déjà connues de lui.

JCG

 

Sylvia Kristel, l'Emmanuelle des films portant le prénom rendu célèbre par les romans d'Emmanuelle Arsan, est partie à 60 ans, le 17 octobre 2012.
Je sais que son statut d'icône, de star lui a pesé, qu'elle a déprimé, qu'elle s'est adonnée à des addictions destructrices, qu'elle s'est rétablie grâce à la peinture et sa rencontre entre autres avec Hugo Claus. Son autobiographie Nue (Le Cherche Midi) raconte ce chemin d'épreuves.

 

1974-emmanuelle-la-chaise

 

Emmanuelle Arsan, un pseudonyme, l'auteur des Emmanuelle et de bien d'autres histoires, est partie fin juin 2005 (lire sa lettre du 31 mars 2005)

J'ai eu une correspondance extraordinaire avec elle de 1988 à 2005 sans jamais la rencontrer. C'était notre pacte. Ça a donné deux livres: Bonheur et Bonheur 2. Le 1° est épuisé, le 2° est encore disponible.

Ce n'est qu'après sa mort dans des conditions terribles que j'ai rendu visite à son mari, deux fois, que j'ai filmé la maison appelée La louve d'Emmanuelle.

 

 

 

 

 

Son mari était un homme plein d'humour, d'une culture considérable. Il m'a donné les poèmes qu'il a écrits pendant et après la grave maladie de Nitya.

Il est parti en avril 2010, avant que je ne le revois une 3° fois comme on en avait convenu. Cela s'est joué à 15 jours près.

Emmanuelle Arsan n'avait pas aimé ce que les réalisateurs avaient fait de son oeuvre littéraire.

Je ne pense pas qu'elle était hostile à Sylvia Kristel. Elle-même était apparue sur l'écran dans La Canonnière du Yang Tsé  avec Steve McQuenn sous le nom de Marayat Andriane. Ce n'est pas à ce nom que je lui écrivais.

L'article ci-dessous raconte la rencontre avec l'oeuvre et la personne d'Emmanuelle.

Emmanuelle Arsan avait appréciée cette lecture plurielle de son oeuvre.

JCG

 

 

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Photo prise par Emmanuelle Arsan, parue dans le N° 12 de la revue Aporie,
avec cette légende:
... mes amies mortes, leur jeune corps, leur blondeur, leur joie irremplaçable,
la langue morte de leur souffrance et la cendre de leur beauté.

 
Je mets en ligne cet article sur MAI 68, paru en 1989, dans le N° 12 de la revue Aporie: Le mythe, N° épuisé. Cet essai se nourrit de l'expérience de 68 qu'a eu l'auteur, XXX, et de sa correspondance avec Emmanuelle Arsan, qui collabora à 3 N° de la revue, les N° 10-11 et 12, correspondance qui donna naissance à un livre: Bonheur, publié par Les Cahiers de l'Égaré, en 1993, épuisé.
 
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Bonheur 2 a été publié en 2008,
est toujours disponible
 
 
Bonheur 2 d'Emmanuelle Arsan et Jean-Claude Grosse, correspondance heureuse
ISBN: 978-2-35502-003-2   15X21   136 pages   15 euros
 
31 mars 2005
Cher J.-C. G.
La maladie a interrompu ma lecture de Pilar Sanchez Orozco, Actualité d’une sagesse tragique (La Pensée de Marcel Conche), 2005, Éd. Les Cahiers de l’Égaré et les premières, prématurées et sûrement imbéciles réactions que m’inspirait son étude de la philosophie de Marcel Conche.
Pendant plus d’un mois, à l’hôpital, je n’ai ni lu ni écrit. Je ne sais si et quand je pourrai me remettre à ces plaisirs de mon passé.
Ce soir, je veux simplement vous redire que l’amitié d’homme de cœur et de poète qu’avec tant de discrétion et de tolérance vous me montrez depuis de si nombreuses années est un bonheur de ma vie. Je vous en sais un gré infini et je ne l’oublierai jamais.
Si, au risque de ne pas avoir de bonne réponse, vous continuez à me tenir au courant de votre combat pour l’intelligence et pour la beauté, mon bonheur se prolongera.
Votre amie.
E. A
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Les photos accompagnant cet article sont des portraits d'Emmanuelle Arsan.
Un autre essai sur MAI 68 a été publié en 1986 dans le N° 6 de la revue Aporie, consacré à La crise:



13 N° de la revue Aporie sont parus entre 1982 et 1990.
Le dernier N°, le N°14, consacré au vent, n'a été, comme son objet, que du vent.

grossel
 
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pour Emmanuelle Arsan,
 
EMMANUELLE, NOUS ET MOI

OU
DU PLAISIR DE CROISER DES ÉCRITURES


C'est le 4 juin 1968 que j'ai osé aborder Emmanuelle.
68. Paris. Quartier latin. L'imagination au pouvoir.
Retrouvée la force des mots-tocsin. Du vent, semble-t-il, des pétales tombés sous les talons d'une danse mais l'homme pourtant, avec toute son âme, ses lèvres, sa carcasse...
Rejoint par nous de 68, Vladimir Maïakovski, le poète des mots-tocsin: Désembourbez l'avenir nous crie-t-il depuis 1925 et à moi: Calcule, réfléchis, vise bien et avance -ne serait-ce que dans le détail- chez toi, à table, dans tes rapports, les moeurs pour atteindre la taille de la puissante vie à venir.
Et nous de 68 de lui répondre sur les murs où s'écrit la parole en archipel par la salve d'avenir de René Char: Vivre devient la conquête des pouvoirs extraordinaires dont nous nous sentons profusément traversés mais que nous n'exprimons qu'incomplètement faute de loyauté, de discernement cruel et de persévérance. La bêtise aime à gouverner. Arrachons lui ses chances.

Et moi avec les feuillets d'Hypnos: Obéissez à vos porcs qui existent. Je ne plaisante pas avec les porcs. Je me révolte et me soumets à mes dieux qui n'existent pas. Poésie, la vie future à l'intérieur de l'homme requalifié. (Mon héros, je l'imagine poète. C'est pourquoi il mythifie 68. L'auteur, XXX.) (La poésie du héros est fascinée par l'absence, ce qui n'est pas; elle est plaintive à l'égard de ce qui est. À cette poésie de la nostalgie, de l'utopie, j'oppose la poésie de la présence, poésie de l'acceptation, de l'acquiescement à ce qui est. Alors le séjour de l'homme est séjour du divin selon Héraclite. Note de l'éditeur: J.Cl.G, directeur de la revue APORIE où ce texte est paru, qui a souhaité croiser son écriture avec celle de l'auteur, XXX.)

Beaucoup de monde. Prenant plaisir à parler, écouter, échanger, partager. Audace des idées, chaleur des sentiments, force des émotions, subtilité des sensations. Fête de l'esprit et des corps. Impossible de ne pas rencontrer celle qui veut changer l'amour au milieu de ceux et celles qui veulent changer la vie. Je suis de ceux-là. Je la rencontrerai donc. J'ai beaucoup entendu parler d'elle. En bien. En mal. Elle a des partisans, des détracteurs. Les ambivalents. Les sceptiques. Les imbéciles: Que va-t-on faire de notre liberté puisque l'érotisme est libérateur? Allons-nous passer nos jours à rien d'autre qu'à faire l'amour en imaginant des positions nouvelles, des combinaisons inédites? Les hommes auront-ils assez de sperme pour tant d'orgasmes? Les femmes ne vont-elles pas avoir leurs orifices irrités? A-t-on trouvé d'autres adoucissants que le beurre? (Le Sida et le Stob - il s'agit d'une maladie nouvelle, encore inconnue du grand public, aux effets similaires à ceux du Sida; elle s'attrape quand on fait l'amour sans amour; elle a été mise au point par des virus préoccupés de vertus - n'ayant pas encore été découverts à l'époque, en 68, il est facile à l'auteur, XXX, de faire de l'ironie et de ridiculiser les imbéciles en leur faisant poser des questions saugrenues. Aujourd'hui, les mêmes imbéciles posent des questions pleines de bon sens, dans le vif du sujet. Note de J.Cl.G.) ( J.Cl.G. fait de l'ironie pour me ridiculiser mais je lui fais remarquer 1° que les expressions qu'il emploie: saugrenues et dans le vif du sujet sont déplacées, 2° que le pape fait des prouesses en refusant d'utiliser les préservatifs des imbéciles. L'auteur, XXX.)

Et d'autres, snobs: l'érotisme sadien, c'est quand même autre chose, Histoire d'O, bien mieux écrit. Chacun a son mieux: Sexus, c'est bandant un max! Lolita, pervers comme tout, c'est chou!

Qui se souvient cependant que toute cette littérature érotique a difficilement vu le jour entre 1945 et 1967. Censures, interdictions, procès, éditions clandestines, 68 a permis de déculotter les partisans de l'ordre moral, héritiers des ligues de moralité publique et autres inquisiteurs. Et hop! un bras d'honneur pour les censeurs! Vive l'érotisme rose, soft, hard, noir! (Mon héros, je l'imagine Scorpion, signe placé sous l'influence du sexe et de l'anus. L'auteur, XXX.) (Heureusement que la censure reprend du poil de la bête pour protéger notre belle jeunesse de le lubricité, da la vulgarité, de la pornographie, de la moquerie, de la provocation. J'apprends avec satisfaction que les juges viennent d'interdire L'Os de Dyonisos de Christian Laborde et qu'un proviseur de lycée ne veut pas que La pornographie de Witold Gombrowicz pénètre dans sa bibliothèque. Enfin des gens à rebrousse-poil des adeptes d'à poil. J.Cl.G.) (Je relève avec perversité que les fléaux dénoncés par J.Cl.G. sont du féminin. J.Cl.G. a-t-il peur de la femme? L'auteur, XXX.)

Troublé par tant d'opinions contraires sur Emmanuelle, je veux en avoir le coeur net. J'ai 28 ans. Je suis encore puceau. L'érotisme libérateur, ça me tente. Je veux la connaître.

Elle, une parmi le monde, ce 4 juin 1968. 18 ans. Nue. Belle. Je suis saisi par l'impression de bonté qui émane d'elle. La beauté d'émail du visage s'oublie dès que l'engouement la gagne. L'on n'a plus envie de dire: comme cette fille est belle! mais: comme elle a l'air sympathique.! Je pense même: comme elle semble heureuse! Elle est célèbre. Un mythe vivant. Personne ne se souciant de l'auteur d'Emmanuelle. Chacun rêvant de faire l'amour à cette fille conçue pour satisfaire ses fantasmes et désirs.

 

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Aussi l'auteur vit-il depuis dans l'anonymat. L'auteur de cette héroïne érotique, créateur d'un mythe dont personne ne sait ce qu'il durera, les métamorphoses qu'il connaîtra car d'autres s'en saisiront - les uns pour l'abaisser, les autres pour l'élever - a doublement raison de rester dans l'ombre:
1. Le public lui préfère son héroïne si souple à l'emploi et jamais décevante quand la réalité trop raide l'est souvent,
2. en restant anonyme, elle interdit tout passage à l'acte sur elle, ses rêveries à bâtons rompus pouvant devenir verges réelles pour se faire battre ou tous autres usages; elle renvoie chacun de ceux que son héroïne met debout, à genoux, ou toute autre posture, à l'usage qu'il veut faire, peut faire de l'énergie qui réveillée en lui ne demande qu'à jaillir; elle le renvoie donc à son auto-érotisme, son onanisme, son narcissisme; apprends à t'aimer avec Emmanuelle afin d'aimer femme réelle! nous dit Emmanuelle Arsan.

 

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L'auteur anonyme a très vite compris qu'il n'a pas à se mêler de l'usage que les uns et les autres font de son héroïne qui devenue mythe par son immense succès lui échappe, qu'il n'y a pas un bon usage, une bonne interprétation d'un mythe, que tout mythe est protéiforme et polysémique.

Cela dit, le succès d'Emmanuelle ne suffit pas pour en faire un mythe. Si elle est l'oeuvre au noir de son auteur, si elle a donné corps aux attentes de ce temps, elle a aussi pris corps dans l'histoire des mythes de l'amour, distante avec Yseut et Juliette, intime de Sappho et de Bilitis. Quant à son aventure, elle a les caractéristiques - en 68, on disait la structure - de toute aventure mythique telle que les a dégagées Joseph Campbell: un héros s'aventure hors du monde de la vie habituelle et pénètre dans un lieu de merveilles surnaturelles; il y affronte des forces fabuleuses et remporte une victoire décisive; le héros revient de cette aventure mystérieuse doté du pouvoir de dispenser des bienfaits à l'homme, son prochain; le monde fabuleux que tend à découvrir le héros moderne étant l'homme, cet étranger à lui-même. Emmanuelle est une héroïne de notre temps, un mythe pour notre temps, exploratrice d'Eros et d'Agapé: - Tu es mon amant dit-elle à Bruce. C'est parce que je t'aime. N'importe qui n'est pas mon amant. Mais il est plus difficile encore d'être mon mari. Et il est encore mieux d'être mon mari. Tu ne me connais pas depuis très longtemps, je sais. À peine un mois. Je n'ai pas besoin, moi, d'un siècle pour savoir qui je peux aimer. Mais pour toi ce n'est pas si commode. Il n'y a pas que moi à connaître. Il y a tout ce monde, cette maison. Et même d'autres gens qui ne sont pas ici et m'importent autant que ceux qui m'entourent. Je te demande peut-être un peu trop - nous livrant le mot de la fin: J'aime! J'aime! J'aime! Sans qu'aucun de nous puisse dire à qui ce cri s'adresse ni quel est son objet, libre par suite de décider de son destinataire et de son projet. Ce mot, ce cri de la fin nous ouvre à l'amour libérateur. Mais, et cela participe aussi du mythe, ses effets ne peuvent être que divers et contradictoires. Nous libère-t-il de l'amour exclusif, possessif, de la jalousie et de l'ennui, du mariage et de la fidélité, de la morale bourgeoise, nous libère-t-il de nos envies d'aventure, de romance, de passions entretenues par ces livres et films que nous consommons à la recherche de risques exaltants, de jouissances inédites, d'extases, cultivant nos illusions de liberté et de plénitude, nous libère-t-il de cette opposition plus ou moins neutralisée, dégradée, héritée d'une histoire assez récente - celle de l'amour et de l'Occident - ?

- Bonjour. Je vous aime. Je vous ai écrit quelques poèmes.(Mon héros doit vous paraître vieux jeu puisqu'il y a belle lurette que l'on ne fait plus de déclaration d'amour. Il choisit de décider d'aimer plutôt que de tomber amoureux. Amour-action opposé à amour-passion. L'auteur, XXX.)

- Tu choisis de m'aimer. Moi aussi. Je ne veux t'obliger comme tant de filles soi-disant libérées, au cérémonial du flirt romantique, hérité de l'amour courtois. Je suis femme et renonce aux caprices de l'idole qui veut être priée, adorée et ainsi supplicie, fait brûler de désir qui la désire et veut la connaître. Etre aimée de toi ne m'autorise aucun pouvoir sur toi. Je renonce au plaisir de te faire souffrir pour partager ton désir de me faire plaisir. Dénouant la chaîne du malheur, nous rendons possible la grande danse du bonheur.

Elle rit de plaisir, donne un baiser à la ronde, à tout le monde, sans distinction de sexe, de grade, de classe, de race. Grande embrassade. Joyeuse sarabande. Bonheur. Mes 28 ans ne savent où donner des lèvres pour ces multiples baisers.

Daniel - DCB rappelez-vous! - lut un de mes poèmes au mégaphone. Le poème devint célèbre. Une strophe est restée longtemps dans toutes les mémoires jeunes. Ceux qui la chantaient ignoraient que je l'avais écrite pour elle. Ils se l'appropriaient. J'étais content. (Des gens du Show-biz m'ont fait remarquer qu'ayant négligé de la déposer à la SACEM j'ai perdu une fortune.)
Son titre:

 

Mite pour mythe
se monter un bateau
et (ou)
monter en bateau

La fille que j'annonce
est fille de grand vent
porte tout dans ses flancs
à rien ne renonce.
Elle va et vient
de toi à moi
pour lui avec nous
sans séparer rien.

Fille d'Aphrodite
soeur de Sappho
ouvre aux grands parcours
nos amours de rêves
loin des labyrinthes
où nous nous perdons
pour oublier Ariane
cousue de fil blanc!


Ce jour-là je devins un des amants, inexpérimenté mais imaginatif, d'Emmanuelle. Je suis rentré chez moi - une chambre d'étudiant - en face de la Bourse où plus personne ne jouait. La vue du nu, les multiples baisers, ça m'avait formidablement ému. J'avais envie d'être soulagé. Les doigts serrés d'Emmanuelle montaient et descendaient, moins timides à mesure que la caresse se prolongeait, tour à tour étranglant la chair tumescente ou relâchant son étreinte, frôlant à peine la muqueuse ou la harcelant, massant à grands mouvements de poignet ou agaçant à petits coups sans merci. Emmanuelle reçut, avec une exaltation étrange, le long de ses bras, de son ventre nu, sa gorge, son visage, sur sa bouche, dans ses cheveux, les longs jets blancs et odorants que dégorgeait enfin le membre satisfait. Épuisé mais libéré, je me suis endormi. (Je pense que le lecteur doit comparer cette description bandante et égouttante avec n'importe quelle scène érotique et ragoûtante d'Emmanuelle: Oubliant ses résolutions, elle resta longtemps clouée à son pan de balcon. Elle découvrit un nouveau langage de signes dont elle n'avait jamais auparavant pressenti la possibilité. L'indiscrétion de cette langue végétale était plus lascive encore que ne l'est celle des mains qui parlent. Emmanuelle apprit ainsi à lire dans l'ondulation suggestive des inflorescences les souffles du plaisir qui leur venaient d'en bas. Les succions d'air et les goulées qui faisaient dialoguer les corolles sur leurs longues queues et qui vidaient les étamines de leur pollen énonçaient avec une silencieuse impudeur l'audace carnivore des amants cachés. Note de J.Cl.G.) J'avais vécu avec Emmanuelle dans la Licorne envolée, ce berceau ailé loin de la surface de la terre, une expérience heureuse, une nouvelle façon de s'aimer. Il m'avait suffi de me laisser aller aux délices de l'abandon, comme elle, pour que les fantasmes accourent, m'ouvrant la voie de l'aventure. Je venais de faire l'expérience que l'art et l'amour se rejoignent en ceux qui se masturbent pour que leur arrivent des histoires moins répandues et plus belles que celles qu'ils trouvent dans les livres et les revues. (Je ne cautionne pas du tout cet éloge grandiloquent - débilitant - délirant de la masturbation qui, dois-je rappeler, rend sourd. Je conseille aux mamans de 1989 l'attitude d'Éléanor, la femme du président Franklin Roosevelt qui liait les mains de sa fille âgée de 3 ans au rebord supérieur de son berceau pour l'empêcher de se masturber. Plus tard les liens de soie furent remplacés par des constructions métalliques fixées aux mains de l'enfant comme des gants de boxe à machicoulis. La petite Anna prétendait que c'était de petits château-forts et que les gens glissaient un oeil à travers les meurtrières de leurs murailles. J'ai trouvé cette information édifiante dans The New York Review of Books, Vol.XXXVI, Number 18, de novembre 1989. Note de J.Cl.G.) Par fatigue, je ne suis pas entré dans son Vert paradis où elle m'aurait fait jouir de 1.000 manières toutes érotiques, me faisant aimer l'amour.

Le lendemain, heureux d'avoir découvert que je pourrais dorénavant être un artiste de l'amour en me masturbant de 1.000 et 1 façons, j'ai adhéré pour changer la vie à un des partis se réclamant de Trotsky. (Mon héros est un idéaliste. L'auteur.) (Les idées douces et généreuses des idéalistes sans pouvoir deviennent les idées féroces et sanglantes des totalitaristes au pouvoir. J.Cl.G.) (Les notes de J.Cl.G. dénotent sa soumission aux modes intellectuelles et son impuissance à penser. La notion de "totalitarisme" n'est pas un concept mais une notion idéologique produite pour poser sans avoir à la définir la notion de "démocratie". Il suffit grâce à ce tour de passe-passe d'affirmer que la démocratie est le contraire du totalitarisme comme la civilisation est le contraire de la barbarie. Cette dénotation sans définition justifie la très pratique connotation: "bonnes" démocraties de l'Ouest - pays de libertés et d'initiatives - opposées aux "mauvais" totalitarismes de l'Est - pays d'oppression et de servitude volontaire. Mais à la mi-novembre 1989, J.Cl.G. doit bien voir que la notion de "totalitarisme" trop simpliste, mystificatrice, ne pouvait prévoir et ne peut rendre compte des événements qui secouent l'URSS et les pays de l'Est ni de ceux qui les ont secoués pendant toute l'ère stalinienne et brejnevienne. Mon héros a raison de préférer la lecture de Trotsky à celle de Glucksmann ou d'Afanassiev. L'auteur.) (Les notes de l'auteur dénotent son incapacité à sortir de la langue de bois et de la vulgate marxiste qui oppose capitalisme exploiteur et socialisme libérateur, dictature minoritaire des bourgeois et dictature majoritaire du prolétariat. Mais à la mi-novembre 1989, l'auteur doit bien voir que les grandioses réalisations du socialisme scientifique n'étaient que du vent, que les pays de l'Est veulent comme dit Glucksmann sortir du communisme pour rentrer dans l'histoire. L'échec économique du communisme est tellement évident que plus personne ne doute que l'avenir appartient au capitalisme. Comme ce mot a une connotation péjorative distillée par le marxisme, on lui substitue avec raison, aujourd'hui, le concept d'économie de marché, de libéralisme, qui permet de faire parler la vérité des prix par la liberté des prix. J.Cl.G.) Cela mérite une explication à posteriori. Je la propose bien que sachant quand on prétend y voir clair, qu'en réalité on s'aveugle. À 28 ans, j'étais encore étudiant, et toujours puceau. Ethnologie, sociologie, psychologie et philosophie (des disciplines reines, aujourd'hui peu recherchées), cela prend du temps et c'était passionnant. Avec les professeurs que j'ai eus et que j'ai plaisir à nommer: Roger Bastide (Les religions africaines au Brésil), Lévi-Strauss (La pensée sauvage), Balandier (Afrique ambiguë), Leroi-Gourhan (Le geste et la parole), Henri Lefebvre (Critique de la vie quotidienne), André Martinet en linguistique, Roger Martin en logique, Guilbaud (Le raisonnement mathématique), Rougier (Traité de la connaissance), Éric Weil (Logique de la philosophie), Ricoeur (De l'interprétation), Marcel Conche (Pyrrhon ou l'apparence, publié aux éditions de Mégare - Villiers -sur -mer - Calvados)... De quoi se poser toutes les apories du monde en découvrant la diversité des coutumes, des valeurs, des visions du monde, mais aussi la possibilité - nécessité d'universaux, de valeurs moins relatives, en découvrant l'histoire, selon des rythmes très différents, des changements mais aussi l'existence de résistances et de permanences. De quoi avoir d'intenses et durables envies d'amour libre car comprendre, essayer, comparer, choisir sont bien des manifestations d'amour libre. Ces hommes et ces livres m'ont mis en appétit. Et je n'aime depuis que les livres qui me dilatent. Autant dire que je ne lis aucun des livres rapetissants des grandes surfaces. Mes livres, je les trouve sous le manteau. Ils ne sont jamais présentés à Apostrophes. Je ne regarde donc pas cette émission pornographique et voyeuriste. D'ailleurs, je n'ai pas la télé. J'ai vite compris qu'avec elle je perdais mon temps, ne pouvais faire l'amour qu'à la va-vite et vivre ma vie au ralenti puisqu'elle n'existe que pour nous sucer tous ensemble, confisquer l'énergie créatrice. Au vide sanitaire, la mamelle planétaire pour infantiles à perpétuité!

Nous comparant aux Bororo, je me sentais étriqué dans mon corps vêtu et non peint. Nous comparant aux Kwatiutl, je préférais leur société du potlatch à notre société du profit. Nous comparant aux Muria, je nous trouvais en retard de 1.000 ans pour l'éducation sexuelle et sentimentale. Mal dans ma peau, mal dans ma société, mal dans mon époque mais n'étant ni Bororo, ni Kwatiult, ni Muria, je me devais d'agir. Autant agir pour tout bouleverser, pour la révolution permanente et mondiale. J'étais mûr pour rencontrer Trotsky. Aujourd'hui je me droguerais peut-être d'une des multiples manières proposées sur le marché. Je préfère avoir choisi le mythe-révolution qu'avoir été choisi par la drogue. Au pavot, j'ai préféré le pavé.

Nous étions cinquante au Parti et l'avenir du monde était entre nos mains. J'y ai consacré treize ans de ma vie, toujours un pas en avant des masses, et jamais trois, le temps d'aider les masses à porter au pouvoir, parce qu'elles ne pouvaient pas trouver mieux, le socialiste Mitterrand. Dures années passées à combattre pour transformer le monde et changer la vie. Je voulais changer la vie pour que le canot de l'amour ne se brise pas contre la vie courante. Je ne voulais pas avoir à écrire comme le poète-tocsin: L'incident est clos. Je suis quitte avec la vie. Inutile de passer en revue les douleurs, les malheurs et les torts réciproques. (Transformer le monde, changer la vie: belles expressions, faciles à dire, difficiles à réaliser. Mythes générateurs d'apories: on combat pour changer la vie, mais on néglige sa vie; les questions du mode de vie seront abordées après la révolution comme en Russie après 1917 jusqu'en 1927 - lire: Changer la ville, changer la vie d'Anatole Kopp -, en attendant on vit selon le mode de vie dominant et aliénant: le mode de vie bourgeois, individualiste et sexiste; beaucoup d'amour et d'énergie pour les autres devenus les masses et pendant ce temps peu d'amour et d'énergie, par fatigue, pour toi que je ne sais pas aimer. Mon héros, 20 ans après, n'est pas convaincu du tout que ce qu'il pense aujourd'hui est plus juste et plus lucide que ce qu'il pensait hier et pas convaincu du tout que les exécuteurs - ils sont légions - du mythe-révolution - dépassé et peu porteur comme ils disent - ont raison. L'auteur.) Enrichi par la réflexion et l'action de ceux qui nous ont précédés, m'appropriant l'histoire non officielle des luttes d'émancipation et de libération contre l'exploitation, l'oppression, l'obscurantisme, jamais je n'ai pris le parti en défaut dans l'action: toujours avec les exploités et les opprimés, toujours pour les causes justes et généreuses. (Ce discours de héros partisan est caractéristique du mythe-révolution: manichéen - bons et méchants -, excessif et mystifiant: les mots renvoient à des absolus dont l'évidence dispense de toute définition. J.Cl.G.) (voir ma note sur les notes de J.Cl.G. L'auteur.) Ce que j'ai appris sur le plan théorique, politique, historique, organisationnel a fait de moi un homme relié au monde et à son histoire, en prise sur le monde et son devenir, un homme exigeant dans l'analyse, efficace dans l'action. N'attendant pour l'analyse rien des journalistes médiatiseurs, pour l'action rien des politiciens à langue de bois, rien des publicistes à langue de vent. (Attention le héros monte en bateau pour sa traversée en solitaire.J.Cl.G.). Je gagne ainsi beaucoup de temps à ne pas lire la presse, ne pas têter la télé, ne pas fréquenter les vedettes de toutes tailles qui se croient indispensables. J'évite aussi coquettes sceptiques, cocottes cyniques, grenouilles bénites, autruches confites. Toutes les espèces de contemplatifs: téléspectateur bavard, sage silencieusement serein, drogué shooté, alcoolique givré, mystique illuminé, égoïste indifférent, lecteur du grand livre du mois, imbécile je m'en foutiste, rigolard impuissant, naturiste transi, mélomane averti. Et toutes les espèces d'hommes d'action: supporters de football, boldoristes, véliplanchistes, parapentistes, élasticomanes, pétaradomanes. Etc. Etc. Pour être relié au monde, profondément solidaire du monde, je suis volontairement devenu solitaire, choisissant celles et ceux auxquels je donne la main, avec lesquels je veux pour changer nos vies commencer par refuser bien des comportements majoritaires: PAP, crédit personnalisé pour l'auto à coefficient de pénétration nul, la cuisine ultra-fonctionnelle, le salon chic pour la vie, la télé multibranchée et les appareils audiovisuels télécommandés par l'électronique nipponne, (Le héros ignore tous des performances des micro-ordinateurs et il se croit en phase avec le monde. J.Cl.G.), voyages organisés, sorties-restaurants, spectacles à voir absolument, chefs-d'oeuvre à ne pas manquer, loto, tiercé, bourse, mode et gadgets, gaveries-beuveries de fin d'année, petits regrets éternels de Toussaint, commémorations sans mémoire. (Certes, je ne peux changer certains des aspects de ma vie, en particulier sur le plan des conditions matérielles d'existence mais je peux si je veux me trouver des niches - d'espace - et des plages - de temps - pour des activités qui me fassent du bien au sexe, aux sens, au coeur, à l'esprit.) (Le héros ne nous monte-t-il pas un bateau puisque tout en critiquant le mode de vie bourgeois individualiste, il vit de façon encore plus individualiste? J.Cl.G.).

En choisissant Trotsky, j'ai pu comprendre le balancement du flux de mai au reflux de juin c'est-à-dire pourquoi 10 millions de travailleurs en grève en mai ont repris le travail en juin pour des élections qui ont remis droite et patrons au pouvoir pour treize ans (Jusqu'à ce que le gauche adroit Mitterand gagne avec l'aide du parti - mais il se répète). C'était l'oeuvre des appareils bureaucratiques. (Mon héros aime les explications simples. L'auteur.) (Simplistes. J.Cl.G.)

(Pendant l'été 68 à Paris on trouvait sur d'innombrables étalages des textes marxistes, léninistes, trotskystes: Lambert - Krivine - Laguillier, maoïstes: différentes espèces avec grand succès du petit livre rouge, gauchistes: différentes sortes, spontanéistes, anarchistes, situationnistes, freudo-marxistes. À noter l'absence de textes communistes et socialistes. Les groupuscules comme les appelait le PC - l'actuel PS n'existait pas encore - ont produit de la théorie. Les grands partis n'en produisent jamais: c'est pratique quand la règle du jeu politique c'est l'opportunisme. Aujourd'hui on ne trouve plus aucun de ces innombrables textes qui permettaient de ne pas être déboussolés. Aussi je demande au lecteur de m'excuser si je ne peux lui expliquer ce que mon héros entend par "appareil bureaucratique". L'auteur.)

Mais avant de comprendre l'échec politique de 68, j'ai vécu ce printemps comme un grand mouvement de libération. Et d'abord de l'esprit. Des concepts ont connu là un usage massif: aliénation, réification, oppression, exploitation, lutte des classes, appareils stalinien et réformiste, bureaucraties syndicales, indépendance de classe, minorités agissantes, actions exemplaires, contestation, répression, récupération. (Voir ma note précédente.) Toutes les institutions étaient soumises à la critique: famille, école, entreprise, état, justice, médecine, urbanisme, armée, police, église... Rien ne résistait au dévoilement et à la démystification. Tout rapport de force était pointé. Mauvaise foi, justification, camouflage idéologique repérés et dénoncés. Pour transformer la société, pour changer la vie, il fallait d'abord critiquer, soupçonner, faire le procès de ce qui existait - des idoles, pas des hommes - avec pour seule arme, la lucidité: acuité du regard, précision du langage. (Le héros exagère. J.Cl.G.)

20 ans après, que reste-t-il de ces mises à nu qui n'ont pas été des mises à mort? Les institutions oppressives ont résisté à leur démystification. La famille dont personne ne doutait qu'elle était le lieu de l'exploitation de la femme et de l'oppression de l'enfant, je ne sais par quelle opération du Saint Esprit, est redevenu foyer de chaleur humaine, lieu d'épanouissement. La preuve: on divorce de plus en plus, l'union libre se répand, pères ou mères célibataires se multiplient, la femme émancipée qui a métier - foyer travaille plus de 70 h par semaine. L'école a cessé magiquement d'être le lieu de la reproduction des inégalités socio-culturelles pour retrouver tout aussi magiquement sa vocation de démocratisation par l'égalité des chances et l'ouverture sur la vie. La preuve: en l'an 2000, 80% d'une classe d'âge aura le bac puisque l'illétrisme se développe et que l'ignorance se répand. L'entreprise n'est plus grâce aux sorciers de la finance le lieu de l'extorsion de la plus-value. Elle est redevenue grâce au miracle économique l'outil indispensable au progrès social. Nous n'avons plus le patronat le plus bête du monde. Nous avons des chefs d'entreprise à l'esprit entreprenant, animés par la volonté de gagner. La preuve: les licenciements, les reconversions, les dérèglementations diverses, la régression du pouvoir d'achat, le développement du chômage. L'État n'est plus grâce à la transparence médiatique au service de la classe dominante. Il est redevenu par le pouvoir de la télé, démocratique, soucieux de justice sociale. La preuve: les gens ne font plus la différence entre politique de droite et politique de gauche, les uns gouvernant comme les autres, et l'abstention augmente. (Le héros se moque de nous. J.Cl.G.)

Que s'est-il passé? Les outils du soupçon ont été discrédités, les théories émancipatrices traitées d'idéologies, de mystifications, de vieilles lunes. Le marxisme ignorait qu'il était un messianisme hérité du mythe du paradis terrestre et porteur de totalitarisme. Le freudisme, qu'il était un anarchisme ouvrant la porte à tous les dérèglements et débordements érotico-sexuels et responsables du déclin de l'Occident. L'époque ne veut plus de théories, ce sont toujours des idéologies. Plus de projets, plus de programmes. On fait la politique du coup pour coup au coup par coup, la politique du comme-partout-ducon-partout, du petit pas en avant - deux grands pas en arrière. On navigue au jour le jour, on évite les écueils, on oscille d'un bord à l'autre - ce n'est même plus de Charybde en Scylla -, on balance un peu à gauche - pas mal à droite. On prône l'ouverture et le consensus, on marie laïcité et tolérance et c'est Jeanne d'Arc contre Mahomet. On parle de partenariat, de pacte social et c'est l'enculage généralisé avec les appareils syndicaux comme adoucisseurs. On proclame l'état de droit et tout le monde, à tour de rôle, doit descendre dans la rue pour faire valoir ses droits. On tonitrue avec les droits de l'homme et les passe-droits sont à la barre. On déclame la transparence et on parle les doubles langages. (Le héros fait de l'ironie. Mais le réalisme politique, c'est changeant, excitant. Il devrait être content J.Cl.G.) (C'est tellement changeant que c'est toujours pareil. Quand on ne veut pas changer les structures, on dit vouloir changer les mentalités. L'auteur.)

N'empêche que les gens en place, ceux qui ont le pouvoir et l'argent ont su récupérer les théories émancipatrices. Les politiciens indifférentiables savent se servir pour leur usage du marxisme. Et les publicistes, du freudisme. (J'aimerais que le héros donne des exemples J.Cl.G.)

Évidemment, un tel renversement n'est pas sans effets. Les hommes d'action sont devenus hommes de dérision. Les hommes de révolution, hommes de participation et de co-gestion. Ceux qui avaient du bonheur à perdre sont des gagnants à tout prix. Les baudelairiens sont devenus borgésiens (c'est proche alphabétiquement, voisin phonétiquement mais sémantiquement pas du pareil au même). Ceux qui se servaient de leur tête prennent leur pied. L'humour a remplacé l'esprit. (L'auteur anonyme d'Emmanuelle, ayant lu mon brouillon, m'a gentiment renvoyé au Robert pour que je relise les définitions du mot "humour". Il a raison. En 1989, on a perdu l'esprit et le sens de l'humour. L'auteur.) On ne cherche plus du nouveau, on collectionne de l'ancien. C'est le temps de l'esbroufe, de l'épate, du faux-semblant, du kitsch. Le temps du bon temps. Modes et mondains font la mode et le monde. Le monde joue. Au tiercé, au loto, à la Bourse. Les petits s'assurent leurs 8-9% l'an. Les malins qui connaissent les bons FCP jouent à 300 % l'an. Les gros spéculent sur les oeuvres d'art protégées par des vigiles vigilants armés jusqu'aux dents.

N'ayant pas la qualité essentielle de l'époque: la souplesse d'adaptation, je n'ai pas réussi à m'adapter. Je n'ai pas changé de mentalité, seulement d'activité. Peut-être parce que je sais qu'il y aura d'autres retournements. Bien sûr, à l'échelle d'une vie, les rythmes sont lents, l'impatience grande, la déception fréquente. Déjà 16 ans de Pinochet au Chili. 23 ans de droite avant l'arrivée de son contraire - identique, la gauche, en France. 28 ans pour faire tomber le mur de Berlin. 40 ans pour être débarrassé de Franco en Espagne. 70 ans pour une pérestroïka en U.R.S.S. et 40 dans les pays de l'Est. Mais qui en doute: Pinochet passera, les assassins séniles de Pékin tomberont, l'apartheid sera aboli, la dette des pays sous-développés annulée. (L'auteur introduit ici subrepticement une entité mythique tombée en désuétude: le sens de l'histoire. J.Cl.G.) À l'échelle de l'histoire - qui reste encore une petite échelle - les surprises sont plutôt bonnes dans l'ensemble: je suis devenu plus grand, je vis plus longtemps et en meilleure santé, je passe plus de temps avec mon amour, je voyage facilement, j'ai l'électricité, je ne travaille pas beaucoup, je me fais souvent plaisir. En attendant sans impatience et sans désenchantement un prochain retournement, j'agis différemment avec le même esprit sans avoir l'impression de retourner ma veste. J'agissais pour le grand nombre, les masses qui n'ont rien à perdre et tout à gagner, j'agis avec un petit nombre d'artistes pour un petit nombre d'amateurs. J'agissais pour la révolution par nécessité et conviction. J'agis pour l'art par plaisir, for love. Je ne cherche pas à faire des coups médiatiques n'ayant pas souvent l'occasion de prendre des Bastilles ou des Palais d'Hiver. J'initie des aventures de l'esprit persévérantes, discrètes, sans souci d'exemple ou d'influence.

(La modestie de mon héros m'oblige à dévoiler aux lecteurs que je l'imagine animant un petit lieu de création théâtrale -un art qui se porte plutôt mal- et une petite collection dont la presse ne parle jamais -il ignore ce qu'est un service de presse. Il est aussi parfois poète, à ses frais. L'auteur.) (J'ignore par quel processus l'auteur peut transformer un trotskyste en un artiste. J.Cl.G.) (Parce qu'être révolutionnaire et être poète consistent à ne pas vouloir ressembler, ne pas vouloir continuer, dire non, défier le monde tel qu'il est, en façonner un autre au goût de l'homme. L'auteur.)

J'ai tendance à ne m'intéresser qu'aux gens discrets, oeuvrant en ignorant les médias. C'est pourquoi j'ai redécouvert l'auteur anonyme vingt ans après l'avoir perdue de vue, quand son petit livre bleu a été réédité sous couverture blanche. (Je m'excuse de vous l'avoir fait perdre de vue depuis quelques pages déjà pour vous parler de 68, nous et moi mais c'est le même sujet qu'Emmanuelle, nous et moi)

 

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En 68, je n'étais pas allé au-delà du chapitre 1. Comme beaucoup de gens, j'ai ensuite vu le film: Emmanuelle 1. Je l'ai vu à l'époque où des milliers et des milliers d'espagnols venaient à Perpignan voir ce film et triompher dans les salles obscures de Franco et de sa censure. Ca m'a permis de rester jusqu'à la fin de ce film fade. Je n'ai pas vu les autres.

Je m'en rends compte maintenant. Malgré mon esprit critique et mon goût pour la poésie, je n'ai pas su lire Emmanuelle. Varier partenaires, positions, plaisirs, me paraissait sans rapport essentiel avec changer la vie, changer l'amour. Pour moi, l'avenir de l'amour ne dépend pas de la position des corps au cours de l'étreinte mais de celle qu'occupent les amants dans la société évolutive qu'ils tentent de former entre eux. Il dépend également des rapports d'intérêt et de compréhension que la société des amants réussit à établir avec le reste du monde. J'avais été mystifié par le discours dominant sur Emmanuelle, peu soucieux d'aller vérifier par moi-même s'il s'agissait d'autre chose que de faire l'amour comme ça nous chante, nous enchante. Mystifié par le discours pornographique tenu sur un livre érotique.

J'ai donc lu d'Emmanuelle Arsan: Emmanuelle (La leçon d'homme), Emmanuelle (l'anti-vierge), Les enfants d'Emmanuelle, Toute Emmanuelle, Mon Emmanuelle leur pape et mon Eros, Les soleils d'Emmanuelle, L'hypothèse d'Eros, Nouvelles de l'Erosphère, Laure, Sainte-Louve. Lu en amoureux, dans le plus beau désordre. Sensible à la constance des thèmes, la permanence des idées, la précision des dialogues, la puissance de l'imagination, la fantaisie des situations et des descriptions, la qualité de l'écriture. Découvrant, en surmontant un préjugé, une oeuvre: beauté et cohérence, répétition et dépassement, état du monde et création de mondes, témoin du temps et utopie. Une oeuvre parce qu'il y a auteur et héroïne non dissociées, oeuvre sincère marquée par une vie et une pensée mêlées. Oeuvre de bonheur à l'érotisme rayonnant donnant chaud et faisant du bien. Emmanuelle n'est pas une fille ennuyeuse. Elle est intelligente. Elle a du coeur. Elle est belle et bonne. L'oeuvre est source de vie favorisant mouvement et changement, source de connaissance aidant à la prise de conscience lucide de ce qui nous limite sans raison et de ce qui nous est possible en le voulant.

Avec Emmanuelle, nous voici sans faute originelle sur une terre présente, engagés dans une recherche éperdue de bonheur, de plaisir, transgressant tous interdits et tabous sans peur et sans reproche, recherche grandie aux dimensions du cosmos, disant l'infini du désir par le nombre, l'espace, le mouvement, le temps, recherche démentant le sacré et déniant le tragique, s'appuyant sur l'art et la science qui nous bousculent et nous déroutent.

Lire Emmanuelle, c'est bander de temps à autre: réveil du désir, envie de jouir; c'est avoir à réfléchir: peut-on passer du rêve au réel et comment? ; c'est faire l'expérience de la facilité à soulever le poids des culpabilités héritées: me masturber, ce n'est plus mal, c'est bon tout simplement; c'est retrouver plus vives des énergies retenues, contenues, bridées, brimées; c'est découvrir de nouvelles sensations, aiguiser les anciennes, recommencer à oser, chercher l'usage heureux de mes envies et désirs, l'usage poétique de ma parole et de ma pensée pour donner vie et forme à ce que je vis, le mettre en lumière et ajouter à mon plaisir celui du spectateur du tableau vivant que je lui donne à lire; c'est comprendre que ce qu'on appelle amour est un jeu si corrompu par ses contradictions logiques qu'il est devenu l'instrument de nos apories et que le véritable amour quittera les îles imaginaires où il patiente quand nous voudrons individuellement et collectivement nous donner la chance de vivre intelligemment et heureusement notre brève histoire du temps. Qand je lis Emmanuelle, c'est la débandade et l'ennui si j'en reste à l'apologie de l'amour physique et des libertés qu'il doit prendre, c'est le 7° ciel et la joie si je partage sa conviction que l'amour est l'aile du monde et que sans lui notre terre est atterrée. À chaque lecteur de faire l'usage qu'il veut et peut de ce mythe qui se prête à de multiples interprétations et usages. L'immense succès de sa lecture passivement à plat par les post-soixante-huitards a été pour moi un obstacle à la lecture active et plurielle que j'ai pu en faire récemment. (Le héros fait sans doute une analogie avec les degrès de la connaissance exposées par Platon aux Livres VI et VII de La République. J.Cl.G). Et qui m'a redonné l'envie de faire l'amour.

 



C'est le 4 juin 1988 que j'ai osé aborder Haydée, la fille d' Emmanuelle qui lui a donné ce prénom en pensant au film de Rohmer: La collectionneuse.
88. Plage de Méditerranée. Le soleil au Zénith.
Peu de monde: ceux et celles qui aiment rêver face au grand bleu. J'en suis. Pas au-delà de fin juin. Après je laisse la plage aux foules. (Masses et foules sont des notions distinctes. L'auteur.)

Elle, à l'écart, rêvant de miettes de lumière dure devenant grains de sable doux. 16 ans. Maillot sexy. Belle. Sourire ensoleillé.

Moi, 48 ans, troublé. Peut-être la nostalgie d'Emmanuelle. Sans doute un des effets de ma lecture par degrés: si la vie était répétition, si la fiction devenait réalité, moi - Lorenzo ou Mario, elle - Alexandra ou Orange. (Je n'ai pas trouvé à quoi l'auteur fait allusion. J.Cl. G.)

- Bonjour. Je vous ai écrit quelques poèmes.
Je vous aime.
Elle ne rit pas, me regarde avec cette moue à la mode qui la maquille de hauteur feinte, de froideur maussade et blasée, d'inaccessibilité et de déplaisir vague. (Mais je sais d'intuition que sous ce masque décourageant, il y a celle qui peut naître à terme, la plus belle des Haydée possibles, née de mon amour.)
Elle remet les choses à leur place:

- Je résiste à ceux qui m'aiment. Moi, je ne vous aime pas.

- Je ne te réclame pas mon amour pour t'obliger à m'aimer en retour. T'aimant, je suis capable d'accepter de ne pas être aimé de toi, de renoncer à tout jeu pour te séduire et te conquérir. T'aimer c'est vouloir être moi, n'être que moi, être vrai et n'attendre rien de toi, n'avoir aucun projet pour toi, au risque de te perdre puisque je ne veux pas te gagner. Etre aimée de moi ne te donne pas davantage pouvoir sur moi pour me faire souffrir à me faire attendre. Car ne voulant rien pour toi, pas même ton bien, je ne peux me faire mal en t'en voulant de ne pas répondre à mes attentes. Ce n'est pas indifférence. C'est être irradié par tout ce qui me vient de toi et d'abord par ton existence que tu sois présente ou absente. Pour t'aimer, je n'ai pas besoin d'entendre ta voix, de lire ton écriture. Je n'ai besoin ni de rêves, ni de souvenirs, pas même une photo, pas même une image dans ma mémoire. Il me suffit d'un nom. A n'être que moi, à ne vouloir rien pour toi, tu peux être toi avec moi, en ne voulant rien contre moi. En renonçant à prendre plaisir à me faire souffrir, à gagner sur moi, tu cesses de te perdre. Je t'offre un amour à construire, pour nous éduquer, nous grandir. Faisons l'économie du Moyen Age à la veille de l'an 2000. Ne sois pas la fille du tout ou rien. Au plus, ne réponds pas par le moins. C'est nul. Réponds au chaud par le chaud et non en soufflant le froid, au doux par le doux, non par le dur, à la parole d'amour par la parole d'amitié, non par le silence du dédain. Ainsi commencent les relations vraies et justes, durables et fidèles - même s'il n'y a pas réciprocité: elle n'est plus nécessaire puisqu'il n'y a plus d'attentes sources d'ambiguités, d'équivocités, de souffrances. Moins de violence dans le monde.
Chaleur-bonheur pour nous et ceux qui se réchauffent à nous regarder:


Je t'aime parce que tu existes
que tu as été mise en travers de mon chemin
que je peux te regarder jusqu'à ravissement
être souffle coupé par ta beauté
déchiré par l'essentiel détail
ce mouvement d'oiseau de ta main
pour chasser les cheveux de tes yeux.
Pour cette douceur-douleur
te respirer te contempler
qui dis-moi dois-je remercier?


Elle parcourt mes poèmes comme s'ils ne s'adressent pas à elle, me les prend sans un merci. (Mais je sais qu'elle va les lire souvent, s'en nourrir, loin de moi.)

Je suis devenu l'amant platonique d'Haydée, la fille d'Emmanuelle. L'une m'a enchanté. L'autre m'a fait chanter. La vie est répétition-contradiction. (Le héros pense sans doute à la dialectique de Hegel-Marx, non à celle de Platon. J.Cl.G.) Haydée a collectionné les amours romantiques. Emmanuelle se doutait-elle que la fiction inverse de la sienne deviendrait réalité? (Le héros pense sansdoute au jeu de l'inconscient selon Freus et Lacan. J.Cl.G.) La belle me voyait de temps en temps pour me parler, moi l'écoutant et la chantant sans que jamais je la baisasse ou qu'elle me baisât. Cela a duré un an jusqu'à ce jour où elle me dit:

- Hypocrite, tu aurais obtenu davantage de moi. Nous sommes quittes.

Devais-je entendre: "Si tu veux que je te baise, ne me dis pas que tu veux me baiser. Par esprit de contradiction, et par respect de l'unité des contraires, mon désir est le contraire du désir de l'autre. Dis le contraire de ton désir et mon désir sera ton désir."? De quoi embarquer dans la nef des fous.

J'en suis resté pantois. Pends-toi me conseillait le masochiste qui s'agite en nous. J'ai pensé à la dernière lettre de Maïakovski, écrite avant le coup de révolver. Je l'ai quittée. Pour tuer mon envie d'elle. Et rester sur terre. En vie. Sans aile.

Poète je transformerai un jour ma souffrance en beauté - les plus beaux chants seront-ils toujours désespérés - pour que d'autres, si cela leur chante, commencent une autre histoire que la nôtre avec les mots vrais que je tirerai de nos maux sans nécessité et qu'ils portent cette histoire, s'ils le peuvent vers les rives heureuses:

 

Elle ne fut port
ni havre refuge ou maison
pas même bivouac ou campement
abri précaire
cahute lacustre
radeau de misère
Elle fut flambée d'artifices
une nuit de solstice d'été
cheveux de nuages !
un soir de mistral radieux
Elle fut corps de neige fondante au soleil
château de sable effondré par la vague
Elle fut robe blanche sur lit défait
collant noir dans fauteuil profond
maillot bleu sur parquet ciré -
et moi que faisais-je dans ces décors?
Elle fut mutisme d'enfer confidence d'ange
mépris de béton élans d'enfant
Elle fut poignard incisif mouchoir de soie
lame tranchante ouate délicate
Elle fut source et sel
fiel et miel
devint cendre et diamant
Eurydice de rêve

pour lyre d'Orphée
et (ou)
Elle me fut port
havre refuge et maison
bivouac et campement
abri précaire
cahute lacustre
radeau de misère
Elle me fut flambée
d’artifices
une nuit de solstice d’été
en Crète
cheveux de nuage
un soir de meltèmi radieux
Elle me fut corps de neige
fondant au soleil de l’Olympe
château de sable
effondré par la vague d’Égée
Elle me fut robe blanche
sur lit défait
collant noir
dans fauteuil accueillant
maillot bleu
sur parquet ciré
et moi que faisais-je
dans ces labyrinthes ?
Elle me fut mutisme d’enfer
confidences d’ange
mépris de grande
élans d’enfants
Elle me fut poignard incisif
mouchoir de soie
lame tranchante
ouate délicate
Elle me fut source et sel
fiel et miel
me devint cendre et diamant
Eurydice de rêve
pour lyre d’Orphée

 
 

Je suis allé voir Emmanuelle pour comprendre:

- Tu crois comme moi que l'amour qui justifie, bêtifie, permet toutes les vacheries et toutes les complaisances, nous devons nous en délivrer parce que faire l'amour ainsi c'est se faire la guerre, se mettre à mort et qu'il faut donc créer, inventer le véritable amour déjà rêvé par poètes et lesbiennes et qui permettra de vraiment faire l'amour - (une lecture active et plurielle de l'expression "faire l'amour" est indispensable). A dire, cela paraît smple. A inventer et à vivre, cela n'a pas l'air si facile. L'amour n'est pas un délassement. C'est une tâche et de toutes, la plus rude, m'a appris Bilitis. L'érostisme comme art, l'amour comme science, c'est un mythe. Entends-le comme tu peux! (Faut-il entendre que pour qu''il y ait mythe, il faille idée équivoque, que le mythe alors n'est que de l'ordre du discours se prêtant à l'interprétation, se refusant à la pratique? ou pour que le mythe soit facile à vivre, il doive exprimer une idée smple? Dire qu'Emmanuelle est un mythe, est-ce dire qu'on ne peut devenir Emmanuelle? mais imaginer Emmanuelle, n'est-ce pas déjà la faire exister et lui faire exprimer les attentes de son temps et de tout temps?).

Choc. Je venais de comprendre que chaque matin, chacun est confronté, à un double but, l'un de se saisir, se réaliser, se libérer - la lucidité, la maturité d'Emmanuelle, son érotisme, - l'autre de rester inachevé, immature - l'insouciance, la nonchalance, la jeunesse d'Haydée, sa pornographie.

La plupart des hommes de ce temps choisissent Narcisse. Ceux d'il y a 20 ans choisissaient Prométhée. Et moi? Qui être? Qui choisir? Emmanuelle, volontaire, travaillant avec passion à avoir le coeur net ou Haydée, velléitaire, vivant dans la confusion de ses sentiments? Moi, lyrique avec l'une, épique pour l'autre? (L'auteur a inversé les adjectifs. J.Cl.G.) (J.Cl.G. n'a rien compris. L'auteur.) Mon coeur les a choisies toutes les deux. Je les aime différemment, gai et profond avec l'une, triste et léger avec l'autre. Erotisme et pornographie: un jeu qui se joue au millimètre près.

L'auteur, XXX
 

 

Poèmes d'amour pour 14 février et tous les jours de toujours/JCG

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Ce 14 février 2014, elle aurait eu 66 ans.

 

Dans le noir, on entend des rafales de vent, des hurlements et chants de loups

Dans le silence et le noir, on entend 

une voix de jeune fille, pure, douce, affirmée, sans hésitations :

 

Mon p'tit chat ! attends mon p'tit mot !

J'attends le transsibérien. Tu m'attends mais je ne sais rien de là où tu es, où je vais. La vie m'attend aujourd'hui, cuisses ouvertes. Si tu veux savoir où tu es dans mon corps et dans mon cœur, ouvre la chaumière de mes yeux, emprunte les chemins de mes soleils levants, affronte les cycles de mes pleines lunes. Je voudrais avoir des ailes pour t'apporter du paradis. Des ailes de mouette à tête rouge ça m'irait bien pour rejoindre ton île au Baïkal. Je transfigurerai les mots à l'image de nos futurs transports. Je te donnerai des sourires à dresser ta queue en obélisque sur mon ventre-concorde. Nos corps nus feront fondre la glace de nos vies. Avec des rameaux de bouleaux, nous fouetterons nos corps nouveaux dans des banyas de fortune. Je t'aimerai dans ta nuit la plus désespérée, dans l'embrume de tes réveils d'assommoir, dans l'écume de tes chavirements. Je courrai sur les fuseaux horaires de ta peau, vers tes pays solaire et polaire. Nous dépasserons nos horizons bornés, assoirons nos corps dans des autobus de grandes distances, irons jusqu'à des rives encore vierges. Nous nous exploserons dans des huttes de paille jaune ou des isbas de rondins blonds. J'aimerais mêler les sangs des morsures de nos lèvres, éparpiller les bulles de nos cœurs sur l'urine des nuits frisées, sous toutes les lunes de toutes les latitudes. Je m'appuierai sur ton bras pour découvrir la vie, ne jamais lâcher tes rives éblouies, arriver là où ça prend fin avec des bras remplis de rien … J'aime les cris de nos corps qui s'épuisent à vivre. Je t'ai ouvert un cahier d'amour où il n'y aura jamais de mots, jamais de chiffres. Il n'y aura que des traces de chair, des effluves de caresses et des signatures de mains tendres. Il y aura des braises dans notre ciel, des fesses dans nos réveils. À la fin du cahier, je t'aimerai toujours et nous pourrons le brûler plein de sperme et de joie.

Ton p'tit chat

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La mouette est partie le 29 novembre 2010,
en un mois, d'un cancer foudroyant.
Le 5 mars 2012, est sorti aux Cahiers de l'Égaré,
L'île aux mouettes.
 

texte pluriel : écrits intimes, poésie, théâtre, essais, méditations, jeux

personnages : des amoureux, des parents, des enfants,

des passionnés de théâtre …

thèmes : la vie, l'amour, F/H, la transmission, le partage, les incompréhensions,

les conflits intimes et relationnels, les différentiels culturels, l'art du théâtre, la mort

lieu : le Baïkal entre autres …

 

248 pages, 13,5 X 20,5
15 euros frais de port compris par chèque à l'ordre des
Cahiers de l'Égaré
669 route du Colombier
83200 Le Revest
 
1201-149 COUV-Egare-Ile-3 (glissé(e)s)
1201-149 INT-Egare-Ile (glissé(e)s)
Poèmes d'amour et d'Annieversaire
pour 14 février

et tous les jours de toujours

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À quoi ça sert l'amour
par Édith Piaf et Théo Sarapo,
film animé de Louis Clichy
 
à Emmanuelle Arsan
pour Bonheur 1 et Bonheur 2
publiés aux Cahiers de l'Égaré

Chez vous, au travail, à l'école,
dans la rue…
offrez un poème,
échangez vos poèmes,
postez un poème,
glissez un poème sous la porte,
ceci ou cela mais
donnez un poème à l'autre !
 
           

Errance
(dit par une voix d'homme, version universelle)



Errance
(dit par une voix d'homme, version sibérienne)

Je m’en irai par les avenues des villes prospères
je m’en irai sans me laisser séduire
par les promesses qui s’affichent
je m’en irai à ta rencontre
sans te chercher
car je sais que là où s’achèvent
les villes aux filles de rêve
qui enlèvent le haut puis les bas
je ne t’aurai pas trouvé(e)
Alors j’irai par les campagnes en jachère
abandonnées à l’ivraie par les servantes de Déméter
j’irai sans m’attarder dans les auberges de misère
sans m’attacher aux filles légères
qui te montrent tout par petits bouts
j’irai à ta rencontre sans te chercher
car je sais que là où se ressourcent
les nostalgies de belle époque
je ne t’aurai pas trouvé(e)
Mais quand je m’arrêterai
où commencent les marées
je crois bien que je te connaîtrai

au Cap de Bonne Espérance

À la croisée des chemins
(dit par une voix d'homme, version sibérienne)

Elle attendait
corps fermé à jamais sur son passé
Elle attendait
sur le quai des départs
ouverte à l’infini de la voie ferrée
prête à se saisir d’un hasard
pour en faire une chance
La fumée bleue des cigarettes avait donné ciel à ses rêves
la fumée blanche des trains avait agité ses sommeils
Elle attendait
qu’un train l’entraîne    ailleurs
gorge déployée voyelle après voyelle
le o pour faire écho dans le dos
le a qui s’exclame par le thorax
comme elle l’avait appris de la Kossenkova

Qu’il l’entraîne
toutes chansons dehors
le ciel de demain enfin au-dessus de sa tête

Demain les rêves de ses sommeils feront d’elle
mon Antigone à la croisée des chemins
quand Œdipe
j'y arriverai



Amour fou


Avec toi ce fut l’amour fou
dura six mois
été automne hiver
La Capte rêves sur algues
Tipasa avenirs sur ruines
Paris promesses sur quais

Avec toi ce fut l’amour ravissant
l’amour épuisant
à délices de corps
délires de cœur
dura six mois
été automne hiver
La Capte baisers sur mer
Tipasa caresses sur sable
Paris folies sur berges

Où sont nos émois d’autrefois
dissipés en six mois
Il fait froid sur cette page
il faisait si bon sur la plage
Nos regrets d’été ont mal de baisers
nos tristesses d’automne mal de caresses
nos mélancolies d’hiver mal de folies

Revienne l’éveil du printemps



1er Chant
Éclats cruels du plaisir duel
                   
 
Ils t’ont donné nom de reine
pour qui on fait la guerre
puisqu’on ne sait partager ta couche
jusqu’en Troie qui flamboie
l’un pour t’arracher à Pâris
l’autre pour t’enlever à Ménélas
qu’hélas tu aimas tous deux
toi leur désirée
leur unique.
Hasard fertile
contre toute attente
en ventre stérile
et te voilà
double d’Hélène
froide impérieuse
tenant à distance les soupirants
ô souveraine
vêtue de noir
long manteau que tu m’entr’ouvres
sur la courte jupe rouge
aux cuisses de promise.
Je te remonte.
Grands yeux gris fer soulignés de vert
mystérieux parfois rieurs
bouche ronde pour épouser
salive élégante
la mâle vigueur
et jouir
mouillé raffinement
du corps d’homme
car tu veux tout goûter ô gourmande
te pénétrer ô tranchante.
Voix du profond
à remuer les tréfonds
là où ça vit encore
tapi sous les stupeurs.
Souffle retenu
prêt à se dilater
aux éclats cruels
du plaisir duel.
Chevelure blonde abondante
pour rouler dans la paille des ébats
et tant pis tant mieux
s’il y a dégâts.
Quel amant inventes-tu Hélène
vers quel amour glisses-tu
d’homme désiré en homme repoussé
corps après corps ébauché
à coups de cœur consentant
toi tout émoi ?
Voici de moi
ta première image.
J’érige.
Tu t’ouvres.
Quelle amante conçois-tu Hélène
pour quel amour risques-tu
de femme aspirée en femme refoulée
corps après corps effacé
à coups de cœur angoissé
toi tout effroi ?
Voici de toi
ma première image.
Tu t’ériges.
Je m’ouvre.
 
Désir 1
 
 
avec toi je me sens (inspirer fort)
(expirer fort) sans  toi
 
avec toi je deviens                      
prolifération d’analogies
succession d’annexions
chiens et chats s’insinuent dans mes cris d’amour
je suis miaulements avant  
grognements pendant
mes ongles et mes doigts deviennent griffes et pattes
aux anges je prends leur légèreté
au taureau sa virilité
dans les plis de mes rêves je reconstruis
sans les déformer villes d’orgies clairières de sorcières
sur les draps je me crucifie râlant et bavant
je deviens théâtre de la cruauté
sur ta peau s’ébauchent formes et volumes  nouveaux
mes mains autour de tes seins sur ton ventre
font une procession
je construis de longs itinéraires qui me révèlent
t’édifient
dont les clefs sont l’origine du tracé
nos désirs sans objet
ton vagin sanctifié    sacrifié
tremble sous la pression de ma précipitation
irrépressibles tentations
la peur du sacrilège me tenaille    et me déchaîne
pour toi je galope étalon d’alpages
sans bouger du matelas
toi tu passes vite    comme les hirondelles
faisant siffler l’air à nos oreilles à l’approche de l’orage
assis dans la mousse de ton pubis
je joue avec mon pénis    cadeau et défi
tes yeux m’envahissent    et j’apprends à lire
des rires venus de toi me croisent
aèrent mon corps crispé sous le tien
tes étonnements font naître les miens
dans ma main droite ils se débattent
tes yeux parfois alors se voilent    et
du merveilleux glisse sur ma peau océane
l’angoisse te fait craquer comme le bois
écorce     j’éclate
cuirasse    je cède
à tes mains je me livre pour un feu de joie
pour tes yeux je me délivre de mes grincements de scie
 
(devant L’origine du Monde de Courbet
et
le Nu couché, bras ouverts de Modigliani)
 
 
Désir 2
 
 
Tu sais dire avec des mots de tous les jours                
les délices de ta peau        les blandices de ton âme
tu sais dire avec des phrases sans difficultés
ce que tu sens en surface    ce que tu ressens au profond
ainsi tu m’introduis
dans tes jours et nuits de chatte du bonheur
j’y accède    feulant
comme chat attiré attisé au seuil d’une nuit d’allégresse
des jets d’ombre épaississent ta vérité de vibrante
angoisse de la vie    la mort prépare déjà ses allumettes
mais ton corps est encore d’ici
et tes mots me pénètrent    ils tombent drus et durs
morceaux de ta peau désirante                   délirante
ils tombent dans mon sommeil
flaque stagnante en attente    carrousel tournoyant de rêves libérés
ils tombent          étoiles froides             désorbitées
des couches de tes désirs       lourds et doux
si proches des miens    si lointains
tes mots me pénètrent       mouillés salivés
resurgissent empoussiérés
curetage qui me débarrasse de mes soumissions d’esclave
tes mots se propagent lentement à travers les croûtes de mon être
restes d’autres agressions      d’autres fusions
ils se propagent en sautant d’un étage à l’autre de mon être
montant       descendant           des escaliers en ruines    en projets
débris de bombardements insolents
gravats de contacts bouleversants
par toi en moi je trouve mes dimensions
je découvre mon espace
deux visages penchés sur une rêverie de berceau rose et bleu
je touche à mon présent
nos désirs sans retenue pour donner vie
 
 
2e Chant
Eurydice de rêve pour lyre d’Orphée
 
 
Elle ne fut port
ni havre refuge ou maison
pas même bivouac ou campement
abri précaire
cahute lacustre
radeau de misère
Elle fut flambée d’artifices
une nuit de solstice d’été
cheveux de nuage
un soir de mistral radieux
Elle fut corps de neige fondant au soleil
château de sable effondré par la vague
Elle fut robe blanche sur lit défait
collant noir dans fauteuil accueillant
maillot bleu sur parquet ciré
et moi que faisais-je dans ces décors ?
Elle fut mutisme d’enfer confidences d’ange
mépris de grande élans d’enfants
Elle fut poignard incisif mouchoir de soie
lame tranchante ouate délicate
Elle fut source et sel
fiel et miel
devint cendre et diamant
Eurydice de rêve
pour lyre d’Orphée
 
et
 
Elle me fut port
havre refuge et maison
bivouac et campement
abri précaire
cahute lacustre
radeau de misère
Elle me fut flambée d’artifices
une nuit de solstice d’été en Crète
cheveux de nuage
un soir de meltèmi radieux
Elle me fut corps de neige fondant au soleil de l’Olympe
château de sable effondré par la vague d’Égée
Elle me fut robe blanche sur lit défait
collant noir dans fauteuil accueillant
maillot bleu sur parquet ciré
et moi que faisais-je dans ces labyrinthes ?
Elle me fut mutisme d’enfer confidences d’ange
mépris de grande élans d’enfants
Elle me fut poignard incisif mouchoir de soie
lame tranchante ouate délicate
Elle me fut source et sel
fiel et miel
me devint cendre et diamant
Eurydice de rêve
pour lyre d’Orphée
 
 
Le grand jeu
 
 
Elle a joué
avec son pull
elle a joué à se mouler
à me dérouter
Elle a joué
avec son jean
elle a joué avec la fermeture éclair
ce n’était pas pour me déplaire
Elle a joué à ouvrir à fermer ses bras
L’amour est facile
certains soirs sans foule
je tire le rideau
et c’est Paris sur ton ventre plein d’émois
Elle a joué à ouvrir à fermer ses cuisses
L’amour est difficile
certains soirs de houle
je tombe les voiles
et c’est Venise sur ton ventre trop lisse
 

10e Chant
Quand vos doigts auront caressé juste
 
Où est la dimension œcuménique dans tes poèmes d’amour ?
demande celui qui croit au salut de l’humanité.
Elle est esquissée dit le poète,
esquivée répond l’autre.
Parce que dire de l’aimée : C’est une fille pour aujourd’hui
où tout nous fait souffrir et rien mourir
c’est esquiver ?
Bien sûr ! dit celui qui croit que la femme est l’avenir de l’homme  
la fille que tu chantes ne porte rien dans ses flancs.
Vois Marie délivrant Jésus pour la Croix.
Parce qu’en dire :                                
Elle va et vient
de toi à moi
pour lui avec nous
sans séparer rien
elle va et vient
ne coupe aucune fleur du monde
les chante toutes
ce n’est pas énoncer qu’elle annonce le temps
des hommes qui mourront rossignols ?
qu’elle ouvre la voix
à toutes les compassions à venir ?
qu’elle donne la parole
au oui d’adhésion à ce qui apparaît ?
Fille d’Aphrodite
sœur de Sappho
ouvre aux grands parcours
nos amours de rêves
loin des labyrinthes
où des Ariane cousues de fil blanc
font mettre à mort
leurs désirs de Minotaure
par des Thésée dominateurs
inventeurs de cités asservies.
Fille d’Aphrodite                       
sœur de Sappho
célèbre la beauté qui dans le monde à tout instant
s’offre à profusion
soulage apaise ce qui s’y fait par cruauté.  
Fille de longs séjours en terres desséchées
reconnais-moi poète
homme de dépossession découvreur de points d’eau
pour que naissent des oasis secrètes
que nichent des migrations discrètes
homme de délivrance annonceur d’âges nouveaux
qui verront des effleurements d’âmes
engendrant des épiphanies de visages.
Poète, je vous le dis frères et sœurs
animés et inanimés
séduisez qui vous aimez
aimez-vous d’amour joué
chantez dansez votre amour avec légèreté.
Vous serez surpris dans vos nuits
par la fraîcheur du bonheur.
Au petit matin dans le monde il y aura
moins de souffrance moins de violence
parce que dans vos draps
vos doigts auront caressé juste
au bord au corps.

La joie à la peau frémissante pourra se lever.
 
– 8 –

Ouvrir des voix
c’est t’aimer parce que tu existes
que tu as été mise en travers de mon chemin
que je peux te regarder jusqu’à ravissement
être souffle coupé par ta beauté
déchiré par l’essentiel détail
ce mouvement d’oiseau de ta main
pour chasser les cheveux de tes yeux
Pour cette douceur-douleur
te respirer te contempler
pour ces émois délicats
qui dis-moi dois-je remercier
Te caresser une fois les cheveux
mettre une fois ma main sur ton épaule
c’est dire ma gratitude
à tous ces hasards qui m’ont conduit jusqu’à toi mon présent
serons-nous de ceux qui purent dire :  
parce que c’était toi ; parce que c’était moi


 
Le premier jour

redis-moi le mot
venu frapper là où cogne ma vie
venu me réveiller au cœur de Paris
perdu au milieu d’autres mots
fusé comme une comète en scintillé
de l’immense toile étirée
redis-moi ce mot
ce sortilège de l’adolescence
qui toujours devant mes yeux danse
comme un merveilleux quiproquo
redis-moi dis
ce mot que tu m’as dit
ce mot d’amour
le premier mot de notre premier jour
14 février 1965
un coup de fouet
comme des embruns
sur mon visage frais
petit pont d’amour
qui durera toujours
près des bouquinistes sur les quais
c’est sur mon visage frais
que la main aimée
timidement t’a dessiné
tu sais le tremblement de mes lèvres
quand ses lèvres si proches
ont chanté le chant du monde
Dis Annie je t’aime
petit pont d’amour notre poème
a jailli du milieu de nos fièvres
et nous avons fait une enfantine ronde
au cœur de Paris quand sonnèrent les cloches
 
– 3 –
 
Quand je la vis
le boléro blanc laissait apparaître un peu de son ventre
plat bronzé
avec un nombril de cliché
Un étonnement me vint comme éveil de printemps
Par l’échancrure du corsage
je vis le début de sa poitrine
lourde déjà de désirs d’enfants
Ma main à s’y poser tremblerait d’une tendre maladresse
Au-dessous des seins commence le cruel espace à caresses
lieu de vacuité et de plénitude
d’angoisse et d’ivresse
                                        de refuge et d’expansion
où errer sans fin ni repos
jusqu’à l’oasis fertile accrochée à hauteur des cuisses
construites solides pour l’accueil des gros chagrins
Cheveux de paille longs frisés
Un mouvement de tête pour dégager les yeux
bleus pâles distillant des voluptés d’écumes
Quelquefois des lunettes
sans doute un peu de myopie pour approches de surface
Lèvres rondes qui se gonflent comme mappemonde
lorsqu’y passe une langue gourmande
Les dents blanches d’une pure carnassière
Des mains de cerfs-volants pour jeux d’altitude sans prises
Des poses musicales
comme si immobile elle dansait
Sait-elle déjà que la pensée est un chant
la vie un sentiment
On a envie de la parcourir
Mais vive elle s’esquive
Algue elle est
très aquatile pour des plaisirs d’effleurements
Quand elle rit
ses rires en mal d’envol sont lourds de l’ambiguïté insondable
qui s’installe en elle les jours d’érotique tristesse
Des confidences enfouies viennent s’enrouer dans sa gorge
Elle saura me les confier lorsqu’insaisissable elle viendra à moi
certains soirs
Elle va et vient
ne coupe aucune fleur du monde
les chante toutes
j’aime qu’elle dédie leur parfum à qui l’émeut
elle se prend de grandes claques en rit et remet ça
C’est une fille odeur à respirer instant à danser
chambre d’échos pour désirs inouïs
une fille pour aujourd’hui
où tout nous fait souffrir et rien mourir
Quand je l’ai vue pour la première fois
une dépression m’a envahi
dont toute la Méditerranée a eu vents
 
Serai-je avec elle un ouvreur de voix
jusqu’à ce jour où l’amour se fera
 
– 4 –
 
D’eau    de feu
ton image en moi
dévastatrice    fondatrice
Afflux d’émois
repères déplacés    défenses emportées
Me voici
plaie    couteau
voie    déviance
jouant aux dés désespérés des mots
pour te plaire    et t’inventer
fables enchanteresses d’Himéropa et Parthénopé
aventures paradoxales d’Alice
au pays de Twideuldie et Twideuldeume
Te résister    te céder
Tristesse    (je balance)    joie
Impossible de tempérer ta beauté
te voir c’est chaque fois
s’élever    tomber
d’éparpillement en plénitude    de complicité en hostilité
d’avidité en satiété    de confidence en silence
d’aridité en fertilité     de proximité en distance
              pouvoir prendre et ne le vouloir    vouloir prendre et ne le pouvoir
                    t’aimer                     
juste au bord
juste au corps
promesse d’infinie détresse
sirène aimée qui chante en moi
me fait dériver
de Charybde    en    Scylla
 
 
– 10 –
 
Je t’aime plurielle
pour ces belles rougeurs quand je surprends tes pudeurs
ces larmes retenues quand je te fais mal à l’âme
légers tremblements et lourds repliements
gestes d’abandon attitudes d’accueil
fermeté des silences imposant le respect de tes secrets
plaisir de la confidence faite en confiance
rires cristallins
et tu te déploies
narines dilatées lèvres gourmandes
seins gonflés cuisses puissantes
mains caressantes cheveux au vent
des étoiles dans le bleu de tes yeux
le ventre rempli de sensations marines
Je t’aime pour nos bonheurs au quotidien
pour nos nuits d’amour
quand je veillerai
sur l’oreiller velouté de ton ventre
pour le blond duvet sur ta peau
beau à regarder au soleil de l’été trop court
courent les gouttes d’eau sur ton corps épris de mer
j’érige
reçois-moi
donne-lui le jour
 

Caresses 1

je sais maintenant les caresses à donner
dans les moments d’amour
mes mains le savent pour quelques instants
ma mémoire pour toujours

il n’y a pas de vérité définitive
en ce qui concerne ton corps

pour couper court à ma hâte d’aimer
il n’y a pas de raccourci
seulement une errance infinie
toujours nomadisant sur les bords

mes mains ont quelquefois trouvé
le chemin de ta peau


 
Caresses 2

pas facile de trouver le chemin d’une peau
que de caresses qu’on croit porteuses d’ivresses
et qui restent sans écho
pas facile de trouver les caresses
que cette peau si douce attend depuis si longtemps
peau marquée par des caresses d’autrefois
non désirées
imposées
que de blessures invisibles
provoquées par des mains d’autrefois
pas facile de trouver les caresses
qui caressent
juste
cette peau violentée
que de caresses en détresse
qui s’échouent
mortes de trop vouloir faire plaisir
seule une main parfois
finit par repérer ces blessures refoulées
et porte soulagement
c’est amour au bout des doigts
un soir
par hasard

 
- 5 -
 
Il est un endroit de toi
le cruel espace à caresses
où errer sans fin ni repos
jusqu’à l’oasis fertile accrochée à hauteur des cuisses
que tu m’as fait découvrir et aimer autrement
C’est quand tu m’en as parlé
parce que tu le sentais bien
et j’ai découvert ton vrai ventre
pas celui que je croyais promis aux caresses infinies
aux repos d’après l’amour
non !
celui qui devenait lieu d’accueil de la mer !
Ah ! ce ventre de fosse marine
pour ponte d’orphies oniriques
ce ventre d’aquarium océanique
pour éclosion de sirènes sibyllines
surtout ne le perds pas !
que si un jour je le caresse
que si un jour j’y repose ma tête
je puisse prendre ce bain de ventre
que tu m’as fait désirer !
Ton ventre réel
ce n’est plus seulement l’espace blanc sous nombril
où je veux m’initier à la patience nomade
c’est ce ventre-mer
où tu veux m’immerger jusqu’à enfantement
 
Élévation

Un jour enfin nous marcherons
le long des rivages tant désirés
héritiers insatisfaits d’un passé loin des côtes
étonnés de nous retrouver face au grand Océan
Avec la montée sur les falaises
nous abandonnerons de vieilles peurs de vieux espoirs
Tu auras renoncé à remonter aux grandes houles de tes origines
à affronter les fables délicieuses de ta généalogie
J’aurai renoncé aux nostalgies de paradis et d’âges d’or
éloigné de toute maîtrise comme de toute servitude
vivant la vie sans hurler à la mort ni aboyer à la lune
Ce sera si simple de prendre
nus un bain d’écumes le matin
Nos corps se dilateront
Notre âme s’enchantera
Quand nous reviendrons au bord
des sourires ensoleillés s’échangeront
Étourdis nous nous découvrirons aimants
En raison nous nous voudrons parfaits amants
donneurs de voix à des enfants de papier
ouvreurs de voies à nos enfants de chair
jusqu’à épuisement de nos jours et de nos nuits

 

La levée
 
Je t’ai connue lumineusement étonnée
et nous avons été emportés par les tourbillons qui soulèvent
jusqu’à la légèreté de l’être
Je t’ai connue farouchement préservée
et nous avons été emportés par les tourbillons qui creusent
jusqu’au malaise de l’âme
Toi que j’accompagne et qui m’accompagnes
franchissons le cap de nos quarante ans ensemble                                         voiles levés
sur nos corps abîmés    sur nos cœurs apaisés
Cultivons l’apprivoisement lent
de nos tourments de vieillissants destinés au mourir
Nos enfants sont grands maintenant
Comme nous ils ont choisi les sentiers
où l’on ne passe qu’un à la fois
que l’on ne trace qu’une fois
Il y faut pour cheminer
l’insolente patience
l’inépuisable confiance
l’amour de sa vie
C’est ce qu’avec eux
nous avons appris à partager
La levée peut avoir lieu
 
La levée a eu lieu
Pas celle des vieux parents
celle du fils brutalement
Quoi s’est joué
du père qui écrivait :
la levée peut avoir lieu
pensant que ce serait la sienne
préférant dire :
la levée peut avoir lieu
plutôt que :
ma levée peut avoir lieu
laissant indéfinie
la levée de qui ?
La mort a donné la réponse
l'impensable réponse
et pourtant
possible réponse
qui laisse sans voix
sans voie
autre que l'errance
jusqu'au temps final
 
Jean-Claude Grosse
La parole éprouvée
Les Cahiers de l'Égaré, 2000


La faille  

poème écrit après avoir entendu un texte magnifique dans le film La Faille de Gregory Hoblit (2007); impossible de retrouver l'auteur qui doit être un poète américain.

Devant sa porte

Resteras-tu
Entreras-tu
Qu’as-tu à perdre
A gagner
Le sais-tu
Ou est-ce dés jetés
Si tu restes dehors
Es-tu retenu
Dans ton élan
Par timidité
Ou par pressentiment
Si tu entres
T’abandonnes-tu
A un élan
Sans préméditation
Ou est-ce calcul
De sexe d'effroi
Si tu ressors
Prendras-tu à droite
A gauche
Ou iras-tu tout droit
Si tu entres
Parleras-tu

Te tairas-tu
Ou en silence
Contempleras-tu
L’advenue
L’avenir
Dehors
Courras-tu
Marcheras-tu
Dedans
Seras-tu troublé
Assuré
Iras-tu
Par routes et chemins
Par routes
Ou chemins
Là où on attend
Un train au départ
Un avion à l’arrivée
Une cabine de téléphone
Un banc de square
Un quai de fleuve
Un bord de mer
Une chambre d’hôpital
Un bureau de poste
Cèderas-tu
A la danse
De hanches qui se balancent
A l’aisance
De boucles qui s’emmêlent
Verras-tu là
Nouvelle chance
Hasard sans fard
Te décideras-tu
Enfin
A prendre la main

 

 Jean-Claude Grosse
 

 

 

Jean-Claude Grosse

 

 

 

 

mon testament amoureux en textures végétales, réalisé par Aïdée Bernard, pièce unique, exposée à Champsaur, achetée par la bibliothèque Méjanes d'Aix en Provence; testamant, test-à-ment, qui dit vrai ?

mon testament amoureux en textures végétales, réalisé par Aïdée Bernard, pièce unique, exposée à Champsaur, achetée par la bibliothèque Méjanes d'Aix en Provence; testamant, test-à-ment, qui dit vrai ?


Alexis, une tragédie grecque

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Alexis, une tragédie grecque

 

j'ai vu ce spectacle au Théâtre Liberté à Toulon, le mardi 11 octobre 2011.

voilà un spectacle de théâtre-documentaire mais pas seulement, partant de l'assassinat d'un adolescent grec de 15 ans, Alexandro Grigoropoulos, par un policier grec, Epaminondas Korkoneas, 39 ans, dans le quartier athénien d'Exarchia, le 6 décembre 2008. Cet assassinat avait provoqué des émeutes violentes en Grèce de la part de la jeunesse, violences urbaines qui avaient commencé à faire tache d'huile dans certains pays européens. Le policier a été condamné à la prison à vie en octobre 2010.

Alexis.jpg

Depuis, la Grèce est au centre d'une crise dite de la dette. L'austérité y est plus que jamais à l'ordre du jour. Des grèves et manifestations mobilisent toujours les Grecs, tous âges, toutes professions. Il y a moins de violences dans ces grèves et manifestations. Dans le même temps, on a vu se développer en 2011, des révolutions pacifiques, à base de manifestations, d'occupations pacifiques de lieux symboliques qui ont abouti à la chute de régimes autoritaires en Tunisie, Égypte. Cela suivra en Syrie, au Yémen mais chaque pays est différent et les voies de la libération seront différentes (violente en Lybie, en Angleterre récemment, dans nos quartiers à l'automne 2005 et peut-être demain... ). Les mouvements pacifiques ont gagné l'Europe, les États-Unis : c'est le mouvement des indignés, c'est le mouvement : le monde contre wall street. Les mouvements violents ne sont pas en reste.

Si je décris sommairement ce qui s'est passé et se passe depuis 2008, c'est pour révéler la fragilité du théâtre-documentaire car la vie va plus vite que le théâtre. Je veux signaler par là que les interviews, images des violences de 2008 ne sont plus porteuses ; les gens ont depuis expérimenté d'autres formes de contestation, très symboliques, pointant les vrais responsables du sacrifice de la jeunesse et des autres couches de la population et je n'en doute pas, ces formes seront efficaces. Par exemple, un mouvement comme Copwatch qui surveille la police s'avèrera peut-être à terme efficace contre une police discriminatoire et peut-être plus, prête comme en Grèce ou ailleurs au coup de feu, de gaz et de je ne sais quoi (on a déjà vu de tels exemples, à Anduze, il y a quelque temps). De même, les Anonymous, WikiLeaks ont contribué et contribuent à faire bouger les lignes. Internet est de ce point de vue, un outil fort utile dans ce qui s'apparente à une guerre secrète et ouverte, entre États et citoyens.

Donc, ce n'est pas parce que la comédienne réussit à faire monter sur la scène une quarantaine de jeunes, mimant le geste de jeter un pavé, que ces jeunes vont devenir demain des révoltés violents, des indignés pacifiques et que l'histoire se mettra en marche grâce à cette pédagogie. Monter sur la scène et descendre dans la rue ne participent pas de la même rationalité ou irrationalité ou les deux mêlées.

Conséquemment, les interventions contextuelles, les questionnements des comédiens sur leur place à la fois dans le théâtre, sur le plateau, entre eux et dans la vie, la cité, que faire ? faire ! dernier mot me semble-t-il, avant l'appel à la salle, me semblent dérisoires. Je ne pense pas que le monde attende des acteurs, une telle mise à nu existentielle.

Cela dit, je préfère ce théâtre-documentaire qui essaie d'être en prise avec la réalité sociale au théâtre de divertissement qui m'en éloigne et flatte le peu ragoûtant en moi.

Donc merci à la compagnie italienne Motus pour ce travail dont je retiens un grand moment, les effets d'une balle en pleine poitrine.

 

 

 

 

Jean-Claude Grosse

 

PS: 

 

Un poème manuscrit, Nous voulons un monde meilleur, distribué lors de l’enterrement d’Alexis Grigoropoulos à Athènes, révèle l’état de révolte et de désespoir de la jeunesse envers la génération qui l’a précédée :  

 

Nous voulons un monde meilleur

 

Souvenez-vous,

Vous aussi avez été jeune

Maintenant vous courez derrière l’argent

Vous ne vous souciez que des belles vitrines

Vous êtes devenu gros

(…)

Vous avez oublié !

Nous attendions votre soutien

On espérait que cela vous aurez intéressé

Que vous auriez été capable de nous redonner notre fierté

(…)

En vain !

Vous vivez de fausses vies

Vous baissez la tête

Vous avez baissé le pantalon

Et vous attendez le jour de votre mort

(…)

Où sont les parents ?

Où sont les artistes ?

Pourquoi n’êtes vous pas venu nous protéger ?

 

Post Scriptum :

 

Ne nous lancez pas de gaz lacrymogène, on pleure tout seul.

 

 

 

JC,

pour ton article sur Alexis, je ne partage pas tout à fait tes points de vue:
> pour les événements : tout ce que que tu dis sur l'actualité qui ne l'est bientôt plus est juste, mais
> d'une part le théâtre documentaire n'a pas pour objectif d'inscrire des oeuvres pour la postérité;
> d'autre part, en ce qui concerne la Grèce, l'actualité de 2008 et celle de 2011 sont très proches,
> du moins pour ce que les artistes voulaient nous dire.
> Or, au-delà du cas de ce jeune-homme tué, je me suis trouvé singulièrement interpelé par la
> crise grecque et la nôtre, à un moment clé où je n'avais qu'à penser à cela, la réprésentation
> théâtrale, puisque l'on me permettait, dans le noir, de poser conscience et sentiments sur cette question
> grecque et par-delà toutes ces autres questions qui s'invitent dans notre vie, peu à peu, et dont on n'ose
> encore qu'à peine parler, par peur, par manque de temps, par manque d'habitude: la violence politique,
> la révolte, l'affrontement politique direct, la révolution, la rupture totale avec la vie menée jusqu'alors,
> le basculement dans l'Histoire, la tragédie en fait.
>
> Que le cadre de cette réflexion et que le lieu de la tragédie actuelle s'appellent la Grèce a de quoi m'interloquer
> également, et je trouve vraiment intéressant de nous faire voir au théâtre ce qui dans l'actualité nous ramène
> aux origines mythiques, politiques et artistiques de notre Europe, comme s'il fallait à nouveau passer par la Grèce
> pour refonder et repenser le monde, après les Romains, après les Occidentaux aux temps de l'amour des ruines
> et des massacres de Chio.
>
> Que le spectacle ait choisi de jouer en écho avec Antigone, renouvelant la force de ces mythes, loin de paraître convenu,
> loin de nous donner l'image de l'ado intransigeant(e) et finalement buté (e), renforçait, il me semble, le questionnement
> sur la légitimité de la radicalité aujourd'hui, en même temps qu'il révélait la fragilité de la raison face à des situations
> où surgit la violence. Extraordinaires images de cet homme qui tombe sous les balles, de ce tyran qui surplombe sa cité
> en feu, ou de cette femme qui se plie en deux pour, pour...
>
> Quant au fait de faire monter le public sur scène, je n'y ai pas vu une naïveté, ou une tentative de donner bonne conscience,
> un soir, à un peuple assis qui n'a pas l'intention de descendre dans la rue. je ne crois pas les artistes aussi candides que
> cela. Ce moment m'a plu car il a fallu bien du temps et des efforts et de la patience pour voir 40 spectateurs bouger leur derrière;
> et les autres ? Observateurs bien entendu; et puis ne surtout pas bouger du siège, à chacun sa place, et puis la timidité, la peur
> de ne pas y arriver, d'être vu, de sortir du noir pour aller dans l'arène publique, etc.... Quelle extraordinaire tableau de nos
> lâcheté, de nos peurs, de notre conformisme,de notre embourgeoisement, de nos préjugés etc... Je n'étais pas très fier, à la fin,
> d'avoir été totalement passif, de m'être convaincu que ma place était ss doute sur la scène mais que... C'était une belle image
> pour se rappeler qu'il n'y a jamais plus de 2 ou 3% de résistants en cas de coup dur...

> Voilà, et pour moi, avec ces moyens simples, déjà utilisés dans le passé, on fait un théâtre politique sacrément actuel et intelligent.

Gilles D.

 

dossier sur un film grec: ne vivons plus comme des esclaves

 

 

alexandros grigoropoulos et son meurtrier le policier epaminondas korkoneas
alexandros grigoropoulos et son meurtrier le policier epaminondas korkoneas

alexandros grigoropoulos et son meurtrier le policier epaminondas korkoneas

Pulvérisés et autres pièces/Alexandra Badea

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Pulvérisés et autres pièces / Alexandra Badea

L'Arche Éditeur

Pulvérisés m'a accroché. Évidemment, de moi-même, je n'irais pas vers ces écritures du réel. Je ne connais pas les conditions de travail des centaines de millions de gens dont je dépends. Je sais par quelques reportages, quelques lectures (dont certaines déjà anciennes mais qu'on oublie) qu'elles sont déshumanisantes, que ces gens sont les esclaves modernes, quelle que soit leur place dans la hiérarchie des multinationales, qui produisent et vendent ce que nous consommateurs (eux aussi le sont), nous utilisons dans notre vie quotidienne. Salariés et consommateurs, c'est la chaîne qui nous entrave.

Lisant quasiment en même temps Le cauchemar de Don Quichotte de Matthieu Amiech et Julien Mattern chez Climats (2004), je vois et éprouve fortement la connexion, l'intrication entre consommation et production.

Ayant voulu me connecter à internet, on m'a installé une box, j'ai choisi un opérateur, un forfait et je suis ainsi un des centaines de millions de responsables des conditions de travail et de vie des centaines de millions de gens produisant des box. (On lira La fabrique du diable de Hervé René Martin). Je suis responsable pour un certain pourcentage de ce qu'ils vivent. Tiens, on n'a pas encore quantifié ma responsabilité ni évalué ma culpabilité.

Je peux décliner en une longue énumération toutes mes responsabilités irresponsables, mes contradictions assumées, mes clivages (j'ai évoqué cela dans Pour une école du gai savoir, 2004). Je sens tout cela, en suis conscient plutôt plus que moins mais ne vois pas comment en sortir. J'ai beau limiter mes besoins, faire attention à consommer équitable, durable, évaluer mon empreinte carbone pour la réduire, cultiver mon jardin, acheter proximité, fuir les mégalopoles et leur pollution, ne plus voyager en avion, laisser ma bagnole au garage pour aller acheter mon pain à pied au village, je reste un prédateur, un destructeur de la planète, un exploiteur des esclaves modernes. Comment en est-on arrivé là, à ce que décrit Pulvérisés de manière clinique, avec les mots des novlangues de ces univers carcéraux. L'auteur utilise le « tu ». Comme si les réifiés (2 H, 2 F) dans 4 villes du monde (Lyon, Shanghai, Bucarest, Dakar) par une sorte de distanciation pronominale tentaient de se saisir, de se réunifier dans leur réification, leur pulvérisation, vision scopique, voir par le « tu » ce qui n'est pas possible, assumable par le « je ». Ce « tu » est non seulement le pronom qui fait parler les 4 « je », incapables semble-t-il de s'identifier, de s'assumer comme personne, il est aussi le « tu » de l'auteur, tentant l'impossible identification à l'autre, quelle que soit notre bonne volonté car l'autre est irréductible.

De toute évidence, l'auteur s'est bien documenté mais elle n'a pas cherché à faire du théâtre documentaire. Ce n'est pas un texte froid, seulement clinique à glacer les os, à paralyser le cerveau. Il y a de l'empathie dans cette description mais à mon avis limitée. Je veux dire que les effets des conditions de travail sur l'intime des réifiés, des pulvérisés sont vus de façon noire, pessimiste, parcellaire. Les rêves, désirs, espoirs, résistances, insoumissions peut-être sont trop réduits. Angedelanuit 05 est la soupape de l'homme de Lyon qui tout en déclarant son amour à sa femme se branle en matant les seins que lui montre la webcam. Le joli cul d'Adiouma Diandy ne laisse pas indifférent l'homme de Dakar. Mais je suis persuadé que ces mutilés peuvent nous réserver des surprises, en pire et en meilleur. La jeune fille de Shanghai est le témoin de la défenestration suicidaire de celui qu'elle aime dans sa tête. Et elle finit par l'oublier. Mini-histoire de tête et de coeur sans lendemain, mouvements émotionnels de faible amplitude et résonance. Le respect de la ligne jaune sensitive dans l'usine à Shanghai est la règle, la norme. Soit.

La lecture par exemple de L'abîme se repeuple de Jaime Semprun (1997) t'avait déjà alerté sur ces parcs industriels dans une île au large de Singapour, véritables bagnes où des jeunes filles de 20 ans fabriquent nos télécommandes et perdent la vue en 2-3 ans. Ou sur ces travailleuses de même pas 14 ans non payées jusqu'à l'âge de leur mariage, moment où on leur donne leur dot (mais beaucoup ne sont plus mariables parce que accidentées, mutilées et donc non payées).

Parce que tu cherches les informations sans t'y noyer, tu as eu connaissance de mouvements de grève en Chine, chez le sous-traitant d'Apple par exemple (tiens j'ai un Mac, Steve Jobs fut un génie et un tyran, vais-je renoncer à mon Mac pour un PC de Bill Gates ?)

Ce que je vis comme une liberté nouvelle, la possibilité d'accès instantané au monde grâce à internet et qui m'entraîne dans une spirale de consommation, l'ordi puis l'iphone puis l'ipad puis … je ne peux plus ne pas en voir les conséquences : toujours plus de domination, de violence, de souffrance, moins de démocratie, toujours plus de dégradation, d'abstraction. Paradoxe : l'autonomisation de l'économie qui contribue à me faciliter la vie se fait au détriment de mon autonomie, je suis de plus en plus dépendant ; je n'écris plus à la main. « Je me suis rendu compte, il y a très peu de temps, qu'écrire sur le clavier de mon ordinateur m'était néfaste. En effet, j'écris constamment en recherche d'équilibre main gauche main droite, le corps bien droit, bien face à l'écran. J'écris propre. L'émotion est chassée comme la saleté disparaît sous le détergent. Alors qu'écrire à la main, ma tête se penche, mon corps se tord parfois dans tous les sens, mes pieds se croisent, mes reins se creusent, ma main s'impatiente. Il m'arrive de sucer le crayon, le stylo... au clavier je ne suce rien, mes lèvres se crispent, mes yeux ne demandent qu'à être rassurés. Ecrire à la main, c'est un peu écrire au début des mots. Je vous dis tout ça, parce que... » Marc-Michel Georges.

La cannibalisation capitaliste ne passe pas comme une lettre à la poste ou un mail sur internet. Certes suicides, mutilations, accidents du travail sont légions, anonymes comme sont anonymes les luttes, les éruptions, les révoltes matées par l'appareil de répression patronal ou étatique. L'homme a prouvé sa capacité à vivre, survivre dans les conditions les plus inhumaines, les camps de la mort nazis.

Primo Lévi avec Si c'est un homme a décrit comme un scientifique de l'horreur les 3 types de comportement qui s'y pratiquaient. Germaine Tillon parle très bien du comportement le plus rare mais réel, la solidarité dans son Opéra à Ravensbrück.

Me reviennent en mémoire plein de livres et d'auteurs, de penseurs : Expérience de la vie d'usine et La condition ouvrière ou Réflexion sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale de Simone Weil (1937), Encyclopédie des nuisances animée par Jaime Semprun entre 1982 et 1992, et récemment Le salaire de la vie de Ghislaine Tormos (éditions don quichotte), André Gorz (Adieux au prolétariat), Jacques Ellul, Hannah Arendt (Condition de l'homme moderne), Herbert Marcuse (L'Homme unidimensionnel), Georges Orwell, Guy Debord (La société du spectacle)...

Les critiques du capitalisme industriel et technologique, de la bureaucratisation, de l'expertisation du monde, de la marchandisation, de la mondialisation, de la financiarisation ne sont pas d'aujourd'hui mais nous sommes amnésiques. On n'a pas pris garde aux mises en garde. Et nous voilà pulvérisés.

Chaque jour, nous prenons, chacun d'entre nous, des milliers de décisions et accomplissons des milliers de gestes en toute méconnaissance des effets dans un monde réseauté. On en a une petite idée, une certaine image avec ce qui se passe sur les marchés financiers avec les milliards d'ordres donnés en milli-secondes par des algorithmes. Il faudrait des ordinateurs hexaflopiques pour tenter ce que nous tentons avec les galaxies, trouver un peu d'ordre dans ce qui est désordre, contradictoire (salarié, je revendique ça et ça ; consommateur, çi et çi et ça fait boum quand ça se multiplie par 7 milliards). Le règne de la quantité, du nombre, du chiffre nous dévore. La science d'Aristote était qualitative, elle est devenue avec Galilée quantitative, mathématique, géométrique. Heidegger a bien vu le lien entre la métaphysique grecque et la technologie, l'arraisonnement du monde, la mise à la raison du monde. Ce qui nous dévore, menace est sans doute mortel. Mais quelles que soient les modalités, l'humanité est mortelle et elle ne veut pas le savoir.

Je crains fort qu'aucun écrivain ne puisse donner la mesure, dresser le tableau de ce gigantesque chaos (2H, 2F dans leur enfer ça ne me permet pas d'évaluer les 7 milliards en enfer). Même les quelques décideurs mondiaux n'ont aucune maîtrise. La barge mystérieuse de Google qui se déplace pour se mettre à l'abri des lois ne doit pas nous impressionner, elle ne sait pas où elle va si ce n'est dans l'abîme avec nous. (On devrait se demander quel messianisme explicite ou pas, les grandes boîtes comme Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft véhiculent, l'analyser, le soumettre à la critique. C'est ce messianisme qui induit les comportements, le secret dans ces boîtes, idem d'ailleurs au FMI et dans nombre d'institutions; ça s'apparente à des comportements de sectes et de clans, persuadés d'avoir raison et refusant toute pollution mentale, idéologique extérieure).

Donc même si le cheminement vers l'abîme ne se fera pas sans réactions, il semble peu probable qu'un projet alternatif, un autre mode de vie puisse se substituer à ce qui s'est imposé à nous avec l'aide de nos illusions ou croyances, la croyance au Progrès qui nous facilite la vie.

En attendant le déluge (ce qui est un peu différent du 100 % irresponsable, de celui qui dit après moi le déluge), je choisis tout de même d'être un peu moins irresponsable, plus autonome, de préférer mes voisins et amis réels à mes amis virtuels, de me soucier de ce qui me paraît l'essentiel : comment vivre sous l'horizon de la mort ?

Soyons clair, j'introduis quelques légères variantes dans un mode de vie de plus en plus formaté impliquant contrôle, participation, domination, violence, démocratie très abâtardie, contestation toujours récupérée. Pour les dizaines de milliers participant au travail de la NSA, un Edward Snowden qui prend le risque de bouleverser sa vie, pour les dizaines de milliers travaillant pour le Pentagone, un Bradley Manning, aujourd'hui Chelsea Elizabeth Manning, qui a pris le risque de la prison.

Et si je peux introduire quelques variantes (la part du colibri de Pierre Rabhi) c'est que je suis classe moyenne moyenne, professeur de philosophie en retraite, que je vis dans ma maison dans un village du sud de la France en Europe (il me faudrait définir tous ces mots comme fait l'auteur pour certains car l'Europe, la France ne sont pas des évidences), que mes conditions de vie sont bonnes et que je peux ne pas avoir envie d'oublier, de me vider la tête avec des divertissements volontairement abêtissants, de me vider les couilles (à mon âge, il n'y a plus trop d'urgence, ça parle pas mal de baiser dans Pulvérisés, êtres humains réduits à des besoins élémentaires).

Pour conclure sur Pulvérisés, ma conscience aigüe de la question sociale (l'importance de réduire les inégalités avec par exemple l'adoption à l'échelle du monde du revenu universel de base mais cette mesure a à être discutée ; Le cauchemar de Don Quichotte montre très bien les effets doubles, contradictoires et pervers de pas mal de positions et propositions ; je pourrais très bien en faire la démonstration avec ce que réclament les gens de culture menacés par le MEDEF et l'État) et mes variantes petites-bourgeoises ne me donnent pas de prise plus grande pour changer cet état de pulvérisation du plus grand nombre. Peut-être que je contribue par mes comportements en partie responsables à ralentir d'une seconde la fin de l'espèce.

Et au risque de choquer, les choix consuméristes du plus grand nombre de consommateurs (vivre mieux, voyager, s'éclater …) ne m'intéressent pas. J'ai un peu plus de respect pour ce que veulent les producteurs, les salariés.

Je pense qu'il faut penser la vie en se sachant mortel, sans doute la plus grande des peurs, celle qui relativise toutes les autres, peur superficielle, peur cutanée, peur respiratoire, peur digestive, peur inflammatoire, peur rénale, peur sanguine, peur asthmatique, peur fiévreuse, peur infectieuse, peur contagieuse, peur hémorragique, peur hypertensive, peur hypotensive, peur cardiaque (la mienne), peur épileptique, peur hallucinatoire, peur schizoïde, peur chronique (séquence 1 de Mode d'emploi. Ou séquence 18 de Mode d'emploi : On a tous peur.)

Que philosopher c'est apprendre à mourir (Montaigne).

Les 3 autres pièces d'Alexandra Badea, rassemblées dans le même volume, présente un point commun avec Pulvérisés. Elles traitent d'un aspect de notre monde avec une précision documentaire frappante. C'est une écriture qui varie d'un texte à l'autre et qui présente aussi des répétitions de procédures, énumérations et circularité de séquences. Cela donne du rythme, de la force au propos.

Contrôle d'identité à travers 30 séquences évoque le cas d'Erol Karaca. Il y a une dramatisation puisque la séquence 29 est sans doute celle du suicide d'Erol avant l'annulation du jugement du tribunal rejetant sa demande de régularisation de séjour. On peut s'étonner du tour pris par certaines séquences, par exemple la séquence 15 où 9 verbes sont conjugués à toutes les personnes de l'indicatif, façon d'exprimer que ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre et pour tous, dans la diversité des situations singulières et plurielles, masculines ou féminines. La séquence 13 sur les murs de briques et les murs invisibles est très parlante. On a des séquences très réelles comme la 18, dialogue où celui qui veut aider se voit acculer par celui qui ne veut pas de n'importe quelle aide, une certaine façon de revendiquer sa dignité. Je ne peux pas te dire ma date de naissance sans savoir la tienne.

Mode d'emploi présente à travers 36 séquences différents modes d'emploi genre Bagages mode d'emploi, Le préservatif féminin mode d'emploi. C'est La vie Mode d'emploi, déclinée dans des situations très concrètes : Titre de séjour mode d'emploi, Le couple mode d'emploi … Ce kaléidoscope ou ce patchwork de modes d'emploi fait sentir combien nous sommes enserrés par les modes d'emploi, comme nous nous y adaptons sauf à avoir un jour, on ne sait pourquoi, l'envie de se mettre par terre.

Cette pièce met en avant pas mal de situations roumaines, pays d'origine de l'auteur. Il y a du vécu personnel revisité par l'écriture très incisive de l'auteur, les situations de contrôle où le fonctionnaire mâle abuse de son pouvoir : Déshabille-toi. Enlève tout. J'ai dit tout. Tout. Travailleur étranger mode d'emploi avec la liste des métiers, définition de métier, énumération des compétences. L'auteur, comédienne, metteur en scène, reconnue en Roumanie est venue s'installer en France. Pas simple. Pas de problème d'insertion mais des problèmes de repères. Par exemple la séquence 28 : La sécu paye. La sécu paye pour moi … La France paye. La France me paye. Avec cette fin dans une lettre à maman : Mon nom est sur beaucoup de papiers...et ça me rend heureuse. Mon nom existe. J'existe. Dans les papiers. Dans les papiers des autres. Efficace.

Burnout est une pièce à deux personnages, l'évaluateur et l'évaluée. Là aussi pièce bien documentée avec le langage des évaluations. L'évaluée et ses objectifs, travailler plus, ses objectifs sur post-it collés de partout, les verbes des objectifs mais surtout pas le verbe oublier, les primes, les définitions de performance, efficience, efficacité. L'évaluateur lui ne veut pas avoir honte de vouloir une vie plus facile pour sa famille. Il veut plein de bonnes choses, bonne voiture, bonne femme, bonnes vacances … horizon très borné sur des objectifs de conditions de vie ne garantissant nullement que c'est la vie, de la vie, de la vie vraie, avec du sens, des valeurs car ça, le sens, les valeurs c'est un autre travail que le boulot, la performance. Si tout finit par la mort, quel sens a la vie ? Peut-on lui en donner un et cela suppose quoi comme condition ou cause ou raison.

Allez je vends la mèche, si je ne pose pas que je suis un être libre, capacité à dire NON avant de dire de petits ou grands oui, alors pas de sens à donner, par exemple développer et partager le meilleur de soi-même, ce qui est différent de rechercher la fortune, le bonheur, le pouvoir, les femmes, la belle vie, toutes éthiques possibles et sur lesquelles je n'ai pas à me prononcer puisque choix de chacun mais je peux dire ça ce n'est pas mon choix. Encore faut-il que je me vivre libre pour choisir, sinon on choisit pour moi.

L'évaluateur est mis en face d'une de ses erreurs d'évaluation. Un évalué lui dit j'ai envie de m'évader de mon corps et lui le psy lui répond suicidez-vous, comme ça, ça ira mieux et deux jours plus tard l'évadé se pend. L'évaluée meurt par burnout, sous-nutrition, surmenage. L'évaluateur remet en cause sa fonction, ses objectifs : je ne veux pas une bonne vie, je ne veux pas une bonne mort. Ceci n'est pas un suicide causé par le burnout.

Libre, il a dit NON.

Est-ce cette liberté de dire NON qui partagée par le plus grand nombre suffirait à mettre à bas le système décrit et dénoncé en creux par Alexandra Badea, grand prix de littérature dramatique 2013 ?

Jean-Claude Grosse

Pulvérisés et autres pièces/Alexandra Badea

Mon expérience face of Book

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Mon expérience face of Book

(figure du Livre)

Résidant à Paris et n'ayant aucune obligation d'écriture n'étant aidé par aucune aide publique ou privée, disposant comme je l'entends de mon temps, m'accordant le droit à la paresse, je décide un matin de m'investir sur face of book pour une quinzaine. Au moment où je m'attelle à l'élargissement de mon réseau d'amis, j'en ai 28. Dix jours après, 148. Je n'ai demandé à faire ami-ami qu'à des gens que j'ai connus, perdu de vue. Je suis content. Quelle diversité d'intérêts, d'expériences. Chaque page est avec ses creux, une vie, des romans ou des poèmes à écrire. Mais assez vite, je déchante. Je reçois des notifications à tout va, tout ce que chacun propose s'affiche dans le fil d'actualité, j'apprends qui devient ami avec qui. Je fais usage des paramètres pour arrêter quand je veux ce flux, le relancer quand je veux. Beaucoup d'amis font les frais de ma censure. Ras le bol dès quelques jours de tous ces messages sur les Turcs, les Grecs, les Brésiliens, les Syriens, les Roms, les fachos, les Lejaby, les Amina, les Femen. Messages qui ne sont que des liens, reprises d'articles de presse. Parfois une présentation personnelle, le plus souvent rien. Absence criante de pensée. Une exception sur une photo d'un homme immobile place Taksim.

Les manifestants turcs ont trouvé une nouvelle forme de contestation, l'homme à l'arrêt...

Un homme se tient debout sur la place Taksim d'Istanbul. Muet, le regard fixe, il n'a pas bougé depuis des heures.
Son action pacifique, sur une place interdite au rassemblement par les autorités turques, intrigue et fascine les centaines de personnes qui l'observent, lui, et la police. Il est arrivé lundi soir à la nuit tombée et s'est planté au milieu de la place, à quelques dizaines de mètres du parc Gezi. Le parc, berceau de la contestation du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, est solidement gardé par des dizaines de policiers. Cinq heures plus tard, l'homme est toujours là, les mains dans les poches, un sac et des bouteilles d'eau à ses pieds. Il fixe l'immense portrait du fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.
Des centaines de personnes ont afflué. L'auteur de cette action inédite à Istanbul, qui vise à contourner l'interdiction de manifester tout en occupant la place Taksim après le coup dur porté par l'évacuation du parc Gezi, s'appelle Erdem Gunduz. Ce chorégraphe stambouliote est aidé par ses amis qui empêchent les centaines de personnes présentes de s'approcher de lui et
le ravitaillent en eau.

Le moment de la pensée : Pour une contemplation subversive

Le contemplateur contemple, le corps immobilisé dans l’agitation sociale, sous le regard de ceux qui ne contemplent pas et continuent de s’agiter. Il ne fait aucun profit. C’est un être rendu au monde, à une matérialité retrouvée, parfois brutalement et jusqu’à la mélancolie.
La contemplation en appelle à la volonté de l’être à trouver sa place dans le monde. Empêcher, ou modifier la contemplation du citoyen est un premier stade mis en œuvre par l’État démocratique. Le second stade est d’empêcher la réflexion : et c’est l’État totalitaire. Dans les deux cas l’État - démocratique comme totalitaire - y trouve
son compte. Christophe Pellet.

Et mon commentaire : enfin de la pensée sur ce mur trop politique comme s'il suffisait de manifester, faire grève, pétitionner, récupérer des morts et des martyrs, dire à bas; toute ma vie, j'ai dit À bas ! Halte ! Stop ! Et rien n'a été abattu, rien ne s'est arrêté, les coups ont continué à pleuvoir ; ça m'a lentement dégradé, je me suis rongé les sangs, j'ai stressé, j'ai eu mal au dos, j'ai développé un cancer du foie guéri puis un de l'anus en voie de guérison depuis que je me suis dit je m'en fous ; j'en ai tellement assez au bout de quinze jours que je ne partage que des liens en lien avec les actions proposant de changer mode de production agricole et de consommation, vivre dans la sobriété heureuse, un peu aussi comme le sage de Lao-Tseu et donc je vais être dans le non-agir.

Ma courte expérience de face of book m'a montré aussi que si je pouvais agir sur les paramètres non pour censurer l'expression de chacun mais empêcher cette expression de m'atteindre, l'inverse était également vrai. Ainsi d'une femme qui met sur facebook une photo d'elle et de sa fille de 7-8 ans avec en commentaire Et la voilà qui passe le bac demain ...102 personnes aiment ça.

C'est dimanche soir. Demain c'est le bac et l'ouverture du procès de Mathieu Moulinas, le violeur de Salomé F. et l'assassin d'Agnès M. Je pense aux grands-parents que je connais, à leur deuil impossible, à leur révolte. J'écris donc sur le mur de cette femme, en lien avec une citation d'elle :

L'amour est-ce autre chose, que partager le désir et la peur, le plaisir et l'effroi, corps troublés, mots tremblants, croire ensemble à l'ogre qui va nous manger et à la fée qui va nous sauver ?

- bonheur et petite peur pour vous et pour elle demain à Paris ; malheur, douleur, deuil impossible, révolte pour eux, demain, là-bas, au Puy en Velay, parents, grands-parents, grand-frère d'Agnès, massacrée par Mathieu

La femme a supprimé mon commentaire, m'a rayé de sa liste d'amis.


Regardant les murs de mes nouveaux amis, réels et virtuels, j'y vois divers comportements, je me contente de deux catégories ; ceux que le monde agite, Héraklès inlassables, ceux qui se mettent en valeur, Narcisses en transe. Chaque mur, c'est 4% de matière lumineuse, le reste en énergie noire. 7 milliards de murs sur face of Book, 7 milliards de visages troués, de visages évidés composant le Livre, illisible par quiconque mais déchiffrable sans lecture ni lecteur : du vide sidéral.

Aujourd'hui 21 juin 2013, 5 H 04, jour du changement de saison, j'ai noté mes chiffres :

sur mon blog 328000 visiteurs pour 732000 pages vues

http://les4saisons.over-blog.com

sur le blog des agoras d'ailleurs 95500 visiteurs pour 192000 pages vues

http://agoradurevest.over-blog.com

sur celui des Cahiers de l'Égaré 118500 visiteurs pour 244000 pages vues

http://cahiersegare.over-blog.com

sur mon espace vidéos dailymotion 125500 visites pour 244 vidéos

dailymotion/jean-claude grosse

sur you tube 124000 visites pour 172 vidéos

you tube/jean-claude grosse

Impossible de connaître la fréquentation de ma page facebook qui présente un avantage par rapport aux mails : pas de spams.

Quant aux blogs, ils sont le lieu d'élaboration de ce que je veux partager. Ce que je constate c'est que j'ai un nombre réduit d'abonnés aux articles, une soixantaine pour les 3 blogs, que j'ai un certain nombre de commentaires, entre 200 et 250 pour un total de plus de 600 à 650 articles. Certains articles ou certaines pages sont en tête des visites chaque jour depuis des mois ou années (poèmes d'amour, Gabrielle Russier) et d'autres sont ignorés jusqu'à ce qu'un buzz les remette en lumière (passage à la télé d'un auteur, jour anniversaire d'un événement : sabordage de la flotte, Rosenberg). Les blogs sont pour moi la richesse, le réseau social peut seulement aider à diffuser cette richesse, pas suffisamment exploitée.

Jean-Claude Grosse

un article récent pose la question des fantômes de facebook, ces amis dont on ne reçoit plus les messages: j'ai effectivement observé cette tendance, indépendamment de ma décision de vouloir ou non que les messages s'affichent ou pas dans le fil d'actualité

Mon expérience face of Book

Le cauchemar de Don Quichotte

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Le cauchemar de Don Quichotte

Matthieu Amiech et Julien Mattern

Climats (2004)

Lire un livre 10 ans après sa parution (acheté à mon dernier salon du livre en 2004) parce qu'on l'a retrouvé, trouvé dans sa bibliothèque où des centaines de titres attendent que le désir, le hasard viennent s'en saisir est une expérience d'évaluation quasi-immédiate. On sait au bout de quelques pages si l'essai est encore d'actualité ou s'il est déjà obsolète, s'il vaut le coup d'y consacrer quelques jours de lecture ou pas, en lien avec les préoccupations citoyennes qu'on peut avoir.
Le cauchemar de Don Quichotte a réussi l'examen du temps comme La révolte des élites de Christopher Lash, toujours chez Climats qui avec Agone éditent des livres importants pour tenter de comprendre dans quel monde on vit. Les auteurs doivent être jeunes, ils ont parfois un ton naïf, ils se font humbles devant l'ampleur de la tâche, tenter de déblayer le terrain idéologique pour faire émerger quelque prise, saisie de ce monde en vue d'agir. Leur maîtrise des références (des penseurs marginalisés) n'est pas toujours convaincante parce qu'ils n'en disent pas assez.

La fin du livre est édifiante, l'utopie 1810 - 1820 de Saint-Simon d'une société, d'un monde entièrement soumis à la science, à l'industrie et à l'utilité économique, peu probable à l'époque s'est réalisée ; nous vivons en plein dedans, salariés et consommateurs à deux moments différents de la journée, enchaînés par nos intérêts contradictoires, explosifs, générateurs d'inégalités aggravées, donc de violences potentielles et réelles, de conditions de vie de plus en plus précaires, stressantes. Le monde d'aujourd'hui, on peut supposer qu'on en a une certaine conscience. Vouloir universaliser notre mode de vie consumériste est sans doute le plus mauvais choix ayant été fait, celui qui tout en dégradant de manière sans doute irréversible la planète, aggravera conditions de vie et de travail du plus grand nombre pour le profit d'élites réduites, cyniques, oligarques et népotiques.

Le cauchemar de Don Quichotte montre comment tout un tas de critiques de gauche (des altermondialistes qui refusent d'être nommés antimondialistes, en passant par Attac, la LCR devenue NPA ...) de ce monde sont en fait gangrenées par l'idéologie dominante, le fétichisme marchand et par des illusions mortelles ou mortifères car elles barrent la route à l'émergence de voies nouvelles.

Si on croit au progrès, si on pense que la solution aux problèmes est dans la croissance, 1 à 2 points de croissance par an, si on croit au nom de l'égalité (ou de la lutte contre les inégalités) à la nécessité de faire profiter tout le monde (7 milliards) des avantages et avancées du monde occidental (le plein emploi, les acquis salariaux, la réduction de la durée du temps de travail, l'augmentation des congés payés, la sécurité sociale, la retraite de 60 ou 65 ans à 100 ans, logement, école, santé éternelle avec prothèses bioniques pour tous, le maintien du statut d'intermittent, la culture élitaire pour tous), alors on accepte dans les faits, partageux que nous sommes, la marchandisation de tout, y compris les biens culturels et c'est bien parti, la mondialisation des marchés, l'interdépendance de tous les secteurs et leur spécialisation, la mise en réseaux des systèmes de communication, d'information, d'échanges financiers et commerciaux. Bref, l'extension de ce que nous voyons depuis les années 70 avec l'émergence de sociétés multinationales présentes dans le monde entier, aux moyens plus importants que ceux des États, sociétés qui ne s'embarrassent pas trop des contraintes et des lois, engagées qu'elles sont dans des stratégies de domination, donc d'exploitation, en guerre entre elles, en partie, en guerre contre les États sauf quand, comme les banques spéculatives en faillite en 2008, elles ont besoin d'être renflouées. Multinationales animées par un messianisme interne, où la guerre menée dans le secret est considérée comme une mission civilisatrice. Faudrait analyser cela.

Si on croit que l'État, celui d'hier, l'État-Providence, est le recours contre les pratiques hégémoniques des multinationales et des banques, alors on risque au minimum d'être déçus, de vivre comme trahisons toutes sortes de promesses faites pour arriver au pouvoir et jamais appliquées, une fois installés car les États sont corsetés dans tout un réseau de traités, de règlements dépassant le cadre et les prérogatives des États. Les élus et hommes au pouvoir sont sous la coupe de bureaucrates, de technocrates non élus, genre Union européenne et ses commissions, commissaires, fonctionnant au lobbying et dans le secret, eux-mêmes contrôlés par l'économie et la finance, elles-mêmes incontrôlables. On le voit avec le Traité transatlantique en cours de négociation entre Amérique du Nord et Europe : s'il est adopté et il le sera, les multinationales pourront poursuivre les États ne respectant pas les normes du libéralisme, voulant légiférer, règlementer, limiter leur pouvoir. La démocratie et le marché ne sont pas compatibles. La démocratie (qui demande du temps, du débat d'opinion et pas des batailles d'experts souvent en conflits d'intérêts) est trop peu réactive par rapport à la vitesse des changements technologiques, des pratiques managériales quasi-dictatoriales. Croire que l'État peut corriger le marché, moraliser les banques d'affaires, donner un visage humain au capitalisme est une illusion dangereuse qui conduit dans l'impasse la réflexion et l'action. L'analyse faite dans le livre des grèves de 2003 (comparées à celles de 1995) est particulièrement illustrative de ces illusions, expliquant sans doute que la jeunesse (lycéens, étudiants) n'ait pas rejoint le mouvement.

Évidemment parmi les illusions néfastes, croire que la voie social-démocrate, devenue voie social-libérale peut atténuer, voire réguler, et sauver l'essentiel des meubles. On en avait eu une illustration magistrale avec le comportement de la social-démocratie allemande votant les crédits de guerre au Kayser, ouvrant la voie à la boucherie industrielle de 14-18 au mépris des engagements internationalistes, la grève générale contre la guerre. Assassinat de Jean Jaurès, assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg.

Idem avec la voie révolutionnaire mais qui y croit encore (ceux qui se réclament encore un peu du marxisme ont renoncé aux luttes de masse). On en avait eu une illustration magistrale avec le comportement des staliniens lors de la montée du nazisme en Allemagne, plutôt frapper sur les sociaux-démocrates que faire alliance avec eux contre le nazisme et c'est ainsi qu'Hitler arriva, minoritairement élu, au pouvoir et enferma les dirigeants sociaux-démocrates et communistes allemands.

Et les auteurs de s'étonner de l'amnésie qui en même pas 40 ans (1968-2003) a fait oublier nombre d'analyses radicales, d'avertissements prémonitoires. C'est là que leur éclectisme est peut-être un peu faiblard mais c'est bon de citer leurs références. Oubliés Georges Orwell, Guy Debord, Simone Weil, Rosa Luxembourg, Herbert Marcuse, Hannah Arendt, Jacques Ellul, Günther Anders et bien d'autres. Oubliées aussi des formes de lutte comme le luddisme en Angleterre au XIX° siècle, la destruction des machines textiles (1811-1812). Oubliés les conseils ouvriers, la Commune de Paris (1871), les conseils de Budapest (1956). Là aussi ils n'en disent pas assez. Les hackers, les anonymous sont-ils les nouveaux luddites ? En tout cas, merci au soldat Bradley Manning, fournisseur de WikiLeaks, oublié dans sa cellule, merci au lanceur d'alerte Edward Snowden, planqué quelque part en Russie qui a su l'accueillir. Certes il y des mouvements. Ça part des fois d'en bas et ça se coordonne un peu. Des fois ça vient d'en haut, des syndicats et ça fait des grèves tournantes, des journées d'action de 24 h, des manifestations. Parfois c'est inventif, mouvement des indignés, occupy city and wall street. Mais on en est où ? Beaucoup d'énergie qui finit pas s'épuiser et épuiser les manifestants et les usagers qu'on tente de dresser contre les grévistes. Cette rupture dans l'histoire de la pensée et de l'action radicale a pour effet principal, le désinvestissement dans l'engagement politique (même pas militant car ce n'est plus un comportement courant que de militer) par sentiment d'impuissance, la jeunesse étant la principale concernée. La responsabilité des économistes, sociologues, historiens dans ce constat est bien sûr importante mais pas seule : l'horizon bouché ça plombe !

Peut-on s'en sortir ? La réponse n'est pas assurée. Mais il y a à renouer le fil d'une pensée réellement critique à partir au moins de cette assurance ou conviction, voire croyance, notre mode de vie n'est pas universalisable, continuer sur cette croyance nous mène tous dans le mur. Il faut cesser de croire à l'avenir radieux avec un capitalisme à visage humain comme l'avenir radieux avec le socialisme sans ou à visage humain n'a jamais vu le jour (ils n'abordent pas les dégâts causés par le stalinisme entre 1923 au moins et 1982, mort de Brejnev ; c'est dommage). Ne plus croire que la mondialisation du marché, que le salariat pour tous (et alors on peut se scandaliser en toute innocence et ignorance du fait que des centaines de millions vivent (?) avec moins de 2 euros par jour ; illustration de la pollution idéologique puisque on évalue leur vie avec une somme d'argent) donnant accès à la consommation de masse sont la clé du bonheur et du plaisir pour tous. Le marché s'autonomise de plus en plus, s'émancipant de plus en plus des contraintes et lois, nous faisant perdre notre autonomie, nous enserrant dans des réseaux dont nous croyons qu'ils nous facilitent la vie (et en partie c'est vrai si on oublie de penser le prix que l'on paye, humanité et planète).

Alors ? la décroissance ? Le mot fait peur. Des mots comme développement durable, sobriété heureuse sont également proposés.

Les auteurs en disent trop peu, ils nous alertent sur le fait que ce sera difficile, dangereux car ou nous laissons filer les choses et l'humanité est menacée de chaos, voire de disparition (catastrophisme de beaucoup de films ou romans) ou nous provoquons un effondrement de ce système. Il n'y a de choix qu'entre le chaos complet, plus ou moins définitif et un effondrement volontaire et maîtrisé (il ne le sera jamais complètement) destiné à devancer le chaos et à en atténuer les conséquences.

Un seul projet politique leur paraît donc pertinent : approfondir la crise afin d’en gérer les conséquences. Ce processus serait à mener sans État et même contre lui (ils n'évoquent pas le caractère répressif de tout État, la violence d'État de plus en plus évidente ; or ce n'est pas un mince problème quand interviennent les forces du désordre, voire l'armée de métier). Il leur paraît nécessaire d’envisager l’effondrement volontaire de l’Économie de concurrence généralisée, mais ils en négligent la grande conséquence : une dépression générale instantanée.

Ils savent qu’un changement de culture ne se décrète pas puisqu’il s’agit que se crée une autre manière de vivre et là, ils n'ont rien, et c'est normal, à proposer car ce seront des créations collectives de nouveaux vivre-ensemble concrets, et pas virtuels comme ceux des réseaux sociaux. Il y aura tellement de dégâts à réparer, eaux des nappes et des rivières, terres agricoles pesticidées, air archi pollué, déchets nucléaires, dénucléarisation de la fission, désarmement, réchauffement climatique… restaurer des liens sociaux ou en inventer de nouveaux, pas la fête des voisins, et la journée d'ELLE, la F, et celle de LUI, le grand-père ou le père…, inventer un autre usage de l'argent ou autre chose que lui. Les scientifiques ayant rompu avec le système mais auront-ils encore accès aux laboratoires ? seront nécessaires. Le débat et sa lenteur devront être restaurés (ah surtout pas le système électoral, piège à cons où nous déléguons par un bulletin tous les 5, 6 ans nos pouvoirs à des professionnels carriéristes), dans la proximité. Il faudra penser et agir petit, small is beautiful, réaliser petit, la petite part du colibri de Pierre Rabhi. Ralentir (chacun par des comportements plus responsables) la disparition de l'humanité d'une seconde multipliée par des centaines de millions, c'est peut-être permettre à la jeunesse d'après-demain (horizon probable minimum, 100 ans) à laquelle nous n'aurons pas su rendre un monde meilleur, de le leur rendre pas complètement chaotique.

Cela dit, une évolution-révolution minime, non évoquée dans le livre, me semble en cours. Des millions d'initiatives sont prises dans tout un tas de domaines, des comportements nouveaux émergent, il y a du têtu ou de la ténacité chez l'homme, je ne parle pas de la femme, encore plus têtue, tenace. Même dans les conditions les plus extrêmes, ce n'est pas que l'agressivité individualiste qui règne seule. Et dans nos conditions de confort ce n'est pas non plus l'hédonisme cynique individualiste qui règne seul.

Parmi les mouvements qui ont le plus ma sympathie, semons des graines, kokopelli, le mouvement des colibris …

Cet article est à la fois à peu près fidèle au livre et nourri de mes propres façons de dire et de voir le monde dans lequel je vis.

Jean-Claude Grosse

Le Revest-les-Eaux et son parc zoophotovoltaïque/coup de froid

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Dans le cadre des municipales de mars 2014, je fais remonter cet article de mars 2011. Regardez avec quelle vitesse, les modes passent. Y compris les modes énergétiques. Depuis, il y a eu Fukushima mais on s'en tape; c'est là-bas. Et Tchernobyl, c'est si loin dans le temps et l'espace. Le lapiaz du Revest est à faire classer pour que ce ne soit pas demain une affaire classée par l'actuelle équipe municipale.

Jean-Claude Grosse

 

Le Revest-les-Eaux

(article sur l'échec collectif du Revest)

et son parc zoophotovoltaïque

  (article de Var-Matin)

 

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ce qu'on verra depuis La Seyne (taches bleu foncé)

 

Je me suis rendu en mairie du Revest-les-Eaux, le 1° février 2011
j'ai passé une heure et quart à lire, parcourir le dossier sur le parc photovoltaïque de 40 hectares et 55000 panneaux qui ne gênera en rien, d'après les compétents, l'existence des espèces endémiques du coin, faune et flore, d'où le nom de parc zoophotovoltaïque, première en France pour ce village du Var, Marianne d'or 2010 de l'environnement, sachant allier harmonieusement site industriel de production électrique et respect des espèces en voie de disparition comme l'aigle de Bonnelli.
j'ai laissé une note
la voici :
apparemment, tout est fait dans les règles. Il y a des cabinets techniques compétents (ils en vivent), un porteur de projet (GDF Suez, en 2008, Electrabel ?)(qui en fera du profit), un maire et un conseil municipal constatant qu'au Revest, il y a des pierres et du soleil (à mettre en valeur, pour 140000 euros/an de ressources dont la commune décidera de l'usage), une réunion publique (le 19/11/2010, j'étais en plein drame avec la 2° opération de ma femme), une enquête publique.
En fait, c'est l'omnipotence qui s'affirme ainsi sous couvert d'une démocratie purement formelle. Un élu décide et se donne les moyens légaux de confirmer sa décision. Il habille son idée, son projet d'avenir de considérations diverses (Grenelle de l'environnement, réduction d'émission de CO 2, énergie verte ...), autant de leurres pour un seul objectif, 140000 euros/an.
S'agissant d'un projet aussi impactant négativement, une autre démarche aurait été souhaitable, réellement démocratique, faisant confiance aux Revestois, à leur réflexion, à leurs propositions pour un avenir durable, un vrai développement durable du Revest et de son territoire. Ce n'est pas la voie choisie par la municipalité. C'est dommage.
Jean-Claude Grosse
tête de liste Avec vous maintenant 2008

je vous invite à vous rendre en mairie jusqu'au 10 février
quelques excellentes contributions, Claude C, la section PS du Revest, un garde-chasse et d'autres, Marie-Hélène T. , ...
mais ça fait peu, très peu sur 4000 habitants
des avis très négatifs d'organismes officiels et d'une association de Valensole qui nous met en garde contre GDF Suez avec le parc de Curbans

JCG
je suis retourné ce 10 février pour écrire mon opposition à ce projet pharaonique qui se verra de partout pour 3 raisons :

- déclassement d'une zone Natura 2000 rendant pérenne un site pour la reclasser zone industrielle à courte durée de vie (25 ans)

-  impact visuel sur toute la région considérable; impact sur faune et flore impossible à évaluer; impact sur la circulation des eaux souterraines impossible à évaluer; destruction irrémédiable du pierrier, la xalada, mot de Pétrarque qui passa par là pour visiter son frère à la Chartreuse de Montrieux; ce pierrier est d'une beauté sans pareille et il faut être le maire actuel pour ne pas sentir ce qui s'est travaillé là, les millions d'années à l'oeuvre pour sculpter ce massif; on a là un rapport au temps très long qui rend humble

-  qu'adviendra-t-il de cette friche industrielle dans 25 ans, temps de vie bien court; d'ici-là, on aura trouvé d'autres sources de produiction de l'énergie; aucune loi n'oblige Le Revest à être champion de la production d'énergie solaire, d'autant que comme le disait le bulletin N°2 d'AAVM en juin 2009 (échange de courrier entre la présidente d'AAVM et le maire) on peut utiliser les toits communaux, les toits particuliers ...

bref, je suis contre la modification du PLU.

JCG

 

Bonjour,
 
Je suis allée dimanche 6 février sur le site du futur parc photovoltaïque pour avoir une idée concrète des lieux, au dessus de la carrière, sur un chemin qui monte au Grand Cap.
C'était à l'initiative de Claude C. Etaient présentes une quinzaine de personnes,  des habitants du Revest, des représentants d'associations, un journaliste, des ex ou toujours techniciens connaissant la carrière, la circulation des eaux, les méandres des administrations ... enfin des personnes ayant une connaissance pratique du terrain et une vision concrète des enjeux. Nous avons également croisé le garde-chasse avec qui nous avons discuté utilement de la circulation des animaux.
Il faisait beau, la balade était agréable, en bonne compagnie, mais en arrivant sur les lieux repérés par une petite affichette punaisée sur un arbre, pour tous ceux qui ne connaissaient pas l'endroit, comme moi, c'est la surprise et la consternation qui nous ont gagnés ; le terrain qui monte vers le Grand Cap dont on devine les antennes au sommet est très accidenté, avec une alternance de failles rocheuses et de  reliefs parsemés de végétation basse. Il semble inconcevable d'y envisager des installations qui réclament un terrain nivelé, à moins de terrassements gigantesques. Par ailleurs, l'accès actuel ne permettrait pas la montée d'engins et de camions, il faudrait donc faire une route.
Pourquoi là ? D'autant que d'autres sites, plus accessibles et déjà industrialisés comme l'actuel lieu de dépôt de rejets provenant du creusement du tunnel, que nous avons aperçu d'en haut, pourraient être plus appropriés.
Voilà mes constatations. Je vous joins également pour info une lettre que j'ai déposée à titre personnel à l'attention du commissaire enquêteur. Cela peut vous donner un idée du projet.
 
Marie-Hélène
 
PS rappel : clôture de l'enquête publique le 10 février


 
J'ai lu le bulletin du PS local
arguments valables sur le plan environnemental
Marie-Hélène se situe aussi sur ce terrain
il y a un aspect politique, financier plutôt,  qui avait été mis en évidence dans un article de VMR, à savoir 140000 euros de rentrée pour la municipalité, sans rien faire si ce n'est modifier un PLU, avec l'alibi du développement durable
sans proposition de filières créatrices d'emploi, de logements sociaux, ... tout ce sur quoi le projet  d'Avec vous maintenant mettait l'accent en 2008
comme toujours la facilité camouflée derrière des leurres et des mots à la mode

et deux bouquets de rhétorique

- s'inscrire dans l'histoire de la commune par l'annonce que la formule historique du maire actuel " au Revest, il n'y a que des pierres et du soleil ", justifiant le parc (pour une fois que des pierres et le soleil peuvent rapporter !) c'est une découverte d'un maire d'autrefois, Alphonse Sauvaire. Ainsi, si erreur  il y a, ce sera grâce à ce maire d'hier

- autre perle du maire : du village on ne voit pas le parc, l'énorme verrue qu'on ira pédagogiquement  visiter avec commentaires techniques (quel touriste aimera monter sur le plateau pour un tel circuit ! à part les enfants obligés, public otage à formater !) mais qu'on  voit  de partout ailleurs ! oui ! mais je le jure ! pas du village ! de la tour,  si ! va falloir supprimer la tour !

Les 10000 foyers alimentés en électricité solaire sont des foyers abstraits; ils ne sont ni revestois ni valettois; cette électricité circule, se distribue, se perd en route; même si on en produit avec son toit, elle va rejoindre les autoroutes de l'énergie électrique; elle est pour les autres, pas pour soi; on marche parce qu'il y a la carotte que ça va être amorti en 10 ans puis que ça va rapporter, jusqu'à ce qu'un gouvernement ou un distributeur revienne sur les avantages du produire soi-même pour les autres; fausse solidarité.

Bien sûr, rien sur l'état du site ni sur les espèces endémiques dans 25 ans, quand c'en sera fini du parc et des espèces. De nouvelles visites pédagogiques seront organisées avec pour thème, l'incurie démocratique responsable de la désertification et des friches industrielles à l'abandon.
Bref, habillez votre indigence de mots beaux et vides et on revotera pour vous, monsieur le maire, en 2014, éblouis par le parc. Et jusqu'en 2035, fin du parc zoophotovoltaïque. Vous avez tout l'avenir, notre avenir, devant vous. Continuez à décider pour nous. Vous êtes si jeune, si talentueux, si content de vous pour nous. Il suffit de lire l'article de Var-Matin, mis en ligne ci-dessous. L'hostilité au parc est politicienne, à cause des cantonnales. Que la rhétorique est facile. Il peut se passer plein de choses en Tunisie, en Égypte qui disent: nous voulons de la démocratie réelle, le potentat local n'entend rien. N'entendra rien jusqu'à son balayage ! Il le sait mais ne changera pas. C'est ça un homme de pouvoir!  ça donne ça, le pouvoir !

JCG

 

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l'impact visuel depuis le pigeonnier (en jaune)

 

Marie-Hélène T.                                                       

 

à Monsieur Jacques G. 

commissaire enquêteur                                                               
mairie du Revest-les-Eaux
 
Le Revest, le 7 février 2011
 
 
Monsieur,
Je me suis rendue à la mairie pour consulter le dossier concernant la révision du PLU pour l’implantation de parcs photovoltaïques. Je me suis également rendue sur le site.
Je ferais une première remarque, de simple bon sens : pour quelles raisons un site que l’on a considéré devoir classer en zones protégées avec force arguments pourrait-il  devenir du jour au lendemain un site industriel, invalidant de fait toutes les expertises, arguments et obligations qui ont justifié ces classements ? Cela n’apparaît pas très cohérent.
Par ailleurs, il  ressort de la lecture du dossier d’étude de ce projet et des différents avis, en particulier de la DREAL et de la DDTM : 
·       Un impact écologique très fort, dans une zone qui comporte des espèces protégées ou fragiles avec des conséquences fortement minorées et une prise en compte très légère.
Par exemple, l’argument d’un foyer d’espèce protégée (flore) hors de danger parce qu’il se trouve à 10 mètres à l’extérieur de l’enceinte des parcs ne tient pas ; qui pourra assurer cette protection lors des travaux de  terrassement et de clôture? Ce n’est pas réaliste.
De même pour l’aigle de Bonelli, emblématique de la commune, dont le maintien est déjà très fragile ; la restriction de son territoire de chasse et les nuisances entraînées par une longue période de travaux et les nécessités de l’exploitation représentent un grand risque pour la pérennité de l’espèce.
On peut noter également que la question du retraitement des déchets n’est pas abordée : en cours d’exploitation et au bout de 25 ans, que deviendront les panneaux photovoltaïques usagés ?
 
·      Un impact paysager très fort : cette installation se verra d'un peu partout, en particulier de sites classés  et la dégradation des sols sera irréversible. Force est de constater qu’aucune proposition n’est faite pour la réhabilitation des terrains dégradés.
 
·       Des risques minimisés en ce qui concerne l’augmentation des risques d’incendie dus aux travaux et à l’exploitation, et la dégradation possible de la qualité des eaux.
 
La visite sur le site permet de constater l’ampleur titanesque des travaux de terrassement qu’il va falloir réaliser : le terrain est en effet très accidenté, l’accès pentu et sinueux, parfait pour des  randonneurs mais surement pas pour des camions et il est difficile d’imaginer en faire une surface plane. Il suffit de regarder autour de soi pour constater que d’autres sites seraient  bien plus appropriés.
En outre, on peut se poser la question de l’intérêt pour la commune et ses résidents ? Rien concernant la création d’emplois locaux. Pas de fourniture locale d’électricité.  Pas de projets en relation avec cette rentrée financière supplémentaire. Pas de projets complémentaires d’équipement en photovoltaïque locaux (bâtiments publics, aide technique ou financière à l’installation pour les habitants).
Ce projet se limite, tel qu’il est présenté,  à une implantation industrielle et ne rentre pas, c’est regrettable, dans le cadre d’un projet global de développement durable pour la commune.
Les énergies renouvelables sont certainement à développer, j’y suis comme beaucoup favorable,  mais pas au détriment de l’environnement et de la qualité de vie des habitants.
Les caractéristiques annoncées de ce projet, à la fois  d’installation et d’exploitation, ne tiennent pas suffisamment compte des dégradations provoquées,  les modalités de « compensation » semblent totalement inappropriées tant elles sont  dérisoires, les inconvénients minimisés, les études d’impact et de risques pas suffisamment approfondies,  le site de fait mal choisi, sans proposition d’alternative.
Il est par ailleurs dommage que la municipalité n’ait pas fait plus de publicité autour de cette enquête publique, au vu de l’importance du projet et de ses conséquences. Il me semble en effet  que le passage d’un cadre de vie rural dans des espaces naturels – Le Revest « poumon vert » de l’agglomération  –  à un environnement industrialisé, représente un changement radical qui nécessite l’information, la concertation et l’approbation du plus grand nombre.
De fait, dans l’état actuel des choses, je ne peux que me prononcer contre cette révision simplifiée du PLU.
Recevez, Monsieur, mes sincères salutations.
 
Marie-Hélène T.

 

Le futur parc solaire du Revest s'invite dans la campagne électorale

Var-Matin Publié le jeudi 10 février 2011 à 07H06   

 


Le maire, candidat aux cantonales, défend le projet de centrale solaire au-dessus de la carrière. Deux autres prétendants militent pour un autre site

«Christiane Hummel et Pierre-Louis Galli ont réalisé 90 % de leur programme au conseil général, et moi de même à la mairie. Nos opposants cherchent un point d'emprise pour la campagne électorale. Je crois surtout qu'ils font de la com' pour se donner bonne conscience. »
Ange Musso est clair : si le futur parc solaire du Revest fait polémique, si « des tracts contre le projet ont été distribués aux Revestois », c'est que l'élection cantonale approche (20-27 mars). Sous-entendu, on n'en ferait pas tant cas, hors scrutin électoral. Pas sûr...
« L'énergie photovoltaïque, que nous soutenons fortement au niveau national, est une erreur grave et préjudiciable quant au choix de l'implantation du parc au Revest, avance Olivier Lesage, candidat (Cap 21-MEI) aux cantonales. Nous espérons que le projet verra le jour sur un autre site et qu'il sera mené dans une meilleure intelligence et concertation ».
Michel Escudero, autre candidat (PS) : « Il est étrange de vouloir créer un parc solaire fortement visible depuis des sites classés comme le Coudon ou le mont Caume. Nous sommes pour le principe, mais sur un emplacement qui crée le moins de nuisances possibles. »
« Aucune variante n'est précisée »
En l'espèce, MM. Lesage et Escudero pointent le site de la décharge, moins exposé dans la vallée, et qui dispose, de fait, d'une vocation industrielle. Ange Musso : « Il faudrait plus de cinquante ans pour stabiliser le sol de la décharge inerte. Et elle ne fait que trois hectares d'emprise. » La Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) pointe, dans son avis : « Aucune variante de projet n'est proposée ou analysée », dans l'étude de GDF-Suez.
Ange Musso résume le cheminement du projet. « Une étude technique a montré qu'on pouvait réaliser trois parcs, pour 36 mégawatts. Des études environnementales ont ensuite indiqué que le troisième parc n'était pas réalisable, créant trop d'incidence. Sur les deux restants, celui le plus proche de la carrière a moins d'incidence, les discussions portent sur le deuxième. »
La concertation avec les services de l'État a été lancée « en toute transparence », la population a été invitée à une réunion en novembre et l'enquête publique sur la révision du plan local d'urbanisme (PLU) s'est achevée le 10 février. « Personne ne m'a amené un élément nouveau pour arrêter le dossier. Mais si ça devait arriver, je serais le premier à revenir en arrière. Je fais entièrement confiance au commissaire enquêteur, dont l'avis n'est pas "pollué". Son rapport sera déterminant et conditionnera ma position, que je rendrai avant le 20 mars. »
Un loyer pour renforcer le budget communal
Le maire se dit conscient de l'impact de milliers de panneaux solaires sur les contreforts du Grand Cap. « Il est bien évident qu'il faut faire attention et travailler à l'intégration du site. Je reste persuadé que ce type de parc va dans le sens de l'énergie du XXIe siècle. »
Économiquement, le projet de GDF-Suez promet de 120 000 à 150 000 E de loyers annuels sur vingt-cinq ans. C'est peu, comparé aux recettes provenant de la carrière (un million d'euros par an), mais de quoi renforcer un budget communal qui flirte avec les trois millions d'euros.
Les opposants politiques et les défenseurs de l'environnement ne l'entendent pas de cette oreille. Le week-end dernier, ils ont organisé une visite sur le terrain pour se rendre compte de l'emprise du projet : deux parcs (soit 35 hectares) compris dans une zone de 42 hectares, qui doit donner lieu à des terrassements sur un mètre de profondeur. Multipliant les arguments, ils ont recueilli 70 signatures d'une pétition contre la modification du PLU.
 
Article vu 185 fois Sylvain Mouhot (smouhot@varmatin.com)

 

Jeudi 10 mars 2011 Le Monde

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Pour les professionnels et certains politiques, il s’agit rien de moins qu’un “coup d’arrêt” porté à la filière photovoltaïque. Samedi, le gouvernement a publié au Journal officiel deux arrêtés fixant un nouveau cadre réglementaire au secteur. Au programme, à partir de ce jeudi 10 mars : des prix d’achat environ 20% inférieurs au tarif en vigueur au 1er septembre 2010. Une aberration économique pour les industriels, qui pointent plusieurs dizaines de milliers d’emplois menacés et un avenir qui reste flou alors que les énergies fossiles regagnent du terrain.

 

Pourquoi cette nouvelle réglementation a-t-elle été instaurée ?

C’est paradoxalement la bonne santé de la filière qui a poussé le gouvernement à agir. Porté par le Grenelle de l’environnement, des tarifs de rachat attractifs et un engouement populaire, le photovoltaïque a en effet enregistré une croissance rapide ces dernières années, au point d’apparaître en “surchauffe” à la fin 2010 et de faire craindre à une bulle spéculative.

Si le ministère de l’écologie ne pouvait que se félicitait d’avoir presque atteint les objectifs du Grenelle en volume - 5,4 GWc* installés d’ici 2020 -, il avait néanmoins émis des critiques sur la qualité de la filière industrielle. Ainsi, fin décembre, Nathalie Kosciusko-Morizet créait la polémique en dénonçant l’importation massive et polluante de panneaux chinois à bas coût en France.

Après avoir baissé à trois reprises les tarifs de rachat de l’électricité et diminué de moitié le crédit d’impôt énergie renouvelable sur les installations solaires réalisées par les particuliers, le gouvernement a finalement tout arrêté en décembre : il a fixé un moratoire de trois mois sur les projets de plus de 3 KWc afin de définir un nouveau cadre juridique permettant l’émergence d’une filière de production de panneaux photovoltaïques et pas seulement d’installateurs posant des cellules importées.

Que prévoit-elle ?

Désormais, seul le marché des particuliers, c’est-à-dire les installations sur bâtiments de moins de 100 kWc, est concerné par des tarifs de rachat de l’électricité par EDF ; les installations de plus de 100 kWc et les centrales au sol fonctionneront, elles, à base d’appels d’offres.

Le rachat de l’électricité solaire se fera par ailleurs 20% en dessous du tarif en vigueur au 1er septembre puis sera ajusté trimestriellement en fonction des volumes de projets déposés et des baisses de coûts attendues, estimées à 10% par an. Pour la Commission de régulation de l’énergie, ces nouveaux prix sont désormais “conformes aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 février 2000, qui prévoient que les niveaux des tarifs ne doivent pas induire de rentabilités excessives”.

La nouvelle réglementation prévoit enfin “des exigences accrues sur la qualité environnementale et industrielle des projets avec notamment l’intégration d’obligations de recyclage en fin de vie et de démantèlement à compter de l’été 2011 et de l’obligation de fourniture d’une analyse de cycle de vie à compter du 1er janvier 2012″.

Pourquoi les industriels s’y opposent-ils ?

Mardi, des dizaines de professionnels étaient rassemblés devant le Palais de l’Elysée à Paris pour demander au gouvernement de “revoir sa copie” et dénoncer une “concertation bidon”. La filière craint en effet de voir de nombreux industriels mettre la clé sous la porte en raison du manque à gagner lié à la baisse immédiate des tarifs. “Dans l’état actuel du projet de texte, plus de 25 000 emplois seraient détruits d’ici l’année prochaine”, estime le Syndicat des énergies renouvelables, dans un texte cosigné avec quinze autres organisations. Pour maintenir leur activité en dépit de la pression sur les coûts, “les installateurs se tourneront vers l’importation des produits les moins chers”, soit l’exact opposé de l’objectif gouvernemental, prédit aussi le SER.

Les professionnels pointent par ailleurs un système de “file d’attente”, impliqué par les appels d’offres, qui ralentit le développement des projets et questionne sur sa transparence. Les petits industriels indépendants pourraient ainsi être lésés, disposant de moins de moyens pour présenter leurs projets par rapport aux gros groupes.

Les industriels sont d’autant plus remontés qu’ils estiment que ce schéma est loin de donner toutes les garanties au développement d’une filière française solaire, pour l’instant quatrième marché européen derrière l’Allemagne, l’Italie et la République tchèque. L’Association des régions de France relevait ainsi, lundi, qu’en Allemagne la production totale installée était estimée à 18 000 MWc en 2010. “A ce rythme, il faudrait plus de 30 ans à la France pour rattraper son retard”, écrit-elle.

Au final, pour Jean-Louis Bal, président du SER, le secteur paie l’absence de “responsabilité de l’Etat qui n’a pas piloté le développement du photovoltaïque de fin 2008 à mi 2012″.”L’Etat aurait dû baisser les tarifs plus tôt, en 2009 et 2010, et plus régulièrement pour éviter une chute brutale”, déclare-t-il au site Actu Environnement, ajoutant que “les hésitations gouvernementales ont été néfastes pour l’image du secteur et ont abouti à une perte de confiance des citoyens.” Et de citer, sur la période, une baisse de 30 à 40% du marché des particuliers.

 

*kilowatt-crête, unité de mesure représentant la puissance maximale pouvant être fournie dans des conditions standard pour une surface équivalent à 1 000 m2 de panneaux.

 

Photo : AFP

 
  1. Je me pose une question: Est-ce que ça a vraiment du sens d’inonder les toits de panneaux solaires et les montagnes de grandes éoliennes, alors qu’il serait plus simple de moins consommer d’électricité.
    Je n’ai jamais compris la logique des panneaux solaires qui ne servent pas à la personne qui les installe mais qui sont mutualisés et qui produisent le plus le jour et en été alors que c’est la nuit et en hiver que l’on consomme le plus d’électricité?

  2.  
  3. Article intéressant mais on pourrait se poser la question aussi de savoir si la filière n’est pas en fait une FBI. ( Fausse bonne idée).
    De plus en plus on lit des critiques sur cette filière. Notamment sur le fait que les panneaux solaires ne sont pas dégradables et n’ont qu’une durée de vie limitée dans le temps.
    Je n’ai pas encore lu d’études vraiment sérieuse sur la question si quelqu’un en a une quelque part provenant d’un site relativement fiable ( et pas une officine soit pro pétrole soit pro écolo )

  4.  
  5. Ou quand la soit-disant “stimulation” publique crée des bulles… Le problème est qu’on a créé une dépendance et les lobbies qui vont avec. Autant stopper la bulle. Surtout que, c’est notre argent durement gagné qui est saupoudré de la sorte. Un argent qui, on l’oublie trop souvent, aurait pu être affecté alternativement à des projets réellement utiles socialement (écoles etc) ou même rester dans nos poches !

  6. En reponse a Laurent, consommer moins est effectivement une voie, mais pourquoi ne pas considerer egalement les nouvelles solution technologiques!! La production d´electricité de jour est parfaitement exploitable, vous verrez dans quelques années quand vous aurez une voiture electrique. Voiture branchée sur le reseau, les batteries peuvent servir a stocker cette energie le jour, a la redistribuer le nuit,et meme a rouler :) Siemens est deja sur le crenau, les USA aussi…
  7. “Je n’ai jamais compris la logique des panneaux solaires qui ne servent pas à la personne qui les installe mais qui sont mutualisés et qui produisent le plus le jour et en été alors que c’est la nuit et en hiver que l’on consomme le plus d’électricité? ”
  8. Votre article gagnerait à être étoffé en regardant cette vidéo qui est l’enregistrement d’un webinaire expliquant pourquoi tout est bloqué en France. Tout est dit dedans et de manière plus appuyée et argumentée que votre article:
  9. http://fr.leonardo-energy.org/2010/11/26/webinaire-le-photovoltaique-en-france/
  10. La consommation d’electricité dépend avant tout de l’activité économique; environ 60% plus à midi qu’à minuit en semaine, et 30-40% de moins le WE.
    Le futur du solaire est comme vous le dites dans l’autoconsommation du particulier. Couplé à une voiture électrique, dont les batteries prennent le relais pendant la nuit, et la domotique / consommation intelligente (lave linge qui s’allume quand le système produit plus que consommé)on peut dans un futur pas si lointain couvrir plus de 60% de sa consommation d’électricité grace à sa propre centrale.
     

Comment mourir ? Marcel Conche / Entretiens d’Altillac 5

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Étant donné l'écho rencontré par cet article, je le fais remonter de l'enfer. Car l'enfer pour tout article est le temps qui passe, la succession des articles enfonçant les plus anciens dans les profondeurs du blog.

Datant du 5 février 2013, le voici descendant le fleuve du temps jusqu'à ce 14 juillet 2013.
Bonne lecture et bonne préparation à l'insoumission.

JCG

Bibliothèque Médicis a envoyé sur l'article "comment mourir" 1200 lecteurs, article à présent en n°2 sur Google /Conche...

Une réaction d'un certain D. Rousseau se distingue :
 
"je découvre ce magnifique personnage lors d'un entretien avec J.P.Elkabach, je suis fasciné, interloqué, surpris, conquis par une si remarquable intelligence, tout son savoir basé uniquement sur les connaissances empiriques, son dogme philosophique de la vie me convient, je suis en parfaite harmonie avec le bonhomme."

No comment...

FC

 

Chez Marcel Conche / Entretiens d’Altillac 5

 

Comment mourir

 

 

Dans notre dernier entretien de juin 2012, Marcel Conche, tout juste âgé de 90 ans, interrogé sur ce qu’il pense du temps qui lui reste à vivre, avait répondu que cette idée d’un temps qui resterait à vivre est à la fois indéterminée et dépressive, que le jour de sa mort n’est arrêté nulle part et qu’il avance comme s’il avait 50 ans à vivre.

 

Jean-Claude Grosse et moi nous retrouvons à La Maisonneuve le 7 décembre 2012, un jour de pluie givrante sur Altillac. J’aime les temps gris, les ciels couverts et bas. Peut-être parce qu’on peut se dire après la pluie le beau temps, alors que le beau temps est sans après. Mais aussi parce qu’on peut y vérifier cette pensée de Pascal, quand il écrit finement : « Le temps et mon humeur ont peu de liaison ; j’ai mon beau temps et mes brouillards au-dedans de moi » (Pensées fr.107 Br.).

 

Sans préalable, Marcel s’interroge devant nous sur la soumission des soldats de Napoléon. Ces soldats promis aux blessures de la guerre, prêts à souffrir le pire et à mourir, et qui le suivaient malgré tout. Une soumission totale. Comment l’expliquer ?

Il nous dit alors qu’il vient d’écrire un texte intitulé Comment mourir. Il le destine à la Revue de l’Enseignement Philosophique et propose de nous le lire. Il commence ainsi :

« Comment mourir ? A cette question, je réponds : de sa belle mort, d’une mort naturelle. Et je montre que chacun a le droit de refuser le risque de mourir autrement.

Dès la fin de mon enfance, l’intérêt pour la recherche philosophique de la vérité fut ma passion exclusive et ainsi se trouve définie la voie que je devais suivre en cette vie et dont je ne devais pas m’écarter. Lorsque le directeur du laboratoire de psychologie de la Sorbonne me proposa, en 1947, d’être son assistant et ainsi de m’orienter vers la psychologie, je n’eus pas d’hésitation dans mon refus, tout comme, durant l’Occupation, je n’avais pas eu d’hésitation à refuser de rejoindre l’A.S. (Armée Secrète), les FTP (Francs Tireurs Partisans), ou de servir au titre du STO (Service du Travail Obligatoire). Je ne cherche pas à me justifier. Je parle au-delà de toute justification. Je décris un destin… »

 

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Contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, ce texte n’est pas une réflexion sur la mort. Nul écho n’y est fait au fameux chapitre 20 du livre I des Essais de Montaigne : Que philosopher c’est apprendre à mourir. Et la question de la mort volontaire n’y est du reste pas posée.

Marcel ne revient effectivement pas sur les thèmes qu’il a déjà traités dans des ouvrages antérieurs, comme dans La mort et la pensée, Le fondement de la moraleou Vivre et philosopher.

Rien donc sur la brièveté de la vie si justement évoquée dans Vivre et philosopher : « J’aime la vie d’autant plus qu’elle va m’être ôtée, et d’autant plus que je ne la subis pas mais la choisis sans cesse, pouvant à tout instant me l’ôter. Oui, je l’aime parce qu’elle est si brève – et que je pourrais encore l’abréger » (Biblio Essais, p. 64).

Rien non plus sur le suicide que Montaigne, sans cependant le recommander, comparait à la clef des champs :

« Le présent que nature nous ait fait le plus favorable,et qui nous ôte tout moyen de nous plaindre de notre condition,précisait-il,c’est de nous avoir laissé la clef des champs. Elle n’a ordonné qu’une entrée à la vie, et cent mille issues » (Essais, II, 3).

Et la pensée d’Héraclite exprimant l’unité indissociable de la vie et de la mort qui sont la même chosedans le devenir universel (cf. fr.107)n’y apparaît pas non plus. Cette pensée que Marcel a commentée ainsi : «La pensée de la vie n’est possible que par la pensée de la mort - et inversement. De plus, dans la réalité, la vie a sa condition dans la mort, et réciproquement. Il n’y a des morts que parce qu’il y a eu des vivants, et il n’y a des vivants que parce qu’il y a eu d’autres vivants, donc des morts – car on ne peut vivre sans mourir » (Héraclite, PUF / Epiméthée, p.374).

 

Rien de tout cela dans Comment mourir. Mais alors quoi ?

 

Nous marchons un peu plus tard dans Beaulieu-sur-Dordogne. Marcel ne parle pas en marchant mais il s’arrête selon sa pensée, et la conversation reprend comme si elle n’avait cessé. Et ainsi, lors d’une station, on l’entend nous dire de façon définitive : je préfère la vie à la mort. Une option qui le situe immédiatement aux antipodes du suicide philosophique ; ce suicide de raison, intellectuellement serein, effectué en toute conscience et en plein jour, après que la vie a été jugée en elle-même invivable. Encore qu’il paraisse difficile de savoir certainement si un tel suicide fut au moins une fois mis en œuvre. Mais reste que la préférence de Marcel pour la vie n’exclut pas une mort volontaire au cas où ses facultés, notamment sa vue, viendraient à le trahir et le mettraient, comme dit Montaigne, « en tel état que le vivre nous est pire que le mourir » (Essais, II, 3).

 

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Une rue plus loin Marcel s’arrête à nouveau et nous dit avec, m’a-t-il semblé, un regard amusé : heureusement qu’on meurt. Malgré le paradoxe apparent, et comme s’il faisait semblant de se contredire, il ne fait pourtant que redire ici son acceptation résolue de la vie.

 

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Car « la bonne nouvelle » que les religions annoncent avec l’immortalité de l’âme serait pour lui, a-t-il écrit dans Vivre et philosopher (Biblio Essais, p.64), la pire des nouvelles possibles. Vraiment la pire, parce que cette idée d’immortalité, en niant la mort, nie du même coup la vie pour ne plus en faire qu’une interminable besogne sans plus rien qui puisse s’accomplir selon l’ordre du temps et à jamais sans but. Autrement dit c’est la mort qui fait aimer la vie présente et passagère, et d’un amour qui suppose de savoir vivre, d’être à la fois incertain de l’heure de sa mort et certain qu’elle surviendra et donc de savoir mourir. En ajoutant qu’elle rend ainsi possible la philosophie dont elle est, disait Schopenhauer, le génie inspirateur. De quoi s’étonnerait-on en effet si notre vie était sans fin ?

Heureusement qu’on meurt… Avec aussi l’idée de la délivrance, une formule qui peut rappeler que la mort, comme le notait Montaigne, « n’est pas la recette à une seule maladie : la mort est la recette à tous maux » (Essais, II, 3).

Comme on peut s’en apercevoir à présent, la parole de Marcel résume donc tout ce qu’on doit à la mort : d’aimer la vie, de guérir tous les maux et d’inspirer la philosophie.

En précisant qu’une sagesse s’y exprime, car heureusement qu’on meurtsignifie profondément que l’intensité de la vie est d’un autre ordre que sa longévité. Et vrai qu’en l’affirmant ainsi Marcel pose la figure du sage aux antipodes du dernier hommedont Nietzsche fait le portrait dans Ainsi parlait Zarathoustra (Prologue, 5). Le dernier homme : au sens temporel (plus rien après) et au sens moral (le plus méprisable). Sur une terre devenue exigüe, « le dernier homme, dit-il, vit le plus longtemps ». Celui dont la seule espérance est l’espérance de vie, laquelle ne cesse d’augmenter avec les progrès de la médecine et des techniques (en France, de 1900 à 2000, l’espérance de vie moyenne est passée de 48 à 79 ans). Vivre le plus longtemps : pourquoi pas avec un chronomètre ? Ainsi sautille le dernier homme sur la terre. Une vie de puceron.

Heureusement qu’on meurt… Une sagesse là encore fidèle à Montaigne qui disait « le sage vit tant qu’il doit, non pas tant qu’il peut » (Essais, II, 3).

 

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Mais, si toute cette réflexion n’est évidemment pas étrangère au texte Comment mouriret reste présente à son horizon, elle n’en est pas l’objet. Car Marcel, en posant d’entrée de jeu que chacun a le droit de refuser le risque de mourir autrement que de mort naturelle, n’a pas écrit un texte sur la mort/mode d’emploi mais un texte sur la liberté. Sur la liberté illimitée de chacun de dire non à ce qui l’entraverait et de rester insoumis à ce qui en nierait l’exercice. Autrement dit un texte d’insoumission. Et comme, à la fin de sa lecture, je lui en faisais part, il se contenta de me répondre : mais je suis un insoumis. C’est vrai. Vrai depuis que la recherche philosophique de la vérité est sa passion exclusive. Et comment un philosophe pourrait-il ne pas l’être, quand il a ainsi choisi de porter le regard vers ce qui, dans cette vie fugitive, compte vraiment, loin de toute occupation besogneuse, utilitaire, servile (cf. Vivre et philosopher, Biblio Essais, p.202-203) ? Comment un philosophe pourrait-il ne pas l’être quand il ne reconnaît ainsi d’autre autorité que la raison ? Sauf à tomber sur un de ces philosophes apprivoisés, dont parle Schopenhauer, qu’on attache à la religion du pays comme un chien de garde à sa chaîne(cf. Parerga et Paralipomena, Philosophie et philosophes).

Et vrai que la passion philosophique de Marcel remonte à son enfance, lorsqu’il portait déjà sur le monde un regard désintéressé et le questionnait comme peut s’interroger un esprit libre et détaché. Dans un récent documentaire diffusé sur France 3 (Vivre et aimer selon le philosophe Marcel Conche, FR3/Corse), Marcel évoque ainsi sa première question philosophique survenue, dit-il, un jour où mes parents faisaient les foins au bord de la Nationale qui est entre Beaulieu et Saint-Céré. Moi j’étais au bord de la route et je me suis demandé si le monde finissait au tournant. Autrement dit si le monde était fini. Je n’employais pas le mot « fini » en ce temps-là. J’avais peut-être 10 ans et je me posais déjà une question philosophique. Mais au fond je crois que ça n’avait rien d’original et que les enfants se posent tous ce genre de questions. Ce qui me caractérise, c’est que moi je ne suis jamais sorti de ce genre de questions…

Ainsi ce choix fondateur s’accompagnerait-il d’un refus naturel d’être incorporé à une armée ou de servir militairement. Il n’était pas fait pour cela. Il avait choisi la philosophie et elle seule. Il eut perdu son temps, et peut-être aurait-il été tué à la guerre du fait de la violence insensée des hommes. A quoi il oppose donc à présent le droit de mourir de sa belle mort et de dire non à un ordre de mobilisation qui, rétrospectivement, aurait pu toucher le philosophe qu’il était devenu, internationaliste et pacifiste par raison. On n’a de devoir moral qu’envers l’être humain, ajouta-t-il ce jour-là,pas envers les institutions.

 

Au cours de notre entretien, Marcel est revenu sur la plus grande peur de sa vie. En 1944, il a 22 ans. Il est instituteur stagiaire et a pu échapper ainsi « régulièrement » au STO. Ses stages effectués, il se trouve à Limoges le jour du Débarquement en Normandie, le 6 juin.

Ayant décidé de revenir en Corrèze avec trois camarades élèves-maîtres, le matin du 8 juin 1944, à l’orée d’un bois les voici qui débouchent sur un campement allemand. Comme il le raconte dans L’aléatoire (Encre Marine, p. 57) : …la peur ne nous paralysa pas. Il y avait quelque chose à faire : marcher calmement, avec une indifférence étudiée, ni trop vite, ni trop lentement mais s’éloigner, s’éloigner…C’était la soupe du matin. Les soldats mangeaient. Ce fut notre chance. Car les soldats, nous dit Marcel avec humour, ne sachant pas faire deux choses à la fois, ne pouvaient avaler leur soupe et nous arrêter en même temps. Il ignorait cependant qu’il s’agissait d’éléments de la 2èmedivision SS Das Reich, celle qui le lendemain, à Tulle, massacrerait 99 innocents, suppliciés et pendus à travers la ville, avant de se diriger vers Oradour-sur-Glane.

 

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Dans Ma vie / 1922-1947 / Un amour sous l’Occupation(HD, p.116), Marcel mentionne l’épisode : après ce dur moment où les dieux furent avec nous je me séparai des autres pour aller seul.

Une séparation qu’il justifie, au moment où il nous la relate, relativement à une époque trouble quand on se méfie de tout le monde. Quand on est plusieurs, il y a toujours un traître…, se disait-on et c’était à craindre. Et Marcel d’ajouter : on s’en sort mieux seul.

Mais je ne peux m’empêcher de penser que, les dieux lui ayant été favorables dans cette circonstance étrange où la mort si proche le laissa passer son chemin, sa séparation des autres pour aller seul, au-delà de la situation vécue à l’orée de ce bois hostile, inaugure sa vie philosophique et la solitude qui l’accompagne nécessairement au sens où, à la différence du commun des mortels, il sait voir la vie, dans le temps infini, réduite à un instant(L’aléatoire, p.58) et où les affaires du monde ne sauraient donc affecter sa recherche. Comme un seuil enfin franchi, pour aller seul vers la vérité de ce qui est.

Dès lors, comment(vouloir)mourir autrement que de sa belle mort ? Avec, dans la réponse, le souvenir de Montaigne notant que « la plus volontaire mort, c’est la plus belle ».

 

 

François Carrassan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment mourir ? Marcel Conche / Entretiens d’Altillac 5

Le Cosmos et le Lotus/Trinh Xuan Thuan

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Le Cosmos et le Lotus

de Trinh Xuan Thuan

Confessions d’un astrophysicien

Livre de Poche 2013

Voilà un livre d’excellente vulgarisation scientifique sur les origines et devenirs de l’univers en même temps qu’une autobiographie d’une grande authenticité, ouverte sur des questionnements philosophiques, épistémologiques, historiques, politiques, éthiques, spirituels où le bouddhisme occupe une place importante.

Trinh Xuan Thuan, fils d’une famille de mandarins vietnamiens a connu tous les déchirements vécu par le Vietnam pendant 30 ans, de la guerre d’Indochine à l’après-guerre du Vietnam. Les pages consacrées à son pays, aux deux conflits, à l’après-guerre, au sort de son père, président de la cour suprême du Vietnam sous le régime du sud et donc interné en camp de rééducation sont très limpides : on y voit comment les Américains par peur du communisme s’engagent dans un conflit qu’ils vont perdre, livrant des millions de Vietnamiens au sort des boat people.

À cause du discours de Phnom Penh du Général de Gaulle le 1° septembre 1966, Saigon rompant les relations diplomatiques avec Paris, l’auteur, brillant élève, ne peut intégrer le lycée Louis-le-Grand qui l’avait accepté et se retrouve en Suisse à Lausanne. N’y trouvant pas son compte car voulant se former à la physique au plus haut niveau, il pose sa candidature dans trois établissements prestigieux des Etats-Unis, le MIT, le Caltech et Princeton. Admis avec bourse dans les trois établissements, il choisit le Caltech où enseignent deux scientifiques de renom, Feynman et Gell-Mann. Il avait eu la chance comme il dit, d’être au bon endroit au bon moment pour tomber dans la marmite de l’astronomie et devenir astrophysicien.

Conditions initiales (celles d’un fils de mandarin éduqué dans le confucianisme, soucieux de s’instruire et de se former, soucieux aussi de la voie du ren, la plénitude d’humanité) et conditions exceptionnelles de nature historiques et politiques, modificatrices de trajectoire ont contribué à faire de Trinh Xuan Thuan, le chercheur et le sage qu’il est devenu, en toute liberté.

La clarté de ses exposés sur ce que l’astrophysique nous apprend aujourd’hui est à souligner. Dans une langue qui est celle de son éducation au lycée français de Saigon, il nous rend accessibles des données s’exprimant en langage mathématique. Nous voici en contact avec l’univers, avec les avancées, les hypothèses, les conditions de travail des chercheurs en sciences fondamentales. L’auteur est d’une grande honnêteté dans ce qu’il nous dit, ne cachant pas ce qui fait problème que ce soit sur les plans théorique, épistémologique ou éthique. Il n’hésite pas à se prononcer dans les débats non encore tranchés par la science, préférant l’hypothèse d’un univers à celle des multivers, un principe anthropique fort à un principe faible, montrant ce qu’apportent les notions d’incertitude, d’indétermination, d’imprédictibilité, d’incomplétude et d’indécidabilité à un ensemble de lois et de constantes universelles faisant l’essentiel de l’édifice scientifique d’aujourd’hui, un ensemble qui rend compte, explique dans le détail, sans tout expliquer, laissant place au hasard, au chaos, au contingent, à la créativité de l’univers.

Ses considérations sur les principes du bouddhisme, l’interdépendance, la vacuité, l’impermanence, sont d’une grande pertinence sans me convaincre complètement, lui non plus d’ailleurs, sauf dans la pratique éthique du bouddhisme.
On sort de la lecture de ce livre passionnant, riche d’une conscience plus grande. On se sent en symbiose avec cet univers qui tend peut-être vers une conscience et où donc nous avons peut-être notre place pour lui donner son sens. Autrement dit, cet univers contiendrait en puissance dès l’origine, l’apparition de la conscience pour en saisir l’organisation, la beauté et l’harmonie. C’est un livre de réenchantement du monde et Pascal ne serait plus effrayé. Quand je considère la petite durée de la vie, absorbée dans l’éternité précédente et suivante, le petit espace que je remplis, et même que je vois, abîmé dans l’infinie immensité des espaces que j’ignore et qui m’ignorent, je m’effraie et m’étonne de me voir ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m’y a mis ? Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi ? Trinh Xuan Thuan partage la conviction d’Einstein : Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l'ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un dieu qui se préoccupe du sort et des actions des êtres humains, a télégraphié Einstein au rabbin Goldstein qui lui demandait s’il croyait en Dieu.

Ah si je pouvais organiser une rencontre entre Trinh Xuan Thuan, 65 ans, et Marcel Conche, 92 ans, l’un parlant de l’Univers, l’autre de la Nature, l’un exposant ses vues sur le bouddhisme, l’autre sur le taoïsme, tous deux disant en quoi consiste La voie certaine vers « Dieu ». Cela ferait, j’en suis sûr, un bel entretien et un petit livre essentiel.

En attendant voici une rencontre inédite. Elle s'est passée le 10 août 2013 pour la nuit des étoiles, au gîte de Batère à Corsavy. En fait j'étais en Espagne catalane pour préparer la chaîne humaine de 400000 personnes du 11 septembre 2013 mais comme selon le principe de non-séparabilité de l'espace exigé par la mécanique quantique, ici et là c'est identique, je n'ai eu aucun problème pour être aux deux endroits en même temps.

Playlist de la rencontre du 11 novembre 2009 entre Marcel Conche et Edgard Gunzig, cosmologiste.

Opacité/Clarté

Entretien entre une cosmologue et un philosophe

10 août 2013. Soirée (g)astronomie au gîte de Batère, 1500 mètres d’altitude, à Corsavy. Ciel constellé. Pour observation après le repas.

Ont été invités Ada Lovelace, descendante de Lord Byron, 36 ans, cosmologue, génie du calcul intensif et Marceau Farge, fils de paysans corréziens, 91 ans, philosophe naturaliste d’une grande liberté d’esprit.

Marceau – Je me suis souvent demandé, Madame, ce que nous apportait la science : des certitudes valables un temps seulement, souvent contestées du temps même de leur prééminence, sur lesquelles s'appuient des volontés intéressées de maîtrise sur la nature et sur l'homme. N'est-ce pas ainsi qu'il faut voir la recherche acharnée des constantes ?

Ada – Les quinze constantes physiques actuelles sont d’une précision et d’un équilibre qui nous ont rendu possible : matière, vie, conscience. Votre méditation métaphysique, cher Marceau, n’est qu’une spéculation solitaire sans vérifications. Les chercheurs avec leurs télescopes comme Hubble captent des lumières (la gamma, la X, l’ultraviolette, la visible, l’infrarouge, la radio) de plus en plus faibles provenant de l’univers (sans lumières, ils sont dans le noir). Voir faible c’est voir loin dans l’espace indéfini et tôt dans le temps immense. Nos tâtonnements lents, rigoureux, collectifs, débouchent sur un modèle d’univers cohérent et beau, en symbiose avec nous.

Marceau – La disproportion entre l'opacité et la clarté ne plaide-t-elle pas pour la méditation impatiente et quasi-aveugle sur l'opacité ? Elle ne dérange pas l'ordre des choses étant sans volonté de puissance, sous-jacente au désir de savoir.

Ada – Vous provoquez là ! Votre métaphore n’a rien d’aveuglant. Nous, chercheurs, mettons en place des notions nous permettant d’éclairer l’opacité : hasard, chaos, inflation, singularité, fluctuation quantique. Nous voyons se multiplier les paradoxes qui mettent à mal nos modèles à contraintes et constantes

Marceau – la métaphysique en a inventés, inventoriés depuis longtemps. Voyez Anaximandre, son infini, son germe universel, Héraclite, le feu comme principe de création, destruction, bien avant votre big bang, Démocrite, ses atomes, Épicure, le clinamen (une déviation, une mutation). La contemplation ouvre sur des visions développées en métaphores

Ada – vos métaphores métaphysiques, Marceau, sont figées. Nos paradoxes scientifiques sont dynamiques. Pensez aux effets du paradoxe EPR (1935) qui révèle qu’ici est identique à (1998). Observer en 1998 que l'expansion de l'univers, décelée en 1929, est en accélération oblige à poser l'existence d'une énergie répulsive responsable de cette accélération. On postule l'énergie noire. Et les calculs intensifs, pétaflopiques, bientôt exaflopiques, que j’entreprends avec les calculateurs Ada et Turing sont réalisés pour tenter de la caractériser avant de la déceler.

Marceau – On a donné votre nom à un calculateur pétaflopique ? (Elle rit.) Rien n'interdit ma méditation de se nourrir de vos calculs. Échange chiffres contre images. Pour évoquer la recherche de la vérité, je vois un archer tirant dans le noir. Où est la cible ?

Ada – Les constantes sont d’une telle précision qu’il faut que votre archer vise une cible carrée d’un centimètre placée aux confins de l’univers. Enlevez un 0 à 10 puissance 35 et vous avez un univers vide et stérile.

Marceau – Savoir que nous sommes des poussières d'étoiles dans un univers anthropique, connaissances scientifiques du jour, enrichit ma pensée de la Nature, m'évite de m'égarer dans une théologie créationniste ou dans une métaphysique matérialiste, déterministe et réductionniste comme celle du Rêve de d’Alembert de Diderot

Ada – d’autant que nous distinguons deux sortes de matières, la matière lumineuse, visible et la matière noire, jamais observée, comme l’énergie noire

Marceau – si vous permettez que je vous appelle Ada, le noir, Ada, semble dominer votre domaine de recherches

Ada – 73% d’énergie noire, 23 % de matière noire, 4% de matière ordinaire dont 0,5% de matière lumineuse, telles sont les proportions proposées aujourd’hui pour l’univers

Marceau – soit 0,5% de clarté pour 99,5% d’opacité. Le raccourci de la méditation sur le Tout de la Réalité me convient mieux que le long chemin sinueux de la connaissance parcellaire qui bute sur le mur de Planck.

Ada – Cela nous mène où, Marceau ?

Marceau – vous Ada, à savoir presque tout sur presque rien, moi à voir la Nature comme infinie, éternelle, un ensemble ouvert, aléatoire, en perpétuelle création de mondes inédits, ordonnés, périssables, inconnaissables. Notre conversation par exemple n’était pas programmée bien qu’annoncée. Elle est inédite et restera unique. Parce que c’est vous, parce que c’est moi. L’infini ne s’épuise pas et ne se répète donc pas. Dans de telles conditions de créativité au hasard et d’inconnaissance de cette créativité, la seule attitude me semble être le respect de ce que je ne peux connaître complètement selon le théorème de Gödel de 1931.

Ada – Connaisseur à ce que j’entends. Le chemin de la connaissance scientifique est à l’opposé de votre raccourci méditatif sur le Tout. Il ne vise à expliquer que du détail, même aux dimensions de l’univers. Il rend compte de ce qui existe par des lois et du chaos.

Marceau – Pourquoi ce détail, Ada, l’origine de l’univers, plutôt que tel autre ? parce que la métaphysique vous attend aux confins. Expliquer par du nécessaire et du contingent n’empêche pas les trous noirs entre les différents domaines expliqués incomplètement.

Ada – Ne me dites pas, Marceau, que vous êtes fermé aux efforts de clarté des chercheurs sur tous ces détails. Ce sont les visages troués de votre Nature.

Marceau – Je médite sur ces visages que vous m’offrez mais j’en vois les limites, Ada. L’Univers n’est pas la Nature. Vous vouliez un tableau fidèle. La Réalité vous impose le flou quantique.

Ada – Votre raccourci vous a demandé une vie pour déboucher sur une métaphore de dix lignes

Marceau – sur l’étonnement et l’émerveillement, chère Ada. Ce qui nous a construits, par asymétries et découplages, des atomes primordiaux aux éléments chimiques, puis par code depuis LUCA, des gènes aux hémisphères cérébraux, si dissemblables, le droit (celui des images), le gauche (celui des calculs). Ce qui nous a conduits par les chemins sinueux de la causalité probabiliste, par les raccourcis de la liberté, à Corsavy, aujourd’hui, pour contempler la Beauté.

(Il plonge ses yeux rieurs dans les siens. Elle rit.)

Texte à paraître dans Diderot pour tout savoir en octobre 2013 aux Cahiers de l'Égaré avec 35 autres textes d'autres écrivains.

Jean-Claude Grosse

Le Cosmos et le Lotus/Trinh Xuan Thuan
Le Cosmos et le Lotus/Trinh Xuan Thuan

Shakespeare antibiographie/Bill Bryson

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Shakespeare

Antibiographie

Bill Bryson

Petite Bibliothèque Payot 2012

Préparant un projet pluriel sur Shakespeare et Cervantes pour 2014-2016 avec 40 à 45 auteurs de théâtre anglais, espagnols, français, allemands, américains, canadiens… je ne pouvais que tomber sur l’antibiographie de Bill Bryson.

L’auteur, amoureux de Shakespeare, a, sans employer l’expression et sans en avoir l’intention, écrit un livre quantique sur le Barde. Éternellement insaisissable, il est l’équivalent littéraire d’un électron. On ne peut déterminer à la fois la vitesse et la position d’un électron, ce sont les relations d’incertitude. Shakespeare est un électron caractérisé par le flou quantique, tantôt onde, tantôt corpuscule selon l’observateur et son regard, d’ici et de là en même temps, selon la non-séparabilité de l’espace, un mystère car on ne sait quasiment rien sur lui malgré des milliers de livres érudits (on n’a que 14 mots de lui), un mystère s’épaississant avec le temps, un mystère qui a bénéficié de quelques hasards chanceux, de quelques autres malchanceux, qui a suscité admiration et passion souvent au mépris de la vérité, quelqu’un dont on ne sait pas comment s’écrit vraiment son nom ni quelle apparence il a réellement.

Ce n’est que le 9 mars 2009 que le Shakespeare Birthplace Trust a authentifié le seul véritable portrait connu, peint de son vivant (vers 1610) dit portrait Chandos.

Quant au nom du Barde, on peut l’écrire Willm Shaksp, William Shakespe, Wm Shakspe, William Shakspere, William Shakspeare, Shagspere. La prononciation n’est pas plus assurée que l’orthographe. L’Oxford English Dictionary a retenu Shakspere.

Bill Bryson (dont je découvre l’humour) a déclenché chez moi un rire rabelaisien, hénaurme. Comment ne pas rire en comparant nos pratiques d’auteur avec droits d’auteur, édition, protection de l’œuvre, salons et fêtes du livre avec dédicaces à celles du temps de Willm, l’œuvre appartenant à la troupe, n’étant pas publiée le plus souvent, œuvre écrite en vitesse pillant des histoires déjà existantes, des répliques déjà dites, sans souci de précisions orthographiques, historiques, psychologiques ?

Comment ne pas rire en comparant le monde du théâtre élizabéthain et notre univers théâtral contemporain ? Dans des conditions particulièrement difficiles à cause de la peste, des fermetures de lieux, des incendies, des interdits, des amendes, des querelles, de la compétition entre troupes, sur une période de 75 ans environ jusqu’à la fermeture des théâtres par les puritains en 1642, plusieurs auteurs majeurs voient le jour : Marlowe, Shakespeare, Ben Jonson. Un art s’invente, prenant toutes libertés avec les règles du théâtre antique, intrigues et personnages étant considérés comme faisant partie du domaine public, une langue s’élabore avec jubilation (d’où mon allusion à Rabelais). Qu’invente notre théâtre subventionné avec droit d’exclusivité et pratiques opaques de carriéristes professionnels ? Le In en Avignon fait un appel massif à des troupes étrangères. Quelles langues nouvelles s’élaborent dans la déconstruction, l’hybridation, la transversalité ?

Le quantique Shakespeare se dérobe à la précision, au portrait, à l’analyse, à la biographie, à la biobibliographie, à l’étude de texte et de l’œuvre car on n’est jamais sûr de rien. L’Enquête sur Hamlet de Pierre Bayard est finalement simple, à la condition d’être sûr d’avoir la bonne version de la pièce (on en connaît trois), ce qui n’est nullement prouvable malgré le folio de 1623. Pas d’enquête simple par contre pour le Barde, non par volonté délibérée de sa part mais parce que la fin du XVI° et le début du XVII° en Angleterre sont des temps de troubles, de désordres, d’effervescence sans assurance du lendemain (la plus grande performance de Shakespeare est d’avoir passé le cap de la première année de vie).

Le nombre d’anecdotes montrant le peu que nous pouvons savoir est ahurissant (mais nous savons sur lui plus que sur ses contemporains), de quoi faire une pièce qui devrait clouer le bec aux érudits. On sait presque tout pour presque rien d’assuré. Le Barde est comme le chat d’Erwin Schrödinger, à la fois vivant et mort (à prendre presque au pied de l’expression) et aucun observateur ne pourra dénouer l’énigme. Il est un sourire sans visage comme le chat du Cheshire de Lewis Carroll.

C’est toute la force de cette antibiographie très documentée et brève à la fois de nous mettre en présence d’un homme opaque, d’une œuvre floue et de les situer dans un contexte de chaos et de désordre. Autrement dit, la place du hasard est essentielle dans la construction de ce qu’on sait du Barde comme un peu d’ordre naissant du désordre ambiant caractérise sa vie et son œuvre : rien d’un homme maître de son destin et de sa plume, l’opposé des sûrs d’eux, des assurés, une illustration de l’application possible des théories physiques les plus modernes non seulement à l’univers mais à l’homme. Ce à quoi s'est essayé Gérard Lépinois dans Le hasard et la mort, publié aux Cahiers de l'Égaré. À la vérité se substitue la probabilité et l’improbabilité. Sans Henry Condell et John Heminges, pas de folio 1623 sauvant 18 pièces d’une perte irréparable. Alors qu’a disparu Cardenio qui s’inspire d’un personnage de Don Quichotte. On ne pourra jamais reconstituer la pièce. On ne peut que réinventer une intrigue. Un roman américain se serait saisi de cette histoire. Cette possibilité de réinvention, d’invention, des milliers de livres l’ont utilisée. Délia Bacon avança la thèse que le véritable auteur était son homonyme Francis Bacon. Même Freud y alla de son fantasme, Shakespeare n’étant autre qu’un Français, Jacques Pierre. 50 prétendants ont ainsi été proposés.

C’est cette espèce de folie érudite et spéculative qui provoque en moi, un rire hénaurme, le foutage de gueule de Bill Bryson donnant au sourire du chat tout son pouvoir de floutage.

L’homme est insaisissable, son œuvre partiellement incertaine, contenant nombre d’incertitudes indécidables. Profitons sans vergogne de ce legs qui n’est pas un héritage laissé par Wm mais bien un legs constitué par la postérité. Lisons, jouons l’œuvre du Barde qui contient 138198 virgules, 26794 deux-points, 15785 points d’interrogation, 884647 mots dont 2035 inventés, 800 environ passés dans la langue courante devenue anglaise, ce qu’avait fait notre Rabelais quelques décennies avant avec la langue française (nous n’avons de la main du Barde que 14 mots) répartis en 31959 répliques et 118 406 lignes, où l’amour est évoqué 2259 fois et la haine, 183 fois.

Le Barde a commencé sa vie officielle, enregistré sous une inscription latine le 23 avril 1564 en calendrier julien donc le 3 mai 1594 en calendrier grégorien et l’a achevée sous une inscription anglaise le 23 avril 1616 toujours en calendrier julien (alors que Cervantes meurt vraisemblablement le 23 avril 1616 en calendrier grégorien).

Entre 1564 et 1585, sa biographie ne retient que quelques apparitions. Entre 1585 et 1592, on perd toute trace, ce sont les années perdues. De 1596 (année de la mort de son fils Hamnet à 11 ans) à 1603, c’est la renommée et une relative aisance, c’est la construction en une nuit de légende, le 28 décembre 1598, du Globe (qui brûlera en 1613) sur lequel on ne peut rien dire car ce qu’on sait c’est sur la foi d’un dessin d’un autre théâtre, Le Cygne, dessiné par De Witt en 1596, dessin perdu, malchance, mais reproduit, chance, par un ami de De Witt, dessin retrouvé, chance, en 1888. Le Shakespeare’s Globe Theatre de 1997 s’inspire de ce dessin. C'est l'acteur américain Sam Wanamaker qui fut l'instigateur de cette reconstruction. Il mourut 4 ans avant l’inauguration du théâtre situé à 230 mètres de l'emplacement historique.

Pendant les J.O. 2012 de Londres et au-delà, le Festival mondial de Shakespeare a produit plus de soixante-dix pièces du barde à travers le Royaume-Uni, pour ce qui s’est voulu la plus grande célébration de Shakespeare jamais réalisée. Un million de billets pour des événements qui se sont déroulés un peu partout dans le pays, depuis Stratford-upon-Avon où est basée la Royal Shakespeare Company jusqu'au Globe, reconstruit au bord de la Tamise, qui a accueilli des troupes du monde entier pour jouer chacune des 38 pièces du dramaturge dans une langue différente, La Mégère apprivoisée, donnée en ourdou, La Tempête interprétée en arabe, Troïlus et Cressida en maori, ou encore un Roi Lear en langue aborigène. Il y a même eu Peines d'amour perdues en langage des signes. Une troupe irakienne de Bagdad a mis en scène un Roméo et Juliette décoiffant : la division entre chiites et sunnites remplaçant le conflit entre Capulet et Montaigu, et le personnage de Pâris - celui autorisé à faire la cour à Juliette - étant un membre d’Al-Qaida. De même, une troupe tunisienne a joué une version revue et corrigée de Macbeth directement inspirée du printemps arabe et intitulée Macbeth : Leïla and Ben, A Bloody History, en référence à l'ancien dictateur Ben Ali et sa femme Leïla. Quant à la Compagnie hypermobile, basée à Paris, elle a joué Beaucoup de bruit pour rien. À qui pensait-elle ? Entre 2014 (450° anniversaire de la naissance) et 2016 (400° anniversaire de la mort), Hamlet sera joué par la Royal Shakespeare Company dans le monde entier.

Un de mes regrets en tant que shakespearien, c'est de n'avoir pu accueillir simultanément à la Maison des Comoni au Revest, Bernd Lafrenz et Gilles Cailleau.

Bernd Lafrenz, comédien allemand, joue en solo du Shakespeare depuis 30 ans en Allemagne et en France : 4000 représentations, 800.000 spectateurs, 1.500.000 kilomètres pour 8 pièces, Hamlet, Macbeth, Othello, Roméo et Juliette, Le Roi Lear, La Tempête, La Mégère apprivoisée, Le songe d'une nuit d'été. Il a présenté les 4 premières en français au Revest.

Gilles Cailleau a fait Le tour complet du coeur (toutes les pièces de Shakespeare en solo sous chapiteau pour 50 spectateurs, spectacle de 3 H 15 qui a plus de 400 représentations dont une semaine dans le jardin du Revest et dont j'ai édité le texte, 3 éditions déjà). Quelle belle rencontre cela aurait été. C'était prévu pour 2005. Mais la bêtise n'a pas d'horizon.

Me reste à lire une antibiograhie de Cervantes pour compléter « mon » projet pluriel 2014-2016.

Jean-Claude Grosse

Shakespeare antibiographie/Bill Bryson

Tania's Paradise vient de paraître

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Le livre en 3 langues, français, anglais, hébreu vient de paraître.

 

Tania’s Paradise

Solo pour contorsionniste de proximité

 

Une écriture de pavés et de poupées

 

J’ai vu ce nouveau spectacle de la compagnie Attention Fragile les 15 et 16 décembre 2012 à La Valette, dans le Parc des Troènes, accueilli par le service culturel de la ville. Tout frais, le spectacle, une dizaine de représentations.

J’avais assisté à la première ébauche du travail en avril 2009 au collège de la Marquisane à Toulon. Je rêvais de faire installer la compagnie pour plusieurs semaines au Lycée du Golf-Hôtel à Hyères. Cela n’eut pas lieu.
Le spectacle se déroule sous une yourte kirghize, jauge 50 à 70 personnes, en rond, sur 3 niveaux, très près de la piste ronde où se raconte l’artiste Tania Sheflan. Je dis artiste car elle a de nombreuses cordes à son arc : contorsionniste, comédienne de l’intime, danseuse classique sur pointes, manipulatrice d’accessoires, musicienne harpiste, hôtesse accueillante …

Et j’ai vu que ce spectacle variait un peu d’un jour à l’autre, la rondeur de la piste permettant ces variations.

Pour ce spectacle écrit et mis en scène par Gilles Cailleau, Tania s’est racontée à Gilles et après 3 ans de maturation racontée dans un  journal de voyage   lisible sur le site de la compagnie, nous sommes interpellés par cette jeune femme de 32 ans, mère d’une petite fille, qui a appris son métier de contorsionniste en quelques années à son arrivée en France après son service militaire en Israël. Nous recevons ces confidences comme si nous étions ses ami(e)s. Et le temps passant (1 H 15), nous le devenons. Elle s’adresse à nous avec une belle franchise, une simplicité sans impudeur, avec drôlerie ; quand ça fait mouche, le public l’exprime par des rires légers.

 

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J’ai aimé cette légèreté : rien d’appuyé, un naturel dans l’interprétation qui fonctionne à merveille.
Ce naturel des confidences est obtenu alors même que Tania manipule sans cesse des accessoires : chaises d’enfants, poupées, pavés, seau, harpe, planche. Elle n’arrête pas de construire, démolir. L’espace scénique est le lieu de transformations incessantes et sur ces constructions de pavés, modèles réduits de ce qui se passe en Israël, pays de constructions et de démolitions (nous le comprenons progressivement, ça nous imprègne doucement), notre confidente contorsionniste exécute des numéros dont certains sont osés.

J’ignore le risque pris par Tania mais nous l’éprouvons. Nous retrouvons de vieilles peurs pour l’artiste se mettant en danger, risques calculés.

Évidemment, des confidences dites dans des déplacements périlleux, des contorsions exigeantes physiquement, ne sont pas reçues comme des confidences au creux de l’oreiller. Elles sont plus inquiètes et inquiétantes. Et quand Tania respire un grand coup après un exercice, avec elle nous reprenons notre souffle. C’est bon que le souffle soit ainsi sollicité. Êtres de souffle, nous en prenons conscience après l’avoir suspendu.

Deux accessoires dominent, les pavés et les poupées. C’est une véritable écriture de pierres qu’inscrit Tania sur la piste pour nous parler, dans les décors qu’elle construit avec dextérité  et reprises, de son quotidien en Israël, pays des alertes et des attentats, des constructions et démolitions.

Ce qui n’empêche pas de s’aimer, de se blesser, d’avoir peur, de rechercher des souvenirs. De se heurter à l’Histoire (en 1948, l’année de la Nakba - la catastrophe - pour les palestiniens, il n’y avait rien, a-t-elle appris et elle découvre un jour que ce n’est pas vrai). De se poser des questions (et si ma fille vient m’annoncer un jour qu’elle va faire son service militaire comment jugerai-je mon éducation).

Ne voulant pas révéler ce qui se passe sur la piste, je ne mets l’accent que sur cette écriture de pavés qui construit et démolit, sur cette écriture de poupées qui humanise ces habitats. Les poupées permettent manipulations sans ménagement, avec violence ou avec délicatesse.

Les poupées comme les pavés nous proposent un univers miniature donc distancié, avec une forte charge symbolique. Les contorsions deviennent elles-mêmes symboliques tout en étant ressenties physiquement.

Sous nos yeux, nos contorsions sans cas de conscience, liées à nos contradictions, irresponsabilités, lâchetés, tricheries.

Paradoxe, cette visualisation ne nous culpabilise pas. Car ce que le corps de Tania montre, propage,  c’est à la fois de l’aisance, de l’effort, de la légèreté, de la fragilité, de la gaieté (ah l’ambiguïté de son rire dans le masque à gaz !)

Pas de manifestation de force, de puissance. Pas de manifestation de souffrance.

Une vie s’expose, s’accepte et s’offre comme elle est vécue, avec ses équilibres et déséquilibres.

L’art de la contorsion tient dans ce sens de l’équilibre dans le déséquilibre, l’art de se rattraper d’une maladresse.

C’est le message de ce spectacle : au milieu des dangers de toutes sortes menaçant ton intégrité, tente d’avoir le sens de l’équilibre. Exerce-toi !

C’est la notion de juste milieu, de prudence d’Aristote rendue physique par l’attachante Tania dans un monde de convulsions.

J’ai pensé au comportement de Marcel Conche quand réfractaire et se déplaçant pour échapper à tout embrigadement (ou STO ou Résistance dans les rangs de l’AS, des FFI ou des FTP), il se retrouve avec d’autres à devoir traverser une clairière où bivouaquent des Allemands. Les officiers sont au mess, les soldats déjeunent. Les réfractaires passent naturellement. Peu de temps après, Marcel Conche apprend que ce sont les SS de la division Das Reich, celle qui a pendu à des crochets de boucher, 99 habitants de Tulle, le 9 juin 1944 (il apprend que c’est la veille de son passage) et qui, le 10 juin 1944, rasera Oradour-sur-Glane brûlant 642 personnes dont 247 enfants. Nous racontant cette scène, il y a une dizaine de jours, il nous dira : les Allemands ne peuvent pas faire deux choses en même temps ; ou ils tuent, ou ils mangent. Ils avaient tué, ils mangeaient. On a pu traverser. Et entré dans le bois, il se sépara de ses compagnons pour avoir plus de chances de s’en sortir seul.

Si je rapporte cette histoire à propos du spectacle, c’est que la vie en Israël est sur le fil, le cul entre deux chaises. Parce que ce pays est cerné comme Tania, cernée par nous. Parce que ce pays est un pays d’occupants et un pays d’assiégés. Parce que ce pays subit la pression démographique palestinienne interne et finira peut-être par perdre son identité juive.

Le mur de pavés avec ses deux petits drapeaux israéliens dit la fragilité de ce pays, contraint à s’encercler, à s’enfermer ou le faisant volontairement. Le mur connaîtra nécessairement un jour l’effet domino, comme tous les murs. D’où viendra le coup de pied qui l’effondrera ? Pour le meilleur, pour le pire ou un mélange des deux ?

 

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Tania’s Paradise est un spectacle fabriqué avec de l’intime, porté à l’incandescence politique par le travail de contorsionniste de Tania avec ses pavés et ses poupées.

Spectacle se révélant profondément politique sans délivrer aucun message pro ou anti-israélien. Donnant à sentir une situation indécidable, en équilibre instable, pouvant à tout moment basculer. Comme Tania enlevant un pavé de son dernier édifice.

Va-t-il s’écrouler ?

Noir.

Ce spectacle a été créé en hébreu en Israël. Il se joue et se jouera en français, chez nous. Une version anglaise est en préparation. C’est dire l’attente de la compagnie et de la production In8Circle.

 

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Ce spectacle connaîtra peut-être le sort du Tour complet du cœur, 547 représentations et ce n’est pas fini, 3 éditions du livre. Ou de Gilles et Bérénice, déjà 140 représentations et 1 édition.

La compagnie Attention fragile vient de s’installer à La Valette, accueillie par la ville et le Conseil général du Var.

Cette compagnie foraine qui apporte ses spectacles là où le théâtre ne va pas, avec ses 5 chapiteaux,  est atypique dans le paysage théâtral français. Elle prouve qu’on peut inventer, innover, tisser des liens durables en circulant dans les territoires, en allant vers les autres dans la proximité.

Je suis fier d’avoir été le premier à accueillir Le Tour complet du cœur dans le Var, au Revest. Et d’être l’éditeur de cet auteur subtil qu’est Gilles Cailleau, saltimbanque de l’étrangeté de l’âme ordinaire.

 

Jean-Claude Grosse, le 19 décembre 2012

 

Commentaire

Bonjour Jean Claude,

Très intéressant ton article sur ce spectacle, j'aimerais bien le voir si c'est possible lorsque je serai en France. L'idée de ces chapiteaux est très intelligente et importante. Gilles revient au théâtre comme il était pratiqué il y pas si longtemps, les saltimbanques passant de ville en ville.
Quant à Israël c'est bien compliqué. Je suis en train de préparer un texte qui va s'appeler "The Massada complexe" qui parle justement de la destruction d'Israël. Je pense en effet qu'il y aura une nouvelle diaspora d'ici... peut-être même de mon vivant. Pas uniquement du fait des palestiniens et de leur démographie galopante, mais peut-être surtout de la démographie tout aussi galopante des juifs orthodoxes, et crois-moi le Hamas à côté ce sont des enfants de choeur. A moyen terme, ce pays qui est déjà par sa nature un pays fasciste (ce n'est pas moi qui le dis, mais l'historien américain Robert Paxton dans son livre The Anatomy of Fascism), deviendra ultra-fasciste... Le risque c'est que les Israëlliens modérés se cassent. Exactement comme mon beau-frère qui voudrait envoyer en avant-garde ses deux fils 14 et 12 ans vivre en France, parce qu'il n'a pas envie de les voir se faire tuer pour défendre les intérêts de colons qui pour une bonne part sont des orthodoxes. On serre les fesses à l'idée que les Iraniens puissent avoir la bombe. Moi je serre les fesses à l'idée que les juifs orthodoxes prennent le pouvoir d'un état qui l'a déjà.

Sur ce bonne journée à toi,

Marc

 

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photo prise à Jérusalem pendant un mariage religieux

 

Tania's Paradise vient de paraître

Soirée Diderot au Grand Parquet, le 27 mai

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Diderot n'a pas eu d'après moi, la célébration qu'il méritait
il y a eu quelques événements (il n'a pas fait très attention, occupé qu'il est avec le noyau qui l'étouffe depuis si longtemps)
il n'y a pas eu de Panthéon (il s'en moquerait peut-être mais pas sûr)

avec nos moyens, nous inscrirons dans le temps une quinzaine de manifestations
à partir d'écritures vivantes nourries de Diderot
après La Seyne-sur-Mer (12 octobre 2013),

Ferrières en Bray (2 fois, 9 novembre 2013, 15 février 2014),

Avignon (16 novembre 2013),

Lille (7 décembre 2013),
Paris (Maison des Auteurs, 9 décembre),

Caen (23 février 2014),
avant Marseille (le 25 mai)
avant Nantes (le 19 juin),

Avignon (2 fois cet été, les 11 et 13 juillet),

Hyères et Forges-les-Eaux à l'automne
une 2° soirée Diderot est organisée à Paris, dans un mois

date mardi 27 mai
heure 19 H
lieu Le Grand Parquet
Jardins d'Éole
35 Rue d'Aubervilliers, 75018 Paris
métros : Stalingrad, R
iquet, Marx Dormoy

entrée libre

réservations au 01 44 06 62 77

déroulement de la soirée :
présentation du projet, de la soirée et de l'agitateur Ulysse Fellous par JC Grosse

36 écrivains à parité se sont confrontés à la diversité et modernité des écritures de Diderot avec des textes de 1000 mots. Ils se sont demandés en quoi il éclaire ou peut éclairer notre monde, notre temps, nos mœurs, nos aigreurs, nos peurs, nos récentes percées scientifiques, nos vieilles spéculations métaphysiques.

appel des lecteurs et titre des textes lus par Michèle Albo
Michèle Albo Diderot conteur par Michèle Albo
Benjamin Oppert Le parking Diderot de la gare-de-Lyon par Sandrine Charlemagne
abécédaire de Françoise Thyrion, 6 lettres par Benoît Rivillon
réaction d'Ulysse Fellous, agitateur de la soirée, réaction à vif sur les textes proposés
Sandrine Charlemagne Requiem pour un philosophe par Frédéric Andrau
Sophie Jabès Histoire d'une fatalité par Sophie Jabès
abécédaire 6 lettres par Benoît Rivillon
réaction d'Ulysse Fellous
Sabine Mallet Petit galimatias à la Jacques par Sabine Mallet
Bertrand-Marie Flourez I, comme Idéologie ou intégrisme ? par Sandrine Charlemagne
abécédaire 6 lettres par Benoît Rivillon
réaction d'Ulysse Fellous
Claudine Vuillermet La rencontre du paradoxe par Benoit Rivillon
Anne-Pascale Patris La Lettre par Frédéric Andrau
abécédaire 6 lettres par Benoît Rivillon
Dominique Chryssoulis À Sophie pour la vie par Estelle Bonnier-Bel Hadj
réaction d'Ulysse Fellous sur l'ensemble de la soirée et dialogue avec le public


Baptiste Moussette assurera la vente des livres, avec le sourire
livres vendus à 10 € au lieu de 18

ce serait bien que ce soit plein pour une fête avec des mots d'auteurs bien vivants pour un auteur si actuel
je compte sur vous pour ramener ban et arrière-ban par mail, facebook et tout autre vecteur, autobus gratuit, taxi payé ...

l'événement est sur facebook
https://www.facebook.com/events/598340220260120/?ref=22

amitié
JCG

Soirée Diderot au Grand Parquet, le 27 mai

Mon Bosphore à moi / Toulon / 13-17 mai

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un événement sur l'aire toulonnaise, ça arrive
ce n'est pas le désert culturel qu'on croit
vous remarquerez cependant qu'ils se sont mis à plusieurs partenaires pour un événement dont on ne connaîtra pas le coût
mais qui sera un coup sur 4 jours
avec une riche programmation tous azimuts que personne ne pourra suivre dans sa totalité;
il y aura nécessairement de la déperdition

évidemment, ce qui suit est habituel
la pièce de théâtre Mon Bosphore à moi,
écrite par Izzeddin Çalislar en résidence à la Bibliothèque Armand Gatti en même pas deux mois,
bilingue, turc et français,
traduite par Sedef Ecer, l'auteur turc et Georges Perpes,
éditée par Les Cahiers de l'Égaré (en une semaine, dans l'urgence)
selon un partenariat bien rôdé entre la Bibliothèque et Les Cahiers
n'est pas citée dans le carton ni l'auteur,
pas plus que n'apparaît le logo des Cahiers de l'Égaré
dans le programme, la pièce est évoquée mais pas l'éditeur
cette pièce cependant restera,
on la trouvera même dans 4 librairies d'Istanbul
avec les mots doux de Napoléon III et d'Eugénie, ma lapine, mon lapin, rires assurés
elle sera disponible chez mon diffuseur Soleils, 23 rue de Fleurus, 75006 Paris, dans quelques semaines

les EAT filiale Méditerranée qui faisaient leur AG à la Bibliothèque Armand Gatti le 5 avril
après un atelier d'écriture Cervantes-Shakespeare
ont rencontré l'auteur, ont échangé avec lui, ont partagé le repas
je lui ai offert quelques titres pluriels : Envies de Méditerranée, Marilyn après tout, Diderot pour tout savoir;
il a eu aussi Les pieds tanqués de Philippe Chuyen

je me ferai un plaisir d'aller au vernissage du 13 mai avec des livres plein les bras
j'irai bien sûr à la lecture de la pièce le 17 mai à la villa Tamaris Pacha

je prendrai le bateau le 17 mai à 16 H 15 pour traverser la rade, c'est toujours un plaisir
comme ce sera un plaisir de retrouver la villa Tamaris Pacha
devenant progressivement mon mémorialiste, je me souviens
d'une lecture d'Ulysse de James Joyce donnée le 11 mars 1995 avec Cyril Grosse, François Marthouret, Christian Mazucchini, Fred Andrau, Laurent Chouteau, Valérie Marinèse, Jeanne Mathis, Yvan Mathis, Alex Burési
deux autres souvenirs liés à la villa,
deux résidences d'écriture, une pour Jean-Yves Picq, l'autre pour Salah Stétié
deux résidences inabouties,
les textes attendus, L'horizon des événements et Beyrouth n'ayant pu être produits par les résidents
est-ce que ça arrive souvent ?
évidemment, les sommes investies n'ont pas été remboursées
il m'a fallu donner des explications au Ministère pour l'un d'eux

j'écouterai attentivement Mon Bosphore à moi dont malheureusement on ne nous dit pas qui le lira
il y a toujours quelqu'un d'oublié

Jean-Claude Grosse
président des EAT MED,
éditeur des Cahiers de l'Égaré

Mon Bosphore à moi de Izzeddin Çalislar
traduit du turc en français par Sedef Ecer ( Les Cahiers de l'Égaré, 2014)
Villa Tamaris, Centre d'art
avenue de la Grande Maison, La Seyne-sur-Mer

Boursier du Centre National du Livre, Izzeddin Çalislar est arrivé d'Istanbul mi-mars en résidence à la bibliothèque de théâtre Armand Gatti pour écrire en turc sa pièce Hususi Boğaziçi / Mon Bosphore à moi.
La pièce est inspirée de la vie d'un officier de la marine française et homme d'entreprise qui fit fortune en Turquie, Blaise Jean Marius Michel (1819, Sanary - 1907, La Seyne-sur-Mer).
Appuyé par Napoléon III, Michel est nommé, en 1855, directeur des phares et balises par le sultan Abdul-Medjid : il dirige la construction de cent onze phares sur les côtes de l'Empire ottoman, de la mer Noire à la Méditerranée. En échange, il obtient du sultan un pourcentage sur les droits de navigation dans ces eaux. En 1879, il obtient une nouvelle concession, celle des quais des ports d’Istanbul. Revenu en France riche et avec le titre de "pacha", séduit par la ressemblance du site avec le Bosphore, il achète à la Seyne-sur-Mer soixante hectares de terrain et crée à Tamaris un des premiers lieux de villégiature de la Côte d'Azur. Il y fait bâtir un grand hôtel, des casinos, des dizaines de villas, un bureau des postes, une chapelle… Il lance une compagnie maritime assurant le transport entre Toulon et La Seyne. Deux de ses bateaux à vapeur ont pour nom Istanbul et Bosphore...

Fiction basée sur des documents historiques, Hususi Boğaziçi / Mon Bosphore à moi est une comédie burlesque franco-turque à cinq personnages. L'action se situe dans la première décennie du XXème siècle, non loin du Bosphore... Outre les Français Marius Pacha, Napoléon III et sa femme l'impératrice Eugénie, on pourra y découvrir deux personnages du théâtre traditionnel turc ( Orta Oyunu ), les populaires et farceurs duettistes Kavouklou et Pishékar.
La pièce sera lue pour la première fois le samedi 17 mai, 17h dans le quartier même bâti par Marius Michel, à la villa Tamaris-Centre d'art.
La traduction en français a été réalisée par la dramaturge franco-turque Sedef Ecer.
Allers-retours : imprimé à Istanbul, le texte est édité en version bilingue (turc-français) par la maison d'édition varoise Les Cahiers de l'Égaré.
Pour les personnes prenant le bateau-bus au port de Toulon ( 16h15 - arrivée ponton Tamaris, 16h35 ), la traversée maritime puis la montée vers le Centre d'art feront l'objet d'un accompagnement commenté.

La lecture de Mon Bosphore à moi s'insère dans le cadre du Festival Scènes Grand Écran ( 13 -17 mai 2014 ). Initié par le Centre National du Théâtre, porté par le Théâtre Liberté en partenariat avec la bibliothèque Armand Gatti, le cinéma Le Royal, le CNCDC Châteauvallon, la Maison de la Photographie, l'Opéra de Toulon, le Pôle Jeune Public, Tandem, TLN et la villa Tamaris-Centre d'art, cette manifestation pluridisciplinaire est entièrement consacrée à Istanbul.

Izzeddin Çalislar est né à Istanbul en 1964. Pour le théâtre, il a écrit et mis en scène "Aids Reklama Çikiyor" ( SIDA fait de la pub, 1992 ), écrit et publié "Gizli Bahçe" (Le Jardin Secret), éditions Misirli Mat., 2000, mise en scène de Işıl Yücesoy. Il a traduit de l'anglais en turc "La nuit du 16 janvier" de Ayn Rand ( 16 Ocak Gecesi, 2003 et 2007); il a cotraduit du français en turc deux pièces de Sedef Ecer : "Eşikte" (Sur le seuil, L'Amandier, 2012) et "Silsilename " (Les Descendants, L'Espace d'un instant, 2013).


Georges Perpes
06 81 87 90 84

Orphéon
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti
5, Place Martel Esprit
83500 La Seyne-sur-Mer
http://www.orpheon-theatre.org/bibliotheque/litteraire/accueil_auteur.html

Mon Bosphore à moi / Toulon / 13-17 mai

Le Cosmos et le Lotus/Trinh Xuan Thuan

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Le Cosmos et le Lotus

de Trinh Xuan Thuan

Confessions d’un astrophysicien

Livre de Poche 2013

Voilà un livre d’excellente vulgarisation scientifique sur les origines et devenirs de l’univers en même temps qu’une autobiographie d’une grande authenticité, ouverte sur des questionnements philosophiques, épistémologiques, historiques, politiques, éthiques, spirituels où le bouddhisme occupe une place importante.

Trinh Xuan Thuan, fils d’une famille de mandarins vietnamiens a connu tous les déchirements vécu par le Vietnam pendant 30 ans, de la guerre d’Indochine à l’après-guerre du Vietnam. Les pages consacrées à son pays, aux deux conflits, à l’après-guerre, au sort de son père, président de la cour suprême du Vietnam sous le régime du sud et donc interné en camp de rééducation sont très limpides : on y voit comment les Américains par peur du communisme s’engagent dans un conflit qu’ils vont perdre, livrant des millions de Vietnamiens au sort des boat people.

À cause du discours de Phnom Penh du Général de Gaulle le 1° septembre 1966, Saigon rompant les relations diplomatiques avec Paris, l’auteur, brillant élève, ne peut intégrer le lycée Louis-le-Grand qui l’avait accepté et se retrouve en Suisse à Lausanne. N’y trouvant pas son compte car voulant se former à la physique au plus haut niveau, il pose sa candidature dans trois établissements prestigieux des Etats-Unis, le MIT, le Caltech et Princeton. Admis avec bourse dans les trois établissements, il choisit le Caltech où enseignent deux scientifiques de renom, Feynman et Gell-Mann. Il avait eu la chance comme il dit, d’être au bon endroit au bon moment pour tomber dans la marmite de l’astronomie et devenir astrophysicien.

Conditions initiales (celles d’un fils de mandarin éduqué dans le confucianisme, soucieux de s’instruire et de se former, soucieux aussi de la voie du ren, la plénitude d’humanité) et conditions exceptionnelles de nature historiques et politiques, modificatrices de trajectoire ont contribué à faire de Trinh Xuan Thuan, le chercheur et le sage qu’il est devenu, en toute liberté.

La clarté de ses exposés sur ce que l’astrophysique nous apprend aujourd’hui est à souligner. Dans une langue qui est celle de son éducation au lycée français de Saigon, il nous rend accessibles des données s’exprimant en langage mathématique. Nous voici en contact avec l’univers, avec les avancées, les hypothèses, les conditions de travail des chercheurs en sciences fondamentales. L’auteur est d’une grande honnêteté dans ce qu’il nous dit, ne cachant pas ce qui fait problème que ce soit sur les plans théorique, épistémologique ou éthique. Il n’hésite pas à se prononcer dans les débats non encore tranchés par la science, préférant l’hypothèse d’un univers à celle des multivers, un principe anthropique fort à un principe faible, montrant ce qu’apportent les notions d’incertitude, d’indétermination, d’imprédictibilité, d’incomplétude et d’indécidabilité à un ensemble de lois et de constantes universelles faisant l’essentiel de l’édifice scientifique d’aujourd’hui, un ensemble qui rend compte, explique dans le détail, sans tout expliquer, laissant place au hasard, au chaos, au contingent, à la créativité de l’univers.

Ses considérations sur les principes du bouddhisme, l’interdépendance, la vacuité, l’impermanence, sont d’une grande pertinence sans me convaincre complètement, lui non plus d’ailleurs, sauf dans la pratique éthique du bouddhisme.
On sort de la lecture de ce livre passionnant, riche d’une conscience plus grande. On se sent en symbiose avec cet univers qui tend peut-être vers une conscience et où donc nous avons peut-être notre place pour lui donner son sens. Autrement dit, cet univers contiendrait en puissance dès l’origine, l’apparition de la conscience pour en saisir l’organisation, la beauté et l’harmonie. C’est un livre de réenchantement du monde et Pascal ne serait plus effrayé. Quand je considère la petite durée de la vie, absorbée dans l’éternité précédente et suivante, le petit espace que je remplis, et même que je vois, abîmé dans l’infinie immensité des espaces que j’ignore et qui m’ignorent, je m’effraie et m’étonne de me voir ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m’y a mis ? Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi ? Trinh Xuan Thuan partage la conviction d’Einstein : Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l'ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un dieu qui se préoccupe du sort et des actions des êtres humains, a télégraphié Einstein au rabbin Goldstein qui lui demandait s’il croyait en Dieu.

Ah si je pouvais organiser une rencontre entre Trinh Xuan Thuan, 65 ans, et Marcel Conche, 92 ans, l’un parlant de l’Univers, l’autre de la Nature, l’un exposant ses vues sur le bouddhisme, l’autre sur le taoïsme, tous deux disant en quoi consiste La voie certaine vers « Dieu ». Cela ferait, j’en suis sûr, un bel entretien et un petit livre essentiel.

En attendant voici une rencontre inédite. Elle s'est passée le 10 août 2013 pour la nuit des étoiles, au gîte de Batère à Corsavy. En fait j'étais en Espagne catalane pour préparer la chaîne humaine de 400000 personnes du 11 septembre 2013 mais comme selon le principe de non-séparabilité de l'espace exigé par la mécanique quantique, ici et là c'est identique, je n'ai eu aucun problème pour être aux deux endroits en même temps.

Playlist de la rencontre du 11 novembre 2009 entre Marcel Conche et Edgard Gunzig, cosmologiste.

Opacité/Clarté

Entretien entre une cosmologue et un philosophe

10 août 2013. Soirée (g)astronomie au gîte de Batère, 1500 mètres d’altitude, à Corsavy. Ciel constellé. Pour observation après le repas.

Ont été invités Ada Lovelace, descendante de Lord Byron, 36 ans, cosmologue, génie du calcul intensif et Marceau Farge, fils de paysans corréziens, 91 ans, philosophe naturaliste d’une grande liberté d’esprit.

Marceau – Je me suis souvent demandé, Madame, ce que nous apportait la science : des certitudes valables un temps seulement, souvent contestées du temps même de leur prééminence, sur lesquelles s'appuient des volontés intéressées de maîtrise sur la nature et sur l'homme. N'est-ce pas ainsi qu'il faut voir la recherche acharnée des constantes ?

Ada – Les quinze constantes physiques actuelles sont d’une précision et d’un équilibre qui nous ont rendu possible : matière, vie, conscience. Votre méditation métaphysique, cher Marceau, n’est qu’une spéculation solitaire sans vérifications. Les chercheurs avec leurs télescopes comme Hubble captent des lumières (la gamma, la X, l’ultraviolette, la visible, l’infrarouge, la radio) de plus en plus faibles provenant de l’univers (sans lumières, ils sont dans le noir). Voir faible c’est voir loin dans l’espace indéfini et tôt dans le temps immense. Nos tâtonnements lents, rigoureux, collectifs, débouchent sur un modèle d’univers cohérent et beau, en symbiose avec nous.

Marceau – La disproportion entre l'opacité et la clarté ne plaide-t-elle pas pour la méditation impatiente et quasi-aveugle sur l'opacité ? Elle ne dérange pas l'ordre des choses étant sans volonté de puissance, sous-jacente au désir de savoir.

Ada – Vous provoquez là ! Votre métaphore n’a rien d’aveuglant. Nous, chercheurs, mettons en place des notions nous permettant d’éclairer l’opacité : hasard, chaos, inflation, singularité, fluctuation quantique. Nous voyons se multiplier les paradoxes qui mettent à mal nos modèles à contraintes et constantes

Marceau – la métaphysique en a inventés, inventoriés depuis longtemps. Voyez Anaximandre, son infini, son germe universel, Héraclite, le feu comme principe de création, destruction, bien avant votre big bang, Démocrite, ses atomes, Épicure, le clinamen (une déviation, une mutation). La contemplation ouvre sur des visions développées en métaphores

Ada – vos métaphores métaphysiques, Marceau, sont figées. Nos paradoxes scientifiques sont dynamiques. Pensez aux effets du paradoxe EPR (1935) qui révèle qu’ici est identique à (1998). Observer en 1998 que l'expansion de l'univers, décelée en 1929, est en accélération oblige à poser l'existence d'une énergie répulsive responsable de cette accélération. On postule l'énergie noire. Et les calculs intensifs, pétaflopiques, bientôt exaflopiques, que j’entreprends avec les calculateurs Ada et Turing sont réalisés pour tenter de la caractériser avant de la déceler.

Marceau – On a donné votre nom à un calculateur pétaflopique ? (Elle rit.) Rien n'interdit ma méditation de se nourrir de vos calculs. Échange chiffres contre images. Pour évoquer la recherche de la vérité, je vois un archer tirant dans le noir. Où est la cible ?

Ada – Les constantes sont d’une telle précision qu’il faut que votre archer vise une cible carrée d’un centimètre placée aux confins de l’univers. Enlevez un 0 à 10 puissance 35 et vous avez un univers vide et stérile.

Marceau – Savoir que nous sommes des poussières d'étoiles dans un univers anthropique, connaissances scientifiques du jour, enrichit ma pensée de la Nature, m'évite de m'égarer dans une théologie créationniste ou dans une métaphysique matérialiste, déterministe et réductionniste comme celle du Rêve de d’Alembert de Diderot

Ada – d’autant que nous distinguons deux sortes de matières, la matière lumineuse, visible et la matière noire, jamais observée, comme l’énergie noire

Marceau – si vous permettez que je vous appelle Ada, le noir, Ada, semble dominer votre domaine de recherches

Ada – 73% d’énergie noire, 23 % de matière noire, 4% de matière ordinaire dont 0,5% de matière lumineuse, telles sont les proportions proposées aujourd’hui pour l’univers

Marceau – soit 0,5% de clarté pour 99,5% d’opacité. Le raccourci de la méditation sur le Tout de la Réalité me convient mieux que le long chemin sinueux de la connaissance parcellaire qui bute sur le mur de Planck.

Ada – Cela nous mène où, Marceau ?

Marceau – vous Ada, à savoir presque tout sur presque rien, moi à voir la Nature comme infinie, éternelle, un ensemble ouvert, aléatoire, en perpétuelle création de mondes inédits, ordonnés, périssables, inconnaissables. Notre conversation par exemple n’était pas programmée bien qu’annoncée. Elle est inédite et restera unique. Parce que c’est vous, parce que c’est moi. L’infini ne s’épuise pas et ne se répète donc pas. Dans de telles conditions de créativité au hasard et d’inconnaissance de cette créativité, la seule attitude me semble être le respect de ce que je ne peux connaître complètement selon le théorème de Gödel de 1931.

Ada – Connaisseur à ce que j’entends. Le chemin de la connaissance scientifique est à l’opposé de votre raccourci méditatif sur le Tout. Il ne vise à expliquer que du détail, même aux dimensions de l’univers. Il rend compte de ce qui existe par des lois et du chaos.

Marceau – Pourquoi ce détail, Ada, l’origine de l’univers, plutôt que tel autre ? parce que la métaphysique vous attend aux confins. Expliquer par du nécessaire et du contingent n’empêche pas les trous noirs entre les différents domaines expliqués incomplètement.

Ada – Ne me dites pas, Marceau, que vous êtes fermé aux efforts de clarté des chercheurs sur tous ces détails. Ce sont les visages troués de votre Nature.

Marceau – Je médite sur ces visages que vous m’offrez mais j’en vois les limites, Ada. L’Univers n’est pas la Nature. Vous vouliez un tableau fidèle. La Réalité vous impose le flou quantique.

Ada – Votre raccourci vous a demandé une vie pour déboucher sur une métaphore de dix lignes

Marceau – sur l’étonnement et l’émerveillement, chère Ada. Ce qui nous a construits, par asymétries et découplages, des atomes primordiaux aux éléments chimiques, puis par code depuis LUCA, des gènes aux hémisphères cérébraux, si dissemblables, le droit (celui des images), le gauche (celui des calculs). Ce qui nous a conduits par les chemins sinueux de la causalité probabiliste, par les raccourcis de la liberté, à Corsavy, aujourd’hui, pour contempler la Beauté.

(Il plonge ses yeux rieurs dans les siens. Elle rit.)

Texte à paraître dans Diderot pour tout savoir en octobre 2013 aux Cahiers de l'Égaré avec 35 autres textes d'autres écrivains.

Jean-Claude Grosse

Le Cosmos et le Lotus/Trinh Xuan Thuan
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